Droit de rétractation : décision du 18 janvier 2024 Cour d’appel de Dijon RG n° 21/01483
Droit de rétractation : décision du 18 janvier 2024 Cour d’appel de Dijon RG n° 21/01483
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SA COMPAGNIE GENERALE DE LOCATION D’EQUIPEMENTS

C/

[V] [X]

Expédition et copie exécutoire délivrées aux avocats le

COUR D’APPEL DE DIJON

2ème Chambre Civile

ARRÊT DU 18 JANVIER 2024

N° RG 21/01483 – N° Portalis DBVF-V-B7F-F2HY

MINUTE N°

Décision déférée à la Cour : au fond du 30 avril 2021,

rendue par le tribunal judiciaire de Chalon sur Saône – RG : 11-18/1004

APPELANTE :

SA COMPAGNIE GENERALE DE LOCATION D’EQUIPEMENTS (CGL), agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice domicilié de droit au siège :

[Adresse 4]

[Adresse 4]

représentée par Me Claire LANCELIN, membre de la SCP LANCELIN & LAMBERT, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 62

INTIMÉE :

Madame [V] [X]

née le [Date naissance 3] 1952 à [Localité 6]

domiciliée :

Chez Mme [Z] [S]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Laurent MARECHAL, membre de la SELARL LAURENT MARECHAL, avocat au barreau de CHALON-SUR-SAONE

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 09 novembre 2023 en audience publique devant la cour composée de :

Marie-Pascale BLANCHARD, Président de Chambre,

Sophie BAILLY, Conseiller,

Leslie CHARBONNIER, Conseiller,

Après rapport fait à l’audience par l’un des magistrats de la composition, la cour, comme ci-dessus composée a délibéré.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Sylvie RANGEARD,

DÉBATS : l’affaire a été mise en délibéré au 18 Janvier 2024,

ARRÊT : rendu contradictoirement,

PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ : par Marie-Pascale BLANCHARD, Président de Chambre, et par Maud DETANG, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Suivant acte sous seing privé du 20 mai 2016 et après intervention du courtier Partner mandatée par les consorts [L]-[X], la société Compagnie Générale de Location d’Equipements (ci-après dénommée CGL) a consenti à M. [E] [L], en qualité d’emprunteur, et à Mme [V] [X], en qualité de co-emprunteur solidaire, un prêt personnel de 37 000 euros remboursable par 144 mensualités de 389,94 euros hors assurance incluant des intérêts au taux nominal de 6,21 % et au taux effectif global de 7,52 %, en vue de regrouper le remboursement de plusieurs crédits octroyés par les sociétés Cetelem et Cofidis.

M. [E] [L] est décédé le [Date décès 1] 2016.

Les échéances du prêt souscrit auprès de la société CGL ont cessé d’être payées à compter du 10 novembre 2016.

Par courrier recommandé du 19 septembre 2018, la société CGL a prononcé la déchéance du terme et mis Mme [X] en demeure d’avoir à régler la totalité de la créance devenue exigible à hauteur de 47 425,45 euros.

Par acte du 23 octobre 2018, la société CGL a fait assigner Mme [X] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Chalon-sur-Saône aux fins d’obtenir sa condamnation, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, à lui payer la somme de 51 965,61 euros outre les intérêts au taux de 6, 207 % à compter du 9 octobre 2018.

Ont été appelées en intervention forcée la compagnie d’assurance Sogecap et la société de courtage Gras Savoye Nord.

Par jugement du 30 avril 2021, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Chalon-sur-Saône a :

– constaté le désistement d’action de Mme [V] [X] à l’encontre de la société Gras Savoie ;

– déclaré recevable l’action de Mme [V] [X] à l’encontre de la société Sogecap ;

– prononcé la déchéance du droit aux intérêts stipulés dans le contrat de prêt souscrit le 20 mai 2016 entre M. [E] [L] et Mme [V][X] d’une part, et la CGL d’autre part.

– condamné Mme [V] [X], tenue solidairement à la dette, à payer la somme de 32 616,42 euros à la société CGL, et ce au titre du prêt souscrit le 20 mai 2016, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure en date du 19 septembre 2018, ces intérêts ne pouvant être majorés de 5 points comme énoncé ci-après.

– dit et ordonné que cette somme ne portera pas intérêts au taux légal majoré de plein droit deux mois après le caractère exécutoire de la décision de justice comme énoncé à l’article L.313-3 du code monétaire et financier, et ce afin d’assurer le caractère effectif et dissuasif de la déchéance du droit aux intérêts, conformément à l’arrêt CJUE du 27 mars 2014, C-565/12,

– ordonné en fait que l’article L.313-3 du code monétaire et financier ne reçoive aucune application sur la somme de 32 616,42 euros,

– débouté la société CGL de toutes ses autres prétentions.

Par déclaration du 19 novembre 2021 enregistrée au greffe de la cour le 23 novembre 2021, la société CGL a interjeté appel de cette décision.

