RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 22/02945 – N��Portalis DBVH-V-B7G-IRVT
ID
JUGE DES CONTENTIEUX DE LA PROTECTION DE MENDE
24 mars 2022 RG:21/00375
S.A. FRANFINANCE
C/
[L]
[X]
Grosse délivrée
le 18/01/2024
à Me Christophe Milhe-colombain
COUR D’APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
1ère chambre
ARRÊT DU 18 JANVIER 2024
Décision déférée à la cour : jugement du juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Mende en date du 24 mars 2022, n°21/00375
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Mme Isabelle Defarge, présidente de chambre, a entendu les plaidoiries, en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Isabelle Defarge, présidente de chambre
Mme Séverine Léger, conseillère
M.Nicolas Maury, conseiller
GREFFIER :
Mme Audrey Bachimont, greffière, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS :
A l’audience publique du 21 décembre 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 18 janvier 2024.
Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.
APPELANTE :
La SA FRANFINANCE, prise en la personne de son représentant légal en exercice régulièrement domicilié en cette qualité
[Adresse 5]
[Localité 6]
Représentée par Me Christophe Milhe-Colombain, plaidant/postulant, avocat au barreau de Carpentras
INTIMÉS :
Mme [S] [L] épouse [X]
née le [Date naissance 1] 1963 à [Localité 7]
[Adresse 2]
[Localité 4]
assignée à étude le 21 mars 2023
sans avocat constitué
M. [Y] [X]
né le [Date naissance 3] 1950 à [Localité 9]
[Adresse 2]
[Localité 4]
assigné à étude le 21 mars 2023
sans avocat constitué
ARRÊT :
Arrêt rendu par défaut, prononcé publiquement et signé par Mme Isabelle Defarge, présidente de chambre, le 18 janvier 2024, par mise à disposition au greffe de la cour
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Suivant offre préalable du 30 janvier 2019 acceptée le 6 février 2019, la SA Franfinance a par l’intermédiaire de la SNC Concilian consenti à M.[Y] [X] et Mme [S] [L] épouse [X] un prêt personnel d’un montant de 9 887,03€uros remboursable en 63 mensualités de 179,12 euros hors assurance, au TAEG de 5,20 %.
Par courriers recommandés avec accusé de réception du 29 juillet 2019, elle a mis en demeure les emprunteurs de procéder au règlement des échéances impayées d’un montant de 902,69 euros sous peine de déchéance du terme.
Par lettre recommandée d’huissier du 22 août 2019 dont les accusés de réception ont été signés le 24 août 2019, elle les a mis en demeure de payer la somme principale de 9 194,87 euros au titre du capital restant dû, et 1 034,80€ au titre des échéances impayées outre pénalité et frais soit la somme totale de 11 025,96 euros.
Par acte d’huissier du 26 février 2020 elle les a ensuite assignés devant le tribunal judiciaire de Mende en paiement des mêmes sommes au titre du capital restant dû, échéances impayées et pénalités.
Par jugement réputé contradictoire du 22 avril 2020 le tribunal a constaté l’extinction de l’instance par l’effet du désistement de la demanderesse, accepté implicitement par les défendeurs non comparants.
Par acte du 21 octobre 2021, elle les a ensuite assignés devant le juge des contentieux et de la protection du même tribunal afin de les voir condamner à titre principal à lui payer la somme totale de 12 461,28 euros soit la somme principale de 11 020,63 euros avec intérêts de droit à compter de la mise en demeure et la somme de 350 euros à titre de participation aux frais et honoraires exposés en vertu de l’article 700 du code de procédure civile avec exécution provisoire.
Par jugement réputé contradictoire du 24 mars 2022 ce juge, soulevant d’office le moyen tiré de la prescription de l’action en application des dispositions de l’article R.632-1 du code de la consommation :
– a déclaré irrecevable l’action engagée par la SA Franfinance,
– l’a déboutée de ses demandes;
– l’a condamnée aux dépens.
Le tribunal a déclaré l’action de la banque forclose en application de l’article R.312-35 anciennement L.311-52 du code de la consommation, retenant que les pièces produites permettaient de fixer au 1er septembre 2019 la date du premier incident de paiement non régularisé.
Par déclaration du 29 août 2022, la SA Franfinance a interjeté appel de cette décision.
Par ordonnance du 25 septembre 2023, la procédure a été clôturée le 7 décembre 2023 et l’affaire fixée à l’audience du 21 décembre 2023.
EXPOSE DES PRETENTIONS ET DES MOYENS
Par conclusions notifiées par voie électronique le 29 août 2022, la SA Franfinance demande à la cour :
– d’infirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau
– de juger recevable son action à l’encontre des époux [X],
– de constater la déchéance du contrat de crédit,
A titre principal
– de condamner solidairement les époux [X] et à défaut, uniquement M.[Y] [E] à lui porter et payer la somme de 11 020,63 euros, outre intérêts contractuels à compter du 22 août 2019,
A titre subsidiaire
– de condamner solidairement les époux [X] et à défaut, uniquement M.[Y] [E] à lui porter et payer la somme de 9 987,03 euros outre intérêts depuis l’acte introductif d’instance du 21 octobre 2021,
En toute hypothèse
– de condamner solidairement les époux [X] et à défaut, uniquement M.[Y] [E] à lui porter et payer la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
L’appelante fait valoir que préalablement à la saisine du juge des contentieux de la protection, elle avait assigné le 26 février 2020 les débiteurs en paiement, instance ayant fait l’objet d’un jugement de désistement le 22 avril 2020 ; que s’il est acquis aux débats que la date de la première échéance impayée non régularisée est celle du mois d’avril 2019, cette assignation a valablement interrompu le délai de forclusion en application de l’article 2241 du code civil.
A titre subsidiaire, si la cour prononçait la déchéance du droit aux intérêts, qu’il conviendrait de condamner a minima les emprunteurs au paiement de la somme de 9 194,87 euros, outre intérêts (au taux légal) à compter de l’assignation du 21 octobre 2021.
La déclaration d’appel a été signifiée aux époux [X], intimés défaillants, par acte du 21 mars 2023.
Il est fait renvoi aux écritures susvisées pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIVATION
Selon l’article R312-35 du code de la consommation en vigueur depuis le 1er janvier 2020 tel que modifié par le décret n°2019-966 du 18 septembre 2019 – art. 8, le tribunal judiciaire connaît des litiges nés de l’application des dispositions du présent chapitre. Les actions en paiement engagées devant lui à l’occasion de la défaillance de l’emprunteur doivent être formées dans les deux ans de l’événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion. Cet événement est caractérisé par :(…) ; le premier incident de paiement non régularisé ; (…).
Selon l’article 2241 du code civil, La demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion.
Il en est de même lorsqu’elle est portée devant une juridiction incompétente ou lorsque l’acte de saisine de la juridiction est annulé par l’effet d’un vice de procédure.
En l’espèce l’appelante démontre que le premier incident de paiement des échéances du prêt souscrit est intervenu le 1er avril 2019 de sorte que le délai de forclusion de deux ans prévu au code de la consommation expirait le 31 mars 2021.
Si l’assignation du 21 octobre 2021 a été délivrée après cette date, tel n’est pas le cas de l’assignation du 26 février 2020, délivrée devant le tribunal judiciaire au lieu du juge des contentieux et de la protection et ayant donné lieu au jugement de désistement du 22 avril 2020.
Cette précédente assignation a valablement interrompu le délai de forclusion de l’action qui a repris son cours au plus tôt le 22 avril 2020, la date de signification du jugement de désistement n’étant pas précisée.
Expirant au plus tôt le 21 avril 2022, ce délai était toujours en cours au jour de l’assignation du 21 octobre 2021 et le jugement sera infirmé en ce qu’il a déclaré irrecevable l’action de la SA Franfinance.
.Selon les articles L.312-39 al 1 et D.312-16 du code de la consommation en cas de défaillance de l’emprunteur, le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés. Jusqu’à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent les intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt.
Lorsque le prêteur exige le remboursement immédiat du capital restant dû en application de l’article L. 312-39, il peut demander une indemnité égale à 8 % du capital restant dû à la date de la défaillance.
Selon l’article L312-12 du code de la consommation en vigueur depuis le 01 avril 2018, préalablement à la conclusion du contrat de crédit, le prêteur ou l’intermédiaire de crédit fournit à l’emprunteur, sous forme d’une fiche d’informations, sur support papier ou sur un autre support durable, les informations nécessaires à la comparaison de différentes offres et permettant à l’emprunteur, compte tenu de ses préférences, d’appréhender clairement l’étendue de son engagement.
La liste et le contenu des informations devant figurer dans la fiche d’informations à fournir pour chaque offre de crédit ainsi que les conditions de sa présentation sont fixés par décret en Conseil d’Etat.
Cette fiche comporte, en caractères lisibles, la mention indiquée à l’article L. 312-5 .
Lorsque le consommateur sollicite la conclusion d’un contrat de crédit sur le lieu de vente, le prêteur veille à ce que la fiche d’informations mentionnée au premier alinéa lui soit fournie, sur le lieu de vente, sur support papier, ou tout autre support durable.
Lorsque le prêteur offre à l’emprunteur ou exige de lui la souscription d’une assurance, le prêteur ou l’intermédiaire de crédit informe l’emprunteur du coût de l’assurance en portant à sa connaissance les éléments mentionnés à l’article L. 312-7.
En l’espèce l’appelante produit outre le contrat de crédit souscrit le 6 février 2019 par l’intermédiaire de la SNC Concilian à [Localité 8] (59), la fiche d’informations précontractuelles européennes normalisées en matière de crédit aux consommateurs sur laquelle figure entre guillemets immédiatement sous le titre la mention obligatoire prévue à l’article L.312-5 précité soit ‘un crédit vous engage et doit être remboursé. Vérifiez vos capacités de remboursement avant de vous engager’, signée par les deux emprunteurs.
Il est par ailleurs précisé au contrat que ceux-ci ont renoncé à bénéficier de la garantie assurance.
Elle produit également une ‘fiche de dialogue – Revenus et charges’ également signée par les deux emprunteurs, précisant leur situation familiale (mariés sans enfant à charge), professionnelle ( Monsieur préposé PTT agent administratif au conseil départemental de la Lozère et Madame retraitée), financière ( revenus respectifs de 1 725 et 2 134€uros soit 3 859 euros au total), patrimoniale (locataires de leur logement, crédits et autres charges en cours, pour un total de 1 115 euros par mois ) soit un reste à vivre de 3 859 – 1 115 = 2 744 euros hors imposition.
Selon les articles L341-1 et suivants du code de la consommation en vigueur jusqu’au 19 juillet 2019 ici applicables, le prêteur qui accorde un crédit sans communiquer à l’emprunteur les informations précontractuelles dans les conditions fixées par l’article L. 312-12 (…) est déchu du droit aux intérêts.
Le prêteur qui n’a pas respecté les obligations fixées aux articles L.312-14 et L. 312-16 est déchu du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge.
Le prêteur qui accorde un crédit sans remettre et faire signer ou valider par voie électronique la fiche mentionnée à l’article L. 312-17 est déchu du droit aux intérêts.
Le prêteur qui accorde un crédit sans remettre à l’emprunteur un contrat satisfaisant aux conditions fixées par les articles L. 312-18, L. 312-21, L.312-28, L. 312-29, L. 312-43 ainsi que, pour les opérations de découvert en compte, par les articles L. 312-85 à L. 312-87 et L. 312-92, est déchu du droit aux intérêts.
Le prêteur qui accorde un crédit renouvelable sans remettre à l’emprunteur un contrat satisfaisant aux conditions fixées par les articles L. 312-64, L. 312-65 et L. 312-66 est déchu du droit aux intérêts.
Le prêteur qui n’a pas respecté les obligations relatives à l’information de l’emprunteur en cas de modification du taux débiteur fixées à l’article L.312-31 et, pour les opérations de découvert en compte, à l’article L.312-89 est déchu du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge.
Le prêteur qui n’a pas respecté les modalités d’utilisation du crédit renouvelable fixées par les dispositions des articles L. 312-68, L. 312-69 et L. 312-70 est déchu du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge.
Lorsque le prêteur est déchu du droit aux intérêts dans les conditions prévues aux articles L. 341-1 à L. 341-7, l’emprunteur n’est tenu qu’au seul remboursement du capital suivant l’échéancier prévu, ainsi que, le cas échéant, au paiement des intérêts dont le prêteur n’a pas été déchu.
