Your cart is currently empty!
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 8 SECTION 1
ARRÊT DU 23/03/2023
N° de MINUTE : 23/311
N° RG 20/05290 – N° Portalis DBVT-V-B7E-TLAL
Jugement (N° 19/002517) rendu le 23 Novembre 2020 par le Tribunal d’Instance de Lille
APPELANTE
SA Crédit du Nord
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représentée par Me Martine Vandenbussche, avocat au barreau de Lille, avocat constitué
INTIMÉS
Madame [W] [Z] épouse [O]
née le [Date naissance 1] 1983 à [Localité 7] – de nationalité Française
[Adresse 5]
[Localité 7]
Monsieur [V] [O]
né le [Date naissance 2] 1978 à [Localité 8] – de nationalité Française
[Adresse 5]
[Localité 7]
Représentés par Me Anne Berthelot, avocat au barreau de Lille, avocat constitué
DÉBATS à l’audience publique du 11 janvier 2023 tenue par Catherine Ménegaire magistrat chargé d’instruire le dossier qui a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS :Gaëlle Przedlacki
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Yves Benhamou, président de chambre
Catherine Ménegaire, conseiller
Catherine Convain, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 23 mars 2023 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Yves Benhamou, président et Gaëlle Przedlacki, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 16 décembre 2022
EXPOSE DU LITIGE
Suivant acte sous-seing privé du 11 janvier 2017, M. [V] [O] et Mme [W] [Z] épouse [O] ont ouvert un compte courant joint n° [XXXXXXXXXX04] auprès de la SA Crédit du Nord.
Suivant offre préalable de crédit acceptée le 23 février 2017, le Crédit du Nord a consenti à M. [O] et Mme [Z], coemprunteurs engagés solidairement, un prêt personnel de regroupement de crédits ‘crédit Étoile express’ d’un montant de 33’000 euros à rembourser en 60 mensualités de 632,63, assorti des intérêts au taux contractuel de 4,45 % l’an.
Par courriers recommandés du 6 février 2019, le Crédit du Nord a notifié à M. [O] et Mme [Z] la dénonciation de la convention de compte et les a informés de sa clôture à l’issue d’un préavis de deux mois, puis par courriers recommandés du 7 avril 2019, les a mis en demeure d’avoir à lui rembourser la somme de 13,72 euros au titre du solde débiteur du compte courant ainsi que la somme de 4 692 euros au titre des échéances impayées du contrat de crédit.
Par courrier du 23 avril 2019, la banque a mis M. [O] et Mme [Z] en demeure de lui rembourser la somme de 13,72 euros au titre du solde débiteur du compte courant clôturé d’une part, et d’autre part, a prononcé la déchéance du terme du contrat de crédit personnel et les a mis en demeure de lui rembourser l’intégralité des sommes restant dues soit 30’184,28 euros.
Par courrier recommandé du 22 mai 2019, la banque a de nouveau mis en demeure les emprunteurs de lui rembourser la somme totale de 30’198 euros avant le 5 juin 2019.
Par acte d’huissier délivré le 25 juin 2019, le Crédit du Nord a fait assigner en justice M. [O] et Mme [Z] afin d’obtenir leur condamnation à lui payer les sommes suivantes :
– 13,72 euros au titre du solde du compte courant, avec intérêts au taux légal à compter du 8 avril 2019,
– 30’368,28 euros avec intérêts au taux contractuel de 4,45 % l’an sur le capital de 22’658,23 euros à compter du 13 juin 2019 au titre du crédit personnel,
– 4 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive, outre celle de 2500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Par jugement contradictoire en date du 23 novembre 2020, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Lille a :
– condamné solidairement M. [O] et Mme [Z] à payer au Crédit du Nord la somme de 5,72 euros avec intérêts au taux légal à compter du 8 avril 2019 au titre du solde débiteur du compte courant numéro [XXXXXXXXXX04],
– débouté le Crédit du Nord de sa demande en paiement de la somme de 38’368,28 euros au titre du remboursement du crédit personnel souscrit le 23 février 2017,
– débouté le Crédit du Nord de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive,
– débouté le Crédit du Nord de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné in solidum M. [O] et Mme [Z] au paiement des dépens,
– rappelé que le présent jugement est exécutoire par provision.
