Droit de rétractation : Décision du 19 décembre 2023 Cour d’appel de Pau RG n° 22/01932

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Droit de rétractation : Décision du 19 décembre 2023 Cour d’appel de Pau RG n° 22/01932

JG/ND

Numéro 23/4297

COUR D’APPEL DE PAU

2ème CH – Section 1

ARRET DU 19/12/2023

Dossier : N° RG 22/01932 – N° Portalis DBVV-V-B7G-IINM

Nature affaire :

Autres demandes relatives à un bail d’habitation ou à un bail professionnel

Affaire :

S.A.S. CITYCARE

C/

[O] [V]

S.A.S. LOCAM, LOCATION AUTOMOBILES MATERIELS

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R E T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 19 décembre 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l’audience publique tenue le 07 Novembre 2023, devant :

Madame Joëlle GUIROY, magistrat chargé du rapport,

assistée de Madame SAYOUS, Greffière présente à l’appel des causes,

Joëlle GUIROY, en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d’opposition a tenu l’audience pour entendre les plaidoiries, en présence de Jeanne PELLEFIGUES et en a rendu compte à la Cour composée de :

Madame Jeanne PELLEFIGUES, Présidente

Madame Joëlle GUIROY, Conseillère

Monsieur Philippe DARRACQ, Conseiller

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l’affaire opposant :

APPELANTE :

S.A.S. CITYCARE

immatriculée au RCS d’Aix-en-Provence sous le n°792 780 728, représentée par son Président en exercice domicilié ès qualité de droit au siège

[Adresse 5]

[Localité 1]

Représentée par Me Maylis LABORDE, avocat au barreau de Pau

Assistée de Me Gabriel DURAND (SCP Pigot, Second & Associés), avocat au barreau de Paris

INTIMEES :

Madame [O] [V]

née le 09 Juillet 1984 à [Localité 7] (09)

de nationalité française

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représentée par Me Carole BONNECAZE-DEBAT de la SELARL AURNAGUE-CHIQUIRIN & BONNECAZE-DEBAT & LABATTUT, avocat au barreau de Bayonne

S.A.S. LOCAM, LOCATION AUTOMOBILES MATERIELS

immatriculée au RCS de Saint-Etienne sous le n° B 310 880 315, agissant poursuites et diligences par son dirigeant domicilié ès qualité au siège

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Sabrina ABDI de la SCP CAMESCASSE-ABDI, avocat au barreau de Pau

Assistée de la SELARL LEXI Conseil & Défense, avocat au barreau de Saint-Etienne

sur appel de la décision

en date du 29 JUIN 2022

rendue par la JURIDICTION DE PROXIMITE DE BAYONNE

Exposé du litige et des prétentions des parties :

Par acte sous seing privé en date du 31 juillet 2018, [O] [V], infirmière libérale depuis 2014, a souscrit auprès de la SAS Locam un contrat de location (n°1437505) d’une durée de 60 mois portant sur un pack fourni par la société Citycare comprenant un Défibrillateur Automatique Externe (DAE), une box, une mallette et accessoires, la maintenance et la garantie du matériel pour un loyer mensuel de 129 € HT.

Dans le même temps, [O] [V] a signé avec la société Citycare un contrat de location d’espace l’engageant, en contrepartie du versement par cette société de la somme de 1.290 euros TTC, à accepter la mise en place du défibrillateur et son exposition grâce à une signalétique destinée à l’identification et à la promotion du matériel.

Le 6 août 2018, un procès-verbal de livraison et de conformité a été signé entre [O] [V] et la société Citycare, lequel rendait le premier loyer dû à la société Locam exigible.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 23 mai 2019, [O] [V] a sollicité la résiliation du contrat de location à raison de la cessation totale de son activité d’infirmière libérale à la date du 5 avril 2019 au profit d’une activité salariée.

Elle a restitué le matériel objet de l’opération le 29 mai 2019.

