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COUR D’APPEL
DE RIOM
Troisième chambre civile et commerciale
ARRET N°21
DU : 17 Janvier 2024
N° RG 22/01283 – N° Portalis DBVU-V-B7G-F2UI
VTD
Arrêt rendu le dix sept Janvier deux mille vingt quatre
Sur APPEL d’une décision rendue le 01 mars 2022 par le juge des contentieux de la protection du Tribunal de proximité de VICHY (RG n°11-21-000477)
COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :
Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre
Mme Virginie THEUIL-DIF, Conseiller
Madame Virginie DUFAYET, Conseiller
En présence de : Mme Nadia BELAROUI, Greffier, lors de l’appel des causes et Mme Cécile CHEBANCE, Greffier placé, lors du prononcé
ENTRE :
S.A. CREATIS
immatriculée au RCS de LILLE METROPOLE sous le numéro 419 446 034
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentants : Me Laurie FURLANINI, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND (avocat postulant) et Me Olivier LE GAILLARD de la SELARL BLG AVOCATS, avocat au barreau de ROANNE (avocat plaidant)
APPELANTE
ET :
M. [I] [O]
[Adresse 2]
[Localité 1]
Non représenté, assigné à domicile
INTIMÉ
DÉBATS :
Après avoir entendu en application des dispositions de l’article 786 du code de procédure civile, à l’audience publique du 16 Novembre 2023, sans opposition de leur part, les avocats des parties, Madame THEUIL-DIF, magistrat chargé du rapport, en a rendu compte à la Cour dans son délibéré.
ARRET :
Prononcé publiquement le 17 Janvier 2024 par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre, et par Mme Cécile CHEBANCE, Greffier placé, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Exposé du litige
Suivant contrat en date du 10 janvier 2014, la SA Créatis a consenti à M. [I] [O] et Mme [Z] [J] un contrat de regroupement de crédits pour un montant de 45 700 euros, remboursable en 144 mensualités, au taux débiteur annuel fixe de 8,31%.
Le 6 avril 2017, M. [O] a déposé un dossier de surendettement et a bénéficié de mesures recommandées consistant en un rééchelonnement de ses dettes sur une durée de 84 mois, ce plan incluant la créance de la SA Créatis.
M. [O] ne respectant plus le plan de remboursement, la SA Créatis l’a mis en demeure de régler les mensualités de retard par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 26 février 2021.
Le 18 juin 2021, la SA Créatis a notifié à M. [O] la déchéance du terme et exigé le remboursement immédiat de la somme de 40 807,36 euros.
Par exploit d’huissier en date du 20 décembre 2021, la SA Créatis a fait assigner M. [O] devant le juge des contentieux de la protection (JCP) du tribunal de proximité de Vichy en paiement de la somme de 41 151,46 euros, outre intérêts et frais de retard au taux de 8,31%.
Par jugement réputé contradictoire en date du 1er mars 2022, le JCP a :
– rejeté la fin de non-recevoir présentée par la SA Créatis,
– prononcé la déchéance du droit aux intérêts au titre du contrat de regroupement de crédits souscrit par M. [O] le 10 janvier 2014,
– condamné M. [O] à payer à la SA Créatis la somme de 25 461,19 euros avec intérêts au taux légal à compter du jugement,
– écarté la majoration des intérêts passé le délai de deux mois prévu à l’article L.313-3 du code monétaire et financier,
– débouté la SA Créatis de sa demande de capitalisation des intérêts,
– condamné M. [O] à payer à la SA Créatis la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné M. [O] aux entiers dépens,
– ordonné l’exécution provisoire,
– débouté la SA Créatis du surplus de ses demandes.
La SA Créatis soulevait in limine litis la prescription quinquennale de la déchéance du droit aux intérêts, cette dernière étant relevée d’office par le JCP. Celui-ci a rejeté cette fin de non recevoir notamment au motif que les causes de déchéance du droit aux intérêts relèvent du régime des défenses au fond, dès lors qu’elles constituent un moyen tendant à faire rejeter comme non justifié la prétention de l’adversaire et échappent par conséquent à la prescription. Il a également indiqué que le juge n’est pas une partie et ne peut pas être déclaré irrecevable à relever d’office un moyen de droit.