Par déclaration enregistrée au greffe de la cour le 18 décembre 2020, le Crédit du Nord a relevé appel de l’ensemble des chefs du jugement.
Par ordonnance du 8 décembre 2022, le magistrat chargé de la mise en état a :
– débouté les époux [O] de leurs demandes tendant à voir déclarer irrecevables les pièces et conclusions transmises par le Crédit du Nord le 26 août 2021,
– dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– dit que les dépens afférents à la présente procédure d’incident suivront le même sort que ceux de l’instance d’appel au fond.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 11 octobre 2022, le Crédit du Nord demande à la cour de :
A titre liminaire :
vu les articles 68 et 551 du code de procédure civile,
vu les articles 909 et suivants du code de procédure civile,
vu la jurisprudence citée,
– débouter les époux [O] de leur demande d’irrecevabilité des conclusions et pièces transmises par le crédit du Nord le 26 août 2021,
en conséquence,
– déclarer recevables les conclusions et pièces notifiées par le Crédit du Nord le 26 août 2021,
Vu les articles L.311-1 et suivants du code de la consommation, vu l’article 1134 du code civil,
vu les pièces,
– confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a :
– condamné in solidum M. [O] et Mme [Z] au paiement des dépens,
– rappelé que le jugement est exécutoire par provision,
– infirmer le jugement dont appel en ce qu’il a :
– condamné solidairement M. [O] et Mme [Z] à payer au Crédit du Nord la somme de 5,72 euros avec intérêts au taux légal à compter du 8 avril 2019 au titre du solde débiteur du compte courant n° [XXXXXXXXXX04],
– débouté le Crédit du Nord de sa demande en paiement de la somme de 30’368,28 euros au titre du remboursement du crédit personnel souscrit le 23 février 2017,
– débouté le Crédit du Nord de sa demande de dommages-intérêts pour résistance abusive,
– débouté le Crédit du Nord de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
jugeant à nouveau :
– condamner solidairement M. [O] et Mme [Z] à payer au Crédit du Nord la somme de 13,72 euros au titre du solde débiteur du compte n° [XXXXXXXXXX04] outre intérêts au taux légal à compter du 8 avril 2019 et ce, jusqu’à parfait règlement,
– condamner solidairement M. [O] et Mme [Z] à payer au Crédit du Nord la somme de 30’368,28 euros au titre du prêt personnel arrêté au 12 juin 2019, outre intérêts au taux de 4,45 % sur le capital de 22’658,23 euros à compter du 13 juin 2019 et ce jusqu’à parfait paiement,
– les condamner solidairement à payer au Crédit du Nord la somme de 4 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,
– les condamner solidairement à payer au Crédit du Nord la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile s’agissant des frais irrépétibles de première instance,
– les condamner solidairement à payer au Crédit du Nord la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile s’agissant des frais irrépétibles d’appel,
– les condamner solidairement aux entiers frais et dépens de première instance et d’appel,
– les débouter de l’ensemble de leurs demandes fins et conclusions contraires aux présentes.
Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 30 septembre 2022, M. [O] et Mme [Z] demandent à la cour de :
Vu les articles L.312-1et suivants et L.341-1 et suivants du code de la consommation, R.341-1 et suivants du code de la consommation, D.312-7 et suivants du code de la consommation,
vu l’arrêt CJUE du 27 mars 2014, C-565/12,
– déclarer irrecevables les pièces et conclusions transmises par le crédit du Nord le 26 août 2021 en raison du non-respect par le Crédit du Nord des dispositions de l’article 910 du code de procédure civile,
à titre principal :
– confirmer la décision rendue par le tribunal judiciaire de Lille en date du 23 novembre 2020 en ce qu’elle a :
– condamné solidairement M. [O] et Mme [Z] à payer au Crédit du Nord la somme de 5,72 euros avec intérêts au taux légal à compter du 8 avril 2019 au titre du solde débiteur du compte courant n°[XXXXXXXXXX04],
– débouté le Crédit du Nord de sa demande en paiement de la somme de 30’368,28 euros au titre du crédit personnel souscrit le 23 février 2017,
– débouté le Crédit du Nord de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive,
– débouté le Crédit du Nord de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile
– le réformer pour le surplus, y ajouter
– acter que M. [O] et Mme [Z] se sont d’ores et déjà acquittés des sommes mises à leur charge au titre du solde débiteur du compte courant n° [XXXXXXXXXX04],
– condamner le Crédit du Nord à verser à M. [O] et Mme [Z] la somme de 2 400 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouter le Crédit du Nord de ses demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner le Crédit du Nord aux entiers frais et dépens de première instance et d’appel,
à titre subsidiaire :
– confirmer la décision rendue par le tribunal judiciaire de Lille en date du 23 novembre 2020 en ce qu’elle a :
– condamné solidairement M. [O] et Mme [Z] à payer au Crédit du Nord la somme de 5,72 euros avec intérêts au taux légal à compter du 8 avril 2019 au titre du solde débiteur du compte courant n°[XXXXXXXXXX04]
– débouté le Crédit du Nord de sa demande en paiement de la somme de 30’368,28 euros au titre du crédit personnel souscrit le 23 février 2017,
– débouté le Crédit du Nord de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive,
– débouté le Crédit du Nord de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
La réformer pour le surplus et y ajouter,
– acter que M. [O] et Mme [Z] se sont d’ores et déjà acquittés des sommes mises à leur charge au titre du solde débiteur du compte courant n° [XXXXXXXXXX04],
– limiter à 22’658,23 euros sans aucun intérêt les sommes qui pourraient être mises à la charge de M. [O] et Mme [Z] en raison de la déchéance du droit aux intérêts du Crédit du Nord et de l’absence de condamnation à la clause contractuelle dont se prévaut le Crédit du Nord,
– accorder des délais de paiement à M. [O] et Mme [Z] à hauteur de 250 euros par mois, le solde étant versé à la 24e mensualité, sous réserve des dispositions établies par la commission de surendettement,
– débouter le Crédit du Nord de ses demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner le Crédit du Nord à verser à M. [O] et Mme [Z] la somme de 2 400 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner le Crédit du Nord aux entiers frais et dépens de première instance et d’appel.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties pour le surplus de ses moyens.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 16 décembre 2022 et l’affaire fixée pour être plaidée à l’audience du 11janvier 2023.
Par avis en date du 7 février 2023, la cour a, au visa des articles 35 et 125 du code de procédure civile et l’article R. 211-3-24 du code de l’organisation judiciaire dans sa version postérieure au décret n° 2019-912 du 30 août 2019, invité les parties à présenter leurs observations avant le 21 février 2023 sur le moyen relevé d’office et tiré de l’irrecevabilité de l’appel formé contre la disposition du jugement qui a condamné solidairement les époux [O] à payer au Crédit du Nord la somme de 5,72 euros avec intérêts au taux légal à compter du 8 avril 2019 au titre du solde débiteur du compte courant numéro [XXXXXXXXXX04], compte tenu du montant de la demande.
Les parties n’ont pas formulé d’observation.
MOTIFS
Sur l’irrecevabilité de l’appel de la disposition du jugement relative au compte courant
En application de l’article 125 du code de procédure civile, les fins de non-recevoir doivent être relevées d’office lorsqu’elles ont un caractère d’ordre public, notamment lorsqu’elles résultent de l’inobservation des délais dans lesquels doivent être exercées les voies de recours ou de l’absence d’ouverture d’une voie de recours.
