Droit de rétractation : Décision du 15 septembre 2022 Cour d’appel de Rouen RG n° 19/04644

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Droit de rétractation : Décision du 15 septembre 2022 Cour d’appel de Rouen RG n° 19/04644

N° RG 19/04644 – N° Portalis DBV2-V-B7D-ILC7

COUR D’APPEL DE ROUEN

CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

ARRET DU 15 SEPTEMBRE 2022

DÉCISION DÉFÉRÉE :

1117000587

TRIBUNAL D’INSTANCE DU HAVRE du 13 Septembre 2019

APPELANTS :

Monsieur [O] [F] [U] [W]

né le 16 Janvier 1953 à [Localité 7]

[Adresse 5]

[Localité 4]

Madame [T] [R] [G] épouse [W]

née le 01 Février 1948 à [Localité 8]

[Adresse 5]

[Localité 4]

représentés par Me Fleur FIQUET ROY, avocat au barreau de ROUEN

INTIMEES :

SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE venant aux droits de la SA SYGMA BANQUE

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Pascale BADINA de la SELARL CABINET BADINA ET ASSOCIES, avocat au barreau de ROUEN

S.A.S. EXPERT SOLUTION ENERGIE

[Adresse 2]

[Localité 6]

représentée par Me Cécile HUNAULT-CHEDRU de la SELARL POINTEL & ASSOCIES, avocat au barreau de ROUEN

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 03 Mai 2022 sans opposition des avocats devant Madame FOUCHER-GROS, Présidente, rapporteur,

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame FOUCHER-GROS, Présidente

M. URBANO, Conseiller

M. MANHES, Conseiller

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme DEVELET, Greffier

DEBATS :

A l’audience publique du 03 Mai 2022, où l’affaire a été mise en délibéré au 15 Septembre 2022

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Rendu publiquement le 15 Septembre 2022, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame FOUCHER-GROS, Présidente et par Mme DEVELET, Greffier.

*

* *

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE :

Le 2 juin 2015, M. [O] [W] a passé commande auprès de la société Expert Solution Energie de 10capteurs photovoltaïques de marque Solarworld d’une puissance de 275 Wc chacun, soit une puissance globale de 2750 Wc pour un montant de 20.000 euros; cette opération a été financée par recours à un crédit de 20 000 euros objet d’une offre de Sygma Banque signée le même jour par M. [O] [W] et son épouse, couvrant l’intégralité du coût de l’installation, la durée du crédit étant fixée à 168 mois, avec un report de la phase d’amortissement de 12 mois, les mensualités au nombre de 156 étant fixées à la somme de 193,22 euros hors assurance et 236,30 euros assurance comprise.

Par actes signifiés les 11 et 12 mai 2017, M. [O] [W] et Mme [T] [G], son épouse, ont fait assigner devant le tribunal d’instance du Havre la société Expert Solution Energie et la société BNP Paribas Personal Finance (BNP Paribas) , venant aux droits de la société Banque Sygma aux fins notamment de voir prononcer la nullité du contrat conclu entre les demandeurs et la société Expert Solution Energie avec pour conséquence la nullité du contrat de crédit affecté. Subsidiairement il était demandé au tribunal de prononcer la résolution desdits contrats et en tout état de cause, dire et juger que la Banque Sygma a commis des fautes qui privent la banque de son droit à restitution du capital prêté.

Par jugement du 13 septembre 2019, le tribunal d’instance du Havre a :

-débouté M. [W] et Mme [G] épouse [W] de leur demande d’annulation du contrat de fourniture et de pose d’une installation photovoltaïque conclu avec la société Expert Solution Energie et du contrat de crédit accessoire à la vente,

-débouté M. [W] et Mme [G] épouse [W] de leur demande de résolution du contrat de fourniture et de pose d’une installation photovoltaïque conclu avec la société Expert Solution Energie et du contrat de crédit accessoire à la vente,

