Droit de rétractation : décision du 22 mars 2023 Cour d’appel de Riom RG n° 21/01527
Droit de rétractation : décision du 22 mars 2023 Cour d’appel de Riom RG n° 21/01527
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COUR D’APPEL

DE RIOM

Troisième chambre civile et commerciale

ARRET N°

DU : 22 Mars 2023

N° RG 21/01527 – N° Portalis DBVU-V-B7F-FUJZ

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Arrêt rendu le vingt deux Mars deux mille vingt trois

Sur APPEL d’une décision rendue le 11 mai 2021 par le juge des contentieux de la protection du tribunal de proxmité de VICHY (RG n° 11-19-000455)

COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :

Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre

Mme Virginie THEUIL-DIF, Conseiller

M. François KHEITMI, Magistrat Honoraire

En présence de : Mme Christine VIAL, Greffier, lors de l’appel des causes et du prononcé

ENTRE :

M. [H] [M]

[Adresse 3]

[Localité 2]

et

Mme [B] [M]

[Adresse 3]

[Localité 2]

tous les deux représentés par Me Alexandre BENAZDIA, avocat au barreau de CUSSET/VICHY (postulant) et Me François CORNUT, avocat au barreau de LYON (plaidant)

APPELANTS

ET :

M. [S] [G]

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentant : la SELARL CAP AVOCATS, avocats au barreau de CUSSET/VICHY

INTIMÉ

DEBATS : A l’audience publique du 18 Janvier 2023 Madame DUBLED-VACHERON a fait le rapport oral de l’affaire, avant les plaidoiries, conformément aux dispositions de l’article 785 du CPC. La Cour a mis l’affaire en délibéré au 15 Mars 2023 puis prorogé le délibéré au 22 Mars 2023.

ARRET :

Prononcé publiquement le 22 Mars 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre, et par Mme Christine VIAL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Faits et procédure

M. et Mme [M] ont demandé à M. [S] [G] d’effectuer un certain nombre de prestations extérieures à leur domicile.

– la réfection du faîtage du toit,

– le démoussage du toit par un traitement anti-mousse dans les règles,

– l’abattage de deux grands arbres,

– la taille des haies et l’étêtage de cerisiers,

– la pose de baguettes de sécurité sur les nez-de-marches de l’escalier extérieur,

– la réparation d’une planche de rive.

Mécontents de la qualité des prestations réalisées pour un montant de 9.230 euros, M et Mme [M] ont sollicité leur avocat qui a adressé à M. [G] un courrier de réclamation le 20 juin 2019.

Par acte d’huissier en date du 25 septembre 2019, ils ont fait assigner M.[G] devant le tribunal d’instance de Vichy, aux fins de le voir condamner au paiement de la somme de 9.230 euros au titre des sommes réglées, outre la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Par jugement rendu le 11 mai 2021, le tribunal de proximité de Vichy a :

-débouté M. [H] [M] et Mme [B] [M] de l’ensemble de leurs demandes,

-débouté M. [S] [G] de sa demande de dommages et intérêts,

-condamné M. [H] [M] et Mme [B] [M] à verser à M. [S] [G] la somme de 1.200 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

-condamné M. [H] [M] et Mme [B] [M] aux entiers dépens.

Le tribunal a considéré que les requérants ne justifiaient d’aucune façon de manoeuvres pratiquées par M. [S] [G] pour contracter, de travaux entachés de désordres et de malfaçons ou d’une intervention faisant suite à un démarchage téléphonique.

Par déclaration d’appel du 9 juillet 2021, enregistrée le 12 juillet 2021, M. et Mme [M] ont interjeté appel de cette décision.

Par conclusions d’incident en date du 22 juillet 2022, M. et Mme [M] ont demandé à la cour de condamner M. [G] à produire, sous astreinte de 500 euros par jour de retard et ce dans un délai de quinze jours à compter de la signification de l’ordonnance, l’ensemble des pièces suivantes : l’assurance souscrite par M. [G] pour la période des travaux, le bon de commande, le devis et le procès-verbal de réception.

Par ordonnance en date du 3 novembre 2022, le conseiller de la mise en état de la troisième chambre civile et commerciale de la cour d’appel de Riom a ordonné à M. [S] [G] de communiquer le contrat d’assurance souscrit antérieurement à celui souscrit auprès de la société Axelliance à effet au 14 août 2019 couvrant la période des travaux exécutés au domicile de M. et Mme [M], sans prononcer d’astreinte.

Par conclusions déposées et notifiées en date du 22 novembre 2022, les époux [M] demandent à la cour, au visa des articles 1231-1, 1103, 1104, 1193 et 1116 du code civil d’infirmer le jugement du 11 mai 2021,

A titre principal,

-de dire et juger nul le contrat pour dol et non-respect du droit de rétractation,

-d’ordonner le remboursement par M. [G] de la somme de 9.230 euros.

A titre subsidiaire,

-de condamner M. [G] à leur verser la somme de 9.500 euros au titre de la résolution du contrat.