L’article R. 211-3-24 du code de l’organisation judiciaire dispose que lorsque le tribunal judiciaire est appelé à connaître, en matière civile, d’une action personnelle ou mobilière portant sur une demande dont le montant est inférieur ou égal à la somme de 5 000 euros, le tribunal judiciaire statue en dernier ressort.
L’article 35 du code de procédure civile dispose que lorsque plusieurs prétentions fondées sur des faits différents et non connexes sont émises par un demandeur contre le même adversaire et réunies en une même instance, la compétence et le taux du ressort sont déterminées par la nature et la valeur de chaque prétention considérée isolément ; lorsque les prétentions réunies sont fondées sur les mêmes faits ou sont connexes, la compétence et le taux du ressort sont déterminées par la valeur totale de ces prétentions.
En l’espèce le Crédit du Nord a saisi le juge des contentieux de la protection pour obtenir le paiement d’une somme de 13,72 euros au titre du solde débiteur du compte courant des époux [O], inférieure au seuil fixé par l’article R.211-3-24, demande fondée sur un contrat distinct de celui du prêt dont il est demandé remboursement par ailleurs et la somme réclamée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile n’entre pas en ligne de compte pour la détermination du montant de la demande.
En conséquence il convient de déclarer irrecevable l’appel interjeté contre la disposition du jugement relative au compte courant.
Sur la fin de non-recevoir tirées de la tardiveté des conclusions et pièces notifiées par le Crédit du Nord le 26 août 2021
L’article 914 du code de procédure civile dispose ‘Les parties soumettent au conseiller de la mise en état, qui est seul compétent depuis sa désignation et jusqu’à la clôture de l’instruction, leurs conclusions, spécialement adressées à ce magistrat, tendant à :
– prononcer la caducité de l’appel ;
– déclarer l’appel irrecevable et trancher à cette occasion toute question ayant trait à la recevabilité de l’appel ; les moyens tendant à l’irrecevabilité de l’appel doivent être invoqués simultanément à peine d’irrecevabilité de ceux qui ne l’auraient pas été ;
– déclarer les conclusions irrecevables en application des articles 909 et 910 ;
– déclarer les actes de procédure irrecevables en application de l’article 930-1.
Les parties ne sont plus recevables à invoquer devant la cour d’appel la caducité ou l’irrecevabilité après la clôture de l’instruction, à moins que leur cause ne survienne ou ne soit révélée postérieurement. Néanmoins, sans préjudice du dernier alinéa du présent article, la cour d’appel peut, d’office, relever la fin de non-recevoir tirée de l’irrecevabilité de l’appel ou la caducité de celui-ci.
Les ordonnances du conseiller de la mise en état statuant sur la fin de non-recevoir tirée de l’irrecevabilité de l’appel, sur la caducité de celui-ci ou sur l’irrecevabilité des conclusions et des actes de procédure en application des articles 909,910, et 930-1 ont autorité de la chose jugée au principal.’
Les époux [O] maintiennent au fond la même de non-recevoir que celle soulevée devant le magistrat chargé de la mise en état par conclusions d’incident du 21 septembre 2022, tirée de la tardiveté des conclusions et pièces notifiées par le Crédit du Nord le 26 août 2021, au motif qu’elles ne l’auraient pas été dans le délai imparti par l’article 910 alinéa 1er du code de procédure civile qui dispose que l’intimé à un appel incident ou à un appel provoqué dispose, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, d’un délai de trois mois à compter de la notification qui lui est faite pour remettre ses conclusions au greffe.
Par ordonnance en date du 8 décembre 2022, le magistrat de la mise en état a rejeté la fin de non-recevoir soulevée par les intimés. Cette ordonnance a autorité de la chose jugée au principal.
Les époux [O] n’allèguent ni ne justifient d’une autre cause d’irrecevabilité de ces conclusions et pièces qui se seraient révélée postérieurement à la clôture de l’affaire prononcée le 16 décembre 2022.
