Droit de rétractation : Décision du 16 février 2023 Cour d’appel de Lyon RG n° 20/04684

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Droit de rétractation : Décision du 16 février 2023 Cour d’appel de Lyon RG n° 20/04684

N° RG 20/04684 – N° Portalis DBVX-V-B7E-NDWT

Décision du Tribunal Judiciaire de SAINT-ETIENNE

Au fond du 21 juillet 2020

(1ère chambre civile)

RG : 19/02495

S.A.S. LOCAM

C/

[K]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE LYON

1ère chambre civile A

ARRET DU 16 Février 2023

APPELANTE :

S.A.S. LOCAM

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par la SELARL LEXI, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

INTIME :

M. [R] [K]

né le 30 Mai 1981 à ALGERIE

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par la SCP BAUFUME ET SOURBE, avocat au barreau de LYON, avocat postulant, toque : 1547

Et ayant pour avocat plaidant Me Anne aline MENIER-GALLO, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE, toque : 1

* * * * * *

Date de clôture de l’instruction : 08 Juin 2021

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 14 Septembre 2022

Date de mise à disposition : 30 novembre 2022 prorogée au 16 Février 2023 les avocats dûment avisés conformément à l’article 450 dernier alinéa du code de procédure civile

Audience présidée par Anne WYON, magistrat rapporteur, sans opposition des parties dûment avisées, qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Séverine POLANO, greffier.

Composition de la Cour lors du délibéré :

– Anne WYON, président

– Françoise CLEMENT, conseiller

– Julien SEITZ, conseiller

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties présentes ou représentées en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Anne WYON, président, et par Séverine POLANO, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

M. [K], qui exerce l’activité d’infirmier libéral, a conclu le 25 septembre 2015 avec la société Cometik un contrat de licence d’exploitation de site internet, prévoyant le paiement sous forme de 48 loyers mensuels de 240 euros TTC, afin d’améliorer sa visibilité.

La société Cometik a cédé ledit contrat à la société Location Matériel Automobile (ci-après Locam).

Un procès-verbal de réception a été régularisé par M. [K] le 24 novembre 2015.

Faisant valoir qu’il a été alerté par son ordre professionnel qu’il lui était interdit de faire usage d’un site internet, M. [K] a demandé à la société Cometik de mettre un terme au site. Il a cessé de régler les échéances en février 2016.

La société Locam a adressé le 18 août 2016 une mise en demeure de régulariser l’arriéré dans les huit jours à peine de déchéance du terme. Par acte d’huissier de justice du 5 août 2019, elle a fait assigner M. [K] devant le tribunal judiciaire de Saint-Étienne en paiement de la somme principale de 11’088 euros.

Par jugement du 21 juillet 2020, le tribunal a prononcé la nullité du contrat conclu entre M. [K] et la société Cometik et cédé à la société Locam et a débouté la société Locam de ses demandes, la condamnant à payer à M. [K] une somme de 1200 euros au titre des loyers versés indûment et une autre de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration du 26 août 2020, la société Locam a relevé appel de cette décision.

Par conclusions déposées au greffe le 7 mai 2021, elle demande à la cour de réformer la décision critiquée et de condamner M. [K] à lui payer la somme principale de 11’088 euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 20 août 2016, 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et à supporter les dépens.

Par conclusions déposées au greffe le 19 février 2021, M. [K] forme appel incident et demande à la cour de confirmer la décision critiquée, sauf en ce qu’elle a rejeté sa demande de dommages et intérêts et sollicite la condamnation de la société Locam à lui verser 1 500 euros à ce titre pour procédure abusive, outre 3 000 euros d’indemnité de procédure.

Il convient de se référer aux écritures des parties pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 8 juin 2021.

