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16 JANVIER 2024
Arrêt n°
FD/SB/NS
Dossier N° RG 21/01630 – N° Portalis DBVU-V-B7F-FUSS
S.A.R.L. BQJL
/
[W] [M]
jugement au fond, origine conseil de prud’hommes – formation de départage du puy en velay, décision attaquée en date du 25 juin 2021, enregistrée sous le n° f 20/00135
Arrêt rendu ce SEIZE JANVIER DEUX MILLE VINGT QUATRE par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d’Appel de RIOM, composée lors du délibéré de :
M. Christophe RUIN, Président
Mme Sophie NOIR, Conseiller
Mme Frédérique DALLE, Conseiller
En présence de Mme Nadia BELAROUI greffier lors des débats et de Mme Séverine BOUDRY greffier lors du prononcé
ENTRE :
S.A.R.L. BQJL
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Laurène ROUSSET-ROUVIERE suppléant Me Patrick PUSO de la SELAS BARTHELEMY AVOCATS, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
APPELANTE
ET :
M. [W] [M]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représenté par Me Pierre ROBILLARD de la SELARL PARALEX, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE
INTIME
Après avoir entendu Mr RUIN Président en son rapport les représentants des parties à l’audience publique du 09 Octobre 2023, la Cour a mis l’affaire en délibéré, Monsieur le Président ayant indiqué aux parties que l’arrêt serait prononcé, ce jour, par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l’article 450 du code de procédure civile.
FAITS ET PROCÉDURE
Monsieur [W] [M], né le 4 novembre 1989, a été embauché du 7 mai au 28 septembre 2019 par la SARL BQJL, qui exploite un établissement de restauration sise au [Localité 3] (43), dans le cadre d’un contrat de travail à durée déterminée à temps partiel, en qualité de serveur niveau 3, échelon 3. A compter du 29 septembre 2019, la relation s’est poursuivie entre les parties dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet.
La convention collective nationale applicable à la présente relation contractuelle de travail est celle des hôtels, cafés et restaurants.
Le 30 janvier 2020 , un premier dossier de rupture conventionnelle du contrat de travail de Monsieur [W] [M] a été déposé auprès des services de la DIRECCTE de la HAUTE-LOIRE pour homologation, lequel prévoyait une date de rupture de la relation de travail au 6 mars 2020. Par courrier daté du 20 février 2020 et expédié le 24 février suivant, la DIRECCTE du [Localité 3] a déclaré la demande irrecevable au motif de l’absence de signature de la part des deux parties de la convention de rupture et de mention de la date de signature sur le formulaire, reçu le 17 février 2020.
Un second formulaire de rupture conventionnelle a été renseigné par les parties le 24 février 2020 et déposé pour homologation auprès des services de la DIRECCTE, cet organisme ayant homologué la rupture par décision en date du 16 mars 2020. Le document de rupture conventionnelle du contrat de travail de Monsieur [W] [M] fixait la date de rupture des relations au 30 mars suivant et l’indemnité spécifique de rupture à la somme de 435 euros.
La rupture effective du contrat de travail est intervenue le 17 mars 2020.
Par requête réceptionnée au greffe le 19 juin 2020, Monsieur [W] [M] a saisi le conseil de prud’hommes du PUY-EN-VELAY aux fins notamment de voir requalifier son contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée, annuler la rupture conventionnelle de son contrat de travail, outre obtenir la condamnation de l’employeur à lui payer diverses sommes à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d’indemnité compensatrice de préavis, d’indemnité de requalification du contrat de travail, d’indemnité pour travail dissimulé, de dommages et intérêts pour absence de portabilité des frais de santé, ainsi qu’au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Les parties ont été directement convoquées devant le bureau de jugement pour l’audience du 8 octobre 2020, en application des dispositions de l’article L. 1245-2 du code du travail. L’affaire a été radiée le même jour pour défaut de diligence des parties.
Par jugement de départage en date du 25 juin 2021 (audience du 28 mai 2021), le conseil de prud’hommes du PUY-EN-VELAY a :
– débouté Monsieur [W] [M] de sa demande de requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ;
– annulé la rupture conventionnelle relative au contrat de travail signé entre la SARL BQJL et Monsieur [W] [M], ayant eu effet au 17 mars 2020 ;
– dit que cette annulation produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
en conséquence,
– condamné la SARL BQJL à payer à Monsieur [M] les sommes suivantes :
– 2.080,32 euros de dommages et intérêts ;
– 2.080,32 euros d’indemnité de préavis, outre 208,03 euros au titre des congés payés afférents ;
– débouté Monsieur [W] [M] de sa demande en paiement de salaires depuis la période du 17 au 30 mars 2020 ;
– condamné la SARL BQJL à payer à Monsieur [M] la somme de 113,67 euros de rappel de salaires liée à une erreur sur le taux horaire pour la période allant du 7 mai au 29 septembre 2019 ;
– condamné la SARL BQJL à payer à Monsieur [M] la somme de 4.088,56 euros d’heures supplémentaires et/ou complémentaires, outre 408,86 euros de congés payés afférents ;
– condamné la SARL BQJL à payer à Monsieur [M] la somme de 12.481,92 euros de dommages et intérêts pour travail dissimulé;
– condamné la SARL BQJL à payer à Monsieur [M] la somme de 250 euros de dommages et intérêts pour absence de portabilité de la complémentaire santé ;
– dit que les créances salariales sont productrices d’intérêts au taux légal à compter de la réception par le défendeur de la convocation à comparaître à l’audience de conciliation et d’orientation et les créances indemnitaires à compter du prononcé du présent jugement ;
– condamné la SARL BQJL aux entiers dépens ;
– condamné la SARL BQJL à payer à Monsieur [W] [M] la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– ordonné l’exécution provisoire de la décision.
