2ème Chambre
ARRÊT N°413
N° RG 20/06083
N° Portalis DBVL-V-B7E-RE4X
M. [R] [V]
Mme [F] [E] épouse [V]
C/
S.A. COFIDIS
Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
– Me SEVESTRE
– Me BIARD
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 22 SEPTEMBRE 2023
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Joël CHRISTIEN, Président de Chambre,
Assesseur : Monsieur Jean-François POTHIER, Conseiller,
Assesseur : Madame Hélène BARTHE-NARI, Conseillère,
GREFFIER :
Madame Ludivine MARTIN, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l’audience publique du 25 Mai 2023
devant Monsieur Jean-François POTHIER, magistrat rapporteur, tenant seul l’audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 08 Septembre 2023, après prorogation, par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats
****
APPELANTS :
Monsieur [R] [V]
né le [Date naissance 2] 1947 à [Localité 7]
[Adresse 1]
[Localité 4]/FRANCE
Madame [F] [E] épouse [V]
née le [Date naissance 3] 1948 à [Localité 7]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Tous représentés par Me Bruno SEVESTRE de la SELARL SEVESTRE AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
INTIMÉE :
S.A. COFIDIS
[Adresse 6]
[Localité 5]
Représentée par Me Dominique BIARD de la SCP BIARD & ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-NAZAIRE
EXPOSÉ DU LITIGE
Selon offre préalable acceptée le 1er avril 2017, la société Cofidis a consenti à M. [R] [V] et Mme [F] [E] épouse [V] (les époux [V]) un prêt personnel d’un montant de 17 000 euros lequel était remboursable au TAEG de 6,63 % en 84 mensualités.
Se prévalant d’échéances impayées la société Cofidis a prononcé la déchéance du terme et a saisi le juge du tribunal d’instance de Saint Nazaire qui par ordonnance du 19 décembre 2019 a enjoint aux époux [V] de lui payer la somme de 13 474,92 euros.
Statuant sur opposition des époux [V] à l’injonction de payer, par jugement du 24 juillet 2020, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Saint Nazaire a :
–
Déclaré recevable l’opposition formée par M. et Mme [V] ;
– Mis à néant l’ordonnance rendue le 16 décembre 2019 en faveur de la société Cofidis ;
– Condamné solidairement M. et Mme [V] à payer à la SA Cofidis la somme de 13 363,73 euros avec intérêts au taux de 6,39% à compter du 21 mars 2019 ;
– Dit n’y avoir lieu à délais de paiement ;
– Dit n’y avoir lieu à suppression de l’inscription au FICP ;
– Débouté le créancier de sa demande formée au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– Condamné solidairement M. et Mme [V] aux dépens y compris les frais de l’injonction de payer.
M. et Mme [V] sont appelants du jugement et par dernières conclusions notifiées le 17 mai2021, ils demandent de :
– Réformer le jugement rendu par le Tribunal Judiciaire de Saint Nazaire en date du 24 juillet 2020, sauf en ce qu’il a refusé de Condamner M. et Mme [V] au paiement de l’indemnité de 8% ;
Et, statuant à nouveau :
A titre principal :
– Débouter la société Cofidis de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
– Dire que la société Cofidis déchue en totalité de son droit aux intérêts ;
– Condamner la société Cofidis à reverser à M. et Mme [V] les intérêts déjà perçus au titre du prêt contracté le 7 avril 2017 outre les intérêts sur ceux-ci au taux légal depuis leurs dates de prélèvement jusqu’à complète restitution.
– Condamner la société Cofidis à remettre à M. et Mme [V] un décompte des sommes ainsi perçues sous astreinte de 50,00 euros par jour de retard passé 8 jours après la signification de la décision à intervenir et ce pendant un mois.
A titre subsidiaire :
– Octroyer à M. et Mme [V] des délais de paiement à hauteur de 24 mois.
En tout état de cause :
– Condamner la société Cofidis à verser la somme de 3 000 euros à M. et Mme [V] au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
Par dernières conclusions notifiées le 8 juin 2021, la société Cofidis demande de :
Confirmer le jugement du tribunal judiciaire de St Nazaire en date du 24 juillet 2020.
