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COUR D’APPEL
d’ANGERS
Chambre Sociale
ARRÊT N°
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/00277 – N° Portalis DBVP-V-B7E-EV5R.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LAVAL, décision attaquée en date du 09 Juillet 2020, enregistrée sous le n° F 19/00087
ARRÊT DU 16 Mars 2023
APPELANTE :
S.A.R.L. MONDIA LANGUES
agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège.
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Me Sarah TORDJMAN de la SCP ACR AVOCATS, avocat au barreau d’ANGERS – N° du dossier 30190196
INTIMEE :
Madame [H] [M]
[Adresse 4]
[Localité 3]
représentée par Maître Inès RUBINEL, avocat postulant au barreau d’ANGERS et par Maître HERY, avocat plaidant au barreau de RENNES
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 10 Mai 2022 à 9 H 00, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame BUJACOUX, conseiller chargé d’instruire l’affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Président : Mme Estelle GENET
Conseiller : Mme Marie-Christine DELAUBIER
Conseiller : Mme Nathalie BUJACOUX
Greffier lors des débats : Madame Viviane BODIN
ARRÊT :
prononcé le 16 Mars 2023, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame DELAUBIER, conseiller pour le président empêché, et par Madame Viviane BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*******
FAITS ET PROCÉDURE
La société à responsabilité limitée Mondia Langues est spécialisée dans l’apprentissage de la langue à destination des particuliers et des entreprises.
Mme [H] [M] et M. [V] [J] étaient époux et associés de la société Mondia Langues, M. [J] détenant 62,5% des parts de la société et Mme [M] 37,5%.
Le 1er septembre 2009, Mme [M] a signé un contrat à durée indéterminée à temps partiel pour une durée hebdomadaire de travail de 10 heures en qualité de secrétaire comptable.
Suite à la séparation des époux [J], Mme [M] a sollicité une rupture conventionnelle laquelle a été signée le 6 juin 2018. La date de la rupture du contrat de travail était fixée au 13 juillet 2018.
Le 22 juin 2018, Mme [M] a déposé une plainte auprès de la gendarmerie à l’encontre de M. [J] pour harcèlement moral. Cette plainte a été classée sans suite le 19 novembre 2019.
Par courriers du 7 septembre 2018 et du 24 juin 2019, Mme [M] a contesté son solde de tout compte. Elle sollicitait le règlement d’heures supplémentaires et de frais avancés pour le compte de la société.
Par requête adressée au greffe le 9 juillet 2019, Mme [M] a saisi le conseil de prud’hommes de Laval afin d’obtenir, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, le remboursement de frais avancés pour le compte de l’entreprise, le paiement d’heures supplémentaires et de dommages et intérêts au titre de la contrepartie obligatoire de repos, une indemnité pour travail dissimulé, ainsi qu’un complément d’indemnité compensatrice de congés payés. Elle sollicitait en outre que soit prononcée l’annulation de la rupture conventionnelle et, en conséquence, la condamnation de la société Mondia Langues au versement d’une indemnité compensatrice de préavis et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
La société Mondia Langues a soulevé in limine litis l’incompétence de la juridiction prud’homale. Subsidiairement et au fond, elle s’est opposée aux prétentions de Mme [M], sollicitant sa condamnation au paiement d’une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par jugement en date du 9 juillet 2020, le conseil de prud’hommes a :
– rejeté l’exception d’incompétence soulevée par la société Mondia Langues ;
-condamné la société Mondia Langues à verser à Mme [M] au titre des heures supplémentaires réalisées :
– période d’août à décembre 2015 : 8 004 euros outre 800,40 euros de congés payés afférents ;
– période de janvier à décembre 2016 : 20 935,75 euros outre 2 093,57 euros de congés payés afférents ;
– période janvier à décembre 2017 : 21 085,25 euros outre 2 108,52 euros de congés payés afférents ;
– période janvier à juillet 2018 : 17 296,75 euros outre 1 729,67 euros au titre des congés payés afférents ;
– condamné la société Mondia Langues à verser à Mme [M] la somme de 6 848,60 euros de dommages et intérêts au titre de la contrepartie obligatoire en repos ;
– fixé le salaire de référence à 4 041,23 euros brut par mois ;
– condamné la société Mondia Langues à verser à Mme [M] 24 247 euros à titre d’indemnité pour travail dissimulé ;
– débouté Mme [M] de sa demande de condamnation de la société Mondia Langues à lui verser le solde de l’indemnité de rupture soit 4 310,54 euros ;
– débouté Mme [M] de sa demande présentée à titre de complément d’indemnité compensatrice de congés payés ;
– débouté Mme [M] de sa demande tendant à prononcer l’annulation de la rupture conventionnelle.
En conséquence,
– débouté Mme [M] de sa demande de requalification de la rupture du contrat de travail en licenciement sans cause réelle et sérieuse, de sa demande d’indemnité compensatrice de préavis (8 082,56 euros) et les congés payés afférents, et de sa demande de dommages et intérêts (36 370 euros net de charges et contributions sociales) ;
– débouté Mme [M] de sa demande d’exécution provisoire ;
– condamné la société Mondia Langues au versement de la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– débouté les parties de toutes leurs autres demandes.
La société Mondia Langues a interjeté appel de ce jugement par déclaration transmise par voie électronique au greffe de la cour d’appel le 27 juillet 2020, son appel portant sur tous les chefs lui faisant grief ainsi que ceux qui en dépendent et qu’elle énonce dans sa déclaration.
Mme [M] a constitué avocat en qualité de partie intimée le 14 août 2020.
