Droit de rétractation : Décision du 22 septembre 2022 Cour d’appel de Nîmes RG n° 21/02480

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Droit de rétractation : Décision du 22 septembre 2022 Cour d’appel de Nîmes RG n° 21/02480

ARRÊT N°

N° RG 21/02480 –

N° Portalis DBVH-V-B7F-IDAF

MPF – NR

TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP D’AVIGNON

19 avril 2021

RG:16/03833

S.A. COFIDIS

C/

[Y]

[I]

[M]

Grosse délivrée

le 22/09/2022

à Me Thomas AUTRIC

à Me Stephanie FALZONE-SOLER

COUR D’APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

1ère chambre

ARRÊT DU 22 SEPTEMBRE 2022

APPELANTE :

S.A. COFIDIS

Venant aux droits de la SA GROUPE SOFEMO suite à une fusion absorption ayant effet au 1er octobre 2015, prise en la personne de son représentant légal en exercice

[Adresse 7]

[Localité 3]

Représentée par Me Jean-Pierre HAUSSMANN de la SELARL HAUSSMANN KAINIC HASCOET, Postulant, avocat au barreau D’ESSONNE

Représentée par Me Thomas AUTRIC, Postulant, avocat au barreau de NIMES

INTIMÉS :

Monsieur [H] [Y]

Représenté par Maître [Z] [L], es qualité de liquidateur judiciaire,

[Adresse 6]

[Localité 1]

Assigné par PV 659 le 13 Septembre 2021

Sans avocat constitué

Madame [T] [I] épouse [Y]

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentée par Me Stephanie FALZONE-SOLER de la SELAS CIRCE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau D’AVIGNON

Maître Frédéric [M]

Es qualité de « Mandataire liquidateur » de la « SARL ENAIRSOL »

[Adresse 2]

[Localité 5]

Assigné à domicile le 1er septembre 2021

Sans avocat constitué

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente de chambre,

Mme Elisabeth TOULOUSE, Conseillère,

Mme Séverine LEGER, Conseillère,

GREFFIER :

Mme Nadège RODRIGUES, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

À l’audience publique du 21 Juin 2022, où l’affaire a été mise en délibéré au 22 Septembre 2022,

Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel ;

ARRÊT :

Arrêt rendu par défaut, prononcé publiquement et signé par Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente de chambre, le 22 Septembre 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour

EXPOSE DU LITIGE

Le 31 juillet 2009, les époux [Y] ont signé un bon de commande portant sur une centrale photovoltaïque d’une puissance de 2520 KWC d’un prix de 23 000 euros fournie par la société Enairsol.

Les acheteurs ont financé cette installation par un prêt de 23 000 euros au taux de 7,42 % l’an, contracté le 31 juillet 2009 auprès de la société Groupe Sofemo, qui a fait l’objet d’une fusion absorption au profit de la société Cofidis.

Une procédure de liquidation judiciaire a été ouverte à l’égard de [H] [Y] et Maître [Z] [L] désigné en qualité de liquidateur.

Comme la centrale photovoltaïque était installée sur le toit de la maison des époux [Y], sa mise à l’arrêt le 9 août 2012 était effectuée à la demande du vendeur, la société Enairsol, en raison d’un risque d’incendie lié à un défaut des boîtiers de jonction assemblés sur certains modules de ladite centrale.

Par acte du 11 juin 2013, la société Enairsol a assigné devant le tribunal de commerce d’Avignon le fabricant du matériel, son assureur et l’organisme de financement, la société Groupe Sofemo, devenue Cofidis, ainsi que ses 176 clients concernés par les panneaux de marque Scheuten, aux fins notamment d’obtenir la condamnation solidaire du fabricant et de son assureur à relever et garantir la société Enairsol de toutes condamnations susceptibles d’être prononcées à son endroit au bénéfice de ses clients, ainsi que la condamnation des mêmes à payer à la société Enairsol la somme de 300 000 euros en réparation de son propre préjudice ( instance n° RG 14/3809).

Par jugement du 27 janvier 2014, le tribunal de commerce d’Avignon s’est déclaré incompétent au profit du tribunal de grande instance d’Avignon.

