Droit de rétractation : décision du 23 mars 2023 Cour d’appel de Grenoble RG n° 21/02110
Droit de rétractation : décision du 23 mars 2023 Cour d’appel de Grenoble RG n° 21/02110
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C 2

N° RG 21/02110

N° Portalis DBVM-V-B7F-K3TN

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

la SELARL LGB-BOBANT

la SELARL CLEMENT-CUZIN LEYRAUD DESCHEEMAKER

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section B

ARRÊT DU JEUDI 23 MARS 2023

Appel d’une décision (N° RG 20/00180)

rendue par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de GRENOBLE

en date du 29 avril 2021

suivant déclaration d’appel du 06 mai 2021

APPELANTE :

Madame [C] [V]

née le 24 juillet 1980 à [Localité 7]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Jean-christophe BOBANT de la SELARL LGB-BOBANT, avocat au barreau de GRENOBLE

INTIMEE :

ASSOCIATION [5]

[Adresse 4]

[Localité 2]

représentée par Me Laurent CLEMENT-CUZIN de la SELARL CLEMENT-CUZIN LEYRAUD DESCHEEMAKER, avocat au barreau de GRENOBLE

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président,

Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère,

M. Pascal VERGUCHT, Conseiller,

DÉBATS :

A l’audience publique du 01 février 2023,

Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère chargée du rapport, et M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président, ont entendu les parties en leurs plaidoiries, assistés de Mme Carole COLAS, Greffière, conformément aux dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, les parties ne s’y étant pas opposées ;

Puis l’affaire a été mise en délibéré au 23 mars 2023, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L’arrêt a été rendu le 23 mars 2023.

EXPOSE DU LITIGE

Mme [C] [V], née le 24 juillet 1980, a été embauchée par l’Association [5] ([5]) le 19 janvier 2015, suivant contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel, en qualité de responsable ressources humaines, statut cadre, position 2 de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la Métallurgie.

M. [U] [Z], salarié de l’Union des industries et métiers de la métallurgie de l’Isère (UDIMEC), membre fondateur et associé de l’Association [5] en qualité de délégué général et exécutif, disposait du pouvoir de signer les contrats de travail, lettres de licenciement et ruptures conventionnelles.

Selon avenant en date du 25 janvier 2019, Mme [C] [V], qui avait parallèlement été embauchée par contrat de travail à durée indéterminée et à temps partiel, en qualité de chargée de projet certification, statut cadre, par l’Association Alp’compétences, membre associée de l’UDIMEC, a convenu d’un passage à temps complet pour l’Association [5] à compter du 1er janvier 2019.

Suivant courrier remis en mains propres le 15 octobre 2019 Mme'[C]'[V] a été convoquée par l’Association [5] à un entretien préalable, fixé au 22 octobre 2019, en vue d’une rupture conventionnelle du contrat de travail.

Le 22 octobre 2019 l’association, représentée par son délégué exécutif, et Mme'[C]'[V] ont formalisé une convention de rupture du contrat de travail à effet au’31’janvier 2020, moyennant le versement par l’association d’une indemnité spécifique d’un montant de’46’000 euros bruts.

La rupture conventionnelle a été tacitement homologuée par la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE) en date du 28 novembre 2019.

Au terme d’une procédure disciplinaire engagée par convocation en date du 3 janvier 2020, l’UDIMEC a notifié à M. [U] [Z] son licenciement pour cause réelle et sérieuse le’21’janvier 2020.

Le 24 janvier 2020, Mme [C] [V] a reçu la visite de Mme [O] [I], responsable comptabilité-finance de l’UDIMEC et de M. [S] [J], juriste de l’UDIMEC pour l’interroger sur les conditions de sa rupture conventionnelle.

Mme [C] [V] a été placée en arrêt de travail pour cause de maladie du’27’janvier’au’15 février 2020.

Par courrier en date du 29 janvier 2020, le président de l’association [5] a indiqué à Mme'[C] [V] que la rupture conventionnelle devait être considérée comme nulle et que le contrat de travail n’avait pas été rompu.

Par courrier en date du 27 janvier 2020 l’UDIMEC a convoqué M. [U] [Z] à un nouvel entretien fixé au 31 janvier 2020.

