Droit de rétractation : Décision du 20 septembre 2022 Cour d’appel de Grenoble RG n° 20/01811

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Droit de rétractation : Décision du 20 septembre 2022 Cour d’appel de Grenoble RG n° 20/01811

C1

N° RG 20/01811

N° Portalis DBVM-V-B7E-KOM7

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

Me Nathalie LOURENCO

Me Guillaume PIALOUX

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section A

ARRÊT DU MARDI 20 SEPTEMBRE 2022

Appel d’une décision (N° RG F18/00068)

rendue par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de GAP

en date du 25 mai 2020

suivant déclaration d’appel du 22 Juin 2020

APPELANT :

Monsieur [D] [Z]

né le 04 Septembre 1988 à [Localité 3]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représenté par Me Nathalie LOURENCO, avocat au barreau de HAUTES-ALPES,

INTIMEE :

S.A.R.L. GIRAUD NEGOCE LOCATION, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège,

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Guillaume PIALOUX, avocat postulant inscrit au barreau de HAUTES-ALPES,

et par Me Olivier ROQUES de la SELARL CAPELA, avocat plaidant inscrit au barreau de MARSEILLE,

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Valéry CHARBONNIER, Conseillère faisant fonction de Présidente,

Madame Gaëlle BARDOSSE, Conseillère,

Madame Magali DURAND-MULIN, Conseillère,

DÉBATS :

A l’audience publique du 30 Mai 2022,

Mme Gaëlle BARDOSSE, Conseillère chargée du rapport, et Mme Valéry CHARBONNIER, Conseillère faisant fonction de Présidente ont entendu les parties en leurs conclusions et observations, assistées de Mme Mériem CASTE-BELKADI, Greffière, conformément aux dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, les parties ne s’y étant pas opposées ;

Puis l’affaire a été mise en délibéré au 20 septembre 2022, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L’arrêt a été rendu le 20 Septembre 2022.

Exposé du litige :

M. [Z] a accepté le 27 juin 2017 une promesse d’embauche en qualité d’électricien faite par la SARL GIRAUD NEGOCE LOCATION. Aucun contrat de travail n’a été signé entre les parties.

Le 23 janvier 2018, après homologation par la DIRECCTE de la rupture conventionnelle, les documents de fin de contrat sont établis.

M. [Z] a saisi le conseil des prud’hommes de Gap le 07 mars 2018 aux fins de voir annuler la rupture conventionnelle, constater la violation de l’obligation de sécurité par l’employeur, dire que la rupture de la relation de tavail doit s’analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et obtenir des indemnités afférentes.

Par jugement du 25 mai 2020, le conseil des prud’hommes de Gap a rejeté l’ensemble des demandes de M. [Z] et de la SARL GIRAUD NEGOCE LOCATION.

La décision a été notifiée aux parties et M. [Z] en a interjeté appel.

Par conclusions du 24 août 2020, M. [Z] demande à la cour d’appel de réformer la décision déférée et de :

Dire et juger la rupture convention datée du 02 janvier 2018 nulle, et de nul effet,

Dire et juger que la rupture du contrat liant les parties s’analyse en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

En conséquence,

Condamner la société GIRAUD NEGOCE LOCATION à lui verser les sommes suivantes :

‘ 2 207,79 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

‘ 2 207,79 euros à titre de dommages-intérêts pour irrégularité de la procédure de licenciement

‘ 4 415, 58 euros au titre du préavis et 441, 56 euros au titre des congés payés sur préavis,

‘ 842,86 euros au titre du rappel de salaires,

‘ 1 000 euros pour violation des règles de sécurité incombant à l’employeur (défaut visite d’embauche, défaut fourniture EPI),

‘ 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral

Condamner la société GIRAUD NEGOCE LOCATION à lui verser la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour la première instance et la somme de 2 000 euros en cause d’appel,

La condamner aux dépens.