Au terme de ses conclusions en date du 18 février 2022, la Sa Compagnie Générale de Location d’Equipements demande à la cour de :

Vu les articles 1103, 1231-1 et 1343-2 du code civil,

Vu les articles 311-1 et suivants du code de la consommation,

Vu les articles 699 et suivants du code de procédure civile,

– réformer le jugement,

En conséquence, statuant à nouveau,

– condamner Mme[X] à payer à la société Compagnie Générale de Location la somme de 51 965,61 euros outre intérêts au taux de 6,207 % à compter du 9 octobre 2018 date du dernier décompte actualisé, et jusqu’à parfait paiement,

– ordonner la capitalisation des intérêts dès lors qu’ils seront dus pour une année entière en application de l’article 1343-2 du code civil,

– ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir,

– condamner Mme [X] à payer à la société Compagnie Générale de Location la somme de 700 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner Mme [X] aux entiers dépens et frais de 1ère instance et d’appel dont distraction au profit de la Scp Lancelin & Lambert, avocat à Dijon en application de l’article 699 du code de procédure civile.

La société Compagnie expose essentiellement que :

– elle n’encourt aucune déchéance du droit aux intérêts dès lors qu’elle produit un exemplaire de l’offre de contrat de crédit contenant un bordereau de rétractation, et la fiche d’information normalisée européenne, les deux documents étant paraphés et signés par chacun des emprunteurs,

– elle justifie s’être fait communiquer par les emprunteurs à l’époque du contrat l’ensemble des éléments relatifs à leur situation financière, charges comprises et notamment les avis d’imposition utiles, tant de M. [L] que de Mme [X].

– selon décompte arrêté au 9 octobre 2018, sa créance s’établit à un montant de 51 965,61 euros.

Aux termes de conclusions notifiées le 15 mars 2022, Mme [X] demande à la cour d’appel :

Vu les articles 1103-1231-1 du code civil

Vu les articles L 311-9 à L311-30 du code de la consommation

Vu l’article 699 du code de procédure civile,

à titre principal

– confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le juge des contentieux de la protection en date du 30 avril 2021.

en conséquence,

– débouter la société Compagnie Générale de Location de toutes ses demandes, fins et conclusions,

à titre infiniment subsidiaire :

si par extraordinaire, la cour venait à réformer le jugement entrepris et à faire application des intérêts,

– dire et juger qu’il conviendrait de ramener la créance de la société CGLà la somme de 47 583,03 euros,

en tout état de cause, et statuant à nouveau :

– condamner la société Compagnie Générale de Location à paye à Mme [X], la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

– condamner la société Compagnie Générale de Location aux entiers dépens et frais d’appel dont distraction sera faite au profit de la SELARL Laurent Marechal, avocat à [Localité 5] en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Mme [X] expose essentiellement que :

– le seul fait que le contrat de prêt lui ait été communiqué ne peut justifier la remise effective du bordereau de rétractation,

– de même, est insuffisante à établir la remise aux emprunteurs la production de la FIPEN paraphée et signée des deux emprunteurs,

– relativement au montant de la créance, elle doit être ramenée à un montant de 47 583,03 euros, en tenant compte du règlement de :

– la somme de 1 423,58 euros dont elle s’est acquittée au moyen d’un versement de 61,8 euros et de trois versements de 453,56 euros chacun

– la somme de 2 960 euros au titre des honoraires versés à un des intermédiaires à l’opération de crédit, telle que déduite par le premier juge.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 10 octobre 2023.

MOTIVATION

– Sur la déchéance du droit aux intérêts

– le bordereau de rétractation :

L’article L. 311-11 du code de la consommation en sa version applicable au contrat, prévoit que l’offre de contrat de crédit est établie par écrit ou sur un autre support durable. Elle est remise ou adressée en autant d’exemplaires que de parties et, le cas échéant, à chacune des cautions.

Il résulte des articles L. 311-12 et L. 311-48 du code de la consommation en leur version applicable au litige, que pour permettre à l’emprunteur d’exercer son droit de rétractation, un formulaire détachable est joint à son exemplaire du contrat de crédit et que le prêteur qui accorde un crédit sans remettre à l’emprunteur un contrat comprenant un tel formulaire est déchu du droit aux intérêts en totalité ou dans la proportion fixée par le juge.

Ce formulaire doit être établi conformément au modèle-type de bordereau et selon l’article R. 311-4 du même code, il ne peut comporter au verso aucune mention autre que le nom et l’adresse du prêteur.

Il incombe au prêteur de rapporter la preuve de ce qu’il a satisfait à ses obligations précontractuelles et la signature par l’emprunteur de l’offre préalable de crédit comportant une clause selon laquelle il reconnaît que le prêteur lui a remis le bordereau de rétractation constitue seulement un indice qu’il incombe à celui-ci de corroborer par un ou plusieurs éléments complémentaires.

Mme [X] prétend ne pas avoir bénéficié d’une offre de crédit comportant un bordereau de rétractation. Elle ne produit pas un exemplaire de l’offre de crédit distinct de celui communiqué par la CGL lequel comporte bien un bordereau de rétractation.

Aucune déchéance du droit aux intérêts n’est, en conséquence, encourue sur ce fondement.

– Sur la fiche d’informations précontractuelles européennes normalisées

Selon l’article L. 311-6 du code de la consommation dans sa rédaction en vigueur à la date du contrat, ” I.-Préalablement à la conclusion du contrat de crédit, le prêteur ou l’intermédiaire de crédit donne à l’emprunteur, par écrit ou sur un autre support durable, les informations nécessaires à la comparaison de différentes offres et permettant à l’emprunteur, compte tenu de ses préférences, d’appréhender clairement l’étendue de son engagement.

Un décret en Conseil d’Etat fixe la liste et le contenu des informations devant figurer dans la fiche d’informations à fournir pour chaque offre de crédit ainsi que les conditions de sa présentation. Cette fiche d’informations comporte, en caractères lisibles, la mention visée au dernier alinéa de l’article L. 311-5 [‘] “.

La CGL produit l’exemplaire de la fiche d’information précontractuelle européenne normalisée paraphée et signée en sa dernière page par Mme [X] conforme aux dispositions légales, de sorte que l’établissement de crédit n’encourt pas la déchéance du droit aux intérêts.

Le jugement du juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Chalon-sur-Saône sera infirmé sur ce point.

– Sur l’obligation de se renseigner sur la situation financière des emprunteurs

L’article L.311-9 du code de la consommation applicable au litige dispose qu’avant de conclure le contrat de crédit, le prêteur vérifie la solvabilité de l’emprunteur à partir d’un nombre suffisant d’informations, y compris des informations fournies par ce dernier à la demande du prêteur.

L’appelante produit les justificatifs de ressources et de charges qu’ils lui ont été fournis à savoir les avis d’imposition de la taxe foncière et de la taxe d’habitation de l’année 2015 de respectivement 285 euros et 358 euros par an, les factures orange et internet de 57,99 euros et 19 euros par mois, l’avis d’imposition sur le revenu de 2015 mentionnant un revenu du couple de 13 210 euros net.

Les documents sur le regoupement de crédits opéré révèlent que les charges totales d’emprunt s’élevaient à 917,82 euros avant la souscription du contrat de crédit litigeux, ce dernier étant remboursable par mensualités de 389,94 euros incluant des intérêts au taux nominal de 6,21 %.

Dans ces conditions, il n’est pas établi de manquements de la société financière à son obligation de vérification de la solvabilité des emprunteurs.

La déchéance du droit aux intérêts n’est pas non plus encourue de ce chef.

– Sur la créance

Le montant de 2 960 euros au titre des honoraires de la SAS PARTNERS FINANCE n’est pas repris en cause d’appel.

Il ressort des pièces produites, notamment de l’offre préalable de prêt signée, du tableau d’amortissement, de la déchéance du terme prononcée le 19 septembre 2018 et du décompte de créance arrêté au 9 octobre 2018 que la créance de la CGL s’élève à la somme de 45 913,79 euros soit :

– au titre des 19 mensualités échues de 453,56 euros non réglées du 10/11/2016 au 10/09/2018 (déduction faite de l’échéance du 10/07/2017 qui a été payée) : 8 617,64 euros

– au titre du capital restant dû : 37 296,15 euros

soit 45 913, 79 euros outre intérêts au taux contractuel de 6,21 % à compter de l’assignation du 23 octobre 2018

– indemnité sur capital (8 %) : 983,69 euros qui revêtant un caractère excessif sera réduite à 200 euros outre intérêt au taux légal à compter du 23 octobre 2018

Mme [V] [X] sera condamnée à payer à la Compagnie Générale de Location d’Equipements la somme de 45 913,79 euros outre intérêts au taux contractuel de 6,21 % et 200 euros outre les intérêts au taux légal à compter de l’assignation du 23 octobre 2018 ;

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de capitalisation des intérêts, exclue par les dispositions du code de la consommation.

PAR CES MOTIFS

La Cour

Infirme le jugement dont appel en ce qu’il a :

– prononcé la déchéance du droit aux intérêts ;

– condamné Mme [V] [X], tenue solidairement à la dette, à payer la somme de 32 616,42 euros à la société CGL, et ce au titre du prêt souscrit le 20 mai 2016, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure en date du 19 septembre 2018, ces intérêts ne pouvant être majorés de 5 points comme énoncé ci-après.

– dit et ordonné que cette somme ne portera pas intérêts au taux légal majoré de plein droit deux mois après le caractère exécutoire de la décision de justice comme énoncé à l’article L.313-3 du code monétaire et financier, et ce afin d’assurer le caractère effectif et dissuasif de la déchéance du droit aux intérêts, conformément à l’arrêt CJUE du 27 mars 2014, C-565/12,

– ordonné en fait que l’article L.313-3 du code monétaire et financier ne reçoive aucune application sur la somme de 32 616,42 euros,

Statuant à nouveau :

Condamne Mme [V] [X] à payer à la Sa Compagnie Générale de Location d’Equipements la somme de 45 913, 79 euros outre intérêts au taux contractuel de 6,21 % et 200 euros outre les intérêts au taux légal à compter de l’assignation du 23 octobre 2018 ;

Confirme le jugement pour le surplus ;

Condamne Mme [V] [X] aux dépens ;

Dit n’y avoir lieu à l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier, Le Président,

 


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