Constater que la Société Cofidis est fondée en sa demande de condamnation des époux [V], solidairement, en application du contrat de prêt du 1er avril 2017 solidairement M. et Mme [V] au paiement de la somme de 13 363,70 euros outre les intérêts au taux contractuel de 6,39% annuel, à compter du 21 mars 2019.
A titre principal, débouter les époux [V] de leur demande de délais de paiement.
Subsidiairement, si la Cour devait y faire droit, dire que le non respect d’une seule mensualité entraînera une déchéance du terme immédiate sans nécessité d’une mise en demeure préalable.
Les condamner solidairement, à une indemnité de 1 500 euros en application de l’article 700 du Code de Procédure Civile outre les entiers dépens en ce compris les frais relatifs à la procédure d’injonction de payer initiale.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu’aux dernières conclusions visées.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 23 mars 2023.
Par note adressée en cours de délibéré, la cour a invité les parties à présenter leurs observations sur les conditions dans lesquelles la sanction de la déchéance du droit aux intérêts est susceptible d’être appliquée au vu de la jurisprudence de la Cour de cassation dans son arrêt rendu le 28 juin 2023 pourvoi n° 22-10-560 suivant laquelle il incombe au juge de réduire d’office, dans une proportion constituant une sanction effective et dissuasive du manquement du prêteur à son obligation légale d’information, le taux résultant de l’application des deux derniers textes précités, lorsque celui-ci est supérieur ou équivalent au taux conventionnel.
EXPOSE DES MOTIFS :
A l’appui de leur appel, les époux [V] soutiennent que l’offre qui leur a été remise n’aurait pas comporté de bordereau de rétractation, qu’elle est rédigée en caractère de corps inférieur au corps 8 et qu’elle ne comporte pas d’exemple représentatif du calcul du TAEG.
Il résulte de l’article L. 311-12 devenu L. 312-19 et L. 312-21 du code de la consommation que l’emprunteur peut se rétracter sans motifs dans un délai de quatorze jours calendaires révolus à compter du jour de l’acceptation de l’offre, et qu’afin de permettre l’exercice de ce droit de rétractation, un formulaire détachable doit être joint à son exemplaire du contrat de crédit.
L’offre comporte une mention type par laquelle les emprunteurs ont reconnu avoir reçu un exemplaire du contrat doté d’un formulaire détachable de rétractation.
Cependant, par arrêt du 18 décembre 2014, la Cour de justice de l’Union européenne a dit pour droit que les dispositions de la directive relative aux crédits à la consommation transposées dans le code français de la consommation devaient être interprétées en ce sens qu’elles s’opposent à ce qu’en raison d’une clause type, le juge doive considérer que le consommateur a reconnu la pleine et correcte exécution des obligations précontractuelles incombant au prêteur, cette clause entraînant ainsi un renversement de la charge de la preuve de l’exécution desdites obligations de nature à compromettre l’effectivité des droits reconnus par la directive et ne pouvant constituer qu’un indice qu’il incombe au prêteur de corroborer par un ou plusieurs éléments de preuve pertinents.
Pour soutenir s’être conformée à cette obligation, la société Cofidis produit aux débats un exemplaire de contrat comportant un bordereau de rétractation, mais il sera constaté que cet exemplaire n’est pas signé par les époux [V] ; que le bordereau de rétractation ne figure pas sur l’exemplaire de l’offre de prêt signée par les époux [V] produit aux débats. Si la fiche d’information précontractuelle rappelle l’existence du délai de rétractation offert aux emprunteurs, cette information donnée aux emprunteurs ne permet pas de corroborer la remise du bordereau destiné à faciliter l’exercice de cette faculté.
Le courrier du 28 mars 2017 par lequel le prêteur a transmis les pièces du contrat ne comporte aucun élément de nature à corroborer la remise effective du bordereau de rétractation.