Après mise en demeure du 26 janvier 2015, la SA Cofidis a prononcé la déchéance du terme et assigné [T] [I] épouse [Y] devant le tribunal de grande instance de Nîmes par acte du 25 mars 2015 en règlement de sa créance.

Par ordonnance du 26 octobre 2016, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Nîmes, retenant la connexité entre les deux dossiers, s’est dessaisi au profit du tribunal de grande instance d’Avignon, lequel a joint les deux instances.

Le tribunal judiciaire d’Avignon, par jugement réputé contradictoire du 19 avril 2021, a :

– mis hors de cause la compagnie d’assurance Axa et rejeté toutes les demandes formées à l’encontre de la société AIG Europe SA venant aux droits de AIG Europe Limited ;

– prononcé la nullité du contrat de vente conclu avec la société Enairsol selon bon de commande du 31 juillet 2009 ;

– dit que le crédit souscrit auprès de Sofemo devenue Cofidis est un crédit immobilier ;

– prononcé la résolution du contrat de prêt pour violation de l’article L. 312-10 du code de la consommation applicable ;

– condamné la société Cofidis à payer aux époux [Y] la somme de 3 000 euros en réparation du préjudice découlant de la privation des dispositions protectrices du code de la consommation applicables au crédit immobilier,

– fixé le remboursement dû par les époux [Y] à la société Cofidis à la somme de 6 335,56 euros (9 335,56 euros moins 3 000 euros) et au besoin condamné [T] [I] épouse [Y] à la payer ;

– condamné la société Cofidis venant aux droits de la société Sofemo à payer aux époux [Y] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Par déclaration du 28 juin 2021, la société Cofidis a interjeté appel de ce jugement.

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées par voie électronique le 30 mars 2022, la société Cofidis demande à la cour d’ infirmer le jugement en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, de :

– déclarer [T] [Y] née [I] prescrite, irrecevable et subsidiairement mal fondée en ses demandes ;

– la condamner à lui payer la somme de 22 627,64 euros au taux contractuel de 7,42 % l’an à compter du 26 janvier 2015 ;

– ordonner la capitalisation annuelle des intérêts dans le cadre de l’anatocisme ;

A titre subsidiaire, si la cour venait à prononcer la nullité ou la résolution judiciaire des conventions,

– condamner [T] [Y] née [I] à lui rembourser le capital emprunté d’un montant de 23 000 euros avec intérêts au taux légal à compter de l’arrêt à intervenir,

En tout état de cause,

– la condamner à lui payer une indemnité d’un montant de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

La SA Cofidis soutient que les demandes des consorts [Y] sont prescrites sur le fondement de l’article 2224 du code civil pour avoir été formulées plus de cinq ans après la signature du bon de commande du 31 juillet 2009.

L’appelante ajoute que le tribunal a méconnu le principe du contradictoire pour avoir soulevé d’office la nullité du bon de commande et que Mme [I] n’ayant pas versé aux débats l’original du bon de commande mais seulement une copie du recto de ce document, la cour ne peut savoir si les mentions essentielles sont ou non présentes au verso.

Elle considère aussi qu’il y a eu réitération du consentement, Mme [I] ayant signé un contrat de crédit, accepté la livraison des marchandises, suivi les travaux, raccordé l’installation au réseau Enedis, signé un contrat avec la société EDF ainsi qu’une attestation de livraison.

Concernant le prêt, la SA Cofidis soutient que le contrat doit être requalifié en acte de commerce, dans la mesure où l’intégralité de l’électricité est vendue à EDF. Elle indique qu’elle ne s’est pas soumise volontairement au droit de la consommation à partir du moment où il s’agit d’un prêt professionnel ou du moins commercial. Elle fait valoir subsidiairement qu’il y aurait lieu de requalifier le contrat en prêt de droit commun s’agissant d’un prêt supérieur à 21 500 euros consenti avant le 1er mai 2011, date d’entrée en vigueur de la loi dite Lagarde.