Par avis du 15 février 2022, les parties ont été informées que la clôture de l’instruction interviendrait le 20 avril 2022 et que le dossier était fixé à l’audience du conseiller rapporteur du 10 mai 2022.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
La société Mondia Langues, dans ses dernières conclusions, adressées au greffe le 20 avril 2022, régulièrement communiquées, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, demande à la cour de :
– ne pas prononcer la clôture au 20 avril 2022, et reporter son prononcé au 10 mai 2022;
– subsidiairement, rabattre l’ordonnance de clôture, rouvrir les débats et prononcer la clôture au 10 mai 2022 ;
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :
– débouté Mme [M] de ses demandes tendant à la condamner à lui verser :
– le solde de l’indemnité de rupture soit 4 310,54 euros ;
– la somme de 9 898,86 euros brut à titre de complément d’indemnité compensatrice de congés payés ;
– débouté Mme [M] de sa demande tendant à prononcer l’annulation de la rupture conventionnelle ;
– débouté Mme [M] de sa demande de requalification de la rupture du contrat de travail en licenciement sans cause réelle et sérieuse et de ses demandes d’indemnité compensatrice de préavis (8 082,56 euros), de congés payés afférents (808,25 euros), et de dommages et intérêts à hauteur de 36 370 euros net de charges et contributions sociales;
– infirmer le jugement pour le surplus ;
Et en conséquence, faire droit à toutes ses demandes :
– constater que Mme [M] n’était soumise à aucun lien de subordination ;
– en conséquence, se déclarer incompétent et dire compétent le tribunal de commerce de Laval ;
– débouter Mme [M] de l’intégralité de ses demandes ;
– condamner Mme [M] à lui verser à la somme de 3 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de son appel, la société Mondia Langues fait valoir que Mme [M] n’était soumise à aucun lien de subordination de sorte que la cour devra se déclarer incompétente au profit du tribunal de commerce de Laval.
Elle invoque l’absence de tout pouvoir de direction et de contrôle exercé sur Mme [M], laquelle ne craignait aucun pouvoir disciplinaire. Elle affirme que cette dernière a toujours été libre de ses horaires et ne recevait aucune directive de sa part. Elle ajoute que le statut d’associé a toujours prédominé et qu’en définitive, Mme [M], épouse du gérant de droit, s’est toujours comportée dans les faits en qualité de co-gérante au sein de la société.
Elle souligne encore que Mme [M] était titulaire d’une procuration générale et d’une procuration spéciale sur les comptes bancaires de la société et que son salaire et ses missions correspondaient à ceux d’une co-gérante et non à ceux d’une salariée secrétaire de direction.
Subsidiairement et au fond, la société Mondia Langues soutient que la rupture conventionnelle est régulière et que Mme [M] ne démontre pas l’existence d’un vice de consentement.
Concernant les heures supplémentaires revendiquées, la société Mondia Langues fait observer que les pièces produites par Mme [M] ne permettent pas d’apprécier son temps de travail. Elle observe ainsi que le tableau versé aux débats a été réalisé à posteriori et pour les besoins de la cause et que les courriels communiqués sont insuffisants pour mesurer l’amplitude horaire du temps de travail de Mme [M]. De surcroît, elle estime que même à reconnaître sa qualité de salariée, il reste que le travail accompli relevait pour partie de ses fonctions d’associé, étant rappelé que Mme [M] bénéficiait de la plus grande liberté dans l’organisation de son travail et la détermination de ses horaires.
En tout état de cause, la société Mondia Langues relève que Mme [M] ne démontre pas son intention de dissimuler ses heures supplémentaires.
Enfin, elle estime que le salaire de référence à retenir ne saurait être supérieur à la somme de 2 517,56 euros brut tel que figurant sur ses bulletins de salaires et non à 4041,23 euros brut ainsi que le prétend Mme [M].
Par ailleurs, elle assure que Mme [M] prenait ses congés payés tous les ans et qu’en l’absence d’accord quant à leur éventuel report, la demande d’indemnité compensatrice de congés payés est mal fondée.
En dernier lieu, la société Mondia Langues sollicite le report ou le rabat de l’ordonnance de clôture en soulignant qu’elle a pris connaissance des dernières conclusions, adressées le 12 avril 2022, seulement le 19 avril 2022.
*
Mme [M], dans ses dernières conclusions, adressées au greffe le 12 avril 2022, régulièrement communiquées, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, demande à la cour de :
– constater la reprise d’instance dans les suites de la constitution de Maître Inès Rubinel, avocate au Barreau d’Angers, en qualité d’administratrice provisoire de Maître [T] [W] ;
– déclarer la société Mondia Langues non fondée en son appel et en toutes ses contestations et demandes, l’en débouter ;
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :
– débouté la société Mondia Langues de son exception d’incompétence ;
– condamné la société Mondia Langues à lui verser, au titre des heures supplémentaires réalisées :
– période août à décembre 2015 : 8 004 euros outre 800,40 euros de congés payés afférents ;
– période de janvier à décembre 2016 : 20 935,75 euros outre 2 093,57 euros de congés payés afférents ;
-période janvier à décembre 2016 : 20 935,75 euros outre 2 093,57 euros de congés payés afférents ;
– période janvier à décembre 2017 : 21 085,25 euros outre 2 108,52 euros de congés payés afférents ;
– période janvier à juillet 2018 : 17 296,75 euros outre 1 729,67 euros au titre des congés payés afférents ;
– condamné la société Mondia Langues à lui verser la somme de 6 848,60 euros de dommages et intérêts au titre de la contrepartie obligatoire de repos ;
– fixé le salaire de référence à 4 041,23 euros brut par mois ;
– condamné la société Mondia Langues à lui verser l’indemnité pour travail dissimulé soit 24 247 euros ;
– condamné la société Mondia Langues au versement de la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– infirmer le jugement pour le surplus et faire droit aux demandes suivantes :
– condamner la société Mondia Langues à lui verser le solde de l’indemnité de rupture, soit 4 310,54 euros ;
– condamner la société Mondia Langues à lui verser la somme de 9 898,86 euros brut à titre de complément d’indemnité compensatrice de congés payés ;
– prononcer l’annulation de la rupture conventionnelle ;
En conséquence,
– requalifier la rupture du contrat de travail en licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamner la société Mondia Langues à lui verser les sommes suivantes :
– 8 082,56 euros d’indemnité compensatrice de préavis et 808,25 euros de congés payés afférents ;
– 36 370 euros net de charges et contributions sociales à titre de dommages et intérêts;
– ordonner à la société Mondia Langues d’établir les documents de fin de contrat conformes à la décision à intervenir ;
En tout état de cause,
– condamner la société Mondia Langues à lui verser la somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner la société Mondia Langues aux entiers dépens, y compris les éventuels frais d’exécution forcée.