Il suit que la fin de non-recevoir est irrecevable.
Sur la demande en paiement de la banque au titre du contrat de crédit
A titre liminaire, le contrat de crédit ayant été souscrit le 23 février 2017, il sera fait application des textes du code de la consommation dans leur version issue de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, et des textes du code civil dans leur version issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.
Pour débouter la Crédit du Nord de sa demande en paiement, le premier juge a relevé que la banque n’avait pas produit l’historique détaillé et complet du crédit personnel mentionnant les paiements effectués par M. [O] et Mme [Z] et n’établissait pas la réalité de sa créance.
Selon l’article 1353 du code civil, ‘ Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver.
Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.’
En cause d’appel, le Crédit du Nord produit l’offre préalable de crédit souscrite par les époux [O] le 23 février 2017(pièce n° 2), le tableau d’amortissement (Pièce n° 3), les relevés de compte courant du 11 février 2017 au 11 mai 2019 sur lequel les échéances du prêt litigieux ont été régulièrement prélevées du 5 mai 2017 au 5 juin 2018, laissant apparaître des impayés à compter de juillet 2018 (Pièce n° 20), l’historique des mensualités impayées (pièce n° 8), le relevé de compte mensuel à compter de juillet 2018 (pièce n° 21) le décompte de créance arrêté au 12 juin 2019 (pièce n°19).
Ces pièces sont parfaitement suffisantes à justifier de la créance du Crédit du Nord, d’autant plus que les intimés, qui ne contestent pas les opérations enregistrées, n’allèguent ni ne démontrent qu’ils auraient effectué des règlements qui n’auraient pas été pris en compte par la banque. Ces documents démontrent également que le premier incident de paiement non régularisé se situe au 5 juillet 2018, en sorte que l’action de la banque engagée par exploit d’huissier du 25 juin 2019 n’est pas forclose.
Il y a donc lieu de réformer le jugement en ce qu’il a débouté le Crédit du Nord de sa demande en paiement au motif qu’il n’établissait pas la réalité de sa créance.
Sur la demande de déchéance du droit aux intérêts
Les intimés demandent la déchéance de la banque de son droit aux intérêts au motif que :
– la fiche d’information versée aux débats ne comporte pas la mention prévue par l’article L.312-5 du code de la consommation, que celle-ci n’est pas datée, et qu’il n’est pas fait mention qu’elle ait été remise aux emprunteurs,
– la banque n’a pas vérifié leur solvabilité conformément aux dispositions de l’article D.312-8 du code de la consommation,
– la banque ne leur a pas été remis les documents relatifs à l’assurance alors qu’elle a été souscrite, ce en violation des articles L.312-29 et L.341-4 du code de la consommation,
– l’offre, notamment le rappel de droit de rétractation, est rédigée en caractères inférieurs au corps huit.
La banque conclut que :
– l’offre est rédigée en caractères dont la hauteur est conforme au corps huit,
– les époux [O] ont expressément reconnu avoir pris connaissance des conditions de l’assurance,
– elle a vérifié leur solvabilité, leur a fait compléter la fiche de revenus et charges, s’est fait remettre les justificatifs d’identité, de domicile et de revenus, et a consulté le fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers conformément aux dispositions du code de la consommation,
– les dispositions de l’article L.312-5 du code de la consommation concernent les mentions obligatoires applicables en matière de publicité.
Selon l’article L.341-1 du code de la consommation, ‘Le prêteur qui accorde un crédit sans communiquer à l’emprunteur les informations précontractuelles dans les conditions fixées par l’article L. 312-12 ou, pour les opérations de découvert en compte, à l’article L. 312-85 est déchu du droit aux intérêts’.