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées par voie électronique le 3 janvier 2022, [T] [Y] née [I] demande à la cour de confirmer le jugement sauf en ce qu’il a condamné la société Cofidis à indemiser les époux [Y] à hauteur de la somme de 3 000 euros et l’a condamnée à rembourser à la société Cofidis la somme de 6 335,56 euros. L’intimée demande à la cour de :

– prononcer la nullité du contrat de vente conclu avec la société Enairsol en application de l’article L. 121-23 du code de la consommation et, à titre subsidiaire, sa résolution par application de l’article 1626 en raison de l’éviction du fait du vendeur,

– prononcer la résolution du crédit souscrit auprès de Sofemo à la suite de l’anéantissement du contrat de vente;

A titre subsidiaire,

– prononcer la nullité du crédit pour vice du consentement des époux [Y] en raison de l’erreur légitime sur la nature du prêt ;

– prononcer la nullité du crédit pour violation de l’article L. 312-10 du code de la consommation;

– condamner la société Cofidis pour fautes à lui verser la somme de 9 355,56 euros en réparation du préjudice subi ;

A titre très subsidiaire,

– fixer le remboursement dû à la société Cofidis à la différence entre le capital emprunté et les échéances versées, soit 9 355,56 euros et ordonner la compensation entre les créances réciproques des parties ;

En tout état de cause,

– condamner la société Cofidis à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens avec distraction au profit de Maître Falzone-Soler pour ceux dont elle aurait fait l’avance sans percevoir de provision en vertu de l’article 699 du code de procédure civile.

L’appelante considère que le contrat de vente est nul en vertu de l’article L. 121-23 du code de la consommation, étant observé que le bon de commande ayant été remis à M. [H] [Y] était incomplet, ne comportait aucune information ou mention légale applicable au démarchage à domicile, et qu’il résultait de la seule lecture des attestations de livraison qu’il n’avait pas été informé de son droit de rétractation.

Subsidiairement, elle estime que le contrat doit être résolu du fait même de la société Enairsol, laquelle les a privés de l’usage paisible de l’installation photovoltaïque. Sur la prescription soulevée, elle souligne que la fin de non recevoir est personnelle à la société Enairsol, ajoutant qu’en tout état de cause, la méconnaissance des dispositions d’ordre public du code de la consommation peut être relevée d’office par le juge.

Sur le crédit souscrit auprès de la SA Cofidis, elle considère qu’il doit être résolu par suite de l’anéantissement du contrat de vente conclu avec Enairsol en raison de l’interdépendance des contrats ou en application de l’article L. 312-12 du code de la consommation. Subsidiairement, il y aura lieu d’en prononcer la nullité pour vice de consentement en raison de l’erreur sur la nature du prêt, les époux [Y] ayant légitimement cru qu’il s’agissait d’un crédit affecté, accessoire à la vente des panneaux photovoltaïques, et ne pouvaient se douter qu’il s’agissait d’un crédit immobilier. Elle ajoute que la nullité s’impose encore au regard des règles spéciales du code de la consommation, en particulier l’article L. 312-10 du code de la consommation.

Au reste, elle expose que la société Cofidis ne rapporte pas la preuve de la remise des fonds à Pierre et Feu et ne saurait en conséquence leur en demander la restitution. En outre, elle engage sa responsabilité par ses fautes et doit être privée de son droit à remboursement.

M. [H] [Y] et Maître [Z] [L] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Enairsol, n’ont pas constitué avocat.

Par ordonnance du 15 mars 2022, la procédure a été clôturée le 7 juin 2022 et l’affaire a été fixée à l’audience du 21 juin 2022.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action en nullité du contrat de vente :

Les emprunteurs soulèvent la nullité du bon de commande lequel ne serait pas conforme aux dispositions de l’article L 121-23 du code de la consommation.

La SA COFIDIS soutient que les époux [Y] ont excipé de la nullité du bon de commande pour la première fois dans leurs conclusions datées de juin 2016, soit plus de cinq ans après le 31 juillet 2009, date de la signature de ce document et qu’en conséquence, leur action en nullité est prescrite.

Cette fin de non-recevoir a été écartée par le tribunal au motif que la jurisprudence de la cour de cassation et de la CJCE enseignent que la méconnaissance des dispositions d’ordre public du code de la consommation peut être relevée d’office par le juge sans considération du délai d’action dans l’intérêt de la protection du consommateur.