Par courrier du 15 août 2019, la société Locam a mis [O] [V] en demeure de lui régler la somme de 9.018,77 euros au titre des loyers échus impayés à compter du 30 mars 2019 et de l’indemnité contractuelle de résiliation égale au montant des loyers restant dus majorés, d’une clause pénale de 10% et des éventuels impayés.

Contestant devoir payer cette somme, par exploits d’huissier en date du 29 octobre 2019, [O] [V] a assigné les sociétés Citycare et Locam devant le Tribunal judiciaire de Bayonne aux fins de voir, à titre principal, prononcer la nullité des contrats conclus avec chacune d’elle le 31 juillet 2018.

Par jugement contradictoire en date du 29 juin 2022, le Tribunal judiciaire de Bayonne a :

– prononcé la nullité du contrat de location conclu entre Madame [O] [V] et la SAS Locam,

– débouté la SAS Locam de ses demandes,

– condamné in solidum la SAS Citycare et la SAS Locam à payer à Madame [O] [V] la somme de 3.000 € à titre de dommages-intérêts,

– condamné in solidum la SAS Citycare et la SAS Locam au paiement de la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

Par déclaration au greffe en date du 7 juillet 2022, la SAS Citycare a formé appel du jugement.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 13 septembre 2023.

**

Par conclusions en date du 17 juillet 2023, la SAS Citycare demande à la cour de :

– annuler le jugement et, statuant à nouveau, de débouter Madame [O] [V] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions dirigées à son encontre ;

à titre subsidiaire, réformer le jugement en ce qu’il l’a condamnée, in solidum avec la SAS Locam, à payer à Madame [O] [V] :

– la somme de 3.000 euros à titre de dommages-intérêts,

– la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens,

Et, statuant à nouveau,

– débouter Madame [O] [V] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions dirigées à son encontre,

Y ajoutant,

– condamner Madame [O] [V] à lui rembourser la somme de 1.290 euros qui lui a été versée au titre du contrat de location d’espace en date du 31 juillet 2018.

En tout état de cause,

– condamner Madame [O] [V] à lui payer la somme de 3.000 euros application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.

**

Par conclusions en date du 10 juillet 2023, la SAS Locam demande à la cour de :

– Vu les articles 1103 et suivant et 1231-2 du code civil,

– Vu les articles L. 221-3 du code de la consommation,

– Vu l’article du code de la santé publique,

– Vu les articles L. 221-2 4° et L 221-3 du code de la consommation,

– Vu les articles L 311-2, 341-1 2° et 511-21 du code monétaire et financier;

– Vu ensemble l’article L 511-3 du code monétaire et financier et le Règlement CRB n° 86-21 du 24 novembre 1986 relatif aux activités non bancaires modifié par l’arrêté du 23 décembre 2013,

– juger bien fondé l’appel principal de la société Citycare comme son appel incident et réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

– débouter Madame [V] de toutes ses demandes et la condamner à lui régler la somme principale de 9.024,84 euros avec intérêts au taux légal et autres accessoires de droit à compter de la mise en demeure du 26 juin 2019 ;

– la condamner à lui régler une indemnité de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et en tous les dépens d’instance et d’appel.

**

Par conclusions en date du 8 septembre 2023, [O] [V] demande à la cour de :

Vu les articles L. 111-1 et suivants du code de la consommation,

Vu les articles L. 221-1 et suivants du code de la consommation

Vu les articles L. 241-1 et suivants du code de la consommation,

Vu les articles L. 341-1 et suivants du code monétaire et financier,

Vu l’appel principal relevé par la société Citycare et l’appel incident de la société Locam,

1) Statuer ce que de droit sur l’appel relevé par la société Citycare et l’appel incident de Locam,

2) A titre principal, confirmer la décision rendue par le Tribunal judiciaire en date du 29 juin 2022,

3) A titre subsidiaire,

– prononcer la nullité du contrat de location d’espace en date du 31 juillet 2018,

– prononcer la nullité du contrat de location souscrit avec Locam par l’intermédiaire de Citycare en date du 31 juillet 2018 et en tout état de cause, sa caducité,