In limine litis, Mme [M] fait valoir qu’elle était bien salariée de la société Mondia Langues et que la juridiction prud’homale est ainsi compétente.
Elle souligne que M. [J] détenait la majorité des parts sociales de la société et que les pièces produites ne démontrent pas l’absence de lien de subordination avec la société Mondia Langues. Elle assure que la procuration bancaire lui permettait d’assurer ses missions de secrétaire de direction et non des fonctions de gérante de fait.
Mme [M] fait également observer que l’absence de sanction disciplinaire à son encontre ne suffit pas pour caractériser l’absence de salariat puisque de nombreux salariés ne reçoivent aucune sanction durant leur carrière sans que leur statut ne soit pour autant remis en cause.
Mme [M] soutient par ailleurs qu’elle a réalisé de nombreuses heures supplémentaires, y compris le week-end, lesquelles n’ont été ni déclarées ni rémunérées par la société Mondia Langues. Elle ajoute qu’aucun avenant à son contrat de travail n’est venu formaliser son passage à temps plein et que son employeur avait connaissance des heures supplémentaires réalisées de sorte que le délit de travail dissimulé est caractérisé. Mme [M] rappelle que toute heure supplémentaire effectuée au-delà du contingent annuel ouvre droit à une contrepartie obligatoire en repos et que dès lors, elle est fondée à solliciter des dommages et intérêts à ce titre.
Elle estime alors que son salaire de référence, lequel doit prendre en compte les heures supplémentaires réalisées, s’élève en conséquence à la somme de 4 041,23 euros brut.
Mme [M] soutient par ailleurs que son consentement a été vicié lors de la rupture conventionnelle laquelle, irrégulière, doit être annulée. Elle précise d’une part que la signature de la rupture conventionnelle était conditionnée au rachat de ses parts par M. [J], lequel n’a pas respecté cet engagement. Elle assure d’autre part qu’elle a été privée du délai de rétractation, pourtant déterminant à son consentement, puisque les documents ont été antidatés et signés postérieurement à l’expiration dudit délai.
Mme [M] affirme enfin qu’elle est fondée à solliciter une demande de rappel d’indemnité compensatrice de congés payés puisqu’ à son départ, il lui restait 83 jours de congés payés acquis non pris.
*
Lors de l’audience du 10 mai 2022, les parties ont fait connaître leur accord pour que la clôture soit prononcée le jour même.
***
MOTIVATION
– Sur la clôture de l’instruction:
Il y a lieu de constater que la clôture des débats initialement prévue le 20 avril 2022 a fait l’objet d’un report jusqu’à la date du 10 mai 2022.
En accord avec parties, il y a lieu de prononcer la clôture définitive de l’instruction du présent dossier à la date de l’audience le 10 mai 2022.
– Sur l’existence d’un contrat de travail et la compétence du conseil de prud’hommes:
Selon l’article L. 1411-1 du code du travail, le conseil de prud’hommes est compétent pour statuer sur les différends qui peuvent s’élever entre les employeurs et les salariés qu’ils emploient à l’occasion de tout contrat de travail.
Il résulte des articles L. 1221-1 et suivants du code du travail que le contrat de travail suppose un engagement à travailler pour le compte et sous la subordination d’autrui moyennant rémunération. Le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.
Les fonctions de gérant d’une société ou d’associé, même égalitaire, ne sont pas incompatibles avec la qualité de salarié, à condition que le salarié exerce des fonctions techniques distinctes du mandat social, dans un lien de subordination et moyennant une rémunération distincte de celle versée au titre du mandat social.
L’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donné à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles la prestation de travail s’est exécutée.
En présence d’un contrat de travail écrit ou apparent, il appartient cependant à la partie qui entend en contester l’existence de rapporter la preuve de son caractère fictif ou de démontrer qu’au-delà de la dénomination donnée à ce contrat, les conditions de fait dans lesquelles une prestation a pu être accomplie ne correspondaient pas à l’exécution d’un contrat de travail.
Les juges du fond apprécient souverainement les éléments de nature à caractériser le caractère fictif du contrat de travail et notamment l’existence d’un lien de subordination, étant précisé que l’existence de relations familiales entre le dirigeant d’une société et un salarié n’exclut pas nécessairement tout lien de subordination.
En l’espèce, il est constant que les parties ont signé un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel le 31 août 2009 à effet au 1er septembre 2009, au profit de Mme [M] en qualité de secrétaire comptable -avec des missions de secrétaire/traductrice chargée de la réception/accueil et de la comptabilité-. Mme [M] a bénéficié de bulletins de paie, lesquels mentionnent un emploi de secrétaire de direction donc des fonctions différentes de celles confiées à un associé avec une rémunération spécifique.
Est aussi produit le document de rupture conventionnelle signé par les parties le 6 juin 2018. A l’issue de la procédure, la société Mondia Langues a délivré à Mme [M] un certificat de travail, un reçu pour solde de tout compte ainsi qu’une attestation Pôle emploi par laquelle elle reconnaît sa qualité de salariée. Enfin, par courrier du 1er octobre 2018, la société Mondia Langues répondait à Mme [M] concernant sa demande en paiement d’heures supplémentaires en lui rappelant que son ’emploi’ au sein de la société prévoyait des heures de travail à exécuter de 9h à 12h et de 14h à 18h, rejetant sa demande faute de justification de l’exécution d’heures de travail en dehors de ces horaires.
L’ensemble de ces éléments conduit à retenir l’existence d’un contrat de travail apparent.
Par suite, il revient à la société Mondia Langues qui en conteste l’existence de rapporter la preuve de son caractère fictif ou de démontrer qu’au-delà de la dénomination donnée à ce contrat, les conditions de fait dans lesquelles une prestation a pu être accomplie ne correspondaient pas à l’exécution d’un contrat de travail.