Par déclaration en date du 19 juillet 2021, la SARL BQJL a interjeté appel de ce jugement qui lui a été notifié à sa personne le 26 juin précédent.
Vu les conclusions notifiées à la cour le 29 septembre 2022 par la SARL BQJL ;
Vu les conclusions notifiées à la cour le 13 janvier 2022 par Monsieur [W] [M] ;
Vu l’ordonnance de clôture rendue le 11 septembre 2023.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Dans ses dernières écritures, la SARL BQJL demande à la cour de :
– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :
– annulé la rupture conventionnelle relative au contrat de travail signé entre la SARL BQJL et Monsieur [W] [M], ayant eu effet au 17 mars 2021 ;
– dit que cette annulation produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
en conséquence,
– condamné la SARL BQJL à payer à Monsieur [M] les sommes suivantes :
– 2.080,32 euros de dommages et intérêts ;
– 2.080,32 euros d’indemnité de préavis, outre 208,03 euros au titre des congés payés afférents ;
– débouté Monsieur [W] [M] de sa demande en paiement de salaires depuis la période du 17 au 30 mars 2020 ;
– condamné la SARL BQJL à payer à Monsieur [M] la somme de 113,67 euros de rappel de salaires liée à une erreur sur le taux horaire pour la période allant du 7 mai au 29 septembre 2019 ;
– condamné la SARL BQJL à payer à Monsieur [M] la somme de 4.088,56 euros d’heures supplémentaires et/ou complémentaires, outre 408,86 euros de congés payés afférents ;
– condamné la SARL BQJL à payer à Monsieur [M] la somme de 12.481,92 euros de dommages et intérêts pour travail dissimulé;
– condamné la SARL BQJL à payer à Monsieur [M] la somme de 250 euros de dommages et intérêts pour absence de portabilité de la complémentaire santé ;
– dit que les créances salariales sont productrices d’intérêts au taux légal à compter de la réception par le défendeur de la convocation à comparaître à l’audience de conciliation et d’orientation et les créances indemnitaires à compter du prononcé du présent jugement ;
– condamné la SARL BQJL aux entiers dépens ;
– condamné la SARL BQJL à payer à Monsieur [W] [M] la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– ordonné l’exécution provisoire de la décision ;
– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté Monsieur [W] [M] de ses demandes de requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et en paiement de salaire pour la période du 17 au 30 mars 2020 ;
En conséquence,
– débouter Monsieur [W] [M] de l’ensemble de ses demandes relatives tant à l’exécution qu’à la rupture du contrat de travail, à savoir :
– décider que le CDD signé le 7 mai 2019 doit être requalifié en contrat de travail à durée indéterminée ;
– condamner en conséquence la société à lui verser la somme de 2.080,32 euros nets à titre d’indemnité de requalification ;
– annuler la rupture conventionnelle du contrat intervenue le 17 mars 2019 ;
– condamner la société à lui verser les sommes suivantes :
– 2.080,32 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents ;
– à titre subsidiaire, si la Cour de céans devait entrer en voie de condamnation sur cette demande, elle devrait préciser le fondement de celle-ci, ce que n’a pas été en mesure de faire le Conseil de prud’hommes ;
– 2.080,32 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– à titre subsidiaire, si la Cour de céans devait entrer en voie de condamnation, elle ne pourrait que diminuer le montant des dommages et intérêts alloués, Monsieur [W] [M] ne rapportant pas la preuve de son préjudice. En tout état de cause, elle devrait justifier du montant octroyé ;
– condamner la société à lui verser, au titre de l’exécution de son contrat de travail :
– 4.784,07euros bruts à titre de rappel de salaire sur heures complémentaires, outre les congés payés afférents ;
– 495,65euros bruts à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires, outre les congés payés afférents ;
– 259,72 euros au titre des heures normales avec taux horaire CDD pendant le CDI, outre les congés payés afférents ;
– 947,05euros au titre des heures du 17 au 30 mars 2020, outre les congés payés afférents ;
– à titre subsidiaire, si un rappel de salaire devait par extraordinaire être ordonné pour la période du 17 mars 2020 au 30 mars 2020, il ne pourrait l’être que sur la base du taux horaire contractuellement fixé, soit 12,8531 euros/heure ;
– 12.481,92 euros nets à titre d’indemnité de travail dissimulé;
– 4.160,64 euros nets à titre de dommages et intérêts concernant l’absence de mutuelle d’entreprise et de la portabilité ;
– à titre subsidiaire, si la Cour de céans devait faire droit à cette demande indemnitaire, le montant des dommages et intérêts alloués à Monsieur [W] [M] sera nécessairement diminué dans de plus justes proportions, celui-ci ne pouvant être dispensé de rapporter la preuve de la réalité et du quantum de son préjudice et le montant de 250 euros fixé par les premiers juges sera confirmé ;
– condamner la société B.Q.J.L à lui verser la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– constater qu’elle reconnaît devoir la somme de 113,67 euros bruts, correspondant à la différence de taux horaire ;
– condamner Monsieur [M] à payer et porter à la concluante la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
S’agissant tout d’abord de la demande de requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, la SARL BQJL fait valoir que celui-ci a un caractère saisonnier au motif que l’embauche du salarié avait pour objet de pourvoir à l’accueil de la clientèle touristique durant la saison estivale 2019, et plus spécialement du 7 mai au 28 septembre. Elle réfute ainsi que le salarié ait été embauché afin de pourvoir un emploi permanent de l’entreprise, peu importe à cet égard qu’un contrat à durée indéterminée ait ensuite été régularisé entre les parties. Elle précise par ailleurs que la conclusion d’un tel contrat saisonnier est prévue par l’article 14-2 de la convention collective applicable à la présente relation contractuelle de travail. Elle conclut ainsi à titre principal au débouté du salarié et, à titre subsidiaire, objecte que celui-ci est mal fondé en sa demande d’indemnité de requalification dès lors que celle-ci n’est dûe que lorsque le contrat à durée déterminée est entaché d’une irrégularité de forme, ce qui n’est présentement pas le cas.