– débouter les sociétés Locam et Citycare de l’intégralité de leurs demandes,

4) A titre infiniment subsidiaire,

– constater qu’elle a procédé à la résiliation du contrat souscrit avec Locam et Citycare en date du 23 mai 2019,

– débouter la société Citycare de sa demande de restitution de l’aide de 1.290 euros,

– condamner Locam à verser la somme de 1.290 euros,

5) Condamner solidairement les sociétés Locam et Citycare à lui régler la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens de la procédure.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS :

– Sur la demande d’annulation du jugement :

La société Citycare prétend à l’annulation du jugement sur le fondement des articles 455 et 458 du code de procédure civile et l’article 6-1 de la Convention européenne des droits de l’homme pour violation du droit à un procès équitable et défaut d’impartialité du tribunal.

Elle fait valoir que le premier juge a adopté une motivation et une terminologie offensante voir calomnieuse à son égard révélant un parti pris en faveur de Madame [V] en dépit de la présentation inexacte et grossière qu’elle a donné aux faits.

Elle reproche en particulier au premier juge d’avoir retenu que le « contrat publicitaire » qu’elle avait remis à Madame [V] « constituait l’appât destiné à conduire le client non averti à conclure une convention contraire à ses intérêts » et, dans une logique punitive, de l’avoir déboutée de ses demandes.

Elle soutient que le contrat de location d’espace n’est aucunement comparable à un contrat publicitaire et que, s’il peut s’apparenter à une prime commerciale, il ne saurait en tout état de cause être constitutif d’une pratique dolosive répréhensible.

La société Locam indique soutenir la demande d’anéantissement du jugement et reprendre à son compte les moyens soulevés par la société Citycare.

Toutefois, contrairement à ce qui est soutenu, le rapprochement fait entre le contrat noué avec la société Citycare et un contrat publicitaire ne comporte pas en tant que tel une appréciation offensante ou calomnieuse.

De plus, les termes du jugement établissent une synthèse des argumentations des parties et des éléments estimés par le juge comme pertinents.

Ainsi, si l’appréciation de l’espèce et l’analyse juridique du premier juge emportent la critique de la société Citycare, qui a exercé la voie de recours qui est offerte par l’appel, la motivation retenue et la décision soumise à la cour ne sont pas révélatrices de la partialité du juge ou d’un défaut de motivation susceptible de causer la nullité du jugement.

La demande de nullité du jugement sera par conséquent rejetée.

– Sur la validité des contrats souscrits le 31 juillet 2018 :

La société Citycare expose qu’elle a proposé à Madame [V] de s’équiper d’un DAE, ce qu’elle a accepté en souscrivant un contrat de location financière auprès de la société Locam. Simultanément, elle lui a proposé d’assurer la promotion de son défibrillateur par la souscription, à titre accessoire, d’un contrat de location d’espace.

Elle soutient que chaque contrat est distinct et régulier, la société Locam comme elle-même ayant respecté les prescriptions légales respectivement applicables.

Elle réfute dès lors toute pratique dolosive et reproche à Madame [V] de se contenter d’affirmations péremptoires.

Elle souligne que ce n’est que par courrier du 23 mai 2019, soit 9 mois après la souscription des contrats, que la cliente a demandé la résiliation amiable du contrat la liant à la société Locam, ceci au seul motif qu’elle avait cessé son activité d’infirmière libérale.

Elle n’a alors, et jusqu’à son assignation en date du 29 octobre 2019, formulé aucun grief à son encontre. Elle a d’ailleurs encaissé, en décembre 2018, soit plusieurs mois après son engagement, le chèque de 1.290 euros qu’elle lui avait adressé en exécution du contrat de location d’espace.

Elle demande en conséquence que Madame [V] soit déboutée de sa demande en nullité des contrats qu’elle a souscrit.

La société Locam soutient que Madame [V] a dûment ratifié le contrat de location à son entête ainsi que le procès-verbal de livraison et de conformité attestant de sa bonne réception du matériel objet de la transaction. Elle s’est donc acquittée de la totalité de son prix d’acquisition entre les mains du fournisseur, la société Citycare, tandis que la cliente a procédé au seul remboursement de 7 des 60 mensualités qu’elle lui devait.

Elle l’a dès lors mise en demeure de lui régler les loyers impayés ainsi que l’indemnité de résiliation prévue à l’article 12 du contrat qu’elle a souscrit, sans en obtenir le règlement.

Elle conteste l’application des dispositions du code de la consommation au dit contrat de location et soutient qu’en tant que société de financement agréée, elle propose des services financiers qui relèvent de l’application du code monétaire et financier dont le contrat signé le 31 juillet 2018 respecte les prescriptions.

Elle prétend ainsi au rejet de la demande en nullité des contrats de Madame [V] et à sa condamnation à lui payer la somme principale de 9.024,84 euros correspondant aux loyers échus restés impayés et aux indemnités et intérêts dus à compter de la mise en demeure qu’elle lui a adressée le 26 juin 2019.

[O] [V] affirme qu’elle a été démarchée par la société Citycare qui lui a proposé, en contrepartie du versement de la somme de 1.290 euros, d’accepter la mise en place d’un défibrillateur dans son véhicule ainsi que l’affichage d’une signalétique sur celui-ci faisant apparaître l’identification et la promotion dudit matériel.

Elle affirme qu’elle n’avait aucune obligation de détenir un tel matériel et n’en avait pas une utilité professionnelle mais que l’opération lui a été présentée, de manière trompeuse, comme ne devant rien lui coûter. Elle a ainsi accepté de souscrire le contrat de location d’espace publicitaire proposé sans avoir conscience éclairée de la portée de son engagement et du fait qu’elle souscrivait un contrat de location du défibrillateur qui l’engageait à le conserver et à le payer pendant 60 mois.

Elle prétend en conséquence, en confirmation du jugement frappé d’appel et en application des dispositions du code de la consommation, à la nullité du contrat de location d’espace en vertu duquel elle dit avoir pris possession du défibrillateur et, par voie de conséquence, à la caducité du contrat de location soulignant que le matériel, comme la location d’espace, n’entraient pas dans le champ de son activité d’infirmière, qu’elle n’avait pas passé commande du matériel et que le contrat de location n’est pas conforme à la loi faute de bordereau de rétractation

En droit,

Selon les dispositions de l’article L. 221-1 du code de la consommation, dans sa version applicable à la date de conclusion du contrat, est considéré comme contrat hors établissement tout contrat conclu entre un professionnel et un consommateur, dans le cadre d’un système organisé de vente ou de prestation de services à distance, dans un lieu qui n’est pas celui où le professionnel exerce son activité en permanence ou de manière habituelle, en la présence physique simultanée des parties y compris à la suite d’une sollicitation ou d’une offre faite par le consommateur.

Ce même texte définit le contrat de fourniture de services comme celui par lequel le professionnel s’engage à fournir un service au consommateur en contrepartie duquel le consommateur en paie ou s’engage à en payer le prix.

L’article L. 221-3 de ce code étend l’application de ces dispositions aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l’objet des contrats n’entre pas dans le champ de l’activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq.

L’article L. 221-5 prévoit que, préalablement à la conclusion d’un contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations prévues aux articles L. 111-1 et L. 111-2 et celles qu’il énumère dont celles relatives au droit de rétractation lorsqu’il existe ainsi qu’un formulaire type de rétractation.

Selon l’article L. 211-7, la charge de la preuve du respect des obligations d’informations mentionnées à la présente section pèse sur le professionnel étant précisé, par l’article L. 221-8, que ces informations doivent être remises au consommateur souscrivant un contrat conclu hors établissement et, par l’article L. 221-9, que ce contrat doit comprendre toutes les information prévues à l’article L. 221-5 et est accompagné du formulaire type de rétraction.

Et, en vertu de l’article L. 242-1 du code précité, les dispositions prévues à l’article L. 221-9 sont édictées à peine de nullité du contrat conclu hors établissement.