Sur le fond, le JCP a prononcé la déchéance du droit aux intérêts, retenant que le prêteur ne rapportait pas la preuve d’avoir remis à l’emprunteur un contrat doté d’un bordereau de rétractation.
Enfin, pour rejeter la demande d’intérêts au taux légal majoré, le JCP a estimé que le taux légal majoré de cinq points serait proche d’un taux contractuel dont le prêteur est déchu, de sorte qu’il convient d’écarter cette majoration, sauf à priver la sanction de la déchéance de tout caractère effectif et dissuasif.
La SA Créatis a interjeté appel de cette décision par déclaration du 20 juin 2022.
Par des conclusions régulièrement déposées et notifiées par voie électronique le 8 septembre 2022, l’appelante demande à la cour, au visa des articles 1134, 1147, 1347, 1902 du code civil, L.311-1 et suivants du code de la consommation, L.313-13 du code monétaire et financier, de :
– déclarer son appel recevable et bien fondé,
– y faisant droit, réformer le jugement en ce qu’il :
– a prononcé la déchéance du droit aux intérêts au titre du contrat souscrit par M. [O] le 10 janvier 2014, en retenant que l’offre de crédit ne comporte pas de bordereau de rétractation,
– a condamné M. [O] à lui payer la somme de 25 461,19 euros avec intérêts au taux légal à compter du jugement,
– a écarté la majoration des intérêts,
– l’a déboutée de sa demande de capitalisation des intérêts,
– l’a déboutée du surplus de ses demandes,
– en conséquence et statuant à nouveau :
– à titre principal :
– condamner M. [O] à lui payer les sommes suivantes, arrêtées au 27 juillet 2021 :
‘ capital restant dû 37 784,59 euros
‘ intérêts 344,10 euros
‘ indemnité conventionnelle 3 022,77 euros
‘ total 41 151,46 euros, outre frais et intérêts de retard au taux contractuel de 8,31% à compter de la mise en demeure et jusqu’à parfait paiement.
– à titre subsidiaire, si par impossible la déchéance du droit aux intérêts devait être confirmée, assortir toute condamnation en paiement à l’encontre de M. [O] des intérêts au taux légal, avec majoration de 5 points en application des dispositions de l’article L.313-3 du code monétaire et financier, et réformer en ce sens le jugement entrepris,
– en tout état de cause :
– ordonner la capitalisation des intérêts en application des dispositions de l’article 1343-2 du code civil,
– condamner M. [O] à lui payer et porter la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens,
– dire que, dans l’hypothèse où, à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées, l’exécution devra être réalisée par l’intermédiaire d’un huissier de justice, le montant des sommes retenues par l’huissier, en application de l’article R.444-55 du code de commerce
et son tableau 3-1 annexé, devra être supporté par le débiteur, en sus de l’application de l’article 700 du code de procédure civile, l’article L.111-8 du code des procédures civiles d’exécution ne prévoyant qu’une simple faculté de mettre à la charge du créancier les dites sommes.
L’appelante conteste la déchéance du droit aux intérêts et soutient qu’en vertu de la jurisprudence de la Cour de cassation la signature par l’emprunteur de l’offre préalable comportant une clause selon laquelle il reconnaît que le prêteur lui a remis le bordereau de rétractation constitue seulement un indice qu’il incombe à celui-ci de corroborer par un ou plusieurs éléments complémentaires.
Elle indique que l’emprunteur a reconnu, sous sa signature, rester en possession d’un exemplaire du contrat doté d’un formulaire détachable de rétractation et que, corroborant cette attestation, elle verse au débat un exemplaire vierge du contrat adressé à l’emprunteur et conservé par lui et comportant le formulaire conforme au modèle type.