MOTIVATION

La société Locam reproche au premier juge d’avoir considéré que le contrat était soumis à l’article L 121-18-1 du code de la consommation alors applicable au litige alors qu’il s’agit d’un contrat de location portant sur une opération connexe aux opérations de banque qu’elle pratique conformément aux dispositions de l’article L 311-2 du code monétaire et financier, et soutient que ce contrat est exclu du champ d’application de ce texte car il entre dans la catégorie des services financiers. Elle ajoute qu’un site internet constitue un bien personnalisé confectionné selon les spécifications du consommateur, de sorte que M. [K] ne disposait pas d’un droit de rétractation.

M. [K] répond qu’il exerce seul son activité d’infirmier libéral et que son entité emploie moins de 5 salariés, que le contrat portant sur l’exploitation d’un site internet n’entre pas dans le champ de son activité principale, que la loi du 17 mars 2014 a tendu à faire bénéficier les micro-professionnels de certaines règles du droit de la consommation, spécialement en présence de contrats conclus hors établissement au sens de l’article L 221-1 du code de la consommation, comme en l’espèce, et que faute pour le contrat de comporter les mentions relatives au droit de rétractation et requises à peine de nullité par les articles L221-9 et L221-5 du code de la consommation, le contrat le liant à la société Locam doit être annulé sur le fondement de l’article L424-1 du code de la consommation comme l’a décidé le premier juge. Il ajoute que l’appelante ne démontre pas que le site internet réalisé par la société Cometik a été personnalisé ou confectionné selon les spécifications du client.

Enfin, il affirme que le contrat de location n’entre pas dans la catégorie des services financiers, s’agissant d’un simple contrat de location d’un matériel ou d’un service.

Sur ce :

L’article L. 341-1 in fine du code monétaire et financier dans sa version résultant de l’ordonnance n°2014-559 du 30 mai 2014 et applicable à l’espèce prévoit que « l’activité de démarchage bancaire ou financier est exercée sans préjudice de l’application des dispositions particulières relatives (…) à la réalisation d’opérations sur biens divers (…)». Ces opérations sur biens divers englobent le contrat de location souscrit par M. [K] qui relèvent du code de la consommation, de sorte que le moyen soulevé par la société Locam selon lequel ce code serait inapplicable au contrat qui la lie à M. [K] ne peut qu’être écarté.

Il résulte de l’article L. 121-16-1, III applicable à l’espèce et devenu l’article L221-3 du code de la consommation que le professionnel employant cinq salariés au plus, et qui souscrit, hors établissement, un contrat dont l’objet n’entre pas dans le champ de son activité principale bénéficie des dispositions protectrices du consommateur édictées par ce code. Tel est le cas, la société Locam ne contestant pas que M. [K] exerce seul à [Localité 6], que le contrat a été souscrit hors établissement à [Localité 6] alors que le siège social de la société Cometik est situé à [Localité 5] et que la communication commerciale et la publicité via un site Internet n’entrent pas dans le champ de son activité principale d’infirmier et donc de ses compétences professionnelles (cf Civ. 1ère, 12 septembre 2018, pourvoi 17-17319). Enfin, aucune preuve n’est rapportée par l’appelante sur la personnalisation du site internet objet du contrat.

Par suite, M. [K] bénéficiait du droit de rétractation prévu par l’article L. 121-21 du code de la consommation dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 comme l’a retenu le premier juge dont le jugement sera confirmé en ce qu’il a prononcé la nullité du contrat et condamné la société Locam à restituer à M. [K] les loyers versés.

M. [K] ne démontrant pas que la société Locam a commis un abus de procédure en le poursuivant en justice puis en relevant appel du jugement, sa demande de dommages et intérêt sera rejetée.

Le jugement sera en conséquence confirmé dans toutes ses dispositions.

La société Locam sera condamnée aux dépens, avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP Baufumé-Sourbé, avocats et au paiement à M. [K] d’une somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, sa propre demande sur ce point étant rejetée.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme le jugement du tribunal de commerce de Saint-Etienne du 21 juillet 2020 dans toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Condamne la société Locam aux dépens avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP Baufumé-Sourbé, avocats, et à payer à M. [K] une indemnité de 3 000 euros en application de l’article 700, sa propre demande sur ce point étant rejetée.

Le Greffier Le Président

 


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