Enfin, les dispositions du code de la consommation ne sont pas applicables aux contrats portant sur les services financiers mais le sont au contrat de fourniture de bien meuble en application de l’article L. 221-1.

En l’espèce, il n’est pas rapporté que Madame [V] emploie un salarié.

De plus, il n’est pas contesté que les contrats litigieux ont été conclus à la même date, le 31 juillet 2018, par l’intermédiaire d’un représentant de la société Citycare, à [Localité 6], c’est-à-dire hors établissement, et entre deux professionnels, Madame [V] exerçant alors la profession d’infirmière libérale.

Le contrat nommé « contrat de location » a été signé entre la société Locam et Madame [V] et porte sur la fourniture d’un matériel de défibrillateur cardiaque outre une box, une mallette et accessoires.

Le « contrat de maintenance et de garantie » alors souscrit est à l’entête de Citycare et désigne le matériel sus-visé comme bénéficiant des services précisés.

Enfin, le « contrat de location d’espace » est intervenu au bénéfice de la société Citycare et stipule que « en contrepartie du règlement de la somme forfaitaire de 1.290 euros TTC par le bénéficiaire, le prestataire s’engage à accepter la mise en place du défibrillateur Citycare et son exposition grâce à une signalétique destinée exclusivement à l’identification et à la promotion du matériel ».

Or s’il est exact que le défibrillateur répond à un besoin d’aide médicale d’urgence, il n’est pas exigé d’un infirmier exerçant à titre libéral qu’il en dispose de telle sorte que, contrairement aux affirmations de la société Citycare, il n’est pas possible d’affirmer que son utilisation entre dans le champ principal de l’activité professionnelle de Madame [V].

De fait, si l’article R. 4311-5 du code de la santé publique précise qu’un infirmier utilise, dans le cadre de son activité propre, un défibrillateur semi-automatique et surveille la personne placée sous cet appareil, les extraits de son site internet produits par la société Citycare insistent sur l’absence de qualification médicale requise pour son usage et les instructions délivrées par l’appareil à la suite desquelles aucune décision n’est à prendre.

Il en résulte que le défibrillateur proposé à Madame [V] par la société Citycare est un appareil grand public dont l’utilisation n’entre pas dans le champ de son activité principale professionnelle.

Par ailleurs, conformément à son intitulé, le « contrat de location » souscrit auprès de la société Locam ne constitue pas un service financier, au sens de l’article L. 221-4 précité, mais s’analyse en un contrat de fourniture relevant de l’article L. 221-1 du code de la consommation.

Les dispositions du code de la consommation sont en conséquence applicables à l’espèce.

Or, l’examen du « contrat de location » soumis par la société Citycare à Madame [V] le 31 juillet 2018 montre qu’il ne remplit pas les conditions prévues au code de la consommation.

Au contraire, outre qu’il ne comporte aucune référence à ses dispositions légales ni les informations relatives aux caractéristiques du produit et son prix TTC, il prévoit l’engagement définitif du locataire à compter de la signature du bon de livraison. Il ne fait pas état du droit de rétractation ni ne comporte le bordereau exigé.

Ces irrégularités, indécelables par le consommateur, n’ont pu dès lors faire l’objet d’une quelconque ratification de la part de l’intimée qui n’a pas été mise en mesure d’en prendre connaissance.

En conséquence, Madame [V] est fondée à réclamer la nullité de ce contrat tout comme celle du « contrat de maintenance et de garantie » et celle du « contrat de location d’espace » dont l’existence ne s’envisage qu’à la suite de la conclusion du contrat de location du matériel.

Le jugement de première instance sera ainsi confirmé en ce qu’il a prononcé l’annulation judiciaire du contrat de location souscrit le 31 juillet 2018 et a débouté la SAS Locam de ses demandes en payement formées à l’encontre de [O] [V].