A titre subsidiaire, si la cour devait prononcer la déchéance du droit aux intérêts, elle sollicite l’application du taux légal majoré, estimant que seul le juge de l’exécution est compétent pour prononcer une telle sanction. Elle ajoute en outre que le juge doit comparer les montants et non les taux pour juger du caractère non dissuasif de la sanction.
M. [O], non comparant et non représenté en première instance et à qui la déclaration d’appel a été signifiée à domicile selon acte du 26 août 2022, n’a pas constitué avocat.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 14 septembre 2023.
Motivation de la décision
A titre liminaire il sera observé que l’appelante ne conteste pas la décision en ce qu’elle a rejeté la fin de non-recevoir qu’elle avait présenté en première instance. La cour n’est donc pas saisie de ce point.
L’offre préalable ayant été signée le 10 janvier 2014, le litige est soumis aux dispositions du code de la consommation dans sa rédaction et codification antérieures à l’entrée en vigueur de l’ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016.
L’article L.311-48 du code de la consommation sanctionne par la déchéance du droit aux intérêts contractuels le prêteur qui accorde un crédit sans remettre à l’emprunteur un contrat satisfaisant aux conditions fixées notamment par l’article L.311-12.
Ce dernier article dispose qu’afin de permettre l’exercice du droit de rétractation, un formulaire détachable est joint à son exemplaire du contrat de crédit.
Il appartient au prêteur, en application de l’article 1353 du code civil, de rapporter la preuve qu’il a rempli son obligation de remettre à l’emprunteur un exemplaire doté d’un formulaire de rétractation conforme aux dispositions ci-avant énoncées.
M. [O], en signant le 10 janvier 2014 l’exemplaire de l’acte contractuel resté en possession de la SA Créatis et produit aux débats, a reconnu selon une formule pré-imprimée figurant dans le paragraphe intitulé ‘Acceptation de l’offre de contrat de crédit’ ‘rester en possession d’un exemplaire de ce contrat de crédit doté d’un formulaire détachable de rétractation’.
Ainsi que l’affirme l’appelante, la signature par l’emprunteur de l’offre préalable, comportant une clause selon laquelle il reconnaît que le prêteur, qui doit rapporter la preuve de ce qu’il a satisfait à ses obligations, lui a remis le bordereau de rétractation, constitue seulement un indice qu’il incombe au prêteur de corroborer par un ou plusieurs éléments complémentaires (Cass. Civ. 1ère, 21 octobre 2020, n°19-18.971).
La SA Créatis verse aux débats l’exemplaire ’emprunteur’ adressé à ce dernier, doté d’un bordereau de rétractation. La production de cette pièce ayant servi à la rédaction de l’acte, permet à la juridiction de vérifier que le formulaire de rétractation joint à l’exemplaire destiné à l’emprunteur était conforme aux textes en vigueur.
Le jugement sera en conséquence infirmé en ce qu’il a prononcé la déchéance du droit aux intérêts.
En vertu de l’article L.311-24 du code de la consommation, en cas de défaillance de l’emprunteur, le prêteur pourra exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés. Jusqu’à la date de règlement effectif, les sommes restant dues produisent des intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt. En outre le prêteur pourra demander à l’emprunteur défaillant une indemnité qui, dépendant de la durée restant à courir du contrat et sans préjudice de l’application des articles 1152 et 1231 du code civil, sera fixée suivant un barème déterminé par décret (8 % du capital restant dû à la date de la défaillance).
En l’espèce, la SA Créatis produit notamment à l’appui de sa demande :
– l’offre préalable de crédit signée le 10 janvier 2014 ;
– la fiche de dialogues : revenus et charges et ses justificatifs;
– la fiche d’informations précontractuelles européennes normalisées ;
– le justificatif de consultation du FICP ;
– le document d’information propre au regroupement de créances ;
– la notice d’assurance ;
– le tableau d’amortissement ;
– l’historique du prêt ;
– le plan élaboré dans le cadre de la procédure de surendettement ;
– un décompte de créance.