-débouté M. [W] et Mme [G] épouse [W] de leur demande d’annulation de contrat de fourniture et de pose d’une installation photovoltaïque conclu avec la société Expert Solution Energie et du contrat de crédit accessoire à la vente,

-constaté que la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la société Banque Sygma n’a commis aucune faute dans l’exécution de ses obligations de prêteur et débouté en conséquence, M. [W] et Mme [G] épouse [W] de leur demande de réparation d’un préjudice,

-débouté M. [W] et Mme [G] épouse [W] du surplus de leurs demandes,

-condamné in solidum M. [W] et Mme [G] épouse [W] à payer à la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la société Banque Sygma la somme de 1.000 euros au titre de ses frais irrépétibles et à la société Expert Solution Energie la somme de 2.000 euros au titre de ses frais irrépétibles,

-condamné in solidum M. [W] et Mme [G] épouse [W] aux dépens, comprenant les débours tarifés et les émoluments des officiers publics afférents à l’instance et à la procédure d’exécution.

Monsieur [W] et Madame [G] ont interjeté appel de ce jugement par déclaration du 28 novembre 2019.

Par arrêt du 1er juillet 2021, la cour d’appel de Rouen a :

-ordonné la réouverture des débats à l’audience du mardi 9 novembre 2021 à 9h30,

-dit qu’en vue de cette audience :

-la société Expert Solution Energie devra communiquer et produire l’original du bon de commande du 2 juin 2015 et de ses annexes,

-les parties devront adresser à la cour, le jugement rectificatif en date du 22 novembre 2019,

-réservé les dépens de l’article 700 du code de procédure civile.

Par arrêt du 25 novembre 2021, la cour d’appel de Rouen a :

-ordonné la révocation de l’ordonnance de clôture rendue le 9 mars 2021,

-renvoyé l’affaire à la conférence de la mise en état du 11 janvier 2022,

-sursis à statuer sur les demandes et les dépens.

La société Expert Solution Energie a fait l’objet d’un jugement de liquidation judiciaire du 7 juillet 2021. Monsieur et Madame [W] ont déclaré leur créance le 9 septembre 2021.

Par acte du 5 novembre 2021, M. et Mme [W] ont assigné en intervention forcée la Selarl Athéna en qualité de liquidateur de la SAS Expert Solution Energie.

La Selarl Athena, à qui l’assignation a été délivrée à personne morale ; le 5 novembre 2021, n’a pas constitué avocat.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 26 avril 2022.

Par note du 7 septembre 2022 la cour a inviter la société BNP Paribas à faire valoir ses observation sur le fait que par l’effet des article L622-21 et L622-22 du code de commerce, le recours en garantie de la société BNP Paribas contre la société Expert Solution Energie est interrompu à défaut d’avoir été présenté contre la liquidation et d’avoir produit la justification d’une déclaration de créance.

Par note du 12 septembre 2022, la société BNP Paribas a indiqué que sa créance n’avait pas à être déclarée, s’agissant de la conséquence d’une annulation de l’ensemble contractuel.

EXPOSE DES PRETENTIONS :

Vu les conclusions du 10 janvier 2022 auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens et arguments de M. [W] et Mme [G], épouse [W], qui demandent à la cour de:

-infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

La cour statuant à nouveau,

-à titre principal, dire nuls et non avenus les contrats de vente et de crédit au motif des courriers de rétractation du 17 décembre 2015 conformes aux dispositions d’ordre public du code de la consommation, en conséquence :

A titre subsidiaire,

-débouter la société BNP Paribas PF venant aux droits de la société Sygma Banque de toute demande financière au motif de la forclusion du contrat de crédit acquise le 5 août 2018 en l’absence d’une quelconque procédure judiciaire en paiement au préalable de cette date,

-condamner la société BNP Paribas PF (société Sygma Banque) à la somme de 5.000 euros au titre de dommages-intérêts pour résistance abusive contraignant les concluants à supporter moralement, sans raison, quatre années de procédure ainsi qu’une inscription au fichier FICP de la Banque de France, extrêmement pénalisante, pénalisante au point que le couple n’a pu renégocier ses crédits immobiliers et dès lors subir une perte de 15.000 euros,

A titre très subsidiaire,

-débouter la société BNP Paribas PF (société Sygma Banque) de toute demande de restitution des fonds au motif que la date de la transaction est écrite par le démarcheur en lieu et place du consommateur,

-débouter la société BNP Paribas PF (société Sygma Banque) de toute demande de restitution des fonds au motif que le formulaire détachable de rétractation n’est pas conforme aux dispositions d’ordre public du code de la consommation,

-débouter la société BNP Paribas PF (société Sygma Banque) de toute demande de restitution des fonds au motif de l’information erronée sur les modalités de rétractation,

-débouter la société BNP Paribas PF (société Sygma Banque) de toute demande de restitution des fonds au motif de la violation du délai légal de rétractation attaché aux contrats de vente et/ou de crédit,

-débouter la société BNP Paribas PF (société Sygma Banque) de toute demande de restitution des fonds au motif que l’autorisation de prélèvement automatique a été signé par le consommateur durant la période de rétractation,

A titre principal sur le fond :

-débouter la société BNP Paribas PF (société Sygma Banque) de toute demande de restitution des fonds au motif de l’absence du document « information précontractuelle au contrat de vente » à peine de nullité,

-prononcer la nullité des contrats de vente et de crédit au motif de la violation des disposions d’ordre public du code de la consommation qui précisent les mentions obligatoires devant figurer sur le contrat de vente à peine de nullité,

-débouter la société BNP Paribas PF (société Sygma Banque) de sa demande de restitution des fonds au motif que les travaux n’étaient finalisés à la date du décaissement des fonds,

-débouter la société BNP Paribas PF (société Sygma Banque) de sa demande de restitution des fonds au motif de l’irrégularité de l’attestation de fin de travaux qui ne précise en rien la prestation accomplie mais qui, néanmoins, a déclenché le décaissement des fonds de la banque au profit de la société venderesse,

-dire, sauf si condamnation des époux [W] à la restitution des fonds à la Banque, que l’installation sera tenue à la disposition de la société ou de son liquidateur durant 3 mois à compter de la décision à intervenir qu’à défaut de reprise elle sera réputée abandonnée,

A titre subsidiaire sur le fond :

-prononcer la déchéance des intérêts du crédit en l’absence de prérogative du démarcheur en violation des dispositions d’ordre public du code de la consommation,

-dire qu’aucun acte n’a couvert les nullités relatives d’autant plus que les concluants se sont rétractés légalement, à défaut prononcer la nullité absolue du contrat de vente au bénéfice de Mme [G], épouse [W],

En tout état de cause :

-ordonner à la société BNP Paribas PF (société Sygma Banque) de procéder à la radiation de l’inscription au fichier FICP/Banque de France dans le délai de 15 jours suivant la signification de la décision à intervenir et sous astreinte de 150 euros par jour de retard à l’expiration dudit délai (cette contrainte est indispensable car la banque met parfois des mois, si ce n’est souvent plus, pour lever l’inscription),

-condamner la société BNP Paribas PF (société Sygma Banque) à verser la somme de 5.000 euros, couvrant les deux procédures judiciaires, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens d’appel et de première instance,

-dire qu’à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par la décision à intervenir et en cas d’exécution par voie extrajudiciaire, les sommes retenues par l’huissier instrumentaire, en application des dispositions légales devront être supportées par le défendeur, en plus de l’indemnité mise à sa charge.