La SARL BQJL objecte ensuite, au soutien de sa contestation du bien fondé de la demande de rappel de salaires formulée au titre des heures complémentaires et/ supplémentaires par Monsieur [W] [M], d’une part que ce dernier n’apporte aucun élément précis et probant de nature à étayer ses allégations et permettre à l’employeur d’y répondre et, d’autre part, qu’il ressort des pièces de la procédure que le salarié a dûment été rempli de l’intégralité de ses droits en matière de salaire, ses bulletins de paie laissant en effet apparaître le paiement d’heures complémentaires de travail.
Concernant l’erreur afférente au taux horaire, elle ne s’oppose pas à la confirmation du jugement entrepris sur ce point dès lors qu’elle reconnaît être redevable à l’égard du salarié de la somme de 113,67 euros au titre de la période de mai à septembre 2019 (taux appliqué sur les bulletins de paie de 14,216 euros par heure alors même que le contrat de travail prévoyait un taux de 14,41 euros). Elle relève enfin que la demande de rappel de salaire au titre des heures normales avec taux horaire CDD pendant le CDI n’a pas été formulée par le salarié dès son premier jeu de conclusions d’intimé et conclut à son débouté.
Sur la demande de rappel de salaire du 17 au 30 mars 2020 dont elle réfute le bien fondé, elle expose que le contrat de travail du salarié a pris fin le lendemain de l’homologation de la rupture conventionnelle régularisé entre les parties, soit le 17 mars 2020, Monsieur [W] [M] devant dès lors être débouté de sa demande de rappel de salaire pour la période postérieure.
Elle excipe ensuite, au vu des développements qui précèdent, de l’absence de toute situation de travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié concernant Monsieur [W] [M].
S’agissant enfin de la validité de la rupture conventionnelle du contrat de travail de l’intimé, elle conteste que celle-ci ait été mise en oeuvre afin que ne soit pas mise en place une procédure de licenciement pour motif économique et réfute ainsi l’existence d’un quelconque vice du consentement du salarié. Elle soutient par ailleurs que le formulaire remis à la DIRECCTE est exempt de toute anomalie et que la date de rupture du contrat de travail a été respectée. Elle relève enfin l’absence de rétractation du salarié dans le délai légalement imparti. Elle conclut ainsi au débouté du salarié s’agissant de l’ensemble des demandes qu’il formule au titre de la nullité de la rupture conventionnelle, et à titre subsidiaire, sollicite que le montant indemnitaire susceptible de lui être alloué soit réduit à de justes proportions.
Dans ses dernières écritures, Monsieur [W] [M] demande à la cour de :
Sur la requalification de la relation contractuelle :
– décider que le contrat de travail à durée déterminée du 7 mai 2019 doit être requalifié en contrat à durée indéterminée puisque le motif saisonnier du CDD n’est pas valable ;
– condamner en conséquence l’employeur à lui verser la somme de 2.080,32 euros net à titre d’indemnité de requalification ;
Sur la rupture du contrat :
– confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la SARL BQJL à lui payer les sommes de 2.080,32 euros net à titre de dommages et intérêts et 2.080,32 euros brut d’indemnité compensatrice de congés payés outre 208,32 euros brut au titre des congés payés afférents.
Sur les rappels de salaires :
– réformer le jugement sur les montants alloués au titre des supplémentaires et complémentaires, de la majoration du taux horaire identique au CDD et, sur le rejet de la demande au titre du rappel de salaire sur la période du 17 au 30 mars 2020 ;
– condamner l’employeur à lui verser :
– 4.787,07 euros brut au titre des heures complémentaires ;
– 495,65 euros brut au titre des heures supplémentaires ;
– 543,10 euros brut au titre des heures normales avec taux horaire du CDD pendant le CDI ;
– 947,05 euros brut à titre de rappel de salaire du 17 au 30 mars 2020 ;
– soit un total de 6.769,87 euros brut, outre 676,98 euros au titre des congés payés afférents ;
Sur le travail dissimulé :
– confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la SARL BQJL à lui payer la somme de 12.481,92 euros à titre de dommages et intérêts ;
Sur l’absence de mutuelle et de portabilité ;
– infirmer le jugement sur le montant alloué au titre des dommages et intérêts et statuant à nouveau, condamner l’employeur à lui verser la somme de 4.160,64 euros net de dommages et intérêts de ce chef;
En tout état de cause,
– condamner la SARL BQJL à lui payer la somme de 2.800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Monsieur [W] [M] expose tout d’abord avoir été embauché en contrat de travail à durée déterminée saisonnier et explique que le caractère saisonnier d’une activité est défini selon plusieurs critères, notamment le caractère cyclique et périodique de l’activité, la durée limitée de la saison et l’indépendance de la volonté de l’employeur de la périodicité et de la durée de la saison, outre que le contrat doit nécessairement être conclu pour une durée inférieure à celle de l’ouverture de l’entreprise. Il considère ainsi, en ayant été embauché sur un poste identique en contrat de travail à durée indéterminée dès le lendemain du terme de son contrat à durée déterminée, qu’il a pourvu un emploi permanent et durable de l’entreprise lié à son activité normale, mais aucunement saisonnière. Il en déduit que le motif de recours est présentement irrégulier et s’estime en conséquence bien fondé en sa demande de requalification et d’indemnité subséquente.