L’appelante demande à la cour de déclarer irrecevable comme prescrite la demande des époux [Y] tendant à l’annulation du bon de commande du 31 juillet 2019.

L’intimée estime que la SA Cofidis ne peut pas leur opposer la fin de non-recevoir tirée de la prescription de la nullité du contrat de vente laquelle serait personnelle au vendeur, la société Enairsol.

Aux termes de l’article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande sans examen au fond pour défaut du droit d’agir tel la prescription. Tout plaideur qui a un intérêt à se prévaloir du défaut du droit d’agir de son adversaire a donc qualité pour soulever une fin de non-recevoir. Le prêteur est donc recevable à soulever la prescription de la nullité de la vente : s’il est fait droit à cette demande, la nullité du contrat de vente entraîne la nullité du contrat de crédit affecté en vertu du principe de l’interdépendance du contrat principal et du contrat accessoire.

Les intimés ne contestent pas par ailleurs que les conclusions dans lesquelles ils ont saisi le tribunal de leur demande tendant à l’annulation du bon de commande du 31 juillet 2009 ont été signifiées fin juin 2016. Ils ne contestent pas non plus que le délai de prescription a commencé à courir le 31 juillet 2009, date de la signature du bon de commande.

Leur demande n’est donc pas recevable, leur action en nullité étant prescrite depuis le 31 juillet 2014 en application des dispositions de l’article 2224 du code civil.

Le jugement sera infirmé sur ce point.

Sur la nullité de la vente conclue entre la société Enairsol et les époux [Y] soulevée d’office par le premier juge :

Les opérations visées à l’article L 121-21 doivent faire l’objet d’un contrat dont un exemplaire est remis au client au moment de la conclusion de ce contrat et comporter, à peine de nullité, les mentions suivantes :

1° Noms du fournisseur et du démarcheur ;

2° Adresse du fournisseur ;

3° Adresse du lieu de conclusion du contrat ;

4° Désignation précise de la nature et des caractéristiques des biens offerts ou des services proposés ;

5° Conditions d’exécution du contrat, notamment les modalités et le délai de livraison des biens, ou d’exécution de la prestation de services ;

6° Prix global à payer et modalités de paiement ; en cas de vente à tempérament ou de vente à crédit, les formes exigées par la réglementation sur la vente à crédit, ainsi que le taux nominal de l’intérêt et le taux effectif global ;

7° Faculté de renonciation prévue à l’article L 121-25 ainsi que les conditions d’exercice de cette faculté et, de façon apparente, le texte intégral des articles L. 121-23, L. 121-24, L. 121-25 et L. 121-26.

Le premier juge a prononcé la nullité du bon de commande du 31 juillet 2009 après avoir relevé d’office l’absence de conformité de ce document aux prescriptions de l’article L 121-3 du code de la consommation applicable au présent litige. Il a relevé en effet que la mention de la faculté de renonciation ainsi que celle de ses conditions d’exercice ne figuraient pas de façon apparente dans le bon de commande et que la mention aux termes de laquelle les contractants reconnaissaient rester en posssion d’un double du bon de commande doté d’un formulaire de rétractation était sujette à caution.

L’appelante fait grief au premier juge d’avoir outrepassé ses pouvoirs en soulevant d’office la nullité du bon de commande et violé le principe du contradictoire en prononçant la nullité dudit contrat sans avoir préalablement recueilli ses observations sur ce moyen de droit.

Sur la violation du principe du contradictoire, la cour relève que l’appelante s’est bornée à la déplorer sans solliciter l’annulation du jugement sur le fondement de l’article 16 alinéa 3 du code de procédure civile. Ce moyen qui ne sous-tend aucune prétention utile ne sera pas examiné. En effet, dans le dispositif de ses conclusions, l’appelante a seulement demandé l’infirmation du jugement alors que la violation du principe du contradictoire est une cause de nullité du jugement et qu’à la suite de l’annulation du jugement et en application des dispositions de l’article 562 alinéa 2 du code de procédure civile, la cour doit statuer au fond sans pouvoir confirmer ou infirmer le jugement.