La société Mondia Langues conclut tout d’abord à l’absence de tout lien de subordination en raison de la double qualité d’associée et d’épouse du gérant de Mme [M]. Cependant, il convient de rappeler que Mme [M] avec 37,5 % des parts de la société, était donc minoritaire face à M. [J] au surplus gérant de la société. Plus généralement, ces éléments sont indifférents, un contrat de travail entre un associé minoritaire et une société même dirigée par son conjoint pouvant produire tous les effets légaux. Ainsi, la qualité d’associé ou la détention d’un mandat social ne sont pas incompatibles avec un contrat de travail. De plus, affirmer que Mme [M] se comportait comme associée et non comme salariée ne peut pas utilement écarter l’existence d’un contrat de travail parfaitement officiel et dont la rupture a été formalisée suivant les règles applicables en la matière En outre, ce n’est pas parce que Mme [M] exerçait ses fonctions en totale autonomie, en étant libre de ses horaires de travail et de travailler à son domicile, ainsi que le relève la société, qu’elle ne recevait pas des instructions de la part de son employeur. De la même manière, ce n’est pas parce que l’employeur a décidé de renoncer à son pouvoir disciplinaire qu’il n’existe pas de contrat de travail. Au demeurant, il convient d’observer que dans un courriel du 27 juin 2018, M. [J], gérant de droit de la société Mondia Langues, s’adressait à Mme [M] en des termes particulièrement directifs, lui rappelant qu”en tant que salariée et associée’, elle se devait de respecter le secret professionnel et ne devait divulguer aucune information ou renseignement’ concernant notamment l’entreprise (pièce 35 de Mme [M]). En faisant ainsi état auprès de Mme [M] de sa qualité de salariée, et des obligations auxquelles elle était tenue de ce fait, la société Mondia Langues, par l’intermédiaire de son gérant, manifestait à l’évidence son pouvoir de direction.
Ensuite, la société Mondia Langues prétend que Mme [M] s’est toujours comportée dans les faits en qualité de co-gérante, ce qui implique cependant la démonstration de l’exercice en toute indépendance par Mme [M] de fonctions de direction, d’administration ou de gestion de la société, ce de façon continue et régulière. La qualité de gérant de fait ne se présumant pas, il incombe à celui qui s’en prévaut d’en rapporter la preuve.
Il appartient en conséquence à la société Mondia Langues d’établir tant la gérance de fait exercée par Mme [M] que l’absence de lien de subordination entre cette dernière et la société.
A cette fin, la société Mondia Langues affirme que les fonctions exercées par Mme [M], lesquelles consistaient à tenir la comptabilité, réaliser les devis, procéder aux règlements fournisseurs et aux achats, réaliser les paies, les plannings des salariés, et les déclarations sociales et de TVA, dépassaient celles d’une secrétaire de direction.
La réalité des tâches accomplies ainsi décrites résulte de diverses pièces produites par l’intimée elle-même et auxquelles se réfère la société, lesquelles révèlent encore que celle-ci réalisait aussi l’accueil des clients, leur information, leur mise en relation avec les professeurs outre le suivi administratif de la clientèle.
Selon le répertoire opérationnel des métiers et emplois (code ROME 1604), une secrétaire de direction dont les tâches sont similaires à celles d’une assistante de direction, assiste le directeur ou cadre dirigeant afin d’optimiser la gestion de leur activité (gestion de planning, organisation de déplacements, communication, préparation de réunions, accueil, …), organise et coordonne les informations internes et externes, parfois confidentielles, liées au fonctionnement de la structure, prend en charge le suivi complet de dossiers (contrats de maintenance des équipements, suivi de relance clients, gestion administrative du personnel …) ou d’événements spécifiques (organisation de séminaires, salons, …), et enfin, elle peut coordonner une équipe.
Il en ressort que les missions telles qu’exercées par Mme [M], se rattachent pour l’essentiel à celles d’une secrétaire de direction, étant rappelé que selon le contrat écrit précité celle-ci avait été aussi engagée pour assurer la comptabilité.
La société Mondia Langues prétend encore que Mme [M] détenait un pouvoir décisionnaire et hiérarchique manifestant sa qualité alléguée de gérante de fait.
Elle communique deux attestations de salariées, lesquelles affirment avoir ‘considéré’ Mme [J], ‘étant l’épouse de mon employeur’, comme un responsable de l’entreprise et non comme une collègue de bureau’. Mme [Z], secrétaire exerçant deux matinées par semaine au sein de l’entreprise, assure ‘qu’il lui arrivait de me donner des directives au niveau du travail. Vu ma position de salarié, Mondia-Langues était une entreprise familiale, Mme [J] était décisionnaire comme M. [J] pour les commandes de fourniture de bureau, pour l’agencement et l’organisation de l’entreprise et des locaux’. Mme [D] évoque pour sa part ‘une relation entre elle et moi toujours hiérarchique’. Un professeur (M. [G]) atteste avoir toujours considéré ‘qu'[H] [[M]] et [V] [M. [J]] se partageaient équitablement la direction de Mondia Langues’, précisant avoir suivi les consignes de l’un et de l’autre, et qu’il lui semblait que ‘tous deux avaient des rôles d’encadrement et des responsabilités administratives’.
Il reste que sont ainsi évoquées des ‘considérations’ personnelles livrées par des salariés regardant Mme [M] avant tout comme ‘épouse de l’employeur’. Les auteurs de ces attestations ne caractérisent ni n’illustrent davantage la relation dite hiérarchique alléguée à l’égard de Mme [M] et aucun exemple d’instructions reçues de cette dernière n’est rapporté.
Au surplus, le pouvoir décisionnaire mentionné se cantonne aux seules commandes de fournitures de bureau et à l’agencement des locaux, ce qui relève des fonctions de secrétaire de direction. Les questions organisationnelles ne sont pas explicitées, étant relevé que Mme [M] intervenait dans le cadre de ses fonctions de secrétaire de direction dans l’organisation administrative et opérationnelle des formations ainsi qu’en attestent l’élaboration et la transmission des plannings.
En définitive, ces attestations sont trop imprécises pour caractériser un pouvoir de direction, de surveillance et de contrôle exercé par Mme [M] sur les autres salariés de la société.
De plus la société Mondia Langues ne démontre nullement que Mme [M] apparaissait vis à vis de la clientèle comme gérante de fait. Le seul courriel de sympathie, parmi beaucoup d’autres, adressé par un client informé du départ de Mme [M] et faisant état uniquement d’une croyance (‘J’avoue que je croyais que c’était votre entreprise’) est totalement insuffisant à l’établir, alors que Mme [M] était le principal interlocuteur des clients par ses fonctions d’accueil, d’information et de mise en relation avec les formateurs.