L’annulation de ce contrat et celle des deux autres contrats qui lui sont rattachés ayant pour effet de remettre les parties dans l’état où elles se trouvaient avant leur conclusion, il sera ordonné à Madame [V], qui a déjà procédé à la restitution du matériel, la restitution de la somme de 1.290 euros qu’elle ne conteste pas avoir perçu de la société Citycare.

– Sur la demande en dommages et intérêts de Madame [V] :

Le premier juge a fait droit à la demande de Madame [V] au motif pris de pratiques commerciales de la SAS Citycare et la SAS Locam destinées à la tromper.

A hauteur d’appel, Madame [V] maintient sa demande et affirme avoir été contactée et importunée par la société Citycare qui a mis en ‘uvre des pratiques agressives, trompeuses et déloyales afin d’obtenir une signature qu’elle n’aurait pas obtenue si elle lui avait laissé le temps de la réflexion. Elle souligne que, suite à la résiliation du contrat à laquelle elle a voulu procéder le 23 mai 2019, la société Locam a confié à la société de gestion des impayés SOGEDI le recouvrement de sa prétendue créance. Enfin, elle met en doute le prix réel du matériel par rapport à celui au payement duquel elle s’est engagée.

Toutefois, Madame [V] ne précise pas les conditions dans lesquelles elle a été démarchée par la société Citycare et les conditions dans lesquelles elle a signé, en sus du contrat de location d’espace, un contrat de location qui précisait pourtant explicitement le nombre de loyers à échoir et leur montant ainsi que celles dans lesquelles elle a formalisé un mandat de prélèvement SEPA pour payement répétitif. Enfin, elle n’étaye ses critiques sur le prix réel du matériel par aucune pièce.

Il ne peut dès lors être déduit de ses dires l’existence d’un préjudice qui n’est para ailleurs pas prouvée.

Elle sera en conséquence déboutée de sa demande de dommages et intérêts à l’encontre de la société Citycare.

Il en sera de même de sa demande à l’égard de la société Locam.

En effet, le fait de recourir à un organisme de recouvrement ne peut à lui seul suffire à caractériser l’existence d’une faute et à engager la responsabilité de la société.

Le jugement frappé d’appel sera infirmé en ce qu’il a condamné, in solidum, les société Citycare et Locam à payer à Madame [V] la somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts.

– Sur les demandes accessoires :

La société Citycare, appelante principale, et la société Locam, appelante incidente, qui succombent pour l’essentiel, seront condamnées aux dépens d’appel, les dispositions prises sur les dépens de première instance étant confirmées.

Au vu de la nature du litige, de la position des parties et en équité, la société Citycare et la société Locam, seront condamnées, in solidum, à payer à [O] [V] la somme de 5.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour l’ensemble de la procédure.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt mis à disposition au greffe, rendu contradictoirement et en dernier ressort,

Déboute la société Citycare de sa demande en nullité du jugement du 29 juin 2022 rendu par le Tribunal judiciaire de Bayonne ;

Confirme le jugement en ce qu’il a :

– prononcé la nullité du contrat de location conclu entre Madame [O] [V] et la SAS Locam,

– débouté la SAS Locam de ses demandes,

– condamné in solidum la SAS Citycare et la SAS Locam au paiement des dépens.

L’infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

– constate la nullité du contrat de location d’espace conclu entre la société Citycare et [O] [V] ainsi que celle du contrat de maintenance et de garantie,

– condamne [O] [V] à rembourser la somme de 1.290 euros à la société Citycare ;

– déboute Madame [O] [V] de sa demande de dommages et intérêts ;

– condamne la société Citycare et la société Locam, in solidum, aux dépens d’appel ;

– condamne, la société Citycare et la société Locam, in solidum, à payer à [O] [V] la somme de 5.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour l’ensemble de la procédure,

– déboute les parties du surplus de leurs demandes.

Le présent arrêt a été signé par Madame Jeanne PELLEFIGUES, Présidente, et par Madame Nathalène DENIS, greffière suivant les dispositions de l’article 456 du Code de Procédure Civile.

La Greffière La Présidente

 


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