Droit de rétractation : Décision du 22 février 2023 Cour d’appel de Montpellier RG n° 20/02295

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Droit de rétractation : Décision du 22 février 2023 Cour d’appel de Montpellier RG n° 20/02295

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 22 FEVRIER 2023

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 20/02295 – N° Portalis DBVK-V-B7E-OTAN

Arrêt n°

Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 MAI 2020

CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE NARBONNE – N° RG F 19/00295

APPELANTE :

S.A.S. EGA

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentée par Me Thierry CHOPIN de la SELAS CHOPIN-PEPIN & ASSOCIES, avocat au barreau de NARBONNE

INTIMEE :

Madame [F] [L]

Née le 09 juin 1959 à [Localité 5]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Jean-François MOSSUS, avocat au barreau de BEZIERS

(bénéficie d’une aide juridictionnelle totale numéro 2020/006548 du 08/07/2020 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de MONTPELLIER)

Ordonnance de clôture du 22 Novembre 2022

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 13 DECEMBRE 2022,en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Véronique DUCHARNE, Conseiller, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Jean-Pierre MASIA, Président

Madame Véronique DUCHARNE, Conseiller

Madame Isabelle MARTINEZ, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Marie-Lydia VIGINIER

ARRET :

– contradictoire ;

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

– signé par M. Jean-Pierre MASIA, Président, et par Mme Marie-Lydia VIGINIER.

*

* *

FAITS ET PROCÉDURE

Selon contrat de travail à durée déterminée du 2 janvier 2019, Mme [F] [L] a été embauchée à temps partiel par la SASU EGA jusqu’au 30 avril 2019, en qualité d’assistante de niveau A, moyennant une rémunération mensuelle brut de 869,30 €.

A compter du 1er mai 2019, la relation de travail s’est poursuivie dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée, moyennant une rémunération mensuelle brut de 887,78 €.

Par lettre remise en main propre contre décharge le 14 mai 2019, l’employeur a convoqué la salariée à un entretien en vue d’une rupture conventionnelle.

Le 21 mai 2019, ils ont signé la rupture conventionnelle du contrat de travail.

Par requête du 4 décembre 2019, la salariée a saisi le conseil des prud’hommes de Narbonne aux fins de requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et du prononcé de la nullité de la rupture conventionnelle produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par jugement du 11 mai 2020, le conseil de prud’hommes a ainsi statué :

– « dit et juge que le contrat de travail à durée déterminée est requalifié en contrat à durée indéterminée,

– prononce l’annulation de la rupture conventionnelle,

– dit et juge que la rupture du contrat de travail s’analyse en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

– condamne la SASU EGA prise en la personne de son représentant légal à payer à Mme [F] [L] les sommes de :

* 888 € au titre de l’indemnité de requalification,

* 614,40 € brut à titre de rappel de salaire,

* 61,44 € brut au titre des congés payés afférents,

* 887, 78 € à titre d’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 887,78 € brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

* 88,77 € brut à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

* 1 000 € à titre de dommages et intérêts,

– condamne la SASU EGA prise en la personne de son représentant légal à adresser à Mme [F] [L] un bulletin de paie récapitulatif des condamnations prononcées ainsi qu’une attestation pôle emploi rectifiée selon le présent jugement,

– ordonne l’exécution provisoire sur tout le jugement en application de l’article 55 du Code de procédure civile,

– condamne la SASU EGA prise en la personne de son représentant légal au remboursement aux organisme intéressés des indemnités de chômage versées à la salariée licenciée, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de 6 mois d’indemnités chômage,

condamne la SASU EGA à payer à Mme [F] [L] la somme de 1 000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,

– déboute les parties du surplus de leurs demandes,

– condamne la SASU EGA aux entiers dépens ».