Par conclusions du 22 octobre 2020, la SARL GNL-GIRAUD NEGOCE LOCATION demande à la cour d’appel de :

– Confirmer partiellement la décision du Conseil de Prud’hommes de GAP du 25 mai 2020 en ce qu’elle a débouté M. [Z] de la totalité de ses demandes ;

-Débouter M. [Z] de la totalité de ses demandes ;

-Sur l’appel incident, réformer partiellement la décision entreprise en ce qu’elle a débouté la société GNL-GIRAUD NEGOCE LOCATION de l’ensemble de ses demandes ;

-Condamner M. [Z] à payer à la société GNL-GIRAUD NEGOCE LOCATION la somme de 5 000 euros pour procédure abusive sur le fondement de l’article 32-1 du code de procédure civile ;

-Condamner M. [Z] à payer à la société GNL-GIRAUD NEGOCE LOCATION la somme de 4 000 euros pour la procédure d’appel et 2 500 euros pour la procédure devant le Conseil de Prud’hommes de GAP, sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

A titre subsidiaire, en cas d’annulation de la rupture conventionnelle :

-Débouter M. [Z] de sa demande d’indemnité à titre de licenciement sans cause réelle et sérieuse, d’indemnité de préavis et d’indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement,

En toute hypothèse :

-Débouter M. [Z] de sa demande à titre de rappel de salaires, d’indemnité pour violation des règles de sécurité incombant à l’employeur ou de dommages et intérêts pour préjudice moral,

-Le condamner à rembourser à la société GNL-GIRAUD NEGOCE LOCATION la somme de 242,65 euros versée à titre d’indemnité spécifique lors de la rupture conventionnelle et ordonner si besoin la compensation,

-Le condamner aux entiers dépens.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 03 mai 2022.

Pour un exposé complet des moyens et prétentions des parties, il convient au visa de l’article 455 du code de procédure civile de se reporter à leurs écritures susvisées.

SUR QUOI :

Sur l’exécution loyale du contrat de travail :

M. [Z] fait valoir que, suite à la promesse d’embauche, il a décidé de s’installer dans le Département des Hautes Alpes avec sa famille et a quitté son poste à la Mairie de [Localité 4] alors qu’il était titulaire de son poste. Le gérant de la SARL GNL lui avait promis une belle carrière, dans un cadre idéal pour y faire vivre sa famille. Dès son arrivée, la SARL GNL faisait preuve d’un mépris le plus total lui demandant de faire des travaux de carrelage alors qu’il avait été convenu que l’embauche se ferait en qualité d’électricien. Il était ensuite rassuré par le gérant qui lui disait qu’il s’agissait de travaux ponctuels mais s’abstenait malgré tout de fournir les équipements de protection. Il s’est retrouvé ensuite brutalement sans emploi alors qu’il venait d’avoir son second enfant et a été contraint de déménager en Haute Savoie pour trouver un travail.

La SARL GNL-GIRAUD NEGOCE LOCATION expose que M. [Z] ne donne aucun élément sur les conditions de départ de son précédent emploi qu’il a quitté volontairement ayant un projet personnel de déménagement et ne démontre pas la réalité de ce qu’il dénonce ni de la réalité d’un préjudice.

Réponse de la Cour :

Aux termes des dispositions de l’article L. 1222-1 du code du travail, le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi. L’employeur doit en respecter les dispositions et fournir au salarié le travail prévu et les moyens nécessaires à son exécution en le payant le salaire convenu. Le salarié doit s’abstenir de tout acte contraire à l’intérêt de l’entreprise et de commettre un acte moralement ou pénalement répréhensible à l’égard de l’entreprise. Il lui est notamment interdit d’abuser de ses fonctions pour s’octroyer un avantage particulier.

En l’espèce, il est constant que les parties ont signé une promesse d’embauche le 27 juin 2017 et qu’aucun contrat de travail n’a été signé par les parties.

S’agissant du contexte ayant entouré la conclusion de cette promesse, s’il n’est pas contesté que M. [Z] n’était pas domicilié dans la région, il ne produit aucun élément sur les conditions de départ de son précédent logement ni sur les modalités de rupture de son précédent contrat de travail. De même, aucune des pièces produites ne vient corroborer le fait conclu que le gérant lui avait « promis une belle carrière ».

M. [Z] n’apporte pas plus d’éléments sur les incidences financières de son changement d’emploi, notamment concernant sa vie familiale.