Selon l’article L.312-12 ‘ Préalablement à la conclusion du contrat de crédit, le prêteur ou l’intermédiaire de crédit fournit à l’emprunteur, sous forme d’une fiche d’informations, sur support papier ou sur un autre support durable, les informations nécessaires à la comparaison de différentes offres et permettant à l’emprunteur, compte tenu de ses préférences, d’appréhender clairement l’étendue de son engagement.
La liste et le contenu des informations devant figurer dans la fiche d’informations à fournir pour chaque offre de crédit ainsi que les conditions de sa présentation sont fixés par décret en Conseil d’Etat.
Cette fiche comporte, en caractères lisibles, la mention indiquée à l’article L. 312-5 (…)’
Selon l’article R.314-19 du même code relatif aux regroupements de crédits ‘Lorsque l’opération de crédit a pour objet le remboursement d’au moins deux créances antérieures dont un crédit en cours, le prêteur ou l’intermédiaire de crédit établit, après dialogue avec l’emprunteur, un document qu’il lui fournit afin de garantir sa bonne information, en application des articles L. 314-10 à L. 314-13. Le prêteur ou l’intermédiaire répond à toute demande d’explication de l’emprunteur concernant ce document.
Dans le cas d’une opération donnant lieu à la fourniture de la fiche mentionnée à l’article L. 312-12, ce document d’information est fourni à l’emprunteur au plus tard au même moment que cette fiche, à laquelle il peut être annexé.(…)’.
En l’espèce, le Crédit du Nord verse aux débats un document intitulé ‘Fiche de dialogue et d’informations précontractuelles à une opération de regroupement de crédits’ dont la présentation correspond en tous points à l’annexe prévue à l’article R.314-20 du code de la consommation.
Ce document est manifestement la fiche prévue par l’article R.314-19 du même code, et non la fiche d’informations précontractuelles prévue par l’article L.312-12 du code de la consommation, alors qu’en matière de regroupement de crédits à la consommation comme en l’espèce, les deux fiches doivent être remises à l’emprunteur.
La banque ne produit donc pas la fiche d’informations prévue par l’article L.312-12 du code de la consommation et partant, ne démontre pas qu’elle a délivré à l’emprunteur les informations devant y être mentionnées, destinées à lui permettre de comparer l’offre avec d’autres offres et d’appréhender clairement l’étendue de ses obligations.
Par conséquent, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens soulevés par les intimés, il y a lieu de constater que la banque est déchue de son droit aux intérêts contractuels, qui s’applique à compter de la conclusion du contrat, l’irrégularité sanctionnée affectant les conditions de sa formation.
Il s’ensuit que le débiteur n’est tenu qu’au remboursement de seul capital restant dû, après déduction de tous les paiements effectués à quelque titre que ce soit.
Au regard des pièces produites aux débats, la créance de la banque s’établit comme suit :
– capital emprunté : 33 000 euros,
– à déduire l’ensemble des règlements effectués par les emprunteurs : – 8 222,96 euros
Total : 24 777,04 euros.
Les intimés demandent que soient écartée l’application de l’article 1153 (devenu 1231-6) du code civil et de l’article L.313-3 du code monétaire et financier relatif à la majoration de 5 points du taux d’intérêt légal, et de dire que la somme dues ne sera pas productive d’intérêts.
Suivant l’arrêt de la CUJE du 27 mars 2014 C-565/2, l’application du droit national ne doit être écartée que si les sommes susceptibles d’être perçues par le prêteur à la suite de la déchéance du droit aux intérêts ne sont pas significativement inférieures à celles dont il pourrait bénéficier s’ils avait respecté ses obligations, ce qui revient à anéantir l’effectivité de la sanction de la déchéance du droit aux intérêts et son effet dissuasif.
Il ressort que le taux d’intérêts contractuel en l’espèce est de 4,45 % l’an, alors que le taux d’intérêts légal majoré est de 7,06 % (soit 2,06 % + 5 en 2023). Ce dernier taux est nettement supérieur au taux contractuel, et ne permet pas de garantir l’effectivité de la sanction de la déchéance du droit aux intérêts contractuels. Il y a donc lieu d’écarter l’application de l’article L.313-3 du code monétaire et financier relatif à la majoration de 5 points du taux d’intérêt légal.