Il s’en évince que la société Cofidis, ne corrobore pas par des éléments de preuve complémentaires l’exactitude de cette clause type du contrat.
Aux termes de l’article L. 341-4 du code de la consommation dans sa rédaction applicable à la cause, la remise d’un offre dépourvue de bordereau de rétractation est sanctionné par la déchéance totale du droit du prêteur aux intérêts, l’emprunteur n’étant alors plus tenu qu’au seul remboursement du capital à l’exclusion des intérêts contractuels et des pénalités.
À cet égard, il ressort de l’analyse de l’historique des mouvements du crédit que la société Cofidis a encaissé depuis l’origine du prêt de 17 000 euros une somme totale de 3 525,18 euros, de sorte que les époux [V] restent lui devoir, après déchéance du droit du prêteur aux intérêts, la somme de 13 474,82 euros.
Il sera constaté que la société Cofidis demande confirmation du jugement et limite sa réclamation au paiement de la somme de 13 363,73 euros en principal suivant le calcul du premier juge. Le jugement sera confirmé sur ce point.
Les emprunteurs seront donc, après réformation du jugement attaqué, solidairement condamnés au paiement de la somme de 13 363,73 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 21 mars 2019.
S’agissant de la majoration du taux de l’intérêt légal prévue par l’article L. 313-3 du code monétaire et financier, la CJUE, amenée à interpréter les dispositions de l’article L. 311-48 devenu L. 341-1 et suivants du code de la consommation issues d’une transposition de la directive n° 2008/48/CE du Parlement et du Conseil de l’Union européenne en date du 23 avril 2008, a, par arrêt en date du 27 mars 2014, dit pour droit que ce texte s’oppose à l’application d’intérêts au taux légal majoré de plein droit deux mois après le caractère exécutoire d’une décision de justice prononçant la déchéance du droit du prêteur aux intérêts si les montants susceptibles d’être effectivement perçus par le prêteur à la suite de l’application de la sanction ne sont pas significativement inférieurs à ceux dont celui-ci pourrait bénéficier s’il avait respecté ses obligations.
Dès lors, afin de garantir l’effectivité des règles de protection des consommateurs prévues par cette directive, il incombe au juge de réduire d’office, dans une proportion constituant une sanction effective et dissuasive du manquement du prêteur à son obligation légale d’information, le taux de l’intérêt légal, appliqué aux sommes restant dues et éventuellement augmenté de cinq points lorsque celui-ci est supérieur ou équivalent au taux conventionnel.
Au regard du taux d’intérêts légal actuel de 4,22 %, l’application de la majoration de 5 points porterait le taux des intérêts applicables à un taux supérieur à celui résultant de l’application du contrat et justifie que l’application de la majoration de l’article L. 313-3 du code monétaire et financier soit écartée.
Au vu de l’ancienneté des impayés, les époux [V] ont disposé de larges délais pour s’acquitter de leur dette pour le règlement de laquelle ils ne formulent aucune proposition de règlement compatible avec les délais de l’article 1343-5 du code civil et leur demande à ce titre sera rejetée.
Succombant en appel, la société Cofidis supportera les dépens d’appel, les époux [V] conservant la charge des dépens de première instance.
Il n’y a pas matière à application de l’article 700 du code de procédure civile au bénéfice de quiconque.
PAR CES MOTIFS, LA COUR :
Infirme le jugement rendu le 24 juillet 2020 par le tribunal judiciaire de Saint-Nazaire en ce qu’il a condamné solidairement M. et Mme [V] à payer à la SA Cofidis la somme de 13 363,73 euros avec intérêts au taux de 6,39% à compter du 21 mars 2019 ;
Prononce la déchéance totale du droit du prêteur aux intérêts ;
Condamne solidairement M. [R] [V] et Mme [F] [E] épouse [V] à payer à la société Cofidis la somme de 13 363,73 euros avec intérêts au taux légal non majoré à compter du 21 mars 2019 ;
Confirme le jugement pour le surplus.
Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société Cofidis aux dépens d’appel.
Rejette toutes autres demandes contraires ou plus amples.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT