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ARRÊT N°
CE/SMG
COUR D’APPEL DE BESANÇON
ARRÊT DU 21 MARS 2023
CHAMBRE SOCIALE
Audience publique
du 6 décembre 2022
N° de rôle : N° RG 22/00794 – N° Portalis DBVG-V-B7G-EQKW
S/appel d’une décision
de la Cour de Cassation
en date du 16 mars 2022
Code affaire : 80J
Contestation du motif non économique de la rupture du contrat de travail
AUTEUR DE LA DECLARATION DE SAISINE ET APPELANTE
Monsieur [Y] [C] demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Cédric MENDEL, avocat au barreau de DIJON, absent et Me Inés PAINDAVOINE, avocat au barreau de DIJON, présente
PARTIE ADVERSE
EDERATION DES ETABLISSEMENTS D’ACCUEIL ET ORGANIS ATIONS DE SERVICES A DOMICILE (FEDOSAD) sise [Adresse 2]
représentée par Me Félipe LLAMAS, avocat au barreau de DIJON, absent et substitué par Me Clémence PERIA, avocat au barreau de DIJON, présente
COMPOSITION DE LA COUR :
Lors des débats du 06 Décembre 2022 :
Monsieur Christophe ESTEVE, Président de Chambre
Madame Bénédicte UGUEN-LAITHIER, Conseiller
Mme Florence DOMENEGO, Conseiller
qui en ont délibéré,
Mme MERSON GREDLER, Greffière lors des débats
Les parties ont été avisées de ce que l’arrêt sera rendu le 14 Mars 2023 par mise à disposition au greffe. A cette date la mise à disposition de l’arrêt a été prorogé au 21 mars 2023.
*************
Statuant sur la déclaration de saisine, sur renvoi après cassation, formée le 16 mai 2022 par M. [Y] [C] à l’encontre de l’association fédération des établissements d’accueil et d’organisations de services à domicile (FEDOSAD),
Vu le jugement rendu le 2 mai 2018 entre les parties par le conseil de prud’hommes de Dijon, qui a :
– constaté l’absence de tout vice de consentement de M. [C],
– jugé valide la rupture conventionnelle de son contrat de travail,
– débouté M. [Y] [C] de la totalité de ses demandes,
– condamné M. [Y] [C] à verser à l’association FEDOSAD pour procédure abusive la somme de 1 000 euros de dommages-intérêts au titre du préjudice moral,
– débouté les parties de leur demande respective sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné M. [Y] [C] aux dépens,
Vu l’arrêt rendu le 15 octobre 2020 par la cour d’appel de Dijon, qui a :
– confirmé le jugement susvisé en toutes ses dispositions,
– débouté M. [Y] [C] de toutes ses demandes,
– débouté l’association FEDOSAD de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive,
– condamné M. [Y] [C] à verser à l’association FEDOSAD la somme de 800 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,
– condamné M. [Y] [C] aux dépens,
Vu l’arrêt rendu le 16 mars 2022 par la chambre sociale de la Cour de cassation (n° 20-22.265), qui a cassé et annulé, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 15 octobre 2020, entre les parties, par la cour d’appel de Dijon, remis l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyées devant la cour d’appel de Besançon,
Vu les conclusions transmises le 5 juillet 2022 par M. [Y] [C], auteur de la déclaration de saisine et appelant, qui demande à la cour de :
– infirmer le jugement prononcé par le conseil de prud’hommes de Dijon le 2 mai 2018,
statuant à nouveau,
– annuler la rupture conventionnelle,
– juger que la rupture de son contrat de travail s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– condamner l’association FEDOSAD à lui verser les sommes suivantes :
– 120.000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 23.897,92 euros au titre de l’indemnité de préavis, outre 2.389,79 € au titre des congés payés afférents,
– 41.821 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement,
– 2.500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– juger que la somme de 55.000 euros versée par la FEDOSAD devra se compenser avec les sommes qui seront allouées à Monsieur [C] à la présente décision,
– condamner l’association FEDOSAD à lui remettre les documents légaux rectifiés correspondant aux condamnations prononcées, à savoir fiche de paie et attestation Pôle emploi et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir,
– condamner l’association FEDOSAD aux entiers dépens de première instance et d’appel,
– débouter l’association FEDOSAD de l’ensemble de ses demandes, fin et prétentions,
Vu les conclusions transmises le 2 septembre 2022 par l’association fédération des établissements d’accueil et d’organisations de services à domicile (FEDOSAD), partie adverse et intimée, qui demande à la cour de :
A TITRE PRINCIPAL :
– confirmer le jugement prud’homal déféré,
en conséquence :
– débouter M. [Y] [C] de l’intégralité de ses demandes et prétentions,
– condamner M. [Y] [C] à lui verser à titre reconventionnel pour procédure abusive la somme de 1 000 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice moral,
– condamner M. [Y] [C] à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l’articIe 700 du code de procédure civile,
– condamner M. [Y] [C] aux entiers dépens,
A TITRE SUBSIDIAIRE :
– ordonner le remboursement par M. [C] à l’association de l’indemnité spéciale de rupture conventionnelle d’un montant de 55 000 euros,
– limiter la condamnation au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse à hauteur de 6 mois de salaire, soit à la somme de 32 514 euros,
La cour faisant expressément référence aux conclusions susvisées pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties,
Vu l’ordonnance de clôture en date du 24 novembre 2022,
SUR CE
EXPOSE DU LITIGE
M. [Y] [C] a été embauché le 1er août 2002 par l’association FEDOSAD sous contrat à durée indéterminée à temps plein en qualité d’agent des relations extérieures, avec reprise d’ancienneté au 1er juillet 1998.
Il a régulièrement évolué au sein de l’association pour occuper en dernier lieu les fonctions de directeur opérationnel des établissements, statut cadre.
La relation de travail était soumise à la convention collective unique de la branche de l’aide, de l’accompagnement, des soins et des services à domicile du 21 mai 2010.
Par lettre du 12 juillet 2016, l’employeur a convoqué le salarié à un entretien préalable à une sanction disciplinaire, qui s’est tenu le 19 juillet.
Par courrier du 21 juillet 2016 remis en main propre le 22 juillet, l’employeur a notifié au salarié un blâme pour manquement à la discipline générale.
Dans le même temps, le salarié a remis en main propre à son employeur, le 22 juillet 2016, un courrier daté du 20 juillet aux termes duquel il sollicitait une rupture conventionnelle négociée.
Dans ce cadre, le salarié a été convoqué à deux entretiens successifs qui se sont déroulés les 29 juillet et 5 août 2016.
Lors du second entretien, les parties ont signé un formulaire de rupture conventionnelle, aux termes de laquelle le montant brut de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle s’élevait à 55.000 euros et la date envisagée de la rupture du contrat de travail était fixée le 7 octobre 2016.
A l’issue du délai de rétractation de quinze jours, la demande d’homologation a été adressée à la DIRECCTE, qui par courrier du 24 août 2016 l’a accueillie.
Contestant la validité de la rupture conventionnelle de son contrat de travail, M. [Y] [C] a saisi le conseil de prud’hommes de Dijon le 21 juillet 2017, après un courrier de son avocat en date du 13 juin 2017 resté sans suite.
C’est dans ces conditions qu’ont été rendus le 2 mai 2018 le jugement entrepris, puis le 15 octobre 2020 l’arrêt confirmatif de la cour d’appel de Dijon, lequel a été cassé en toutes ses dispositions, ainsi qu’il a été dit, par arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation en date du 16 mars 2022.
MOTIFS
1- Sur la nullité de la rupture conventionnelle :
M. [Y] [C] poursuit la nullité de la rupture conventionnelle en se prévalant de deux moyens :
– son consentement aurait été extorqué par violence morale ;
– aucun exemplaire de la convention de rupture ne lui a été remis.
1-1- Sur la violence morale :
Selon M. [Y] [C], sa demande de rupture conventionnelle a été extorquée par une violence morale, dans la mesure où dans le même temps l’employeur lui faisait certains reproches, qui concernaient notamment les dysfonctionnements menaçant la santé et la sécurité des salariés dont il avait la charge.
Il soutient que la lecture de son courrier démontre sans aucun doute qu’il lui a été dicté par l’employeur.
Il se prévaut essentiellement de l’attestation de Mme [R], ancienne secrétaire de l’association, qui indique :
« Monsieur [C] avant de partir de la FEDOSAD en septembre 2016 m’a confié en présence d’une collègue que Monsieur [Z] [B] l’a poussé à la rupture conventionnelle et lui a demandé clairement combien il voulait pour la signer.
Monsieur [Z], depuis sa nomination au poste de Directeur général, avec Madame [U] [D], DRH, ont progressivement destitué Monsieur [C] de ses fonctions en prenant place au sein de toutes les réunions et en prenant les décisions concernant la réorganisation de son service(…)
A partir de [septembre 2016], j’ai été témoin du fait que toute l’équipe administrative du service établissement (service de M. [C]) a été poussée soit à la démission soit à la rupture conventionnelle (c’est huit salariés d’un même service qui a été renouvelé en quatorze mois). (…) ».
Il doit être rappelé que l’existence d’un différend au moment de la conclusion d’une convention de rupture conventionnelle n’affecte pas en elle-même la validité de cette convention (Soc. 26 juin 2013 n° 12-15.208, Soc. 16 décembre 2015 n° 13-27.212).
Il en est de même de l’existence de reproches concomitamment formulés par l’employeur à l’encontre du salarié, le cas échéant sanctionnés (Soc 15 janvier 2014 n° 12-23.942).
Mais la rupture conventionnelle ne peut être imposée par l’une ou l’autre des parties.
Au cas présent, il ressort des productions qu’à la suite d’un entretien préalable qui s’est déroulé le 19 juillet 2016, l’employeur a remis en main propre au salarié, le 22 juillet, un courrier daté du 21 lui notifiant un blâme pour manquement à la discipline générale.
Par ce courrier, l’employeur reprochait essentiellement au salarié des carences en termes d’encadrement au sein du pôle « Etablissements » placé sous sa responsabilité opérationnelle, à l’origine de dysfonctionnements mettant en péril la santé et la sécurité des salariés et rejaillissant sur la qualité de la prise en charge des résidents.
Dans le même temps, le salarié a remis en main propre à son employeur, le 22 juillet 2016, un courrier daté du 20 juillet aux termes duquel il sollicitait une rupture conventionnelle négociée, qui a conduit à sa convocation, par courrier remis en main propre le même jour, au premier entretien à cette fin en date du 29 juillet.
Si à l’examen de la teneur de la lettre du salarié il n’est pas établi que celle-ci lui ait été dictée par l’employeur, en revanche il résulte de la concomitance de ces échanges que ce sont manifestement les deux parties, et non seulement le salarié, qui ont envisagé de mettre un terme au contrat de travail par une rupture conventionnelle et négocié en ce sens.
Le salarié a été partie prenante à la négociation puisque entre les deux entretiens des 29 juillet et 5 août, il a adressé le 3 août au directeur général le courriel suivant :
« [B],
Pour faire suite à notre rencontre de ce matin sur la proposition financière relative à l’indemnité de rupture conventionnelle, tu m’as proposé un accord sur la base globale de 49.059 € auxquels viendraient se rajouter le solde de tout compte relatif au solde de mes congés payés à ma date de départ.
Après avoir fait mes calculs, notamment sur mon délai de carence, ma simulation avec ces montants m’amène à 180 jours de carence avant d’être indemnisé Pôle emploi.
Au vu de ces éléments et de ma demande initiale, je vous demande un effort financier supplémentaire pour arriver à une indemnité de 55 000 € (hors solde de tout compte), ce qui me conviendrait.
Je te laisse le soin d’étudier cette proposition.
Dans l’attente et te remerciant par avance, je reste à ta disposition pour échanger sur le sujet si tu le souhaites.
Bien cordialement »
Cette proposition a été acceptée, la convention de rupture conventionnelle ayant été signée en ce sens le 5 août 2016.
Le montant de 55 000 euros alloué à ce titre a été reporté dans le reçu pour solde de tout compte, signé sans réserve par le salarié le 7 octobre 2016.
Considérant l’ensemble de ces éléments, M. [Y] [C] ne justifie pas que son consentement aurait été obtenu par violence morale.
L’attestation de Mme [R] dont il se prévaut n’a pas la portée qu’il lui prête.
En effet, indépendamment même de la circonstance qu’elle a elle-même pris acte de la rupture de son contrat un an plus tard et diligenté une action prud’homale à l’encontre de son employeur ainsi que celui-ci en justifie, Mme [R] dans la première partie de son témoignage ne fait que rapporter les propos de M. [Y] [C], tenus avant de quitter l’association. Quant à la seconde partie de l’attestation, elle procède uniquement par affirmations générales sans expliciter la nature des pressions qu’aurait exercées l’employeur.
Le vice de consentement allégué n’est donc pas démontré et par voie de conséquence il ne peut être retenu sur ce fondement que M. [Y] [C] n’aurait pas donné un consentement libre et éclairé.
C’est donc à bon droit que les premiers juges ont écarté ce moyen.
1-2- Sur l’absence de remise d’un exemplaire de la convention de rupture au salarié :
Par arrêt susvisé du 16 mars 2022, la chambre sociale de la Cour de cassation a cassé l’arrêt d’appel pour les motifs suivants, au visa des articles L. 1237-11 et L. 1237-14 du code du travail :
« Il résulte de ces textes, d’une part que la remise d’un exemplaire de la convention de rupture au salarié étant nécessaire à la fois pour que chacune des parties puisse demander l’homologation de la convention, dans les conditions prévues par l’article L. 1237-14 du code du travail, et pour garantir le libre consentement du salarié, en lui permettant d’exercer ensuite son droit de rétractation en connaissance de cause, à défaut d’une telle remise, la convention de rupture est nulle, d’autre part qu’en cas de contestation, il appartient à celui qui invoque cette remise d’en rapporter la preuve.
Pour débouter le salarié de sa demande de nullité de la rupture conventionnelle, l’arrêt retient que l’employeur ne démontre pas avoir remis au salarié un exemplaire « cerfa » de la convention de rupture, qu’il ne produit pas le récépissé idoine, ni aucune autre pièce probante mais que cependant l’employeur verse aux débats des pièces révélant que le salarié connaissait le déroulement précis de la procédure, les délais à respecter, les documents à établir et à remettre et que dans ces conditions, le salarié ne pouvait soutenir, nonobstant le défaut de remise de l’exemplaire « cerfa », qu’il ignorait bénéficier d’un délai de quinze jours pour se rétracter et que, partant, son consentement n’aurait pas été libre et éclairé.
En statuant ainsi, la cour d’appel a violé les textes susvisés. »
La cour de renvoi retient dans ces conditions que la remise d’un exemplaire de la convention de rupture au salarié est nécessaire à la fois pour que chacune des parties puisse demander l’homologation de la convention, dans les conditions prévues par l’article L. 1237-14 du code du travail, et pour garantir le libre consentement du salarié, en lui permettant d’exercer ensuite son droit de rétractation en connaissance de cause et qu’ à défaut d’une telle remise, la convention de rupture est nulle.
En cas de contestation, il appartient à celui qui invoque cette remise d’en rapporter la preuve.
Si, page 12 de ses conclusions, l’association affirme avoir remis au salarié son exemplaire « cerfa », elle déplore aussi ne pas lui avoir fait signer de décharge ou de récépissé lors de cette remise.
De fait, elle ne rapporte pas la preuve de la remise d’un exemplaire de la convention de rupture au salarié, qui le conteste formellement.
La pratique habituellement en vigueur au sein de l’association sur ce point, justifiées par les attestations [J], [T], [K], ne permet pas de présumer que M. [Y] [C] a, comme ces salariés, reçu un exemplaire de la convention de rupture.
En outre, celui-ci verse aux débats le témoignage contraire d’une autre salariée, Mme [P], qui atteste qu’aucun exemplaire « cerfa » ne lui a été remis, la circonstance qu’elle a courant octobre 2017 saisi la juridiction prud’homale à l’encontre de la FEDOSAD, pour d’ailleurs contester à ce titre la validité de la rupture conventionnelle de son contrat de travail, ne privant pas son témoignage de toute force probante.
Il résulte en outre des motifs susvisés de l’arrêt de cassation que la connaissance théorique de la procédure de rupture conventionnelle acquise par le salarié à l’occasion de l’exercice de ses fonctions n’est pas de nature à suppléer à la remise d’un exemplaire de la convention.
Par ailleurs, si l’indication dans la convention de rupture que celle-ci a été établie en trois exemplaires ne permet pas de présumer qu’un exemplaire a été remis au salarié (Soc. 13 avril 2022 n° 20-22.895), il en est a fortiori de même de la seule justification de son impression en trois exemplaires à partir du site « TéléRC » du ministère du travail.
La preuve de la remise d’un exemplaire de la convention de rupture au salarié n’étant donc pas rapportée par l’employeur, il convient d’annuler la rupture conventionnelle signée par les parties le 5 août 2016, le jugement entrepris étant infirmé en ce qu’il a constaté l’absence de tout vice de consentement du salarié, jugé valide la rupture conventionnelle de son contrat de travail et débouté M. [Y] [C] de la totalité de ses demandes.
2- Sur les conséquences financières de la nullité de la rupture conventionnelle :
La nullité de la rupture du contrat de travail produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
C’est dès lors à bon droit que M. [Y] [C] sollicite la condamnation de son ex-employeur à lui payer une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que l’indemnité de préavis majorée des congés payés afférents et l’indemnité légale de licenciement.
Il les calcule sur la base d’un salaire moyen brut mensuel de 5 974,48 euros, alors que l’employeur fixe celui-ci à la somme de 5 419,32 euros.
La cour constate qu’en vertu du dernier avenant (n° 5) du 2 mai 2014, la rémunération mensuelle brute globale s’élevait déjà à 5 503,48 euros correspondant au douzième de la rémunération annuelle brute de base majorée des primes.
Le montant de 5 974,48 euros dont se prévaut le salarié correspond à la moyenne des douze derniers mois de salaire brut mentionnés dans l’attestation destinée à Pôle emploi.
Ce dernier montant moyen sera donc retenu.
2-1- Sur l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :
En vertu de l’article L. 1235-3 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse et en l’absence de réintégration, le juge octroie une indemnité au salarié, à la charge de l’employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. Elle est due sans préjudice, le cas échéant, de l’indemnité de l’indemnité prévue à l’article L. 1234-9.
Âgé de presque 43 ans à la date de la rupture de son contrat, M. [Y] [C] bénéficiait d’une ancienneté de 18 ans et 3 mois.
L’intéressé ne fournit strictement aucune indication sur sa situation professionnelle et financière après la rupture de son contrat de travail. Sa profession actuelle n’est pas connue non plus.
Il ne justifie pas davantage du préjudice qu’il allègue, sans autre précision.
Considérant ces éléments et les circonstances de la cause, il convient de condamner l’association à lui payer la somme de 35 846,88 euros, correspondant à six mois de salaire, à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
2-2- Sur l’indemnité de préavis :
Conformément à la convention collective applicable (article 26.1) et aux stipulations de l’avenant n° 5 à son contrat de travail, le délai de préavis dont bénéficie le salarié en cas de licenciement, sauf faute grave, est de 4 mois.
Il convient dès lors d’accueillir la demande de M. [Y] [C] au titre de l’indemnité de préavis et de condamner l’association à lui payer la somme de 23.897,92 euros correspondant à quatre mois de salaire, outre celle de 2.389,79 euros représentant les congés payés afférents.
2-3- Sur l’indemnité légale de licenciement :
A titre liminaire, la cour constate que ni M. [Y] [C], ni l’association ne consacre le moindre développement à la demande formulée au titre de l’indemnité légale de licenciement.
M. [Y] [C] a manifestement calculé cette indemnité en fonction des dispositions de l’article R. 1234-2 du code du travail dans sa rédaction issue du décret n° 2017-1398 du 25 septembre 2017.
Or, c’est la rédaction antérieure de ce texte, issue du décret n° 2008-715 du 18 juillet 2008, qui est applicable au litige. Elle prévoit que l’indemnité de licenciement ne peut être inférieure à un cinquième de mois de salaire par année d’ancienneté, auquel s’ajoutent deux quinzièmes de mois par année au-delà de dix ans d’ancienneté, étant précisé que les dispositions conventionnelles sont sur ce point alignées sur le dispositif légal.
Dès lors, l’association sera condamnée à payer à M. [Y] [C] la somme de 28.378,78 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement.
3- Sur la remise des documents légaux :
Considérant les développements qui précèdent, l’association sera en outre condamnée à remettre à M. [Y] [C] une attestation Pôle emploi et un bulletin de paie conformes aux dispositions du présent arrêt, sans qu’il y ait lieu d’assortir cette condamnation d’une astreinte.
4- Sur la demande reconventionnelle en dommages-intérêts pour procédure abusive :
Compte tenu de la solution donnée au litige, la demande en dommages-intérêts présentée par l’association sur le fondement des articles 32-1 du code de procédure civile et L. 1222-1 du code du travail pour procédure abusive et déloyauté ne peut être accueillie.
C’est en vain que l’employeur se prévaut à cet égard de l’attestation établie par Mme [W] [X] qui assistait M. [Y] [C] lors de l’entretien préalable du 19 juillet 2016, aux termes de laquelle elle indique qu’à la suite de cet entretien le salarié lui a confié :
– Pour lui, les reproches qui lui sont faits ne sont pas légitimes tout comme Madame [U], DRH qui le reçoit, n’ayant pas selon lui le titre de Directeur.
– Je le cite « Je ne réfléchirai pas longtemps avant de demander une rupture conventionnelle ».
– Pour le citer de nouveau « Je mettrai quoi qu’il en soit la FEDOSAD aux Prud’hommes ».
En effet, ce témoignage n’a pas la portée ni la valeur probante que lui prête l’employeur, les propos décousus d’un salarié au sortir d’un entretien préalable éprouvant, qui a duré près de 2h15 selon les précisions figurant dans le courrier de notification du blâme, ne suffisant pas à établir sa déloyauté ni même le caractère prémédité de son action prud’homale, laquelle ne saurait en tout état de cause être considérée abusive.
La décision attaquée doit dès lors être également infirmée de ce chef et l’association déboutée de sa demande de dommages-intérêts à ces titres.
5- Sur le remboursement de l’indemnité spéciale de rupture :
L’association sollicite à titre subsidiaire le remboursement par M. [Y] [C] de l’indemnité spéciale de rupture, d’un montant de 55 000 euros, qui lui a été versée en exécution de la convention de rupture.
Dès lors que la rupture conventionnelle est annulée par la cour, le salarié est tenu de rembourser à l’employeur l’indemnité spéciale d’un montant de 55 000 euros que celui-ci lui avait versée au titre de cette rupture.
Il convient donc d’ordonner à M. [Y] [C] de rembourser à l’association FEDOSAD la somme de 55 000 euros correspondant à l’indemnité spéciale de rupture que celle-ci lui avait versée.
En outre et dans la mesure où elle est sollicitée par M. [Y] [C], la compensation entre la créance de l’employeur au titre du remboursement de l’indemnité spéciale de rupture et les créances allouées au salarié par le présent arrêt sera ordonnée.
6- Sur les frais irrépétibles et les dépens :
En application de l’article 639 du code de procédure civile, la juridiction de renvoi statue sur la charge de tous les dépens exposés devant les juridictions du fond y compris sur ceux afférents à la décision cassée.
La solution donnée au litige conduit à infirmer aussi le jugement entrepris en ce qu’il a statué sur les frais irrépétibles et les dépens de première instance.
En application de l’article 700 du code de procédure civile, il apparaît équitable d’allouer à M. [Y] [C] la somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles qu’il a dû exposer dans le cadre de la procédure.
L’association FEDOSAD, qui succombe, n’obtiendra aucune indemnité sur ce fondement et supportera les entiers dépens exposés devant les juridictions du fond, y compris ceux afférents à la décision cassée.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant sur renvoi de cassation par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,
Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Annule la rupture conventionnelle signée par les parties le 5 août 2016 ;
Dit en conséquence que la rupture du contrat de travail produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Condamne l’association FEDOSAD à payer à M. [Y] [C] les sommes suivantes :
– 35.846,88 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 23.897,92 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,
– 2.389,79 euros représentant les congés payés afférents,
– 28.378,78 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement ;
Condamne l’association FEDOSAD à remettre à M. [Y] [C] une attestation Pôle emploi et un bulletin de paie récapitulatif conformes aux dispositions du présent arrêt ;
Dit n’y avoir lieu d’assortir cette dernière condamnation d’une astreinte ;
Déboute l’association FEDOSAD de sa demande reconventionnelle en dommages-intérêts ;
Ordonne à M. [Y] [C] de rembourser à l’association FEDOSAD la somme de 55.000 euros correspondant à l’indemnité spéciale de rupture ;
Ordonne la compensation entre la créance de l’association FEDOSAD au titre du remboursement de l’indemnité spéciale de rupture et les créances de M. [Y] [C] résultant du présent arrêt ;
Condamne l’association FEDOSAD à payer à M. [Y] [C] la somme de 2.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne l’association FEDOSAD aux entiers dépens exposés devant les juridictions du fond.
Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le vingt et un mars deux mille vingt trois et signé par Christophe ESTEVE, Président de chambre, et Mme MERSON GREDLER, Greffière.
LA GREFFIÈRE, LE PRÉSIDENT DE CHAMBRE,