Par déclaration enregistrée au RPVA le 10 juin 2020, l’employeur a régulièrement interjeté appel de ce jugement.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions enregistrées au RPVA le 30 août 2022, la SAS EGA demande à la Cour au visa des articles L.1237-11 et L.1243-11 du Code du travail de :

– dire et juger que le contrat de travail à durée déterminée pour surcroît temporaire d’activité conclu entre elle et la salariée était justifié ;

– dire et juger que le consentement de la salariée au moment de la signature de la convention de rupture n’était nullement vicié ;

En conséquence,

– constater la validité de la rupture conventionnelle ;

– dire et juger qu’elle avait la possibilité de régulariser la demande d’homologation sans que cela ne fasse courir un nouveau délai ;

En conséquence,

– constater que l’homologation de la convention de rupture a été réalisée conformément aux délais applicables ;

– débouter la salariée de l’intégralité de ses demandes indemnitaires, exception faite s’agissant du rappel de salaire pour la période du 1er au 22 juin 2019 ;

– condamner la salariée à lui verser la somme de 2.500 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions enregistrées au RPVA le 15 octobre 2020, Mme [F] [L] demande à la Cour de :

– confirmer le jugement rendu ;

Y ajoutant,

– condamner l’employeur à lui payer une somme de 1.500 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;

– condamner l’employeur aux entiers dépens.

Pour l’exposé des prétentions des parties et leurs moyens, il est renvoyé, conformément à l’article 455 du Code de procédure civile, à leurs conclusions ci-dessus mentionnées et datées.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 22 novembre 2022.

MOTIFS

Sur la requalification du contrat de travail à durée déterminée du 2 janvier 2019 en contrat à durée indéterminée.

Il résulte des dispositions des articles, L. 1242-1, L. 1242-2, L. 1242-7, L. 1242-12, L. 1242-13, et L. 1245-1 que le contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet, ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise, ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire et seulement dans les cas énumérés par la loi et notamment pour faire face à un accroissement temporaire d’activité.

L’accroissement temporaire d’activité correspond à une augmentation temporaire de l’activité habituelle de l’entreprise. Cette situation recouvre les augmentations accidentelles ou cycliques de la charge de travail que l’entreprise ne peut pas absorber avec ses effectifs habituels. Si ce surcroît n’est pas nécessairement exceptionnel, il doit être néanmoins inhabituel et précisément limité dans le temps.

Selon les dispositions de l’article L 1245-1 du code du travail, lorsqu’un contrat de travail à durée déterminée a été conclu en dehors des situations autorisées par la loi ou en violation des interdictions légales, il est réputé à durée indéterminée.

Il incombe à l’employeur de rapporter la preuve de la réalité du motif énoncé dans le contrat.

En l’espèce, la salariée fait valoir que la réalité de l’accroissement d’activité n’est pas justifiée.

En effet, s’il ressort du contrat de travail que le motif du recours est précisé, soit « accroissement temporaire de l’activité lié à la réorganisation de la société », l’employeur ne produit aucun élément justificatif susceptible de corroborer l’existence d’un tel accroissement temporaire d’activité.

Dès lors, le contrat à durée déterminée litigieux doit être requalifié en contrat de travail à durée indéterminée.

Il sera fait droit à la demande relative à l’indemnité de requalification d’un montant de 888 €.

Le jugement sera confirmé de ces chefs.

Sur le rappel de salaire et congés payés afférents.

Les parties s’accordent sur le fait que l’employeur n’a pas réglé les salaires correspondant à la période du 1er au 22 juin 2019.

Il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a condamné l’employeur à payer à la salariée la somme de 614,44 € brut au titre du rappel de salaires et la somme de 61,44 € brut au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés y afférents.

Sur la rupture conventionnelle.

L’article L 1237-11 du Code du travail dispose que « l’employeur et le salarié peuvent convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie.

La rupture conventionnelle, exclusive du licenciement ou de la démission, ne peut être imposée par l’une ou l’autre des parties.

Elle résulte d’une convention signée par les parties au contrat.

Elle est soumise aux dispositions de la présente section destinées à garantir la liberté du consentement des parties ».

En l’espèce, pour obtenir de la Cour qu’elle prononce la nullité de la convention de rupture, laquelle produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, la salariée fait valoir que :

– l’employeur a manqué à son obligation de remise d’un exemplaire de la convention à son égard ;

– l’homologation de la rupture conventionnelle est nulle, l’employeur ayant adressé le document à la Direccte avant l’expiration du délai de rétractation ;

– son consentement a été vicié.

