Droit de rétractation : Décision du 23 février 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/08239

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Droit de rétractation : Décision du 23 février 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/08239

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 8

ARRET DU 23 FEVRIER 2023

(n° , 1 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/08239 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCYLF

Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Décembre 2019 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° F19/01775

APPELANT

Monsieur [N] [T]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Olivier BICHET, avocat au barreau de PARIS, toque : B403

INTIMÉE

S.A.S.U. SAMSIC SÉCURITÉ

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Camille JOSSE, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 23 Janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s’étant pas opposés à la composition non collégiale de la formation, devant Madame Emmanuelle DEMAZIERE, vice-présidente placée, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Sophie GUENIER-LEFEVRE, présidente

Madame Nicolette GUILLAUME, présidente

Madame Emmanuelle DEMAZIERE, vice-présidente placée, rédactrice

Greffier, lors des débats : Mme Nolwenn CADIOU

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE

– mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

– signé par Madame Sophie GUENIER-LEFEVRE, présidente et par Madame Nolwenn CADIOU, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [T] [N] a été engagé par la société Samsic Sécurité dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée à temps complet à effet du 3 décembre 2014 en qualité de chef des équipes incendie.

Par avenant du 1er janvier 2015, le temps de travail du salarié a été ramené à temps partiel de 120,12 heures par mois.

La convention collective applicable à la relation de travail est celle des entreprises de prévention et de sécurité.

Le 6 juillet 2017, à la suite de la plainte d’une de ses collègues de travail pour des faits d’agression sexuelle, la société Samsic Sécurité a convoqué M. [T] à un entretien préalable fixé au 24 juillet suivant avec mise à pied à titre conservatoire.

A l’issue de l’entretien préalable, il n’a été donné aucune suite à la procédure et le salarié a été affecté sur un autre site.

Le 9 novembre 2017, la société Samsic Sécurité et M. [T] ont signé une rupture conventionnelle sur laquelle ce dernier a exercé son droit de rétractation le 14 novembre suivant.

Le 25 janvier 2018, la société Samsic Sécurité a convoqué M. [T] à un entretien préalable fixé au 8 février suivant et le 7 mars 2018, le salarié a été licencié pour faute grave à raison d’absences répétées sur le site Palais des congrès sur lequel il était affecté depuis le 9 novembre 2017.

Contestant son licenciement, l’intéressé a saisi le conseil des prud’hommes de Paris le 20 février 2019, pour faire valoir ses droits.

Par jugement du 18 décembre 2019, cette juridiction a :

-débouté M. [T] de l’ensemble de ses demandes,

-condamné M. [T] aux dépens.

Par déclaration du 4 décembre 2020, M. [T] a interjeté appel de ce jugement.

Dans ses dernières conclusions, notifiées et déposées au greffe par voie électronique le 2 mars 2021, il demande à la cour :

-d’infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Paris,

-de prononcer l’absence de cause réelle et sérieuse au licenciement,

-de condamner la société Samsic Sécurité à lui verser :

-4 341,09 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-1 085,27 euros d’indemnité de licenciement,

-2 894,06 euros d’indemnité compensatrice de préavis,

-289,41 euros de congés payés y afférents,

-7 915,25 euros de rappel de salaires,

-791,53 euros de congés payés y afférents,

-2 000 euros de dommages et intérêts pour non-respect des temps de pauses,

-2 000 euros de dommages et intérêts pour violation du temps de repos journalier,

-2 000 euros de dommages et intérêts pour violation de la durée journalière maximale du travail,

-4 400 euros d’article 700 du code de procédure civile,

-de la condamner aux dépens,

-d’assortir les condamnations de l’intérêt au taux légal.

Dans ses dernières conclusions, notifiées et déposées au greffe par voie électronique le 7 avril 2021, la société Samsic sécurité demande à la cour :

à titre principal,

-de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

-de dire et juger que le licenciement de Monsieur [T] repose sur une faute grave,

en conséquence,

-de débouter Monsieur [T] de toutes ses autres demandes, fins et conclusions contraires,

à titre subsidiaire,

si par extraordinaire, la Cour considérait que le comportement de Monsieur [T] n’est pas constitutif d’une faute grave :

-de dire et juger que le licenciement de Monsieur [T] repose sur une cause réelle et sérieuse,

en conséquence,

-de limiter strictement l’indemnisation de Monsieur [T] au versement de son indemnité compensatrice de préavis et de l’indemnité de licenciement,

-de débouter Monsieur [T] de toutes ses autres demandes, fins et conclusions contraires,

en tout état de cause,

-de débouter Monsieur [T] de sa demande à hauteur de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect des temps de pause,

-de débouter Monsieur [T] de sa demande à hauteur de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation du temps de repos journalier,

-de débouter Monsieur [T] de sa demande à hauteur de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de la durée journalière maximale du travail,

-de débouter Monsieur [T] de sa demande à hauteur de 7 915,25 euros à titre de rappel de salaires,

-de débouter Monsieur [T] de sa demande à hauteur de 791,53 euros au titre des congés payés afférents,

-de débouter Monsieur [T] de sa demande à hauteur de 4 400 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 17 janvier 2023 et l’audience de plaidoiries a été fixée au 23 janvier 2023.

Il convient de se reporter aux énonciations de la décision déférée pour un plus ample exposé des faits et de la procédure antérieure et aux conclusions susvisées pour l’exposé des moyens des parties devant la cour.

MOTIFS

I- Sur l’exécution du contrat de travail

A- Sur la demande de dommages intérêts pour non respect des durées maximales de travail journalières

Conformément aux dispositions de l’article 7.08 de la convention des entreprise de prévention et de sécurité, la durée journalière maximum de travail est de 12 heures.

Or, il ressort des planning, comptes rendus d’activités et témoignages produits au débat par le salarié (pièces 3, 4, 29 à 31) que cette durée maximale a, à plusieurs reprises été dépassée et ce, plus précisément le 27 décembre 2015, les 12 et 16 avril 2016, le 27 mai 2016, le 14 août 2016, le 14 septembre 2016, le 19 septembre 2016, le 22 septembre 2016, le 1er octobre 2016 et le 4 décembre 2016, jours où M. [T] a pris son service le matin à 8h30 ou 9h00 pour le terminer à 00h30.

Cette situation lui a occasionné une grande fatigue ainsi qu’en attestent plusieurs de ses collègues, témoins de ses très longues journées de travail (pièces 29 à 31).

A défaut d’éléments produits au débat par l’employeur permettant de contredire les pièces justifiant ce dépassement de la durée du travail imposée au salarié, il convient de lui allouer une somme de 1000 euros en réparation du préjudice qu’il a ainsi subi.

B- Sur la demande de dommages intérêts pour non respect du temps de repos quotidien

Conformément aux dispositions de l’article L.3131-1du code du travail, tout salarié bénéficie d’un repos d’une durée minimale de onze heures consécutives.

Or, il ressort des planning, comptes rendus d’activités et témoignages produits au débat par le salarié (pièces 3, 4, 29 à 31) que le temps de repos minimal prévu par les dispositions précitées a, à des nombreuses reprises pas été respecté, et ainsi entre le 4 et 5 janvier 2016, entre le 15 et 16 février 2016, entre le 27 et 28 mai 2016, entre le 9 et 10 août 2016, 25 et 26 août 2016, entre le 31 août et le 1er septembre 2016, entre le 13 et le 14 septembre 2016, entre le 22 et le 23 septembre 2016, entre le 6 et 7 octobre 2016, entre le 10 et 11 octobre 2016, entre le 23 et 24 novembre 2016, entre le 26 et 27 janvier 2016 et entre le 26 et 27 juin 2017.

Le salarié justifie, par les témoignages qu’il produit au débat, qu’il en est résulté pour lui une situation très fatigante.

Le préjudice subi ainsi par M.[T] est d’autant plus important que la violation par l’employeur de ses obligations légales était récurrente.

Il convient donc de lui allouer à ce titre une somme de 1000 euros.

C-Sur la demande de dommages et intérêts pour non respect du temps de pause

Conformément aux dispositions de l’article L.3121-33 du code du travail devenu L.3121- 16 du code du travail : ‘Dès que le temps de travail quotidien atteint six heures, le salarié bénéficie d’un temps de pause d’une durée minimale de vingt minutes.’

En l’espèce, le salarié fait valoir qu’il n’a pas bénéficié de temps de pause et produit ses plannings sur lesquels ne figurent aucune mention à ce titre.

Or, l’employeur ne justifie pas avoir fait bénéficier M. [T] des temps de pause auxquels il avait droit, les planning produits n’en faisant ressortir aucun.

Il convient en conséquence d’indemniser le préjudice en résultant par le salarié et de lui allouer de ce chef une somme de 1000 euros.

II-Sur le licenciement pour faute grave

A- Sur le motif du licenciement

La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputable au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible immédiatement le maintien du salarié dans l’entreprise.

Il appartient à l’employeur d’apporter la preuve de la gravité des faits fautifs retenus et de leur imputabilité au salarié.

En l’espèce, s’il n’est pas contesté que le salarié n’a pas repris son emploi depuis le 9 novembre 2017, ce dernier conteste sa nouvelle affectation sur le site du Palais des Congrès et fait valoir que sa qualification a également été modifiée et ses horaires de travail bouleversés.

Si la clause de mobilité stipulée au contrat de travail du salarié autorisait la société Samsic Sécurité à l’affecter sur un autre site, elle devait néanmoins l’affecter à des fonctions répondant à sa qualification contractuelle (chef des équipes incendie, agent de maîtrise échelon 1 soit SSIAP2 ).

Or, il ressort du planning produit au débat par M. [T] pour le mois de septembre 2017 que, bien que sa qualification de chef d’équipe incendie (SSIPA 2) figure sur l’en tête du planning, il était affecté à des fonctions de niveau inférieur : SSIAP 1(pièce 9 du salarié).

En outre et alors, d’une part, qu’aucune règle, conforme aux dispositions de l’article L 3123-14 du code du travail alors applicables n’était fixée dans le cadre du contrat de travail à temps partiel de M. [T] (notamment répartition de la durée du travail, possibilité de modifier cette répartition, modalités de communication de ces modifications) et, d’autre part, qu’il était auparavant affecté à des horaires de jours, la société Samsic Sécurité a décidé de l’affecter à des horaires de nuit (pièce 14 et 21 du salarié : planning d’octobre et novembre 2017 prévoyant des horaires de 19h à 7h ou de 19h à 00h30 ).

Aussi, compte tenu du bouleversement des relations contractuelles résultant de ces modifications qui lui imposées, le salarié était en droit de refuser de s’y conformer.

Ses absences ne pouvaient donc lui être reprochées.

Le licenciement de M. [T] est donc dépourvu de cause réelle et sérieuse.

B- Sur les demandes

L’employeur qui n’ a pas fourni à M. [T] de travail répondant aux engagements contractuels auxquels il était tenu doit en conséquence être condamné à lui verser les rappels de salaire qu’il sollicite sur la période du 6 septembre 2017 à la date de notification de son licenciement (le 7 mars 2018).

Aussi, compte tenu du salaire mensuel de M. [T] (1392,55 euros), il sera fait droit à la demande de rappel de salaire qu’il forme à ce titre et ce, dans la limite de sa demande.

Il sera en outre fait droit à sa demande d’indemnité compensatrice de préavis, de congés payés sur préavis et d’indemnité de licenciement, lesquelles ont été calculées conformément à ses droits.

Tenant compte de l’âge du salarié à la date de la rupture de son contrat de travail (33 ans), de son ancienneté (3 ans), et en l’absence d’éléments sur sa situation après la rupture de son contrat de travail, il lui sera enfin alloué une somme de 4500 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse conformément au barème applicable tel que fixé par les dispositions de l’article L.1235-3 du code du travail.

III- Sur le remboursement des allocations de chômage

Les conditions d’application L 1235 – 4 du code du travail étant réunies, il convient d’ordonner le remboursement des allocations de chômage versées au salarié dans la limite de 6 mois d’indemnités.

IV- Sur les autres demandes

Les sommes à caractère salarial produiront intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de sa convocation en conciliation et les sommes à caractère indemnitaire produiront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt

En raison des circonstances de l’espèce, il apparaît équitable d’allouer à M.[T] une indemnité en réparation de tout ou partie de ses frais irrépétibles dont le montant sera fixé au dispositif.

PAR CES MOTIFS

La cour,

INFIRME le jugement entrepris sauf en ce qu’il a débouté la société Samsic Sécurité de sa demande sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile

Statuant à nouveau des chefs infirmés :

DIT que le licenciement de M.[T] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la société Samsic Sécurité à verser à M. [T] les sommes de:

-1000 euros à titre de dommages et intérêts pour non respect des temps de pause

-1000 euros à titre de dommages et intérêts pour non respect de la durée journalière maximale de travail

– 1000 euros à titre de dommages et intérêts pour non respect du temps de repos journalier

– 7915,25 euros à titre de rappel de salaire

-791,53 euros au titre des congés payés afférents

-2894,06 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis

-289,41 euros à titre de congés payés y afférents

-1085,77 euros à titre d’indemnité de licenciement

– 4500 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 2500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

DIT que les sommes à caractère salarial produiront intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de sa convocation en conciliation et que les sommes à caractère indemnitaire produiront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

ORDONNE le remboursement à l’organisme les ayant servies, des indemnités de chômage payées au salarié au jour du présent arrêt dans la limite de 6 mois d’indemnités,

DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes,

CONDAMNE la société Samsic Sécurité aux dépens.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE

 


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