Par courrier en date du 10 février 2020, M. [U] [Z] s’est vu notifier son licenciement pour faute grave pour avoir abusé de son pouvoir en signant avec Mme [V] une rupture conventionnelle définissant une indemnité d’un montant disproportionné sans en informer ses collaborateurs avisés huit jours avant le terme de son contrat.

Par requête en date du 11 février 2020, Mme [C] [V] a saisi le conseil de prud’hommes de Grenoble en sa formation de référé afin d’obtenir le versement de l’indemnité spécifique de 46’000 euros par l’Association [5], et de diverses sommes, ainsi que l’envoi de ses documents de fin de contrat avec mention de sa rupture conventionnelle au 31 janvier 2020.

Par ordonnance en date du 20 mai 2020, le conseil de prud’hommes de Grenoble, statuant en sa formation de référé, a fait état d’une contestation sérieuse et a invité les parties à se pourvoir sur le fond.

Mme [C] [V] a interjeté appel de cette ordonnance.

Par décision en date du 19 novembre 2020, la cour d’appel de Grenoble a infirmé l’ordonnance de référé en toutes ses dispositions et condamné l’association [5] à verser à Mme'[C] [V] la somme provisionnelle de 46’000 euros bruts à valoir sur l’indemnité de rupture, outre intérêts au taux légal commençant à courir à compter du’11’février’2020.

L’association [5] a formé un pourvoi à l’encontre de cette décision le 29 janvier 2021.

Suivant arrêt en date du 18 mai 2022 la Cour de cassation, au visa de l’article R. 1455-7 du code du travail, a cassé et annulé, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 19 novembre 2020 par la cour d’appel de Grenoble ; dit n’y avoir lieu à renvoi ; et dit n’y avoir lieu à référé sur la demande de versement d’une provision au titre de l’indemnité de rupture.

Par requête en date du 25 février 2020, l’association [5] a saisi au fond le conseil de prud’hommes de Grenoble aux fins de voir dire nulle et de nul effet la rupture conventionnelle signée par Mme [C] [V] et M. [U] [Z], et d’obtenir la condamnation de la salariée à lui verser des dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat.

Mme [C] [V] s’est opposée aux prétentions adverses et a sollicité à titre reconventionnel la condamnation de l’association [5] au paiement de l’indemnité de rupture conventionnelle, et à la remise de ses documents de fin de contrat sous astreinte.

A la même date, l’association [5] a déposé une plainte auprès du procureur de la République contre Mme'[C] [V] pour recel, estimant qu’elle était la bénéficiaire du délit d’abus de confiance commis par M. [U] [Z]. La plainte a été classée sans suite le 25 février 2021.

Par courrier en date du 27 février 2020, Mme [C] [V] a été convoquée par l’association [5] à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 10 mars 2020.

Par lettre en date du 16 mars 2020, l’association [5] a notifié à Mme [C] [V] son licenciement pour faute grave en raison de son absence prolongée injustifiée.

Par jugement en date du 29 avril 2021, le conseil de prud’hommes de Grenoble a’:

– jugé que la rupture conventionnelle signée le 22 octobre 2019 entre Mme [C] [V] et M. [U] [Z] est viciée, l’existence d’un dol étant en tout point caractérisée.

– dit par conséquent que cette rupture conventionnelle est nulle et de nul effet,

– condamné Mme [C] [V] à verser à l'[5] les sommes suivantes :

3 500,00 € à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

1 500,00 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Lesdites sommes avec intérêts de droit à la date du présent jugement,

– débouté Mme [C] [V] de l’ensemble de ses demandes reconventionnelles,

– dit que chaque partie conservera à sa charge ses propres dépens.

La décision a été notifiée par le greffe par lettres recommandées avec accusés de réception signés le 3 mai 2021 pour Mme [C] [V] et pour l’association [5].

Par déclaration en date du 6 mai 2021, Mme [C] [V] a interjeté appel à l’encontre dudit jugement.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 6 août 2021, Mme'[C] [V] sollicite de la cour de’:

Vu les articles L. 1237-11 et suivant du code du travail,

Vu l’article 1194 du code civil,

Dire et juger que l’appel partiel de Mme [C] [V] est parfaitement recevable et totalement bien fondé.