La SA Cofidis pour conclure à l’infirmation du jugement fait grief au premier juge d’avoir soulevé d’office la nullité du bon de commande après avoir constaté que la demande tendant à la même fin formée par les époux [Y] était prescrite.

Le tribunal a considéré que la méconnaissance des dispositions d’ordre public du code de la consommation pouvait être relevée d’office par le juge sans considération du délai d’action.

L’appelante considère quant à elle que la prescription est opposable au juge.

L’article R 632-1 du code de la consommation permet au juge de relever d’office la violation d’une disposition protectrice du code de la consommation: la question se pose de savoir s’il peut le faire et prononcer la nullité du contrat même quand le délai de prescription par voie d’action imposé au consommateur a expiré.

Par un avis rendu le 21 octobre 2021, la première chambre civile de la Cour de cassation a répondu par l’opportunité d’un renvoi préjudiciel à la Cour de justice de l’Union européenne à la question suivante de la cour d’appel de Paris: « Au regard des articles R. 632-1 du code de la consommation, 6 du code civil, L. 110-4 du code de commerce et de la lecture par la CJUE de la directive no 2008/48/CE du 23 avril 2008 relative au rôle du juge dans le respect des dispositions d’un ordre public économique européen, le juge peut-il soulever d’office la nullité d’un contrat de crédit à la consommation, notamment en application de l’article L. 312-25 du code de la consommation au-delà de l’expiration du délai quinquennal de prescription opposable à une partie’ » ( Civ. 1re, avis, 21 oct. 2021, no 21-70.015).

Cet avis a certes été rendu dans le domaine du crédit à la consommation, mais la problématique de l’articulation entre la prescription de l’action en nullité du consommateur et la faculté offerte au juge par l’article R 632-1 du code de la consommation de soulever d’office la violation des dispositions protectrices du code de la consommation et prononcer la nullité du contrat est la même en matière de vente hors établissement, régie par la directive no 2011/83/UE du Parlement UE et celle du Conseil UE du 25 octobre 2011 relative aux droits des consommateurs.

Aux termes de ses écritures, [E] [I] épouse [Y], intimée, formule sa demande comme suit : «  la cour doit prononcer la résolution du contrat de crédit que ce soit en raison de l’interdépendance des contrats en cas de nullité ou de résolution du contrat principal ou en application de l’article L 312-12 du code de la consommation ».

La demande de l’intimée tendant à l’annulation du contrat de crédit affecté souscrit auprès de la SA Cofidis est donc fondée sur deux moyens de droit distincts : la nullité du contrat de crédit consécutive à la nullité du contrat de vente pour défaut de conformité aux dispositions de l’article L. 121-3 du code de la consommation, d’une part, et la nullité du seul contrat de crédit pour défaut de conformité aux dispositions de l’article L. 312-10 du même code de la consommation, d’autre part.

Avant d’examiner l’intérêt pour résoudre le présent litige de saisir d’un renvoi préjudiciel à la Cour de justice de l’Union européenne de la question de l’opposabilité au juge de la prescription de l’action en nullité du contrat de vente conclu hors établissement, il convient préalablement d’examiner l’autre moyen soulevé par l’intimée tendant pareillement à l’anéantissement du contrat de crédit affecté.

Sur la nullité du contrat de crédit conclu entre les époux [Y] et la société Sofimo devenue SA Cofidis :

Sur la qualification du contrat :

Le tribunal a suivi l’argumentation de [E] [I] épouse [Y] et considéré que le contrat de crédit souscrit le 31 juillet 2014 s’analysait en un contrat de crédit immobilier régi par les dispositions des articles L 312-2 et L 312-19 du code de la consommation. Les premiers juges ont en effet retenu que le crédit était d’un montant supérieur à 21 500 euros et qu’il était destiné à financer l’installation en toiture de leur maison d’habitation de panneaux photovoltaïques permettant aux acquéreurs d’améliorer leur bien par la production de leur propre électricité même si elle pouvait être vendue en tout ou en partie à un fournisseur d’énergie.

L’appelante conteste cette analyse et considère au contraire que le contrat de crédit souscrit par les époux [Y] avait pour objet le financement d’une installation photovoltaïque assurant la production d’électricité destinée non à leur usage personnel mais à la revente dans sa totalité à EDF : cette vente de l’intégralité de l’électricité produite est selon la SA Cofidis un acte de commerce par nature de sorte que le contrat de prêt finançant l’achat de l’installation ne relève pas des dispositions du code de la consommation.

L’intimée soutient que l’installation de panneaux photovoltaïques sur la toiture de sa maison est une dépense relative à l’amélioration de son habitation et que le contrat de crédit destinée à la financer relève des opérations énumérées par l’article L 312-2 du code de la consommation. [E] [I] épouse [Y] estime par ailleurs que la soumission au code de la consommation des crédits immobiliers ne dépend nullement du caractère civil ou commercial du contrat de crédit.

L’article L 312-2 du code de la consommation applicable aux faits de l’espèce définit comme suit le champ d’application du chapitre consacré au crédit immobilier: «  Les dispositions du présent chapitre s’appliquent aux prêts qui, quelle que soit leur qualification ou leur technique, sont consentis de manière habituelle par toute personne physique ou morale en vue de financer les opérations suivantes :

1o Pour les immeubles à usage djeudi, septembre 22, 2022mardi, septembre 20, 2022habitation ou à usage professionnel [et] djeudi, septembre 22, 2022mardi, septembre 20, 2022habitation:

a) Leur acquisition en propriété ou en jouissance;

b) La souscription ou ljeudi, septembre 22, 2022mardi, septembre 20, 2022achat de parts ou actions de sociétés donnant vocation à leur attribution en propriété ou en jouissance;

c) Les dépenses relatives à leur construction, leur réparation, leur amélioration ou leur entretien lorsque le montant de ces dépenses est supérieur à celui fixé en exécution du dernier alinéa de l’article L. 311-3;

Le contrat de crédit souscrit le 31 juillet 2009, dans le paragraphe intitulé « objet du prêt », vise un kit photovoltaïque au prix de 23 000 euros. La case «  amélioration de l’habitat » est cochée d’une croix. Il n’y a aucune référence expresse à la revente intégrale et permanente de l’électricité produite à EDF. Le bon de commande ne l’évoque pas non plus. Quant à l »expertise versée aux débats par l’appelante, elle ne concerne pas les époux [Y] mais les époux [S], autres clients de la société Enairsol.

Le tribunal à bon droit a jugé que le prêt contracté entrait dans le champ d’application des dispositions applicables aux crédits immobiliers tel que défini par l’article L 312-2 du code de la consommation après avoir retenu que le prêt était d’un montant supérieur à 21 500 euros et qu’il était destiné à financer l’achat et l’installation en toiture de panneaux photovoltaïques permettant aux époux [Y], propriétaires d’un immeuble à usage d’habitation d’améliorer leur bien par la production de leur propre électricité, même si tout ou partie de celle-ci pouvait être vendue à un fournisseur d’énergie.

En effet, les contrats de vente et d’installation de panneaux photovoltaïques, de même que les contrats de crédit qui leur sont affectés, ne sauraient être qualifiés d’actes de commerce pour la seule raison qu’ils préparent des ventes futures d’énergie, dès lors que ces contrats sont conclus par des particuliers, hors de leur activité professionnelle. Les époux [Y] lors de la conclusion du contrat de vente étaient en effet respectivement artisan électricien et responsable de logistique, professions sans rapport avec la production et la vente d’électricité, et l’installation a été installée sur le toit de leur maison d’habitation.

Contrairement à ce que soutient la SA Cofidis, la présence dans le contrat d’une mention aux termes de laquelle les dispositions du code de la consommation sont inapplicables si le montant du prêt excède la somme de 21 500 euros ne transforment pas en contrat de prêt de droit commun le contrat de prêt litigieux, lequel, par son montant ( 21 500 euros) et sa finalité ( amélioration d’un immeuble à usage d’habitation), répond aux conditions d’application des dispositions du chapitre du code de la consommation consacré au crédit immobilier.

Sur la résolution du contrat :

L’article L. 312-10 du code de la consommation applicable au contrat de crédit souscrit par les époux [Y] le 31 juillet 2009 dispose :

« L’envoi de l’offre oblige le prêteur à maintenir les conditions qu’elle indique pendant une durée minimale de trente jours à compter de sa réception par l’emprunteur. L’offre est soumise à l’acceptation de l’emprunteur et des cautions, personnes physiques, déclarées. L’emprunteur et les cautions ne peuvent accepter l’offre que dix jours après qu’ils l’ont reçue. L’acceptation doit être donnée par lettre, le cachet de la poste faisant foi. »

Le tribunal à la demande de [E] [I] épouse [Y] a ordonné la résolution du contrat de crédit, motifs pris de ce que l’offre de ce crédit, relevant des dispositions d’ordre public de protection des articles L. 312-2 et L. 312-9 du code de la consommation, ne respectait pas le délai de dix jours de l’acceptation de l’offre édicté par l’article L. 312-10 du même code.

La SA Cofidis considère que l’action en résolution du contrat de crédit est prescrite et fait grief au premier juge d’avoir soulevé d’office l’inobservation du délai de réflexion de dix jours prévu par l’article L 312-10 du code de la consommation.

Le délai de cinq ans prévu par l’article 2224 du code civil court « à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer » et la charge de la preuve de la connaissance des faits pertinents incombe à celui qui se prévaut de la prescription.

La SA Cofidis ne démontre pas que les époux [Y] connaissaient l’existence de la violation par le prêteur des dispositions de l’article L 212-10 avant le mois de juin 2016, date de la signification de leurs conclusions dans lesquelles ils ont pour la première fois invoqué cette irrégularité.

En effet, ne peut être retenue comme point de départ du délai de prescription le 31 Juillet 2009, date de l’offre de prêt laquelle consistait en une offre préalable de crédit accessoire à une vente et prévoyait une acceptation exempte de délai de réflexion. Lors de la signature de cette offre, les époux [Y] ignoraient que le crédit qu’ils contractaient était un crédit immobilier, la société Sofemo, devenue SA Cofidis, professionnelle du crédit, leur ayant adressé une simple offre de crédit accessoire à une vente qui stipulait expressément que leur acceptation n’était soumise à aucun délai.

La SA COFIDIS ne démontre donc pas que la demande de requalification du contrat de crédit affecté en crédit immobilier et la demande d’anéantissement de ce contrat sur le fondement de l’article L. 312-10 du code de la consommation sont prescrites.

En application de l’article L. 312-10 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, l’emprunteur ne peut accepter l’offre de prêt que dix jours après qu’il l’a reçue. L’inobservation de ce délai est sanctionnée par la nullité du contrat.

Le délai de réflexion de dix jours n’ayant pas été imparti aux emprunteurs lesquels ont accepté le jour-même de la réception de l’offre, la nullité du contrat de crédit conclu le 31 juillet 2009 entre les époux [Y] et la société Sofemo sera prononcée.

En effet, contrairement à ce qu’a jugé le tribunal à la demande des emprunteurs, la méconnaissance du délai de réflexion prévu par l’article L 312-10 du code de la consommation est la nullité et non la résolution.

La cour qui n’aggrave pas le sort de l’appelant et ne modifie pas l’objet du litige requalifiera la sanction prononcée en prononçant la nullité du contrat plutôt que sa résolution.

La nullité du contrat de crédit pour violation des dispositions de l’article L 312-10 du code de la consommation étant prononcée, la question de l’opposabilité de la prescription au juge usant de la faculté offerte par l’article R 632-1 du code de la consommation de soulever d’office la violation des dispositions protectrices du code de la consommation est devenue sans intérêt pour la solution du présent litige.

Sur la responsabilité de la SA Cofidis :

Le tribunal a estimé que la faute du prêteur laquelle a consisté à priver les emprunteurs du bénéfice du délai de réflexion prévu par la loi leur avait causé un préjudice arbitré à la somme de 3 000 euros.