A titre infiniment subsidiaire,

-de condamner M. [G] à leur verser la somme de 9.500 euros au cas où la réception serait prononcée et au titre de la garantie d’achèvement dans le cas contraire,

Dans tous les cas,

-de condamner M. [G] à leur verser la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Au soutien de leurs demandes, ils affirment que les travaux ne sont pas conformes aux engagements contractuels;

que M. [G] résiste à communiquer la police d’assurance ; qu’il s’est rendu coupable d’un dol par l’omission de l’assurance et de la garantie décennale, obligatoire.

Ils ajoutent que les travaux n’ont jamais été réceptionnés, la réception tacite d’un ouvrage étant inapplicable à des travaux de réfection;

qu’en application de la loi Macron du 5 janvier 2016, le contrat souscrit ne comportait pas les mentions obligatoires relatives à l’assurance et à la garantie décennale ; que les sommes réclamées par M. [G] ont été réglées en intégralité.

Par conclusions déposées et notifiées en date du 8 novembre 2022, M. [G] demande à la cour, au visa des articles 9 et 700 du code de procédure civile :

-de déclarer recevable et régulier son appel incident,

-de débouter les consorts [M] de leurs prétentions,

-de confirmer le jugement rendu le 11 mai 2021, sauf en ce qu’il a rejeté sa demande pour procédure abusive,

-de condamner les époux [M] à lui verser la somme de 500 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive,

-de condamner les époux [M] à lui verser la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel et aux entiers dépens de l’instance d’appel.

Au soutien de ses demandes, il indique :

-qu’il a réalisé les travaux sans désordres et respecté ses engagements contractuels ; que les époux [M] ne prouvent aucunement l’inverse,

-qu’il a produit les factures et son attestation d’assurance civile et décennale qui n’entre pas en jeu puisque qu’il n’existe pas de désordres,

-que les époux [M] ne prouvent ni le fait qu’il aurait commis des manoeuvres dolosives à leur égard pour obtenir leur engagement, ni qu’il ait manifesté une intention dolosive à leur égard, ni même l’existence d’un préjudice,

-que l’absence de réception expresse ne signifie pas l’absence de toute réception : le chantier a été réceptionné tacitement au 1er février 2019,

-que la procédure diligentée par les consorts [M] est marquée de mauvaise foi.

Il sera renvoyé aux conclusions des parties pour l’exposé complet de leurs demandes et moyens.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 8 décembre 2022.

Motivation :

I- Sur la demande des époux [M] :

A titre liminaire, il sera rappelé que les « demandes » tendant à « voir constater » ne constituent pas des prétentions au sens de l’article 4 du code de procédure civile et ne saisissent pas la cour. Il en est de même pour les demandes tendant à voir « dire et juger » lorsque celles-ci développent en réalité des moyens.

Aux termes du dispositif de leurs conclusions, les époux [M] présentent à titre principal les demandes suivantes :

-prononcer la nullité du contrat pour dol et non respect du droit de rétractation,

-ordonner le remboursement des sommes versées sur le fondement des articles 1134 et 1147 anciens du code civil,

Suivant l’article 1130 du code civil, applicable au contrat litigieux, l’erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu’ils sont de telle nature que, sans eux, l’une des parties n’aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes.

Leur caractère déterminant s’apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné.

Aux termes de l’article 1137 du code civil, le dol est le fait pour un contractant d’obtenir le consentement de l’autre par des man’uvres ou des mensonges.

Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l’un des contractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie.

Néanmoins, ne constitue pas un dol le fait pour une partie de ne pas révéler à son cocontractant son estimation de la valeur de la prestation.

Il sera rappelé que suivant les dispositions de l’article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

S’agissant du dol, M et Mme [M] affirment que M. [G] n’a pas souscrit de garantie décennale ; que cette absence d’assurance est un élément déterminant qui les fondent à solliciter la nullité du contrat.

Ce faisant, les appelants ne caractérisent pas l’existence de manoeuvres, de mensonges ou de dissimulation intentionnelle de l’information portant sur la garantie décennale. Ils ne produisent d’ailleurs aucun courrier par lequel ils auraient réclamé, avant de passer commande des travaux, le justificatif d’une garantie déterminante à leur yeux ni aucune pièce rapportant la preuve d’un mensonge ou d’une dissimulation intentionnelle de la part de M. [G].

Le premier juge fait observer à juste titre que M et Mme [M] se contentent de produire une lettre recommandée adressée le 20 juin 2019 par l’intermédiaire de leur conseil et la réponse qui leur a été apportée. Enfin, M. [G] produit aux débats une attestation d’assurance prenant effet au 14 août 2019 avec clause de reprise du passé consentie moyennant une surprime de 846,49 euros TTC ce qui rend vaine l’argumentation développée par les appelants sur ce point.