Y faisant droit, Infirmer intégralement le jugement entrepris, et, statuant par nouvelle décision,

– Dire et juger que la rupture conventionnelle de contrat de travail à durée indéterminée conclue le 22 octobre 2019 entre l’Association [5] ‘ [5] et Mme [C] [V] est parfaitement régulière et valable, pour n’être entachée ni de vice de consentement, ni de fraude.

– Débouter l’Association [5] ‘ [5] de l’intégralité de ses demandes.

– Condamner l’Association [5] ‘ [5] d’avoir à payer à Mme [C] [V] la somme de 46.000,00 € brut à titre d’indemnité de rupture, outre les intérêts à compter du 1er février 2020.

– Condamner l’Association [5] ‘ [5] d’avoir, sous astreinte de 200,00 € par jour de retard passé 7 jours après le prononcé de la décision à intervenir, à remettre à Mme [C] [V] l’ensemble des documents de fin de contrat, soit dernière fiche de paie, certificat de travail avec une rupture au 31 janvier 2020, attestation pôle emploi avec mention d’une rupture conventionnelle au 31 janvier 2020, document sur la portabilité des droits de santé et prévoyance, et solde de tout compte.

– Dire et juger que la cour d’appel de Grenoble se réserve la compétence pour liquider l’astreinte provisoire et la convertir, le cas échéant, en astreinte définitive.

– Condamner l’Association [5] ‘ [5] d’avoir à verser à Mme [C] [V] la somme de la somme de 10.000,00 € nets, à titre de dommages-intérêts pour non-respect de la rupture conventionnelle du contrat de travail, et à la somme de 5.000,00 € nets, à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral subi, outre intérêt à compter du prononcé de la décision à intervenir.

– Condamner l’Association [5] ‘ [5] d’avoir à verser à Mme [C] [V] la somme de 4.000,00 €, en application de l’article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles de 1ère instance, et d’appel.

– Condamner l’Association [5] ‘ [5] aux dépens de 1ère instance et d’appel, ces derniers distraits au profit de la SELARL LGB-BOBANT, Avocats Associés sur ses offres de droit, en application de l’article 699 du code de procédure civile.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 4 novembre 2021, l’association [5] sollicite de la cour de’:

Confirmer en tous points le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Grenoble le’29’avril 2021;

Y ajoutant,

– Ordonner, en tant que de besoin, le remboursement par Mme [C] [V] des sommes qu’elle a perçues au titre de l’exécution de l’arrêt de la chambre sociale de la cour d’appel de Grenoble du 19 novembre 2020 ;

– Condamner Mme [C] [V] à verser à l'[5] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Condamner la même aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Pour un exposé complet des moyens et prétentions des parties, il convient au visa de l’article’455 du code de procédure civile de se reporter aux conclusions des parties susvisées.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 1er décembre 2022.

L’affaire, fixée pour être plaidée à l’audience du 1er février 2023, a été mise en délibérée au’23’mars 2023.

Par notes en délibéré, sollicitées par la cour, les parties ont précisé quelles sommes avaient été d’ores et déjà versées au titre, respectivement de l’indemnité de licenciement et de l’exécution de l’arrêt de la cour d’appel de Grenoble du 19 novembre 2020.

MOTIFS DE L’ARRÊT

1 ‘ Sur la nullité de la rupture conventionnelle

Aux termes de l’article L.1237-11 du code du travail, l’employeur et le salarié peuvent convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie. La rupture conventionnelle, exclusive du licenciement ou de la démission, ne peut être imposée par l’une ou l’autre des parties. Elle résulte d’une convention signée par les parties au contrat.

Elle est soumise aux dispositions destinées à garantir la liberté du consentement des parties.

L’article L.1237-13 prévoit plus spécialement qu’à compter de la date de la signature par les deux parties de la convention, chacune d’elles dispose d’un délai de 15 jours calendaires pour exercer son droit de rétractation.

L’article L. 1237-14 du même code dispose qu’à l’issue du délai de rétractation, la partie la plus diligente adresse une demande d’homologation à l’autorité administrative laquelle dispose d’un délai de 15 jours ouvrables, à compter de la réception de la demande, pour s’assurer du respect des conditions légales et de la liberté du consentement des parties, l’homologation étant réputée acquise à défaut de notification dans ce délai.