Sur les conditions d’exécution du contrat et le fait que son employeur lui aurait fait accomplir des tâches autres que celles d’électricien qui auraient été celles prévues au contrat de travail oral et notamment du carrelage, M. [Z] ne produit là encore aucune pièce pour étayer ses dires.

Au surplus, la SARL GNL-GIRAUD NEGOCE LOCATION verse quant à elle deux attestations de salariés, un maçon et un carreleur, indiquant avoir travaillé avec M. [Z] sur les chantiers et soulignant, non seulement les difficultés de ce dernier à accomplir ses tâches d’électricien, mais encore exprimant son souhait de ne pas rester dans l’entreprise.

Les manquements dénoncés ne sont pas démontrés tout comme il n’est justifié d’aucun préjudice.

Il convient donc de confirmer la décision déférée et de rejeter la demande M. [Z] de dommages et intérêt pour exécution déloyale du contrat.

Sur la demande de rappel de salaire :

M. [Z] fait valoir qu’il a été embauché sur la base d’une promesse qui indiquait qu’il était embauché en CDI à temps plein pour une rémunération mensuelle nette de 1 700 euros soit 2 207,79 euros bruts. La base de son salaire figurant sur les bulletins de paye sont quasiment toutes erronées et il a perçu un salaire net inférieur à ce qui était convenu contractuellement depuis le début de son contrat, soit le 11 septembre 2017.

La SARL GNL-GIRAUD NEGOCE LOCATION expose que le salarié a toujours été payé sur la base de 1 700 euros amputée des périodes non travaillées (congés sans solde, paternité’).

Réponse de la Cour :

Il ressort des dispositions de l’article 1353 du code civil que celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.

Il incombe à l’employeur de démontrer, notamment par la production de pièces comptables que le salaire dû afférent au travail effectivement effectué a été payé.

Aux termes de l’article L. 143-4 du code du travail, « l’acceptation sans protestation ni réserve d’un bulletin de paie par le travailleur ne peut valoir, de la part de celui-ci, renonciation au paiement de tout ou partie du salaire et des indemnités ou accessoires de salaire qui lui sont dus en vertu de la loi, du règlement, d’une convention ou accord collectif de travail ou d’un contrat ».

Il résulte de la combinaison de ces textes que, nonobstant la délivrance de la fiche de paie, l’employeur doit prouver le paiement du salaire, notamment par la production de pièces comptables.

En l’espèce, il est constant que la promesse d’embauche fait état d’un salaire net de 1 700 euros. Aucun contrat écrit n’a été signé et les bulletins de salaires portent la mention d’un salaire de base brut de 2 578,06 euros pour 151h67.

Il est établi que le salaire versé n’a jamais atteint le montant de 1 700 euros net excepté en octobre 2017 pour lequel le montant de la rémunération versée s’est élevée à la somme de 1 987,70 euros.

Pour les autres mois, les bulletins de salaires mentionnent : pour le mois de septembre 2017, un début d’emploi au 11 septembre, pour novembre 2017, la prise d’un congé paternité rémunéré par la sécurité sociale, pour décembre 2017 une prise de congés sans solde et pour janvier 2018 une déduction des congés payés ainsi que de l’indemnité de rupture conventionnelle. L’absence de rémunération à hauteur de 1 700 euros est en conséquence justifiée par l’employeur.

Il y a lieu au surplus de constater que le salarié, qui n’a pas contesté les montants versés durant la relation contractuelle, n’apporte aucun élément pour démentir la prise des congés mentionnés aux bulletins de salaires.

Il convient en conséquence, par voie de confirmation de la décision déférée de rejeter la demande de rappel de salaire formulée par M. [Z].

Sur le respect de l’obligation de sécurité :

M. [Z] expose que l’employeur a manqué à l’obligation de sécurité qui lui incombe :

Il ne lui fournissait aucun équipement de protection individuel comme il en avait l’obligation réglementaire et il a dû s’équiper lui-même de chaussures de sécurité et de protections diverses pour pouvoir travailler dans des conditions acceptables et de se servir des « moyens du bord » notamment pour travailler en hauteur (palette posée contre le mur en guise d’échafaudage ou échelles bancales ;

Aucune visite médicale d’embauche n’a été organisée par l’employeur lors de son entrée dans ses effectifs.

La SARL GNL-GIRAUD NEGOCE LOCATION réplique que M. [Z] ne prouve pas l’absence de matériel qui se trouvait dans le fourgon qu’il utilisait. S’agissant de l’absence de visite médicale, il n’apporte pas la preuve d’un préjudice en résultant.

Réponse de la cour :

Selon l’article L. 4121-1 du code du travail l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs notamment par des actions de prévention des risques.

Ces mesures comprennent :

1) des actions de prévention des risques professionnels,

2) des actions d’information et de formation,

3) la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.

L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes.

L’article L. 4121-2 du code du travail détermine les principes généraux de prévention sur le fondement desquels ces mesures doivent être mises en ‘uvre.

Il en résulte que constitue une faute contractuelle engageant la responsabilité de l’employeur le fait d’exposer un salarié à un danger sans avoir pris toutes les mesures prévues par les textes susvisés, alors que l’employeur doit assurer l’effectivité de l’obligation de sécurité qui lui incombe en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l’entreprise.

Il appartient au salarié de démontrer le préjudice qu’il invoque, dont les juges du fond apprécient souverainement l’existence. Enfin l’article L. 4121-2 du même code définit les principes généraux de prévention que doit respecter l’employeur pour mettre en ‘uvre ces mesures.

En application de l’article R. 4624-10 du code du travail, tout salarié bénéficie d’une visite d’information et de prévention réalisée par un professionnel de santé dans un délai qui n’excède pas trois mois à compter de la prise effective de travail. La défaillance de l’employeur sur ce point justifie l’octroi de dommages et intérêts en fonction du préjudice dont l’existence et l’étendue doivent être établies.

En l’espèce, il est constant que M. [Z] exerçait des fonctions de manutentionnaire/ électricien et il n’est pas contesté que dans le cadre de ses fonctions il devait être détenteur de matériel de sécurité, l’employeur arguant qu’il en avait à sa disposition dans le camion.

Concernant la justification de la fourniture des équipements de sécurité au salarié, la SARL GNL-GIRAUD NEGOCE LOCATION verse uniquement une attestation d’un salarié qui indique disposer des équipements de sécurité et pouvoir en commander au besoin.

Le fait que M. [Z] pouvait réclamer le matériel est inopérant puisqu’il appartient à l’employeur d’assurer la sécurité de ses employés par la fourniture de matériel adapté mais encore de justifier de mesures de préventions des risques. Il n’est sur ce point produit aucun élément permettant de constater la mise en place de telles mesures, tel que le DUER ou encore de l’existence des consignes de sécurité à respecter. Il n’est dès lors pas démontré que le salarié disposait du matériel de sécurité.

Concernant l’absence de visite médicale d’embauche, celle-ci n’est pas contestée par la SARL GNL-GIRAUD NEGOCE LOCATION.

Il convient donc, par voie d’infirmation de la décision déférée de constater que l’employeur a manqué à l’obligation de sécurité et de prévention et de le condamner au paiement de la somme de 1 000 euros de dommages et intérêts à ce titre.

Sur la rupture conventionnelle :

Moyens des parties :

M. [Z] sollicite la nullité de la rupture conventionnelle et fait valoir que :

La signature de cette rupture a été obtenue par un vice du consentement, aucune rencontre préalable avec l’employeur n’a eu lieu et il a été contraint de la signer, M. Giraud s’étant présenté à son domicile le dimanche 14 janvier 2018 dans la soirée avec un exemplaire pré-rempli lui faisant sommation de le signer.

Le document étant anti-daté, il a été privé de son droit à se prévaloir du délai de rétractation de 15 jours.

Aucun exemplaire ne lui a été remis avant une demande de son conseil et l’attestation émanant du cabinet d’expert-comptable pour prouver la remise n’est pas probante car ce cabinet est géré par l’épouse du gérant de la SARL et l’expert-comptable était pas présent ce soir-là.

La SARL GNL-GIRAUD NEGOCE LOCATION expose que la rupture conventionnelle est valide :

C’est le salarié qui a exigé la rupture conventionnelle pour quitter l’emploi et percevoir les indemnités chômage ayant régulièrement exprimé son désir de quitter l’entreprise. Il avait capitalisé 4 mois de travail donc pouvait prétendre au chômage.

La convention signée répond au formalisme requis et il ne démontre pas des man’uvres ou pressions subies. Il y a eu un entretien le 2 janvier, il a quitté son travail le 3 et il a été mis en congés et il n’aurait pas été logique de ne pas lui remettre un exemplaire de la convention si, comme le salarié l’affirme, le délai de rétractation était expiré.

Il est justifié du fait qu’un exemplaire lui en a été remis.

Réponse de la Cour :

Aux termes de l’article L. 1237-11 du code du travail, la rupture conventionnelle, exclusive du licenciement ou de la démission, ne peut être imposée par l’une ou l’autre des parties et est soumise à des dispositions destinées à garantir la liberté du consentement des parties.

Aux termes de l’article 1130 du code civil, l’erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu’ils sont de telle nature que, sans eux, l’une des parties n’aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes.

Aux termes des articles L. 1237-12 et L. 1237-13 du code du travail, la signature de la convention de rupture est précédée d’un ou de plusieurs entretiens et chaque partie dispose, à compter de la date de sa signature, d’un délai de quinze jours calendaires pour exercer son droit de rétractation. Ces règles sont destinées, aux termes de l’article L. 1237-11 du même code, à garantir la liberté de consentement des parties.

Il est enfin de jurisprudence constante que la remise d’un exemplaire de la convention de rupture au salarié est nécessaire à la fois pour que chacune des parties puisse demander l’homologation de la convention, dans les conditions prévues par l’article L.1237-14 du code du travail, mais encore pour garantir le libre consentement du salarié, en lui permettant d’exercer ensuite son droit de rétractation en connaissance de cause, il s’ensuit qu’à défaut d’une telle remise, la convention de rupture est nulle. La charge de la preuve de la remise incombe à l’employeur

En l’espèce, il est constant que la rupture conventionnelle produite aux débats comporte les mentions suivantes :

1er entretien le 02 janvier 2018,

Date de fin du délai de rétractation le 17 janvier 2018,

Cette rupture a été adressée à la DIRECCTE le 19 janvier et homologuée le 22 janvier 2018.

Au soutien de sa demande, tendant à voir déclarer nulle cette convention pour vice du consentement et pour non-respect du délai de rétractation, M. [Z] produit une attestation de sa compagne qui indique que M. Giraud, gérant de la SARL, s’est présenté à son domicile le 14 janvier 2018 en demandant à son compagnon de signer la convention de rupture et de lui rapporter le lendemain.

Il convient de relever que M. [Z] ne donne aucun élément pour caractériser l’existence de la pression qui lui aurait été imposée et que cette seule attestation, qui émane de sa compagne et dont l’objectivité peut être mise en doute, est insuffisante pour prouver que le document aurait été antidaté et donc pour démontrer la réalité du vice du consentement allégué.

Au surplus, il est établi que le salarié a été placé en congés à compter du 02 janvier, ce qui tend à confirmer la date de fin de son activité professionnelle au sein de l’entreprise.

Concernant le défaut de remise à M. [Z] d’un exemplaire de la convention de rupture, M. [Z] verse une lettre du 09 février 2018 adressée à son employeur pour contester son « licenciement », l’employeur lui répondant, le 02 mars 2018, qu’il a fait l’objet d’une rupture conventionnelle et non d’un licenciement. La teneur de cet échange tend à confirmer l’absence de remise d’un exemplaire de la convention de rupture à l’intéressé. Il produit encore une lettre de son conseil adressé au conseil de l’entreprise, le 13 avril 2018, par laquelle il est sollicité l’envoi d’un exemplaire de ladite convention. Celle-ci lui est adressée en retour sans qu’il ne soit mentionné dans la lettre en réponse que le requérant disposait déjà d’un exemplaire de celle-ci.

La SARL GNL-GIRAUD NEGOCE LOCATION, sur laquelle repose la charge de la preuve de la remise d’un exemplaire de la convention au salarié, produit une attestation de l’expert-comptable de l’entreprise, Mme Giraud qui précise avoir édité 3 exemplaires de la convention (un formulaire employeur, un formulaire salarié et un formulaire pour la DIRRECTE). Il n’est pas contesté que Mme Giraud est la compagne du gérant, dès lors ce témoignage présente de fait une force probante relative.

Enfin, à supposer que l’entreprise ait effectivement édité 3 exemplaires de la convention, ainsi qu’elle l’indique, celui versé aux débats par les parties ne comporte aucune mention permettant à la cour de céans de se convaincre de la remise du document au salarié.

Il convient donc, par voie d’infirmation de la décision déférée, de juger que la convention de rupture est nulle. Faute de respect de la procédure de licenciement, la rupture produit dès lors les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La SARL GNL-GIRAUD NEGOCE LOCATION est en conséquence condamnée à payer à M. [Z] la somme de 4 415,58 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 441,56 euros de congés payés y affèrent.

S’agissant de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, M. [Z], avait une ancienneté de 7 mois et était âgé de 29 ans au moment de la rupture du contrat de travail. Par voie de confirmation de la décision déférée, il convient de condamner la SARL GNL-GIRAUD NEGOCE LOCATION à lui verser la somme de 2 207,79 euros à ce titre.

S’agissant de l’indemnité pour irrégularité de la procédure de licenciement, il résulte du rapprochement des articles L. 1235-2 et L. 1235-5 du code du travail, dans leur version applicable au litige, que, lorsque le licenciement d’un salarié de moins de deux ans d’ancienneté survient sans que la procédure requise ait été observée, le salarié ne peut prétendre à une indemnité pour irrégularité de la procédure, sauf en cas de méconnaissance des dispositions relatives à l’assistance du salarié par un conseiller. Dans ce cas le salarié peut prétendre à une indemnité pour irrégularité de la procédure, qu’il s’agisse ou non d’un licenciement pour cause réelle et sérieuse.

La rupture du contrat de travail de M. [Z] n’ayant fait l’objet d’aucune procédure de licenciement, il n’a pu de ce fait être assisté d’un conseiller. La demande d’indemnisation pour irrégularité de la procédure est donc fondée et la SARL GNL-GIRAUD NEGOCE LOCATION est condamnée à payer à M. [Z] la somme de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts pour irrégularité de la procédure de licenciement

Enfin, s’agissant de la demande de dommages et intérêts pour le préjudice moral qui serait découlé du caractère brutal de la rupture, il est de jurisprudence constant que le salarié licencié peut prétendre à des dommages-intérêts en réparation d’un préjudice distinct de celui résultant de la perte de son emploi à la condition de justifier d’une faute de l’employeur dans les circonstances entourant le licenciement de nature brutale ou vexatoire et de justifier de l’existence de ce préjudice, que le licenciement soit ou non fondé sur une cause réelle et sérieuse.

En l’espèce, M. [Z] ne produit aucun élément permettant à la Cour de céans de constater l’existence d’un préjudice autre que celui résultant de la rupture du contrat de travail. Il convient donc de confirmer la décision des premiers juges et de rejeter la demande formulée de ce chef.

Compte tenu de l’annulation de la convention de rupture, il convient d’ordonner la restitution par M. [Z] des sommes versées par l’employeur au titre de la rupture conventionnelle. Par voie d’infirmation de la décision déférée, M. [Z] est condamné à payer à la SARL GNL-GIRAUD NEGOCE LOCATION la somme de 242,65 euros au titre de l’indemnité spécifique versée.

Il convient d’ordonner la compensation entre les sommes devant être restituées par le salarié et les condamnations prononcées à l’encontre de la SARL GNL-GIRAUD NEGOCE LOCATION.

Sur la demande reconventionnelle de dommages et intérêts pour procédure abusive :

La SARL GNL-GIRAUD NEGOCE LOCATION expose que le salarié a tout fait pour quitter l’entreprise, exerçant une pression psychologique sur le gérant pour obtenir une rupture conventionnelle et, constatant l’absence d’allocations chômage, a engagé une procédure devant le Conseil des prud’hommes.