Selon l’appelante, l’action en responsabilité des emprunteurs à son encontre, engagée aux termes de leurs écritures de juin 2016, est prescrite, le délai de cinq ans prévu par l’article 2224 du code civil ayant commencé à courir le 30 décembre 2009, date de la libération des fonds prêtés. La SA COFIDIS réfute avoir commis les fautes alléguées par les emprunteurs et fait observer qu’ils ne rapportent pas la preuve d’un préjudice en lien avec lesdites fautes, la défectuosité technique des panneaux solaires ne lui étant pas imputable.

L’intimée retient à l’encontre du prêteur diverses fautes: absence de vérification de la régularité formelle du bon de commande, absence de vérification de l’exécution complète de la prestation et absence d’émission d’une offre de crédit immobilier. Elle sollicite dans le cadre de son appel incident la réformation du jugement sur le montant de l’indemnité allouée en réparation de son préjudice et réclame la somme de 9355,56 euros correspondant à la différence entre le montant du capital emprunté ( 23 000 ) et celui des échéances déjà réglées ( 13 644,44 ).

Compte-tenu de la date de libération des fonds ‘ 31 décembre 2009 ‘ et celle des conclusions aux termes desquelles les emprunteurs ont estimé qu’en raison de ses fautes, le prêteur devait être privé de son droit à la restitution du capital emprunté ‘ juin 2016 -, l’action en responsabilité fondée sur la libération des fonds entre les mains du vendeur sans s’assurer de la régularité formelle du bon de commande et de l’exécution complète de la prestation est prescrite. En effet, l’intimée ne soutient pas qu’elle n’a pas été en mesure de découvrir l’existence de ces deux manquements le 31 décembre 2009.

En revanche, l’action en réparation du préjudice causé par la privation du délai de réflexion prévu par l’article L 312-10 du code de la consommation n’est pas prescrite. En effet, la société Sofemo n’a pas remis aux époux [Y] une offre de crédit immobilier mais une offre de crédit accessoire à une vente ne stipulant aucun délai de réflexion et ne visant pas les dispositions de l’article L 312-10 du code de la consommation de sorte qu’à la date de la signature du contrat le 31 juillet 2009, ils ont été induits en erreur sur l’étendue de leurs droits et ignoraient qu’ils bénéficiaient d’un tel délai.

Ainsi que l’a justement souligné le premier juge, la remise d’une offre de crédit accessoire à une vente ne stipulant aucun délai de réflexion a fait obstacle aux dispositions plus protectrices des articles L 312-1 et suivants du code de la consommation applicables aux crédits immobiliers et leur a causé un préjudice en les privant du délai de réflexion de dix jours prévu par l’article L 312-10 du code de la consommation.

Le jugement sera donc confirmé en ce que, faisant une juste appréciation du préjudice subi par les emprunteurs, il a fixé à la somme de 3000 euros l’indemnité propre à le réparer.

Sur l’article 700 du code de procédure civile :

L’équité justifie de condamner la SA Cofidis à payer à [E] [I] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant publiquement, par défaut, en matière civile et en dernier ressort,

Infirme partiellement le jugement en ce qu’il a prononcé la nullité du contrat de vente et la résolution du contrat de crédit,

Statuant à nouveau,

Déclare irrecevable comme prescrite la demande tendant à l’annulation du bon de commande du 31 juillet 2009 formée par les époux [X],

Déclare irrecevable comme prescrite l’action en responsabilité contre la Sa Cofidis à raison de l’absence de vérification de la régularité du bon de commande et de l’absence de vérification de l’exécution complète de la prestation,

Rejette les autres fins de non-recevoir tirées de la prescription,

Prononce la nullité du contrat de crédit conclu le 31 juillet 2009 entre la société Sofemo devenue SA Cofidis et les époux [Y],

Dit que l’exercice de la faculté offerte par l’article R 632-1 du code de la consommation de soulever d’office la violation des dispositions de l’article L 121-1 du code de la consommation est sans intérêt pour la solution du présent litige,

Confirme pour le surplus le jugement entrepris,

Y ajoutant,

Condamne la SA Cofidis à payer à [E] [I] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

La condamne aux dépens.

Arrêt signé par Mme FOURNIER, Présidente de chambre et par Mme RODRIGUES, Greffière.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

 


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