Il n’y a pas lieu d’exonérer le débiteur de tout intérêt dû en vertu de l’article 1153 du code civil (devenu 1231-6).
Réformant le jugement entrepris, M. [O] et Mme [Z] sont donc condamnés solidairement à payer au Crédit du Nord la somme de 24 777,04 euros, augmentée des intérêts au taux légal non majoré à compter du 25 avril 2019, date de réception de la mise en demeure.
Sur la demande de délais
En application de l’article 1343-5 du code civil, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues. Il appartient au débiteur qui sollicite un tel délai d’apporter des éléments de preuve concernant sa situation financière, à savoir notamment ses revenus et ses charges prévisibles, éléments permettant de penser raisonnablement qu’il est en capacité de régler l’intégralité de sa dette dans le délai proposé. Il convient également de tenir compte du montant et de l’ancienneté de la dette et des efforts déjà accomplis pour l’honorer.
Par ailleurs, pour qu’il soit fait application de la disposition précitée, le débiteur doit tout à la fois être malheureux et de bonne foi.
Dans le cas présent il est symptomatique de relever que les intimés n’ont fait aucun règlement depuis 2018, comportement empreint d’une inertie manifeste qui met à mal très sérieusement leur bonne fois présumée.
De plus il est manifeste que leur proposition de règlement à hauteur de 250 euros par mois ne leur permettra pas d’apurer leur dette dans le délai légal de 24 mois.
Au regard de ces éléments, il convient de les débouter de leur demande de délai.
Sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive
Aux termes de l’article 1231-6 du code civil, dans les obligations qui se bornent au paiement d’une certaine somme, les dommages et intérêts résultant du retard dans l’exécution ne consistent jamais que dans la condamnation aux intérêts au taux légal. Le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts des intérêts moratoires de la créance.
A défaut de justifier de la nature, du principe et de l’étendue d’un préjudice distinct de celui qui sera réparé par les intérêts moratoires assortissant sa créance, le Crédit du Nord sera débouté de sa demande de dommages et intérêts. Le jugement entrepris est confirmé de ce chef.
Sur les demandes accessoires
Le jugement est confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l’article 700 du code de procédure civile.
Les époux [O], qui succombent, sont condamnés in solidum aux dépens d’appel, y compris ceux afférents à la procédure d’incident, en application de l’article 696 du code de procédure civile.
En équité, il n’y a pas lieu de faire application de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire ;
Déclare irrecevable l’appel contre la disposition du jugement ayant condamné M. [O] et Mme [Z] à payer au Crédit du Nord la somme de 5,72 euros avec intérêts au taux légal à compter du 8 avril 2019 au titre du solde débiteur du compte courant numéro [XXXXXXXXXX04] ;
Vu l’ordonnance du magistrat chargé de la mise en état du 8 décembre 2022 ;
Déclare irrecevable la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté des conclusions et pièces notifiées par le Crédit du Nord le 26 août 2021, soulevée par M. [O] et Mme [Z] ;
Sur le fond :
Infirme le jugement entrepris sauf en ses dispositions ayant débouté le Crédit du Nord de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive et relatives aux dépens et à l’article 700 du code de procédure civile ;
Statuant à nouveau et y ajoutant :
Condamne solidairement M. [O] et Mme [Z] à payer au Crédit du Nord la somme de 24 777,04 euros, augmentée des intérêts au taux légal non majoré à compter du 25 avril 2019, date de réception de la mise en demeure ;
Déboute M. [O] et Mme [Z] de leurs demande de délais ;
Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne in solidum M. [O] et Mme [Z] aux dépens d’appel, qui comprendront ceux afférents à la procédure d’incident.
Le greffier
Gaëlle PRZEDLACKI
Le président
Yves BENHAMOU