De même, l’occupation par Mme [M] d’un bureau au lieu de l’emplacement destiné à l’accueil ne prouve rien si ce n’est la nécessité pour celle-ci de devoir bénéficier d’un environnement de travail adapté à ses fonctions de secrétaire de direction et comptable exigeant de la concentration, du calme ainsi que du matériel nécessaire au suivi administratif des dossiers et de la comptabilité.
La société Mondia Langues rappelle sans être critiquée que Mme [M] était titulaire d’une procuration générale bancaire et d’une procuration spéciale sur un compte bancaire ouvert par la société dans les livres du Crédit Mutuel Laval Bretagne et pour lesquelles elle justifie avoir procédé à leur révocation par courrier du 27 juin 2018.
Néanmoins, Mme [M] tenait la comptabilité de la société Mondia Langues, procédait au règlement des fournisseurs, à la paye des salariés et aux déclarations sociales et il n’est pas démontré que celle-ci ait engagé la société autrement qu’à travers l’exercice quotidien de ces fonctions.
C’est encore en vain que la société Mondia Langues souligne le ton employé et les propos tenus par Mme [M] à l’égard de M. [J] dans certains courriels adressés entre le 18 décembre 2017 et le 3 juin 2018 et par lesquels elle donnerait des injonctions à son époux et non l’inverse. En effet, les mails produits traduisent davantage l’impatience de Mme [M] face au silence entretenu par M. [J] en réponse à plusieurs de ses questions d’ordre organisationnel et, au-delà, la mésentente avérée entre les époux-associés durant cette période.
Enfin, la société Mondia Langues ne soutient pas que Mme [M] exerçait un pouvoir décisionnaire concernant les domaines engageant particulièrement la société tels que le recrutement des formateurs et des salariés ou encore la politique tarifaire menée comme les orientations budgétaires à retenir.
Du reste, il sera rappelé qu’à l’occasion de la plainte déposée le 21 juillet 2021 par M. [J] représentant la société Mondia Langues à l’encontre de Mme [M] pour fausses déclaration de frais de déplacement, celui-ci exposait aux policiers liminairement la situation encore en ces termes : ‘Je suis le gérant de l’école de langues, Mondia Langues. Au sein de la société, a travaillé, Mme [H] [J] [M] entre 2013 et 2017 comme secrétaire (…)’.
En conséquence, l’ensemble des pièces versées aux débats atteste de l’existence d’un réel contrat de travail distinct de la qualité d’associé de Mme [M] mais dont l’exécution a été à l’évidence affectée par la relation dégradée -en particulier depuis la fin de l’année 2017-entre les deux uniques associés et époux. La société Mondia Langues échoue à rapporter la preuve d’une gérance de fait exercée par Mme [M] comme celle de tout lien de subordination ce, alors que M. [J] gérant de droit, n’avait jamais remis en cause jusqu’alors l’existence d’un contrat de travail au profit de son épouse associée minoritaire de la société.
Il s’en suit que le jugement doit être confirmé en ce qu’il a rejeté l’exception d’incompétence soulevée par la société Mondia Langues, retenu sa compétence et statué sur l’ensemble des demandes présentées par Mme [M].
– Sur les demandes liées au temps de travail :
– Sur les heures supplémentaires :
Il résulte de l’article L. 3171-4 du code du travail qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires applicables. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
Mme [M] sollicite la confirmation du jugement en ce qu’il lui a alloué à titre de rappel d’heures supplémentaires les sommes de 8 004 euros sur la période d’août à décembre 2015, 20 935,75 euros sur l’année 2016, 21 085,25 euros sur l’année 2017 et 17 296,75 euros sur la période de janvier à juillet 2018, outre les congés payés afférents.
Liminairement, elle rappelle que sa durée de travail avait été portée à 35 heures sans être formalisée par un avenant et ne conteste pas les horaires de permanence du secrétariat de l’agence (à distinguer des heures d’ouverture au public pour la délivrance des formations) les lundi, mardi et jeudi de 9h à 12h et de 14h à 18h, le mercredi de 9h à 12h et le vendredi de 9h à 12h et de 14h à 17h (pièce 6 de la société Mondia Langues).
Soutenant avoir accompli de nombreuses heures supplémentaires en dehors de ces horaires, Mme [M] présente des tableaux récapitulatifs des heures de travail qu’elle prétend avoir exécutées entre les mois d’août 2015 et juillet 2018 compris, sur lesquels figurent les cumuls hebdomadaires des heures réalisées ainsi qu’un tableau synthétique mentionnant pour chaque semaine le nombre d’heures majorées de 25% et de 50% sur la base du taux horaire indiqué.
Pour corroborer ces éléments, Mme [M] communique de multiples courriels envoyés depuis l’adresse-mail de la société Mondia Langues en dehors des horaires d’accueil au public et majoritairement tard dans la soirée, au nombre de 4 en 2015, 15 en 2016, 10 en 2017 et 15 en 2018. Elle produit aussi plusieurs attestations de clients ayant suivi des formations témoignant de la présence de la salariée en particulier à l’heure du déjeuner (pièce 15), ou lors des formations délivrées en soirée sur des horaires de semaine compris entre 18h et 21h30, soit de 18h15 à 19h45 et de 20h à 21h30 le jeudi (pièce 18, 19 et 32), de 18h45 à 20h15 le lundi (pièce 19), de 18h à 19h45 le mardi (pièce 29). Ainsi, M. [N], inscrit à des cours de langue pendant une dizaine d’années pour l’apprentissage de la langue russe et durant 5 ans pour l’anglais atteste qu’en période hors vacances scolaires, il se rendait habituellement à Mondia Langues le lundi soir entre 18h45 et 20h15 et le jeudi soir de 20h à 21h30 et qu’à ‘maintes reprises, il m’est arrivé d’y rencontrer [H] [M] alors qu’elle occupait le poste de secrétaire. Très souvent, avant le début des cours et même à la sortie, jusqu’à 21h30 le jeudi soir, elle était à son bureau au rez-de-chaussée et j’échangeais quelques paroles avec elle. Cette situation s’est beaucoup présentée durant les années 2015 à 2018″. Mme [U] affirme aussi avoir ‘rencontré régulièrement [H] [M] qui assurait l’accueil et le secrétariat lorsqu’elle suivait les cours d’anglais d’octobre 2014 jusqu’en juin 2018 les mardis soirs de 18h à 19h45″, précisant qu’elles échangeaient ensemble quelques mots avant ou après son cours (pièce 29). D’autres clients attestent de la présence de Mme [M] à chaque fois qu’ils venaient assister aux cours délivrés (pièces 30 et 32).