M. [Z] ne conclut pas sur ce point.

Réponse de la cour,

L’exercice d’une action en justice peut dégénérer en un abus du droit d’ester en justice qui suppose la démonstration d’une faute.

En l’espèce, les affirmations de la SARL GNL-GIRAUD NEGOCE LOCATION quant aux pressions imposées par le salarié par l’employeur pour obtenir une rupture conventionnelle ne sont étayées par aucune pièce.

Aucune faute ne peut dès lors être imputée à M. [Z] dans l’exercice d’un droit, étant au relevé en outre que la Cour de céans a prononcé l’annulation de la rupture conventionnelle.

La décision de première instance de rejet de la demande de dommage et intérêts formulée par la SARL GNL-GIRAUD NEGOCE LOCATION pour procédure abusive, est confirmée.

Sur le remboursement des allocations chômage :

Il conviendra, conformément aux dispositions de l’article L. 1235-4 du code du travail, d’ordonner d’office à l’employeur le remboursement des allocations chômages perçues par la salariée du jour de son licenciement au jour de la présente décision dans la limite de 3 mois, les organismes intéressés n’étant pas intervenus à l’audience et n’ayant pas fait connaître le montant des indemnités versés.

Une copie de la présente décision sera adressée à Pôle Emploi à la diligence du greffe de la présente juridiction.

Sur les demandes accessoires :

Le jugement déféré sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles de première instance.

Il convient de condamner la SARL GNL-GIRAUD NEGOCE LOCATION, partie perdante, aux entiers dépens et à la somme de 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,

DECLARE M. [Z] recevable en son appel,

CONFIRME le jugement déféré en ce qu’il a :

Débouté M. [Z] de sa demande pour préjudice moral pour exécution déloyale du contrat de travail,

Débouté M. [Z] et la SARL GIRAUD NEGOCE LOCATION de leurs demandes au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

Débouté la SARL GIRAUD NEGOCE LOCATION de l’ensemble de ses demandes.

Dit que chaque partie supportera la charge de ses propres dépens.

Dit n’y avoir lieu à exécution provisoire.

L’INFIRME pour le surplus,

STATUANT à nouveau sur les chefs d’infirmation,

REJETTE la demande de M. [Z] en rappel de salaires,

DIT que la SARL GIRAUD NEGOCE LOCATION a manqué à l’obligation de sécurité et de prévention,

CONDAMNE la SARL GIRAUD NEGOCE LOCATION à payer à M. [Z] la somme de 1 000 euros à titre de dommage et intérêts pour violation de l’obligation de sécurité et de prévention,

ANNULE la convention de rupture du contrat de travail signée entre les parties le 02 janvier 2018,

DIT que la rupture produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la SARL GIRAUD NEGOCE LOCATION à payer à M. [Z] la somme de 4 415,58 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 441,56 euros de congés payés y affèrents,

CONDAMNE la SARL GIRAUD NEGOCE LOCATION à payer à M. [Z] la somme de 2 207,79 euros au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la SARL GIRAUD NEGOCE LOCATION à payer à M. [Z] la somme de 1 000 euros de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement,

CONDAMNE M. [Z] est condamné à payer à la SARL GNL-GIRAUD NEGOCE LOCATION la somme de 242, 65 euros au titre de l’indemnité spécifique,

ORDONNE la compensation entre les sommes devant être restituées M. [Z] et les condamnations prononcées à l’encontre de la SARL GNL-GIRAUD NEGOCE LOCATION,

REJETTE toutes autres demandes des parties,

Y ajoutant,

ORDONNE le remboursement des allocations chômages perçues par le salarié du jour de son licenciement au jour de la présente décision dans la limite de 3 mois,

DIT qu’une copie de la présente décision sera adressée à Pôle Emploi à la diligence du greffe de la présente juridiction,

CONDAMNE la SARL GIRAUD NEGOCE LOCATION à payer la somme de 1 500 euros à sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens en cause d’appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Valéry CHARBONNIER, Conseillère faisant fonction de Présidente, et par Madame Mériem CASTE-BELKADI, Greffière, à qui la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.

La Greffière, La Présidente,

 


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