S’agissant ensuite de la rupture conventionnelle intervenue entre les parties dont il sollicite l’annulation, il soutient que son consentement a été surpris par dol dès lors que l’employeur a mis en oeuvre ladite procédure afin de ne pas recourir à une mesure de licenciement pour motif économique, plus coûteuse. Il excipe par ailleurs de la présence d’anomalie affectant le formulaire de rupture conventionnelle communiqué à la DIRECCTE (absence de mention manuscrite de la date de signature sur le formulaire Cerfa, mention ‘lu et approuvé’ préinscrite par l’employeur, absence de signature des parties, le formulaire ayant en outre été antidaté car faisant mention d’une date du 24 février 2020). Il soutient également que la date de rupture telle que fixée dans le second formulaire, à savoir le 30 mars 2020, n’a pas été respectée puisque son contrat de travail a été rompu le 17 mars précédent. Il conclut ainsi à l’annulation de la rupture conventionnelle et réclame l’indemnisation afférente à la rupture du contrat de travail qui produit en conséquence les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Il prétend ensuite ne pas avoir été rempli de l’intégralité de ses droits en matière de salaire dès lors qu’il a accompli de nombreuses heures complémentaires et supplémentaires de travail ne lui ayant pas été rémunérées. Il relève à cet égard que l’employeur échoue à établir la réalité de son temps de travail.
Il excipe ensuite de l’erreur, reconnue par l’employeur, ayant affecté le taux horaire lui ayant été appliqué entre juin et septembre 2019, et prétend que cette erreur s’est poursuivie au-delà de cette date. Il réclame le rappel de salaire afférent.
Il sollicite en outre un rappel de salaire pour la période du 17 au 30 mars 2020 dès lors que le formulaire de rupture conventionnelle prévoyait une date de fin de contrat au 30 mars.
Il considère ensuite que la SARL BQJL a volontairement dissimulé une partie de son temps de travail et s’estime en conséquence bien fondé en sa demande d’indemnité pour travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié.
Il objecte enfin que l’employeur n’a jamais réalisé les démarches utiles au bénéfice de la mutuelle d’entreprise et ce alors même que ses contrats de travail prévoyaient qu’il devait en bénéficier. Il en déduit que le manquement de l’employeur l’a privé de son droit au bénéfice de la mutuelle d’entreprise et de la portabilité de celle-ci.
Pour plus ample relation des faits, de la procédure, des prétentions, moyens et arguments des parties, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il y a lieu de se référer à la décision attaquée et aux dernières conclusions régulièrement notifiées et visées.
MOTIFS
– Sur la requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée –
L’article L.1242-1 du code du travail dispose ‘qu’un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise’.
L’article L.1242-2 du même code précise qu’un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire, et seulement dans les cas suivants: remplacement d’un salarié, accroissement temporaire d’activité, emplois saisonniers et emplois d’usage ou dans le cadre de la politique de l’emploi.
Le contrat de travail à durée déterminée doit comporter la définition précise de son motif et le cas légal de recours auquel celui-ci correspond. A défaut, il est réputé conclu pour une durée indéterminée. En cas de litige sur le motif du recours au contrat à durée déterminée, il incombe à l’employeur de rapporter la preuve de la réalité du motif énoncé dans le contrat à durée déterminée. Le contrat à durée déterminée ne peut comporter qu’un seul motif de recours, à peine de requalification en contrat à durée indéterminée.
La cause de recours au contrat à durée déterminée s’apprécie à la date de conclusion du contrat de travail. Le juge ne peut retenir un autre motif de recours que celui mentionné dans le contrat de travail écrit.
La SARL BQJL fait valoir que la contrat de travail à durée déterminée avait un caractère saisonnier au motif que l’embauche du salarié avait pour objet de pourvoir à l’accueil de la clientèle touristique durant la saison estivale 2019, et plus spécialement du 7 mai au 28 septembre. Elle réfute ainsi que le salarié ait été embauché afin de pourvoir un emploi permanent de l’entreprise, peu importe à cet égard qu’un contrat à durée indéterminée ait ensuite été régularisé entre les parties.
Monsieur [W] [M] expose avoir été embauché en contrat de travail à durée déterminée saisonnier et explique que le caractère saisonnier d’une activité est défini selon plusieurs critères, notamment le caractère cyclique et périodique de l’activité, la durée limitée de la saison et l’indépendance de la volonté de l’employeur de la périodicité et de la durée de la saison, outre que le contrat doit nécessairement être conclu pour une durée inférieure à celle de l’ouverture de l’entreprise. Il considère ainsi, en ayant été embauché sur un poste identique en contrat de travail à durée indéterminée dès le lendemain du terme de son contrat à durée déterminée, qu’il a pourvu un emploi permanent et durable de l’entreprise lié à son activité normale, mais aucunement saisonnière. Il en déduit que le motif de recours est présentement irrégulier et s’estime en conséquence bien fondé en sa demande de requalification et d’indemnité subséquente.
En l’espèce, Monsieur [W] [M], né le 4 novembre 1989, a été embauché du 7 mai au 28 septembre 2019 par la SARL BQJL, qui exploite un établissement de restauration sise au [Localité 3] (43), dans le cadre d’un contrat de travail à durée déterminée à temps partiel, en qualité de serveur niveau 3, échelon 3.
A compter du 29 septembre 2019, la relation s’est poursuivie entre les parties dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet.
Il est constant que le contrat de travail à durée déterminée convenu entre les parties avait un caractère saisonnier, l’embauche de Monsieur [M] ayant pour objet de faire face à l’accueil de la clientèle touristique sur une période comprise entre le 7 mai et le 28 septembre 2019, et que la relation de travail entre les parties s’est aussitôt poursuivie entre les parties dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée en date du 29 septembre 2019.
Monsieur [M] considère que la conclusion d’un contrat de travail à durée indéterminée le lendemain du terme de son contrat de travail saisonnier implique de fait que le salarié exerçait un emploi lié à l’activité normale.
Cependant, il convient de relever que le motif de recours à un contrat de travail à durée déterminée s’apprécie à la date de conclusion du contrat, soit au 7 mai 2019, et que la conclusion du contrat de travail à durée indéterminée subséquent s’est déroulé plus de cinq mois après, soit le 29 septembre 2019.
Alors que les parties n’ont conclu qu’un seul contrat de travail à durée déterminée au motif d’un caractère saisonnier de l’activité, il apparaît que sur la période échue la situation salariale ou financière de l’entreprise a pu évoluer et qu’il ne saurait être reproché à l’employeur d’avoir pérennisé, pour diverses raisons possibles, l’emploi du salarié par la conclusion d’un contrat de travail à durée indéterminée, ni d’en déduire que la conclusion d’un tel contrat serait de nature à vicier de facto le motif du contrat initial.
Au vu de ces éléments, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a débouté Monsieur [W] [M] de sa demande de requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et de sa demande de paiement d’une indemnité de requalification.
– Sur les heures supplémentaires et complémentaires –
Les heures supplémentaires sont les heures de travail effectif accomplies au-delà de la durée hebdomadaire légale (35 heures selon l’article L. 3121-27du code du travail) ou de la durée considérée comme équivalente si elle existe (article L. 3121-28 , ancien L.3121-22).
La durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer à des occupations personnelles (article L. 3121-1 du code du travail).
En matière d’heures supplémentaires, le régime probatoire est fixé par l’article L. 3171-4 du code du travail, en tenant compte des articles L. 3171-2 et L. 3171-3 du code du travail qui déterminent les obligations de l’employeur relatives au décompte du temps de travail.
Il en résulte qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, le juge évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
Les heures complémentaires ouvrent droit à une majoration de salaire.
Sauf mise en oeuvre d’un complément d’heures, toutes les heures effectuées au-delà de la durée du travail prévue au contrat de travail à temps partiel en accord avec l’employeur sont des heures complémentaires, qu’elles soient imposées par l’employeur ou réalisées sur la base du volontariat ou prévues par avenant au contrat de travail.
À défaut de stipulation conventionnelle, chaque heure complémentaire accomplie donne lieu à une majoration de salaire égale à 10 % pour chacune des heures complémentaires accomplies dans la limite du dixième des heures prévues au contrat de travail et à 25 % pour chacune des heures accomplies entre le dixième et le tiers des heures prévues au contrat de travail.
Les règles de preuve en matière d’heures complémentaires sont les mêmes que pour les heures supplémentaires.
La SARL BQJL objecte, au soutien de sa contestation du bien fondé de la demande de rappel de salaires formulée au titre des heures complémentaires et supplémentaires par Monsieur [W] [M], d’une part que ce dernier n’apporte aucun élément précis et probant de nature à étayer ses allégations et permettre à l’employeur d’y répondre et, d’autre part, qu’il ressort des pièces de la procédure que le salarié a dûment été rempli de l’intégralité de ses droits en matière de salaire, ses bulletins de
paie laissant en effet apparaître le paiement d’heures complémentaires et supplémentaires de travail.
Monsieur [W] [M] prétend ne pas avoir été rempli de l’intégralité de ses droits en matière de salaire dès lors qu’il a accompli de nombreuses heures complémentaires et supplémentaires de travail ne lui ayant pas été rémunérées. Il relève à cet égard que l’employeur échoue à établir la réalité de son temps de travail.
A l’appui de sa demande, le salarié produit un décompte détaillé de relevés mensuels des heures de travail réalisées sur une période comprise entre le mois de mai 2019 et le mois de février 2020. Il verse également aux débats un tableau récapitulatif mensuel des heures complémentaires dues sur la période de travail à temps partiel dans le cadre du contrat de travail à durée déterminée ainsi que des heures supplémentaires dues suite à la conclusion du contrat de travail à durée indéterminée.
Ces éléments sont suffisamment précis quant aux horaires réalisés par Monsieur [M] pour permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments sur l’existence et la rémunération des heures complémentaires et supplémentaires alléguées par le salarié.
En réponse, l’employeur s’appuie sur le contenu des bulletins de paie du salarié, certains mentionnant le paiement d’une partie des heures complémentaires et supplémentaires réclamées.
Il échet de relever que l’employeur ne produit aucun planning écrit de l’activité du salarié sur une période de plus de dix mois alors que ce dernier fait valoir des relevés et tableaux récapitulatifs particulièrement précis et circonstanciés.
Le jugement déféré, après étude et prise en compte des heures supplémentaires déjà payées dont l’employeur pouvait justifier, a condamné la SARL BQJL à payer à Monsieur [W] [M] la somme de 4.088,56 euros d’heures supplémentaires et/ou complémentaires, outre 408,86 euros de congés payés afférents.
Au regard des principes susvisés et des éléments d’appréciation dont la cour dispose, le premier juge a fait une exacte appréciation des circonstances de la cause ainsi que des droits et obligations des parties en condamnant la SARL BQJL à payer à Monsieur [W] [M] la somme de 4.088,56 euros d’heures supplémentaires et/ou complémentaires, outre 408,86 euros de congés payés afférents, ces heures ayant été effectuées sur une période comprise entre le mois de mai 2019 et le mois de février 2020. Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.
– Sur la demande en paiement de salaires liée à une erreur sur le taux horaire –
Concernant l’erreur afférente au taux horaire, la SARL BQJL ne s’oppose pas à la confirmation du jugement entrepris sur ce point dès lors qu’elle reconnaît être redevable à l’égard du salarié de la somme de 113,67 euros au titre de la période de mai à septembre 2019. Elle relève que la demande de rappel de salaire au titre des heures normales avec taux horaire CDD pendant le CDI n’a pas été formulée par le salarié dès son premier jeu de conclusions d’intimé et conclut au fond à son débouté sur ce point.
Monsieur [W] [M] excipe de l’erreur, reconnue par l’employeur, ayant affecté le taux horaire lui ayant été appliqué entre juin et septembre 2019, et prétend que cette erreur s’est poursuivie au-delà de cette date. Il réclame le rappel de salaire afférent.
En l’espèce, il ressort de l’analyse des bulletins de salaire de Monsieur [M] et de ses contrats de travail que la SARL BQJL a commis une erreur sur le taux horaire appliqué pour la période du 7 mai 2019 au 29 septembre 2019, le taux appliqué étant de 14,216 euros par heure contre celui de 14,41 euros par heure contractuellement prévu. Cependant, à compter du 1er octobre 2019, le taux horaire de 12,8531 euros a été correctement appliqué.
Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a condamné la SARL BQJL à payer à Monsieur [W] [M] la somme de 113,67 euros de rappel de salaires lié à une erreur sur l’application du taux horaire pour la période du 7 mai 2019 au 29 septembre 2019.
– Sur la dissimulation du travail –
Aux termes de l’article L. 8221-5 du code du travail : ‘Est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur : 1° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche ; 2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d’un bulletin de paie ou d’un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ; 3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales.’.
Est donc réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait notamment pour tout employeur de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la déclaration préalable à l’embauche, ou de se soustraire intentionnellement à la délivrance d’un bulletin de paie, ou de mentionner intentionnellement sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, ou
de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales.
Le travail dissimulé suppose un élément intentionnel de la part de l’employeur en ce qu’il a voulu dissimuler, en tout ou partie, un emploi salarié dans le cadre des omissions précitées. L’existence de l’élément intentionnel est appréciée souverainement par le juge du fond.
En cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours en violation de l’interdiction de travail dissimulé, que ce soit par dissimulation d’activité ou d’emploi salarié, a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire. L’élément intentionnel est toutefois requis pour une condamnation à l’indemnité forfaitaire dont l’allocation relève de la compétence exclusive du juge prud’homal.
Cette indemnité est cumulable, depuis un arrêt de la chambre sociale de la cour de cassation du 6 février 2013, avec les indemnités de toute nature auxquelles le salarié a droit en cas de rupture de la relation de travail (indemnité de préavis, de congés payés, de licenciement sans cause réelle et sérieuse, de requalification d’un CDD en CDI, de non-respect de la procédure de licenciement’), ainsi qu’avec l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement.
La SARL BQJL excipe de l’absence de toute situation de travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié concernant Monsieur [W] [M].
Monsieur [W] [M] considère que la SARL BQJL a volontairement dissimulé une partie de son temps de travail et s’estime en conséquence bien fondé en sa demande d’indemnité pour travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié.
En l’espèce, la cour a déjà confirmé la condamnation de la SARL BQJL à payer à Monsieur [W] [M] la somme de 4.088,56 euros au titre des heures supplémentaires et/ou complémentaires, outre 408,86 euros de congés payés afférents, ces heures ayant été effectuées sur une période comprise entre le mois de mai 2019 et le mois de février 2020.
Il est constant qu’au moment de la rupture de son contrat de travail, Monsieur [M] percevait une rémunération mensuelle brute moyenne de 2.080,32 euros.
Au vu de l’importance de la minoration de la rémunération perçue par le salarié, celle-ci correspondant quasiment à deux mois de salaire, et de la période sur laquelle ces faits se sont déroulés, à savoir plus de dix mois, il y a lieu de considérer que l’élément intentionnel du travail dissimulé est caractérisé.
Le jugement entrepris mérite d’être confirmé en ce qu’il a condamné la SARL BQJL à payer à Monsieur [W] [M] la somme de 12.481,92 euros, correspondant à la pénalité de six mois de salaire prévue par l’article L.8223-1 du code du travail.
– Sur la demande d’annulation de la rupture conventionnelle et ses conséquences –
Aux termes de l’article L. 1237-11 du code du travail, ‘l’employeur et le salarié peuvent convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie. La rupture conventionnelle, exclusive du licenciement ou de la démission, ne peut être imposée par l’une ou l’autre des parties. Elle résulte d’une convention signée par les parties au contrat. Elle est soumise aux dispositions de la présente section destinées à garantir la liberté du consentement des parties.’.
Aux termes de l’article L. 1237-13 du code du travail, ‘la convention de rupture définit les conditions de celle-ci, notamment le montant de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle qui ne peut pas être inférieur à celui de l’indemnité prévue à l’article L. 1234-9. Elle fixe la date de rupture du contrat de travail, qui ne peut intervenir avant le lendemain du jour de l’homologation. A compter de la date de sa signature par les deux parties, chacune d’entre elles dispose d’un délai de quinze jours calendaires pour exercer son droit de rétractation. Ce droit est exercé sous la forme d’une lettre adressée par tout moyen attestant de sa date de réception par l’autre partie.’.
La rupture conventionnelle est une forme de rupture amiable du contrat de travail à durée indéterminée et la convention de rupture ne peut être valablement conclue que si elle manifeste le consentement libre et non équivoque du salarié pour mettre fin au contrat de travail et si elle respecte les droits auxquels il peut prétendre.