S’agissant du non respect du droit de rétractation, les appelants, qui ne visent pas l’article L 221-18 du code de la consommation dans leurs conclusions mais sollicitent la nullité du contrat pour ‘non respect du droit de rétractation’, ne justifient pas avoir fait l’objet d’un démarchage téléphonique de la part de M. [G]. C’est donc à juste titre que le juge de première instance a rejeté l’action en nullité du contrat.

Enfin s’agissant de l’application de la ‘loi Macron du 5 janvier 2016″: l’arrêté du 5 janvier 2016 pris en application de l’article 95 de la loi du 6 août 2015 a modifié le deuxième alinéa de l’article 243-2 du code des assurances, relatif à la justification de la souscription d’assurance décennale ainsi que l’article 243-3 du code des assurances qui en résulte et prévoit des sanctions pénales pour tout contrevenant aux dispositions des articles L 241-1 à L 242-2 du code des assurances. Ces textes ne font pas de l’absence de production du contrat d’assurance une cause de nullité du contrat de maîtrise d’oeuvre.

A titre subsidiaire, les époux [M] sollicitent la résolution ‘du contrat’, sans préciser au demeurant de quel contrat il s’agit alors que plusieurs factures ont été établies pour des travaux différents et qu’aucun contrat ni devis pour une prestation globale n’est produit.

Ils se contentent d’affirmer que les prestations n’ont jamais été réceptionnées de manière contradictoire ; qu’elles ne sont pas conformes aux engagements contractuels ; que la responsabilité de M. [G] est ‘évidente’.

L’évidence ne se décrète pas mais se démontre au moyen de photographies, de constats d’huissiers ou d’attestations. Tel n’est pas le cas en l’espèce Monsieur et Madame [M] qui procèdent par affirmation et confondent la liste des travaux avec la liste des malfaçons.

Contrairement à ce qu’annonçait leur conseil dans un courrier du 20 juin 2019, aucun expert n’a été désigné.

S’agissant de l’absence de réception, les époux [M] se contredisent en récusant d’une part l’hypothèse d’une réception tacite au motif qu’il n’y a jamais eu d’ouvrage mais uniquement des travaux de réfection et en faisant d’autre part grief à M. [G] de ne pas avoir organisé la réception des travaux.

La mobilisation d’une garantie légale suppose une réception des travaux.

L’article 1792-6 du code civil, dispose que la réception est l’acte par lequel le maître de l’ouvrage déclare accepter l’ouvrage avec ou sans réserves. Elle intervient à la demande de la partie la plus diligente, soit à l’amiable, soit à défaut judiciairement. Elle est, en tout état de cause, prononcée contradictoirement.

En l’espèce, seule la réfection du faîtage (changement des tuiles faîtières et pose de tuiles neuves) entre dans la catégorie des travaux nécessitant réception. Les autres travaux entrepris sont des travaux de jardinage ou des petits travaux.

Il n’est pas contesté qu’aucun procès-verbal de réception n’a été établi.

En l’espèce, les factures produites portent la mention ‘acquitté’ ce qui démontre que les époux [M] ont réglé les travaux sans faire jouer d’exception d’inexécution alors qu’ils invoquent un manquement tel qu’il justifierait le remboursement total des travaux effectués. Les appelants n’ont pas convoqué M. [G] pour une réception des travaux. Le paiement sans réserve des factures à la fin de l’année 2018 soit 7 mois avant le premier courrier adressé par leur avocat à M. [G] constitue une présomption de la volonté non équivoque des maîtres de l’ouvrage de recevoir l’ouvrage .

S’agissant de la demande de résolution du contrat pour inexécution : les appelants ne précisent ni la nature des désordres, ni la nature des manquements dont il font grief à M. [G].

Cette demande doit dont être écartée.

S’agissant de la demande de remboursement de la somme de 9.500 euros au titre de la ‘garantie d’achèvement’, il sera rappelée que la garantie de parfait achèvement porte sur les désordres apparents ayant fait l’objet de réserves à la réception (ce qui n’est pas le cas en l’espèce) ou les désordres apparus dans l’année qui suit la réception ; il convient encore une fois de souligner l’absence totale de preuve de l’existence de désordres.

La demande sera également rejetée.

-Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive :

L’exercice d’une action en justice, de même que la défense à une telle action, constitue un droit, et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d’erreur grossière équipollente au dol.

La mauvaise foi des époux [M] n’étant pas démontrée cette demande de dommages et intérêts sera rejetée et le jugement confirmé sur ce point.

-Sur les autres demandes :

M et Mme [M] succombant en leurs demandes seront condamnés aux dépens.

Il serait particulièrement inéquitable de laisser à la charge de M. [G] ses frais de défense. M et Mme [M] seront condamnés à lui verser la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par ces motifs :

La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, mis à la disposition des parties au greffe de la juridiction ;

Confirme le jugement en toutes ses dispositions par motifs en partie substitués ;

Y ajoutant,

Condamne M. [H] [M] et Mme [B] [M] à verser à M. [S] [G] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [H] [M] et Mme [B] [M] aux dépens.

Le greffier, La présidente,

 


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