Enfin, certains courriels produits indiquent également une présence occasionnelle le samedi matin (ex: pièce 48).
Du tout, il doit être considéré que Mme [M] présente des éléments suffisamment précis pour permettre à l’employeur d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
Pour s’opposer à toute demande relative aux heures supplémentaires, la société Mondia Langues s’étonne du nombre d’heures revendiqué identique pour chaque semaine. En outre, elle rappelle la grande liberté de travail dont bénéficiait Mme [M], laquelle n’était pas soumise aux horaires d’ouverture du secrétariat, ainsi qu’en attestent Mmes [C] et [Z] secrétaires de l’agence. Elle fait valoir que les courriels produits ne sont pas de nature à justifier les horaires de travail et qu’en tout état de cause, il convient d’exclure des heures supplémentaires revendiquées celles exécutées par Mme [M] en sa seule qualité d’associée. Enfin, l’employeur constate que Mme [M] n’a jamais formulé une quelconque demande de ce type antérieurement à la rupture du contrat de travail.
Liminairement, il sera rappelé que l’absence de réclamation ne vaut pas renonciation à se prévaloir d’un droit, et il doit être tenu compte de la relation affective et matrimoniale ayant existé entre Mme [M] et le gérant de la société Mondia Langues.
En premier lieu, contrairement aux affirmations de l’employeur, le nombre d’heures supplémentaires de travail revendiqué par Mme [M] n’est pas toujours totalement identique pour chaque semaine en particulier s’agissant de l’année 2018.
En second lieu, il est constant que les deux secrétaires ayant attesté ne travaillaient pas à temps plein, Mme [Z] seulement deux à trois matinées par semaine, de sorte qu’elles n’étaient pas en mesure de constater dans quelle mesure Mme [M] accomplissait des heures de travail en dehors des permanences de secrétariat en particulier pour compenser d’éventuels retards ou absences. Il reste que Mme [M] admet la liberté dont elle a bénéficié s’agissant de ses horaires de travail même si elle affirme que ces absences ponctuelles étaient exceptionnelles.
En dernier lieu, il doit être observé que les heures auxquelles les courriels communiqués produits par la salariée ont été envoyés correspondent aux horaires des formations délivrées en soirée par l’organisme, et les attestations versées par Mme [M] confortent la fréquente exécution de travail durant ces plages horaires et ce encore, pour l’exécution de tâches résultant de ses missions de secrétaire de direction. En revanche, l’exécution régulière d’heures supplémentaires les mercredi après-midi et samedi n’est pas suffisamment établie.
Enfin, les éléments avancés par l’employeur concernant la durée du travail ne peuvent pas reposer seulement sur la critique de ceux invoqués par la salariée, ce qui reviendrait à faire peser la preuve du temps de travail seulement sur celle-ci. Il ne peut par conséquent se dispenser de fournir tous éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par la salariée, laquelle ne percevait aucune heure supplémentaire selon les bulletins de salaire produits aux débats ce, même si la relation matrimoniale ayant existé entre Mme [M] et le gérant de la société Mondia Langues permettent d’expliquer les motifs de cette carence.
Au regard de l’ensemble des éléments précités communiqués par l’une et l’autre des parties et examinés par la cour, il sera considéré que Mme [M] a bien réalisé des heures supplémentaires mais ce pour un volume moins important que celui déclaré.
Il y a lieu de retenir que Mme [M] a ainsi accompli 140 heures supplémentaires en 2015, 480 heures pour l’année 2016, 460 heures pour 2017 et 120 heures pour l’année 2018, qui devront toutes être majorées de 25%, ce qui représente les sommes suivantes sur la base des taux horaires figurant sur les bulletins de paie (11,50 euros puis 21,50 euros à compter de janvier 2018) :
– 2 012,50 euros brut pour la période d’août à décembre 2015 ;
– 6 900 euros brut pour l’année 2016 ;
– 6 612,5 euros brut pour l’année 2017 ;
– 3 224,4 euros pour la période de janvier à juillet 2018 ;
Soit un total de 18 749,4 euros brut au titre des heures supplémentaires accomplies et non payées outre la somme de 1 874,9 euros brut de congés payés afférents.
Par suite, le jugement sera infirmé s’agissant des montants alloués par le conseil de prud’hommes à ce titre.
-Sur la contrepartie obligatoire sous forme de repos :
Il résulte de l’article L. 3121-30 du code du travail que les heures supplémentaires effectuées au-delà du contingent annuel de 220 heures prévu par l’article D. 3121-24 ouvrent droit à une contrepartie obligatoire sous forme de repos, sauf si un autre seuil a été fixé par une convention ou un accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche.
Avant l’entrée en vigueur le 10 août 2016 de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, des dispositions analogues existaient aux articles L. 3121-11 et suivants du code du travail.
Selon l’article 10.1.1 de la convention collective nationale des organismes de formation applicable, le contingent annuel d’heures supplémentaires des salariés est fixé conventionnellement à 145 heures. Il n’est pas contesté que l’effectif de la société Mondia Langues est inférieur à 20 salariés.
Il résulte de la combinaison des articles L. 3121-38 et D. 3121-23 du code du travail que le salarié d’une entreprise employant moins de 20 salariés dont le contrat de travail prend fin avant qu’il ait pu bénéficier de la contrepartie obligatoire en repos à laquelle il a droit reçoit une indemnité en espèces égale à 50 % des heures supplémentaires accomplies au-delà du contingent annuel. Cette indemnité a le caractère de salaire.