La rupture conventionnelle devant être librement consentie, elle est nulle en cas de fraude ou de vice du consentement, mais aussi lorsque le non-respect d’une formalité requise est de nature à compromettre l’intégrité du consentement du salarié. Elle ne peut pas être imposée par l’une ou l’autre des parties.
Lorsque la date de signature de la convention de rupture, non mentionnée sur la convention, est incertaine et qu’il n’est pas possible en conséquence de déterminer le point de départ du délai de rétractation, la convention est nulle. Mais une erreur commise dans la convention de rupture sur la date d’expiration du délai de quinze jours prévu par l’article L. 1237-13 du code du travail ne peut entraîner la nullité de cette convention que si elle a eu pour effet de vicier le consentement de l’une des parties ou de la priver de la possibilité d’exercer son droit à rétractation.
Sauf autre accord des parties, le contrat de travail continue à s’exécuter normalement jusqu’à la date fixée pour la rupture.
A compter de la date de sa signature de la convention de rupture conventionnelle individuelle par les deux parties, chacune d’entre elles dispose d’un délai de quinze jours calendaires pour exercer son droit de rétractation, par lettre adressée par tout moyen à l’autre partie, en attestant de sa date de réception par l’autre partie, la fin du délai de rétractation s’appréciant à la date d’envoi de la lettre de rétractation, peu important sa date de réception. Lorsque ce délai de rétractation expire un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé, il est prorogé jusqu’au premier jour ouvrable suivant.
Lorsque la date de signature de la convention de rupture, non mentionnée sur la convention, est incertaine et qu’il n’est pas possible en conséquence de déterminer le point de départ du délai de rétractation, la convention est nulle. Mais une erreur commise dans la convention de rupture sur la date d’expiration du délai de quinze jours prévu par l’article L. 1237-13 du code du travail ne peut entraîner la nullité de cette convention que si elle a eu pour effet de vicier le consentement de l’une des parties ou de la priver de la possibilité d’exercer son droit à rétractation.
À compter du lendemain du délai de rétractation, la partie la plus diligente adresse une demande d’homologation (ou d’autorisation pour les salariés protégés) à l’autorité administrative, en pratique la Direccte (directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi du lieu où est établi l’employeur), en pratique un formulaire de demande d’homologation qui vaut demande d’homologation, avec un exemplaire de la convention de rupture. La demande d’homologation peut être effectuée en ligne.
Si la première convention de rupture a fait l’objet d’un refus d’homologation par l’autorité administrative, la signature d’une seconde convention de rupture est possible mais le salarié doit bénéficier d’un nouveau délai de rétractation et, s’il n’en a pas disposé, la seconde convention de rupture est nulle.
S’agissant de la validité de la rupture conventionnelle du contrat de travail de l’intimé, la SARL BQJL conteste que celle-ci ait été mise en oeuvre afin que ne soit pas mise en place une procédure de licenciement pour motif économique et réfute ainsi l’existence d’un quelconque vice du consentement du salarié. Elle soutient par ailleurs que le formulaire remis à la DIRECCTE est exempt de toute anomalie et que la date de rupture du contrat de travail a été respectée. Elle relève enfin l’absence de rétractation du salarié dans le délai légalement imparti. Elle conclut ainsi au débouté du salarié s’agissant de l’ensemble des demandes qu’il formule au titre de la nullité de la rupture conventionnelle, et à titre subsidiaire, sollicite que le montant indemnitaire susceptible de lui être alloué soit réduit à de justes proportions.
Sur la demande de rappel de salaire du 17 au 30 mars 2020, dont la SARL BQJL réfute le bien fondé, elle expose que le contrat de travail du salarié a pris fin le lendemain de l’homologation de la rupture conventionnelle régularisé entre les parties, soit le 17 mars 2020, Monsieur [W] [M] devant dès lors être débouté de sa demande de rappel de salaire pour la période postérieure.
Monsieur [W] [M] sollicite l’annulation de la rupture conventionnelle du contrat de travail. En ce sens, il soutient que son consentement a été surpris par dol dès lors que l’employeur a mis en oeuvre ladite procédure afin de ne pas recourir à une mesure de licenciement pour motif économique, plus coûteuse. Il excipe par ailleurs de la présence d’anomalies affectant le formulaire de rupture conventionnelle communiqué à la DIRECCTE (absence de mention manuscrite de la date de signature sur le formulaire Cerfa, mention ‘lu et approuvé’ préinscrite par l’employeur, absence de signature des parties, le formulaire ayant en outre été antidaté car faisant mention d’une date du 24 février 2020). Il soutient également que la date de rupture telle que fixée dans le second formulaire, à savoir le 30 mars 2020, n’a pas été respectée puisque son contrat de travail a été rompu le 17 mars précédent. Il conclut ainsi à l’annulation de la rupture conventionnelle et réclame l’indemnisation afférente à la rupture du contrat de travail qui produit en conséquence les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Monsieur [W] [M] sollicite en outre un rappel de salaire pour la période du 17 au 30 mars 2020 dès lors que le formulaire de rupture conventionnelle prévoyait une date de fin de contrat au 30 mars.
En l’espèce, le 30 janvier 2020, un premier dossier de rupture conventionnelle du contrat de travail de Monsieur [W] [M] a été déposé auprès des services de la DIRECCTE de la HAUTE-LOIRE pour homologation, lequel prévoyait une date de rupture de la relation de travail au 6 mars 2020.
Par courrier daté du 20 février 2020 et expédié le 24 février suivant, la DIRECCTE du [Localité 3] a déclaré la demande irrecevable au motif de l’absence de signature de la part des deux parties de la convention de rupture et de mention de la date de signature sur le formulaire, reçu le 17 février 2020.