La validité de la convention est subordonnée à son homologation.

La’rupture conventionnelle’homologuée doit garantir la liberté de consentement des parties et être exempte de’fraude’sous peine de’nullité.

Il appartient à l’employeur’qui sollicite la’nullité’de la’rupture conventionnelle’de démontrer l’existence de la fraude ou du vice du consentement qu’il allègue.

En l’espèce, l’association [5] argue d’une connivence ayant existé entre Mme [V], sa responsable des ressources humaines, et M. [Z], délégué exécutif de l’association au moment de la négociation de sa rupture conventionnelle en faisant valoir que ce dernier lui a consenti une indemnité de rupture dont le montant de 46 000 euros, en sus d’être démesuré par rapport à l’indemnité de rupture à laquelle elle aurait pu prétendre avec ses 5 ans d’ancienneté en cas de contentieux, oscillant entre 3 et 6 mois de salaires, était sans aucune proportion avec les indemnités de rupture conventionnelle qu’il négociait habituellement avec les salariés de l’association ayant une ancienneté similaire, et convenu avec Mme [V] de différer sans aucune explication la fin de son contrat de travail de plus de deux mois, soit pour le’31’janvier’2020 à l’insu de leurs responsables et collaborateurs.

Aussi, elle développe des moyens tirés tout à la fois du dol et de la fraude.

En application des dispositions des articles 1137 et 1138 du code civil, dans leur version applicable au litige, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque des mensonges ou des man’uvres pratiquées par l’une des parties, sont tels qu’il est évident que, sans ces man’uvres, l’autre partie n’aurait pas contracté. Le dol est également constitué s’il émane d’un tiers de connivence.

En l’espèce, il convient de relever qu’à la date de l’acceptation de la rupture conventionnelle du’22’octobre 2019, l’association [5] était régulièrement représentée par M. [U] [Z] en sa qualité de directeur exécutif.

Or, les éléments avancés par l’association ne caractérisent pas l’existence de man’uvres, mensonges ou dissimulations de la part de sa salariée, qui auraient été déterminants du consentement donné par le représentant de l’employeur au moment de la signature du contrat.

En effet, les éléments développés par l’association, qui argue d’une collusion des deux signataires, ne tendent pas à caractériser des man’uvres ou une dissimulation d’informations, par Mme [C] [V], de nature à influer sur le consentement exprimé par M.'[U]'[Z] en qualité de représentant de l’association, ou à le tromper, au moment de la signature du contrat de rupture.

En outre, les éléments versés aux débats ne révélent pas que la salariée aurait été informée, dans le cadre de la négociation de sa rupture conventionnelle, du fait que son co-contractant aurait agi en abusant de ses pouvoirs de directeur exécutif en fraude des droits de l’association.

En effet, d’une première part, l’association [5] soutient que Mme [V] et M. [Z] ont agi de concert «’pour que leur départ intervienne de manière concomitante’» (page 18 des conclusions de l’association intimée) sans que les éléments versés aux débats ne démontrent qu’à la date de la signature de la rupture conventionnelle, M. [Z] pouvait envisager son départ de l’association, son licenciement n’ayant été initié qu’en janvier 2020.

D’une deuxième part, il ne ressort pas des ruptures conventionnelles produites par l’association que ces actes donnaient habituellement lieu à un échange avec l’UDIMEC, de sorte qu’il n’apparaît pas que la salariée se serait volontairement abstenue d’aviser l’UDIMEC de son départ des effectifs, ni qu’elle aurait été informée de ce que M. [Z] se serait volontairement abstenu d’en informer l’UDIMEC.

D’une troisième part, l’association [5] produit trois attestations tendant à démontrer que M.'[U] [Z] et Mme'[C]'[V] n’ont pas informé leurs collaborateurs de cette décision avant le’22 janvier 2020 alors que la rupture était signée depuis le’22’octobre’2019.

Or, l’attestation rédigée par M. [H] [K], directeur du centre de formation et d’apprentissage du [6], structure de l’association [5], est trop imprécise pour revêtir un caractère probant dès lors que le témoin ne précise nullement à quel dossier il fait référence en se limitant à déclarer «’j’ai été informé la veille du départ sans aucune autre connaissance du dossier’».

Aussi, Mme [G] [F], responsable comptable de l’association [5], atteste certes n’avoir reçu le document relatif à la rupture conventionnelle de Mme [C] [V] que le mercredi’22’janvier 2020 au matin en précisant «’M. [Z] m’a demandé de garder cette information confidentielle en soulignant qu’il se chargeait d’informer lui-même les personnes concernées’».

Cependant, la cour relève que cette attestation, rédigée le 22 septembre 2020, ne fait pas état d’un comportement similaire de la part de Mme [C] [V]. Il ressort au contraire d’un échange de courriels en date du’10’décembre 2019 que Mme'[F] avait été informée du départ de Mme [V], celle-ci lui faisant part de son intention d’informer «'[B]’» et «'[X]’» de «’son sort’». Encore, Mme'[F] lui décrivait son malaise face aux questions de [B] qui l’avait interrogée sur le changement de comportement de Mme'[V] et son possible départ. Aussi elle lui proposait de «’se cale[r] pour les informer quasiment en même temps ».

Il en résulte que la salariée n’avait pas fait preuve d’une attitude dissimulatrice à l’égard de Mme'[F], responsable comptable de l’association.

En revanche, il ressort de l’attestation de Mme [O] [I], responsable administration finance, qu’elle n’avait pas été informée de la fin du contrat de sa collègue puisqu’elle déclare’: « J’ai été informée du départ de Madame [C] [V] le jeudi 23 janvier 2020 par un appel téléphonique de Monsieur [U] [Z]. Il a fait un point sur un certain nombre de dossiers en cours, il a listé les ruptures conventionnelles en cours et en dernier lieu il a mentionné qu’une rupture conventionnelle avait été signée en octobre 2019 avec Madame ‘[C] [V] (sans indiquer le montant de l’indemnité de rupture), avec une date de sortie des effectifs au’31 janvier 2020 ».

Mme [C] [V] fait valoir à bon droit qu’il ne lui incombait pas de prévenir le personnel de l’association.

Toutefois, elle ne s’explique pas sur le fait de s’être spécifiquement abstenue d’en parler avec la responsable administration finance pendant plusieurs mois en dépit du temps dont elle disposait pour préparer son départ et de l’imminence de la prise d’effet de la rupture.

Elle soutient désormais qu’elle avait reçu pour consigne de ne pas en parler pour ne pas affecter son autorité dans ses fonctions avant son départ (page 15 de ses conclusions), alors qu’il ressort des notes de l’audience tenue devant le bureau de référé du conseil de prud’hommes le’26’février 2020, qu’elle avait soutenu au contraire avoir avisé l’ensemble de ses collègues.

Aussi, la salariée verse aux débats trois attestations de témoin qui déclarent avoir été informés par Mme'[C] [V], courant novembre ou décembre 2019, qu’elle quitterait ses fonctions de responsable ressources humaines de l’association [5], le 31 janvier 2020, dans le cadre d’une rupture conventionnelle. Or, seule l’attestation émanant de Mme'[N]'[A], formatrice en gestion mentale, se révèle pertinente, la salariée ne justifiant nullement des liens susceptibles d’avoir existé entre l’association et Mme'[T]'[Y], consultante en ressources humaines ni avec Mme [G] [M], formatrice coach consultante.

La salariée produit encore un courriel du 11 décembre 2019 faisant état de l’annulation d’un projet de formation sans caractériser aucun lien avec la rupture de son contrat de travail.

De même, elle ne démontre pas avoir informé M. [P] [E] de la rupture de son contrat en produisant un courriel qui ne retrace que ses propres déclarations faites le 10 mars 2020.

Il s’évince des énonciations qui précèdent que suite à la signature de la rupture conventionnelle, Mme [C] [V] a adopté une position ambivalente en informant sa collègue responsable comptable, tout en s’abstenant de prévenir sa collègue responsable administration finance de l’association [5].

Il en résulte de surcroît qu’en dépit du délai prévu avant la prise d’effet de la rupture et de l’importance de ses fonctions de cadre en qualité de directrice des ressources humaines, Mme'[C]'[V] n’a pas pris de mesure en vue de préparer la cessation de ses fonctions ni ne s’est préoccupée de leur reprise par un successeur.

D’une quatrième part, il ressort des pièces produites par l’employeur que la négociation de ruptures conventionnelles était un mode de rupture couramment pratiqué au sein de l’association.

Dans ce contexte, le mode de rupture choisi ne saurait caractériser un indice de collusion frauduleuse, et il est indifférent que l’association prétende, sans l’étayer, qu’elle n’avait pas l’intention de mettre fin au contrat de travail de Mme [V], et que celle-ci soutienne, sans l’établir, qu’elle menaçait de déposer plainte pour harcèlement.

D’une cinquième part, il est acquis que le montant de l’indemnité de rupture a été fixé un montant conséquent, fixé à 46’000 euros, équivalent à onze mois du salaire de Mme [V] qui justifiait de cinq années d’ancienneté dans l’entreprise.

Toutefois l’employeur échoue à démontrer qu’un tel montant, négocié dans le cadre de la rupture conventionnelle, présenterait un caractère si exorbitant qu’il caractériserait une fraude.

D’une sixième part, c’est par un moyen inopérant que l’association [5] relève que M. [Z] s’était lui-même chargé de solliciter l’homologation de la rupture conventionnelle auprès de la’DIRECCTE alors que son adresse professionnelle était habituellement utilisée pour les demandes d’homologation de ruptures conventionnelles.

D’une septième part, il ne peut être tiré aucun élément utile de la plainte pénale déposée par l’association [5] à l’encontre de Mme [V] d’autant que, par décision du 15 février 2021, le procureur de la République du Tribunal judiciaire de Grenoble l’a avisée du classement sans suite de la procédure au motif suivant «’Un désistement de plainte est intervenu dans la procédure. En conséquence le procureur de la République estime qu’il n’est pas opportun d’engager des poursuites pénales contre vous pour les faits dénoncés ou révélés’».

En conséquence, les éléments de contexte ci-dessus exposés, ne suffisent pas à caractériser une action concertée de Mme [V] avec M. [Z] pour agir en fraude des intérêts de l’association [5].

L’attitude de Mme [V] qui s’est abstenue de préparer la cessation de ses fonctions et d’informer de la responsable administrative et financière de son futur départ ne suffit pas à caractériser un comportement déloyal de la salariée, ni a fortiori une intention de nuire aux intérêts de son employeur.

Enfin, il ne ressort nullement des circonstances énoncées que la salariée aurait suivi la procédure de rupture conventionnelle en étant informée d’un abus de pouvoir ou d’intentions frauduleuses du directeur exécutif au préjudice de l’association.

En conséquence, l’association [5] échoue à démontrer que Mme [C] [V] a signé la convention de rupture conventionnelle en fraude des intérêts de l’association [5], et que le consentement de l’employeur a été vicié par des man’uvres dolosives.

Par infirmation du jugement entrepris, l’association [5] est donc déboutée de sa demande d’annulation de la convention signée le 22 octobre 2019.

Partant, elle est également déboutée de sa demande d’indemnisation au titre d’une exécution déloyale du contrat de travail, par infirmation du jugement dont appel.

2 ‘ Sur les conséquences financières

La rupture conventionnelle signée le 22 octobre 2019 n’étant pas annulée, elle doit produire ses pleins effets, et l’association [5] doit être condamnée à verser à Mme [C] [V] la somme de 46 000 euros.

Or les parties s’accordent à constater, aux termes des notes communiquées à la cour respectivement les 2 et 8 février 2023, que cette somme a d’ores et déjà été réglée à la salariée par le versement de la somme de 5’704,52 euros à titre d’indemnité de licenciement le 18 mars 2020, puis par le paiement par chèque CARPA du 2 décembre 2020 de la somme de 38 886,82 euros, en exécution de l’arrêt de la cour d’appel de Grenoble du 19 novembre 2020, sans qu’aucune restitution ne soit intervenue en exécution de l’arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 18 mai 2022.

En conséquence, il convient de rejeter la demande de restitution des sommes versées par l’association [5] à Mme [C] [V].

3 ‘ Sur les demandes reconventionnelles de Mme [C] [V]

D’une première part, Mme [C] [V] sollicite l’indemnisation d’un préjudice financier résultant de la situation économique du fait pour l’employeur d’avoir refusé d’exécuter la convention de rupture.

Or, en application de l’article 1231-6 alinéa 3 du code civil, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant du retard dans le paiement d’une obligation de somme d’argent ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts de l’intérêt moratoire.

En l’espèce, Mme [C] [V], qui se limite à affirmer qu’elle s’est trouvée en difficultés financières, ne justifie ni de la mauvaise foi de l’association [5] ni de l’existence d’un préjudice distinct du préjudice de sorte qu’il convient de la débouter de sa demande d’indemnisation d’un préjudice financier, par confirmation du jugement dont appel.

D’une seconde part, Mme [C] [V] qui sollicite l’indemnisation d’un préjudice moral subi en raison du caractère infamant de la procédure de licenciement pour faute grave dont elle a fait l’objet, ne produit aucun élément tendant à démontrer le comportement fautif de de l’employeur et le préjudice en résultant de sorte qu’elle doit être déboutée de ce chef de prétention, par confirmation du jugement entrepris.

D’une troisième part, il ressort de la note en délibéré reçue le 2 février 2023 que la salariée reconnaît avoir reçu, avec le chèque libellé à l’ordre de la CARPA d’un montant de’38.886,82’euros, le bulletin de paie rectificatif, le certificat de travail rectifié, un document permettant la portabilité des couvertures frais de santé et prévoyance, ainsi qu’une attestation Pôle Emploi de sorte que la demande tendant à obtenir la condamnation de l’employeur à lui transmettre ces documents sous astreinte est devenue sans objet.

4 ‘ Sur les prétentions accessoires

L’association [5], partie perdante à l’instance au sens des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile, doit être tenue d’en supporter les entiers dépens de première instance et d’appel.

Il serait par ailleurs inéquitable, au regard des circonstances de l’espèce comme des situations économiques des parties, de laisser à la charge de Mme [V] l’intégralité des sommes qu’elle a été contrainte d’exposer en justice pour la défense de ses intérêts, de sorte qu’il convient d’infirmer le jugement déféré et de condamner l’association [5] à lui verser la somme de 3’000’euros au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en cause d’appel.

En conséquence, la demande indemnitaire de la société au titre des frais irrépétibles qu’elle a engagés est rejetée.

PAR CES MOTIFS’:

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, dans les limites de l’appel et après en avoir délibéré conformément à la loi’;

CONFIRME le jugement entrepris en ce qu’il a’débouté Mme [C] [V] de ses demandes reconventionnelles en dommages et intérêts’pour préjudice financier et préjudice moral ;

L’INFIRME pour le surplus,

Statuant des chefs du jugement infirmé et y ajoutant,

DEBOUTE l’Association [5] de sa demande d’annulation de la convention de rupture conventionnelle signée le 22 octobre 2019 avec Mme'[C] [V] et de sa demande d’indemnisation au titre d’une exécution déloyale du contrat de travail’;

CONDAMNE l’Association [5] à payer à Mme [C] [V] la somme de 46 000 euros (quarante-six mille euros) à titre d’indemnité conventionnelle de rupture fixée par convention du 22 octobre 2019 ;

DIT que les parties s’accorder à constater que la somme de 46 000 euros (quarante-six mille euros) due à titre d’indemnité conventionnelle de rupture a d’ores et déjà été versée à Mme [C] [V] par le paiement d’une somme de 5 704,52 euros (cinq mille sept cent quatre euros et cinquante-deux centimes) le 18 mars 2020 et le paiement d’une somme de 38 886,82 euros (trente-huit mille huit cent quatre-vingt-six euros et quatre-vingt deux centimes) le 2 décembre 2020 ;

DEBOUTE l’Association [5] en sa demande de restitution des sommes versées à Mme [C] [V]’;

CONSTATE que la demande tendant à obtenir la condamnation sous astreinte de l’Association [5] à remettre à Mme [C] [V] ses documents de fin de contrat est devenue sans objet’;

CONDAMNE l’Association [5] à verser à Mme'[C] [V] la somme de 3’000 euros (trois mille euros) au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en cause d’appel’;

DEBOUTE l’Association [5] de sa demande d’indemnisation au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile’;

CONDAMNE l’Association [5] aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président de section, et par Mme Carole COLAS, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière Le Président

 


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