Les sommes déjà perçues par le prêteur au titre des intérêts, qui sont productives d’intérêts au taux de l’intérêt légal à compter du jour de leur versement, sont restituées par le prêteur ou imputées sur le capital restant dû.
Le prêteur qui n’a pas respecté les formalités prescrites au dernier alinéa de l’article L. 312-92 et à l’article L. 312-93 ne peut réclamer à l’emprunteur les sommes correspondant aux intérêts et frais de toute nature applicables au titre du dépassement mentionné à ces articles.
Dans les cas de résolution du contrat de vente ou de prestations de services prévus à l’article L. 312-53, à compter du huitième jour suivant la demande de remboursement de toute somme versée d’avance par l’acheteur, cette somme est productive d’intérêts, de plein droit, au taux de l’intérêt légal majoré de moitié.
Dans le cas d’un contrat de crédit affecté mentionné à l’article L. 312-44, l’engagement préalable de payer comptant en cas de refus de prêt est nul de plein droit.
En l’espèce l’intimée ne justifie pas avoir rempli l’obligation prévue à l’article L.321-21 de ce code qui dispose qu’afin de permettre l’exercice du droit de rétractation mentionné à l’article L. 312-19, un formulaire détachable est joint à son exemplaire du contrat de crédit.
Elle encourt donc la déchéance du droit aux intérêts du prêt.
Selon l’article L341-47 du code de la consommation, lorsque le prêteur est déchu du droit aux intérêts, l’emprunteur n’est tenu qu’au seul remboursement du capital suivant l’échéancier prévu ainsi que, le cas échéant, au paiement des intérêts dont le prêteur n’a pas été déchu. Les sommes perçues au titre des intérêts, qui sont productives d’intérêts au taux de l’intérêt légal à compter du jour de leur versement, sont restituées par le prêteur ou imputées sur le capital restant dû.
La mise en demeure par lettre recommandée d’huissier du 22 août 2019 a été délivrée aux deux emprunteurs, même si la même signature, plus proche de celle de Madame [X] telle qu’elle figure au contrat que de celle de son époux., a été apposée sur les deux accusés de réception.
Toutefois, elle ne vise ni la déchéance du terme encourue ni le délai dont disposaient les débiteurs pour y faire obstacle, contrairement à la mise en demeure préalable du 29 juillet 2019 dont seul l’accusé de réception par M.[X] est produit.
Aucune condamnation ne peut en conséquence être mise à la charge de la co-emprunteuse dont l’appelante ne démontre pas qu’elle a été régulièrement mise en demeure.
Seul M.[X] sera en conséquence condamné à payer à l’appelante le montant du capital restant dû à la date de la mise en demeure du 29 juillet 2019 soit la somme de 9 887,03 euros, la 1ère échéance impayée du 1er avril 2019 étant en réalité la 1ère échéance exigible du prêt.
Les dépens de la première instance seront laissés à la charge de la SA Franfinance qui n’y a pas produit la première assignation interruptive de prescription et le jugement sera confirmé sur ce seul point.
M.[X] devra supporter les dépens de l’instance d’appel et verser à la SA Franfinance la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700.
PAR CES MOTIFS
La cour
Infirme le jugement sauf en ce qu’il a condamné la SA Franfinance aux dépens.
Statuant à nouveau
Déclare l’action de la SA Franfinance recevable
Prononce la déchéance du droit de la SA Franfinance aux intérêts du contrat de crédit- prêt personnel n° 11196845264 consenti le 6 février 2019 par la SA Franfinance par l’intermédiaire de la SNC Concilian à Mme [S] [L] épouse [X] et M.[Y] [E]
Condamne M.[Y] [E] à payer à la SA Franfinance la somme de 9 887,03 euros au titre du capital restant dû par celui-ci au jour de la mise en demeure du 29 juillet 2019
Déboute la SA Franfinance de ses demandes à l’encontre de Mme [S] [L] épouse [X]
Y ajoutant
Condamne M.[Y] [E] aux dépens
Condamne M.[Y] [E] à payer à la SA Franfinance la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Arrêt signé par la présidente et par la greffière.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,