Un second formulaire de rupture conventionnelle a été renseigné par les parties le 24 février 2020 et déposé pour homologation auprès des services de la DIRECCTE, cet organisme ayant homologué la rupture par décision en date du 16 mars 2020. Le document de rupture conventionnelle du contrat de travail de Monsieur [W] [M] fixait la date de rupture des relations au 30 mars suivant et l’indemnité spécifique de rupture à la somme de 435 euros.
La rupture effective du contrat de travail est intervenue le 17 mars 2020.
Au vu de ces éléments, il convient de relever, d’une part, que le second formulaire de rupture conventionnelle, celle homologuée par la DIRECCTE, prévoyait une date de rupture des relations de travail liant la
société à Monsieur [M] au 30 mars 2020 alors qu’il est constant que la rupture effective du contrat de travail est intervenue le 17 mars 2020.
D’autre part, comme l’ont relevé les juges de première instance, il apparaît que le deuxième formulaire de rupture a été anti-daté. En effet, il résulte des éléments versés à la procédure que la DIRRECTE a posté le 24 février 2020 la lettre recommandée déclarant la première demande de rupture irrecevable et que le second formulaire de rupture conventionnelle mentionne cette même date, alors que ce formulaire ne peut avoir été rédigé qu’à la réception du courrier, soit a minima le 25 février 2020.
La rupture conventionnelle devant être librement consentie, elle est nulle en cas de fraude ou de vice du consentement, mais aussi lorsque le non-respect d’une formalité requise est de nature à compromettre l’intégrité du consentement du salarié.
Il résulte des éléments ci-dessus que l’intégrité du consentement du salarié a été compromis et vicié dès lors qu’il n’avait pas connaissance de la date effective de rupture du contrat de travail, celle-ci étant prévue au 30 mars 2020 alors qu’elle est en réalité intervenue le 17 mars 2020, et que son délai de rétractation de quinze jours n’a pas été respecté, le second formulaire de rupture conventionnelle comportant une date inexacte.
Le jugement de première instance sera confirmé en ce qu’il a prononcé l’annulation de la rupture conventionnelle relative au contrat de travail signé entre l’employeur et le salarié et ayant eu effet au 17 mars 2020.
L’annulation d’une rupture conventionnelle produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, intervenu le 17 mars 2020.
Au moment de ce licenciement sans cause réelle et sérieuse, Monsieur [W] [M] était âgé de 28 ans, bénéficiait de plus de dix mois d’ancienneté et percevait une rémunération mensuelle brute moyenne de 2.080,32 euros
Au vu des éléments d’appréciation dont la cour dispose et des dispositions des articles L.1234-9, L.1235-1 et L.1235-3 du code du travail, le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a condamné la SARL BQJL à payer à Monsieur [W] [M] les sommes de:
– 2.080,32 euros de dommages et intérêts,
– 2080,32 euros d’indemnité de préavis et 208,03 de congés payés afférents.
Le jugement déféré sera également confirmé en ce qu’il a débouté Monsieur [W] [M] de sa demande en paiement de salaires pour la période du 17 au 30 mars 2020, celle-ci étant devenue sans objet dès lors que la rupture conventionnelle a été annulée et produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse intervenu le 17 mars.
Le jugement entrepris sera ainsi confirmé sur l’ensemble de ces dispositions.
– Sur la demande de dommages et intérêts en raison de l’absence de mutuelle et de portabilité –
Monsieur [W] [M] fait valoir que l’employeur n’a jamais réalisé les démarches utiles afin qu’il puisse bénéficier de la mutuelle d’entreprise et ce contrairement aux dispositions en ce sens de ses contrats de travail. Il en déduit que le manquement de l’employeur l’a privé de son droit au bénéfice de la mutuelle d’entreprise et de la portabilité de celle-ci.
En l’espèce, s’il est constant que les contrats de travail du salarié prévoyaient la possibilité pour de dernier de bénéficier de la mutuelle d’entreprise, l’employeur verse aux débats des éléments justifiant que les salariés de la société étaient destinataire d’un bordereau d’appel des cotisations et facture récapitulative ainsi que d’un certificat d’adhésion au régime frais de santé, à la charge des salariés de compléter les documents en question, à défaut de quoi ils ne pouvaient bénéficier d’une portabilité de la mutuelle.
En outre, alors que la notion de préjudice nécessaire a été abandonnée par la Cour de cassation en 2016, il convient de relever que le salarié ne verse aucun élément probant de nature à démontrer l’existence d’un préjudice spécifique lié au prétendu manquement à cet égard de l’employeur.
Le jugement déféré sera infirmé en ce qu’il a condamné la SARL BQJL à payer à Monsieur [W] [M] la somme de 250 euros de dommages et intérêts pour absence de portabilité de la complémentaire santé et, statuant à nouveau, la cour déboute Monsieur [W] [M] de sa demande de dommages et intérêts pour absence de portabilité de la complémentaire santé.
– Sur les frais irrépétibles et les dépens –
Les dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens de première instance seront confirmées.
En équité, il convient de condamner la société BQJL à payer à Monsieur [W] [M] la somme de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
La société BQJL sera également condamnée au paiement des dépens en cause d’appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi,
– Infirme le jugement déféré en ce qu’il a condamné la SARL BQJL à payer à Monsieur [W] [M] la somme de 250 euros de dommages et intérêts pour absence de portabilité de la complémentaire santé et, statuant à nouveau, déboute Monsieur [W] [M] de sa demande de dommages et intérêts pour absence de portabilité de la complémentaire santé ;
– Confirme le jugement déféré en toutes ses autres dispositions;
Y ajoutant,
– Condamne la société BQJL à payer à Monsieur [W] [M] la somme de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Condamne la société BQJL au paiement des dépens en cause d’appel ;
– Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an.
Le Greffier, Le Président,
S. BOUDRY C. RUIN