Elle justifie par ailleurs de l’envoi à M. [O] le 26 février 2021 d’un courrier recommandé de mise en demeure exigeant le règlement dans un délai de 15 jours des mensualités impayées à hauteur de 619,63 euros sous peine de voir prononcer la caducité du plan de remboursement.
A défaut de régularisation des mensualités impayées, la déchéance du terme est intervenue et un courrier recommandé de mise en demeure a été adressé le 18 juin 2021 à M. [O] portant sur la somme totale de 40 807,36 euros.
Aussi, au vu des pièces justificatives produites, la créance de la SA Créatis s’établit de la façon suivante au 27 juillet 2021 :
– capital restant dû : 37 784,59 euros
– intérêts : 344,10 euros
soit la somme totale de 38 128,69 euros.
M. [O] sera ainsi condamné à payer la somme de 38 128,69 euros augmentée des intérêts au taux contractuel de 8,31 % l’an à compter du 28 juillet 2021 sur la somme de 37 784,59 euros.
Aux termes de l’article 1231-5 alinéa 2 du code civil, le juge peut, même d’office, modérer ou augmenter la pénalité convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire.
Le caractère manifestement excessif de la peine peut notamment résulter de la comparaison de celle-ci avec le préjudice effectivement subi par le créancier, ou encore du cumul de l’indemnité avec d’autres charges majorant les coûts financiers supportés par le débiteur.
En l’espèce, l’indemnité de 3 022,77 euros réclamée par la SA Créatis apparaît manifestement excessive, d’une part en ce qu’elle se cumule avec les indemnités de retard calculées sur plusieurs échéances avant la déchéance du terme ainsi qu’il ressort de l’historique du compte, et d’autre part, en ce que le taux d’intérêt de 8,31 % était bien supérieur à la dépréciation monétaire, de sorte que le préjudice subi par le prêteur est limité.
Cette indemnité sera en conséquence réduite à la somme de 500 euros.
M. [O] sera condamné au paiement de cette somme augmentée des intérêts au taux légal à compter du 18 juin 2021.
La sanction de déchéance du droit aux intérêts n’étant pas prononcée, il n’y a pas lieu de statuer spécifiquement sur l’application de la majoration du taux légal prévue par l’article L.313-3 alinéa 1er du code monétaire et financier.
De surcroît, la capitalisation des intérêts n’est pas prévue en matière de crédit à la consommation, les sommes auxquelles le prêteur peut prétendre étant limitativement énumérées par la loi. La SA Créatis ne peut donc se prévaloir de la capitalisation des intérêts.
Succombant à l’instance, M. [O] sera condamné aux dépens de première instance et d’appel.
Toutefois l’équité commande de ne pas faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en première instance comme en appel, la décision de première instance étant également réformé sur ce point.
Le droit proportionnel de recouvrement prévu par les articles R.444-3 tableau 3-1 et A.444-32 du code de commerce sera laissé à la charge du créancier conformément à l’article R.444-55 du même code et à l’article L.111-8 du code des procédures civiles d’exécution.
PAR CES MOTIFS
La cour, après en avoir délibéré, statuant par arrêt rendu par défaut, mis à la disposition des parties au greffe de la juridiction, en dernier ressort,
Infirme, dans les limites de sa saisine, le jugement déféré,
Statuant à nouveau,
Condamne M. [I] [O] à payer à la SA Créatis la somme de 38 128,69 euros, avec intérêts au taux contractuel de 8,31 % l’an à compter du 28 juillet 2021 sur la somme de 37784,59 euros, et celle de 500 euros au titre de la clause pénale avec intérêts au taux légal à compter du 18 juin 2021 ;
Déboute la SA Créatis de ses demandes au titre de la capitalisation des intérêts et de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. [I] [O] aux dépens de première instance et d’appel, sans qu’il y ait lieu de lui faire supporter le droit proportionnel mis à la charge du créancier par l’article R.444-55 du code de commerce relatif au tarif des huissiers de justice.
Le Greffier La Présidente