Mme [M] n’a pas atteint le seul de 145 heures de travail supplémentaires pour les années 2015 et 2018 de sorte qu’elle ne peut prétendre à bénéficier d’une somme quelconque au titre de la contrepartie obligatoire de repos pour ces années.
En revanche, Mme [M] est fondée à obtenir, à ce titre, les sommes de 1926,25 euros pour 2016 et1811,25 euros pour 2017, soit une somme totale de 3 737,5 euros.
Le jugement sera infirmé quant au montant alloué au titre de la contrepartie obligatoire de repos.
– Sur le salaire de référence :
Au vu du rappel de salaire octroyé au titre des heures supplémentaires, il conviendra de fixer à la somme de 3 008,39 euros brut, le salaire de référence de Mme [M] calculé sur la moyenne des douze derniers mois ayant précédé la rupture du contrat de travail.
Le jugement sera infirmé à ce titre.
-Sur l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé :
La dissimulation d’emploi salarié envisagée par l’article L. 8221-5 du code du travail doit revêtir un caractère intentionnel pour que l’employeur puisse être sanctionné dans les conditions prévues par l’article L. 8223-1 du même code.
Mme [M] soutient en substance que la preuve du caractère intentionnel se déduit des heures supplémentaires effectuées de manière régulière et continue, demandées par l’employeur et alors que celui-ci en avait parfaitement connaissance.
Toutefois, ces éléments sont insuffisants à établir la preuve selon laquelle l’employeur a dissimulé volontairement une partie du travail de Mme [M] en ne lui payant pas ses heures supplémentaires. En effet, la société Mondia Langues, représentée par son gérant, époux de Mme [M], a pu légitimement croire qu’une partie du travail accompli par son épouse relevait davantage de sa qualité d’associée, étant rappelé par ailleurs qu’il n’a pas été réellement contesté que celle-ci bénéficiait en accord avec l’employeur d’une grande autonomie dans l’organisation de son temps de travail et qu’elle n’avait jamais déclaré auparavant la moindre heure supplémentaire auprès de celui-ci.
Mme [M] doit par conséquent être déboutée de sa demande d’indemnité au titre du travail dissimulé et le jugement doit être infirmé de ce chef.
– Sur la rupture du contrat de travail :
– Sur l’existence d’un vice de consentement :
La nullité de la convention de rupture conventionnelle ne peut être prononcée qu’en cas de démonstration par le salarié que son consentement a été vicié ou que la convention est entachée de fraude.
En cas de nullité de la convention de rupture conventionnelle, la rupture du contrat de travail produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Mme [M] affirme que la signature de la rupture conventionnelle était conditionnée au rachat de ses parts sociales, engagement qui n’a pas été respecté par M. [J]. Elle ajoute que les documents de la rupture conventionnelle ont été antidatés et signés postérieurement à l’expiration du délai de rétractation. En conséquence, elle considère que, privée du délai de rétractation qui constitue une condition déterminante du consentement à la rupture conventionnelle, elle n’a pas été en mesure de donner valablement son accord de sorte que la rupture doit être annulée.
La société Mondia Langues réplique que Mme [M] ne rapporte aucunement la preuve de ses allégations. Elle fait valoir que la salariée a sollicité à deux reprises la mise en place d’une rupture conventionnelle, bénéficiant ainsi d’un large délai de réflexion en sus du délai de rétractation nécessaire.
Aux termes de l’article 1132 du code civil, l’erreur de droit ou de fait, à moins qu’elle ne soit inexcusable, est une cause de nullité du contrat lorsqu’elle porte sur les qualités essentielles de la prestation due ou sur celles du cocontractant.
En l’occurrence, Mme [M] ne démontre en aucun cas que le rachat de ses parts sociales conditionnait son accord pour une rupture conventionnelle.
En effet, le courrier du 23 mai 2018 par lequel Mme [M] réitère auprès de la société Mondia Langues sa demande de rupture conventionnelle est taisant sur un éventuel rachat de ses parts sociales comme sur toute autre demande qui conditionnerait son consentement.
Le courriel du 9 mars 2018 adressé par Mme [M] à M. [J] mentionne au contraire que celle-ci accepte la proposition de son époux pour qu’elle-même rachète les parts de ce dernier, sollicitant alors que l’avocat du gérant procède à la rédaction d’un protocole d’accord.
Enfin, Mme [M] communique un courrier adressé le 20 mai 2019 à M. [J] par lequel elle sollicite notamment ‘l’inscription à l’ordre du jour de mon retrait de la société par rachat de mes parts comme cela avait été convenu lors de son départ de la société Mondia Langues comme salariée.’
Ces seuls éléments, lesquels émanent tous de Mme [M], sont insuffisants à établir que la rupture conventionnelle du contrat de travail sollicitée par la salariée était conditionnée par le rachat de ses parts sociales. Celle-ci n’explique pas davantage les raisons pour lesquelles elle a accepté de signer la rupture conventionnelle en dépit du non-respect du prétendu engagement du gérant au demeurant non caractérisé.
Enfin, aucun élément ne permet d’établir que le document cerfa de rupture conventionnelle signé le 6 juin 2018 et fixant la fin du délai de rétractation au 22 juin 2018 ait été antidaté et que Mme [M] aurait été, de ce fait, empêchée d’exercer son droit de rétractation.
Les pièces produites ne démontrent pas que Mme [M] n’était pas mentalement apte à la signature de la rupture conventionnelle, ni qu’elle n’était pas véritablement consentante à la rupture du contrat de travail, de manière libre et éclairée, lors de la signature de cette convention dont d’une part elle a pris l’initiative et d’autre part ne s’est pas rétractée.
En conséquence, dès lors que Mme [M] ne caractérise pas l’existence d’un vice de consentement, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a rejeté la demande en nullité de la convention de rupture conventionnelle ainsi que les demandes indemnitaires subséquentes.
– Sur les demandes de rappels de salaire afférents au reçu pour solde de tout compte :
– Sur le rappel d’indemnité compensatrice de congés payés :
Aux termes de l’article L 3141-1 du code du travail, tout salarié a droit chaque année à un congé annuel payé à la charge de l’employeur.
En vertu des dispositions de l’article L 3141-3 du même code, le salarié a droit à 2,5 jours ouvrables par mois de travail effectif accompli au cours de la période de référence.