Il résulte des dispositions légales susvisées que la convention signée par les parties, doit, à peine de nullité, être établie en deux exemplaires, dont l’un est remis au salarié, la remise d’un exemplaire de la convention au salarié étant nécessaire à la fois pour que chacune des parties puisse demander l’homologation de la convention, et pour garantir le libre consentement du salarié, en lui permettant d’exercer ensuite son droit de rétractation en connaissance de cause. La mention selon laquelle la convention a été établie en deux exemplaires ne fait pas présumer sa remise au salarié et, en cas de contestation, la charge de la preuve de la remise d’un exemplaire de la convention au salarié pèse sur l’employeur.

L’employeur, qui soutient avoir remis un exemplaire du formulaire Cerfa à la salariée, produit une copie de deux formulaires Cerfa du 22 mai 2019 attestant de la rupture conventionnelle, remplis et signés par les parties.

Néanmoins, il ne prouve pas avoir remis l’un des exemplaires à la salariée, en sorte que la convention de rupture doit être annulée.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a prononcé l’annulation de la rupture conventionnelle et jugé que la rupture du contrat de travail s’analysait en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences pécuniaires de la rupture.

L’article L 1235-3 du Code du travail, dans sa rédaction en vigueur du 24 septembre 2017 au 1er avril 2018 issue de l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, applicable au cas d’espèce, prévoit que l’indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse d’un salarié totalisant moins d’un an d’ancienneté dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés, ne peut dépasser 1 mois de salaire brut.

Compte tenu de l’âge de la salariée (née le 9 juin 1959), de son ancienneté à la date du licenciement (plus de 4 mois), du nombre de salariés habituellement employés (moins de 11 salariés), de sa rémunération mensuelle brut (887,78 €) et de l’absence de justificatif relatif à sa situation actuelle, il convient de fixer les sommes suivantes à son profit :

– 887,78 € au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 887,78 € au titre de l’indemnité compensatrice de préavis

(1 mois).

La salariée, qui sollicite l’indemnisation d’un préjudice moral lié aux circonstances brutales et vexatoires de la rupture, ne produit aucun élément susceptible de caractériser un préjudice distinct qui n’aurait pas été réparé.

Le jugement sera infirmé en ce qu’il a condamné l’employeur à verser à la salariée la somme de 1.000 € à titre de dommages et intérêts au regard des circonstances de la rupture.

Sur les demandes accessoires.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a ordonné à l’employeur de délivrer à la salariée un bulletin de paie récapitulatif et l’attestation destinée à Pôle emploi, rectifiés conformément à la décision.

L’article L 1235-4 du Code du travail prévoit qu’en cas de licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, le remboursement par l’employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié est ordonné d’office lorsque lesdits organismes ne sont pas intervenus à l’instance.

L’article L 1235-5 du même Code exclut l’application du texte précédent lorsque le salarié licencié a moins de deux années d’ancienneté dans l’entreprise et lorsque cette dernière emploit habituellement moins de onze salariés ; ce qui est le cas en l’espèce.

Il y a lieu en conséquence, même en l’absence de toute demande présentée à ce titre par l’employeur, d’infirmer le jugement en ce qu’il a condamné l’employeur au remboursement à Pôle emploi des indemnités de chômage versées à la salariée dans la limite de 6 mois.

L’employeur sera tenu aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Il est équitable de ne pas faire application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile pour les frais exposés en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré, par arrêt mis à disposition au greffe ;

INFIRME le jugement du 11 mai 2020 du conseil de prud’hommes de Narbonne en ce qu’il a condamné la SAS EGA :

– à payer à Mme [F] [L] la somme de 1 000 € à titre de dommages et intérêts pour rupture du contrat de travail dans des circonstances brutales et vexatoires,

– à rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage versées à la salariée dans la limite de 6 mois ;

Statuant à nouveau sur ces chefs infirmés,

DÉBOUTE Mme [F] [L] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral lié aux circonstances brutales et vexatoires de la rupture ;

DIT que les conditions d’application des articles L 1235-4 et L 1235-5 du Code du travail ne sont pas réunies pour condamner la SAS EGA à rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage versées à Mme [F] [L] ;

CONFIRME ledit jugement pour le surplus ;

Y ajoutant,

DIT n’y avoir lieu à application de l’article 700 du Code de procédure civile au titre des frais exposés en cause d’appel ;

CONDAMNE la SAS EGA aux entiers dépens de l’instance ;

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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