Selon l’article L 3141-22 du code du travail, si, en application d’une disposition légale, la durée du travail d’un salarié est décomptée à l’année, une convention ou un accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche peut prévoir que les congés ouverts au titre de l’année de référence peuvent faire l’objet de reports.
Enfin, aux termes de l’article L. 3141-28 du code du travail, lorsque le contrat de travail est rompu avant que le salarié ait pu bénéficier de la totalité du congé auquel il avait droit, il reçoit, pour la fraction de congé dont il n’a pas bénéficié, une indemnité compensatrice de congé déterminée d’après les articles L. 3141-24 à L. 3141-27. L’indemnité compensatrice de congés payés n’ouvre pas elle-même droit à congés payés.
Mme [M] indique avoir été réglée d’une indemnité compensatrice de congés payés d’un montant de 2 810,91 euros correspondant à 21,55 jours acquis et non pris à la date de rupture du contrat de travail du 13 juillet 2018 ce, alors que son bulletin de paie de juin 2018 mentionnait un solde de congés payés non pris de 83 jours.
La société Mondia Langues réplique qu’en réalité, Mme [M] avait pris les congés payés dont elle réclame l’indemnisation. Elle se réfère en outre aux dispositions de l’article L. 3141-22 du code du travail fixant une limite au report de congés, ceux-ci cessant d’exister faute d’avoir été pris aux périodes prévues légalement et en l’absence d’accord sur les conditions de leur report.
Le fait que le bulletin de paie du mois de juin 2018 fasse mention d’un solde de congés de 83 jours ne saurait établir l’accord de l’employeur pour le report systématique de congés payés d’une année sur l’autre.
Mme [M] ne se prévaut pas d’un usage. La convention collective en son article 8 ne prévoit pas la possibilité d’un report de congés sur plusieurs années et il n’est pas justifié de ce qu’une telle faculté soit ouverte aux termes d’un accord d’entreprise ou d’établissement
Aucun élément ne justifie dans ces conditions la demande en paiement d’un solde de congés payés à hauteur de 9 898,86 euros et le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de ce chef.
– Sur le rappel d’indemnité de rupture :
Mme [M] réclame un complément d’indemnité légale de rupture d’un montant de 4 310,54 euros afin de tenir compte du salaire de référence réévalué après prise en compte des heures supplémentaires effectuées.
La société Mondia Langues ne conteste pas que le salaire pris en compte par les parties pour calculer l’indemnité est la moyenne mensuelle des salaires perçus les trois derniers mois précédant la rupture. Dès lors, il convient de réintégrer au calcul le montant des heures supplémentaires réalisées et retenues par la cour, soit sur la période considérée, un montant de 1381,86 euros qui correspond à un salaire de référence de 4 182,15 euros brut, ce qui a pour conséquence d’élever l’indemnité à 9 705,59 euros. Mme [M] ayant perçu à ce titre la somme de 7 133,24 euros, il sera fait droit partiellement à la demande de reliquat d’indemnité et la société Mondia Langues sera condamnée à payer à Mme [M] la somme de 2 572,35 euros.
Le jugement sera infirmé de ce chef.
– Sur la remise de documents sociaux :
Il y a lieu d’ordonner la remise d’un bulletin de salaire et d’une attestation destinée à Pôle emploi conformes à la présente décision.
– Sur les frais irrépétibles :
Le jugement sera confirmé s’agissant des dispositions relatives à l’application de l’article 700 du code de procédure civile.
Il est équitable d’allouer à Mme [M] une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile d’un montant de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel.
La société Mondia Langues, qui succombe à l’instance, sera déboutée de sa demande présentée sur le même fondement, et condamnée aux dépens de première instance et de la procédure d’appel.
***
PAR CES MOTIFS
La COUR,
Statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement et par mise à disposition au greffe,
PRONONCE la clôture de l’instruction à la date du 10 mai 2022 ;
CONFIRME le jugement prononcé le 9 juillet 2020 par le conseil de prud’hommes de Laval en ce qu’il a rejeté l’exception d’incompétence soulevée par la société Mondia Langues, et en ce qu’il a rejeté les demandes présentées par Mme [H] [M] au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés, de l’annulation de la rupture conventionnelle et des indemnités de rupture subséquentes (dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents) et condamné la société Mondia Langues à payer à Mme [H] [M] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, débouté la société Mondia Langues de sa demande de frais irrépétibles ;
INFIRME le jugement pour le surplus ;
Statuant à nouveau, du chef des dispositions infirmées, et y ajoutant :
CONDAMNE la société Mondia Langues à payer à Mme [H] [M] à titre de rappel d’heures supplémentaires les sommes suivantes :
– 2012,50 euros brut pour la période d’août à décembre 2015 outre la somme de 201,25 euros brut de congés payés afférents ;
– 6 900 euros brut pour l’année 2016 outre la somme de 690 euros brut de congés payés afférents ;
– 6 612,5 euros brut pour l’année 2017 outre la somme de 661,25 euros brut de congés payés afférents ;
– 3224,4 euros brut pour la période de janvier à juillet 2018 outre la somme de 322,44 euros brut de congés payés afférents ;
CONDAMNE la société Mondia Langues à payer à Mme [H] [M] la somme de 3 737,5 euros au titre de la contrepartie obligatoire de repos ;
REJETTE la demande présentée par Mme [H] [M] à titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ;
CONDAMNE la société Mondia Langues à payer à Mme [H] [M] la somme de 2 572,35 euros à titre de rappel d’indemnité de rupture ;
FIXE à 3 008,39 euros brut, le salaire de référence de Mme [H] [M] ;
ORDONNE la remise par la société Mondia Langues d’un bulletin de salaire rectifié et d’une attestation destinée à Pôle emploi conformes à la présente décision ;
CONDAMNE la société Mondia Langues à payer à Mme [H] [M] la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en appel ;
DÉBOUTE la société Mondia Langues de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile présentée en appel ;
CONDAMNE la société Mondia Langues aux entiers dépens de première instance et de la procédure d’appel.
LE GREFFIER, P/ LE PRÉSIDENT empêché,
Viviane BODIN M-C. DELAUBIER