Vu les conclusions du 26 octobre 2020 auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens et arguments de la SA BNP Paribas Personal Finance qui demande à la cour de:

A titre principal,

-dire et juger que les époux [W] ne rapportent la preuve d’aucune irrégularité du contrat principal qui emporterait sa nullité,

-dire et juger que le courrier du 17 décembre 2015 est nul et dépourvu d’effet, dès lors que cet acte constitue la manifestation de l’exercice prohibé d’une profession réglementée, de sorte qu’il n’existe aucune rétractation des emprunteurs,

-dire et juger qu’il n’est rapporté la preuve d’aucune forclusion de l’action de la SA BNP Paribas Personal Finance, ni d’aucun motif de déchéance des intérêts contractuels au titre de l’offre préalable du 02 juin 2015,

En conséquence,

-débouter les époux [W] de l’intégralité de leurs moyens et demandes,

-confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, et réparant l’erreur affectant son dispositif, dire et juger que le dispositif sera complété comme suit :

-condamner solidairement les époux [W] à payer à la SA BNP Paribas Personal Finance la somme de 22.151,29 euros, avec les intérêts contractuels au taux de 5,91%, hors concernant l’indemnité légale pour 1.535,70 euros qui portera intérêts au seul taux légal,

A titre subsidiaire,

-dire et juger que la SA BNP Paribas Personal Finance n’a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité civile contractuelle ou à la priver de son droit à restitution du capital mis à disposition, dès lors que les époux [W] l’ont déterminée à libérer les fonds entre les mains de la société Expert Solution Energie, en signant la fiche de réception des travaux attestant de leur exécution, dans des termes précis et dépourvus d’ambiguïté, et donnant ordre au prêteur de libérer les fonds,

-dire et juger que la SA BNP Paribas Personal Finance n’est pas partie au contrat principal par application de l’article 1165 du code civil, alors qu’il lui est fait interdiction de s’immiscer dans la gestion des emprunteurs et d’apprécier l’utilité ou l’opportunité de la prestation objet du financement, pas plus qu’elle n’est tenue d’un devoir de conseil ou d’une autre obligation légale ou contractuelle en vertu de laquelle elle devrait procéder au contrôle de la régularité formelle du bon de commande,

-dire et juger qu’il ne pesait sur la SA BNP Paribas Personal Finance aucune obligation légale ou contractuelle de contrôler l’exécution du contrat principal au vu de cette attestation de fin de travaux très précise en son objet, ni d’effectuer des vérifications supplémentaires relativement à d’autres prestations à la charge de la société Expert Solution Energie ne figurant pas sur le bon de commande,

-dire et juger à tout le moins qu’il n’est rapporté la preuve d’aucun préjudice qui aurait été souffert par les époux [W], alors que le défaut d’augmentation de la puissance de leur installation électrique ne résulte que de leur obstruction fautive, et que ces derniers ne sont pas privés de leur recours effectif contre la SAS Expert Solution Energie qui justifie de sa solvabilité,

-débouter en conséquence l’ensemble des parties de tous leurs moyens et demandes tels que dirigés contre la SA BNP Paribas Personal Finance,

-les condamner à payer à la SA BNP Paribas Personal Finance, au titre de sa créance de restitution, la somme de 20.000 euros avec garantie due par la SA Expert Solution Energie en application de l’article L311-33 du code de la consommation,

A titre infiniment subsidiaire dans l’hypothèse d’une privation du prêteur de son droit à restitution du capital contre les époux [W],

-dire et juger que la SA BNP Paribas Personal Finance conserve son recours contre la SAS Expert Solution Energie au titre des remises en état entre les parties et de l’obligation souscrite par le vendeur de restituer les fonds à première demande du prêteur,

-condamner la SAS Expert Solution Energie, au titre du recours de la SA BNP Paribas Personal Finance, à payer à la SA BNP Paribas Personal Finance la somme de 20.000 euros,

En toute hypothèse,

-condamner tout succombant à payer à la SA BNP Paribas Personal Finance la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

-disant et jugeant que les dépens suivront le sort du principal.

MOTIVATION DE LA DECISION’:

A l’issue de l’arrêt du 1er juillet 2021, un élément nouveau est intervenu en ce que la société Expert Solution Energie, qui devait produire l’original du bon de commande est désormais en procédure de liquidation judiciaire et le liquidateur n’ayant pas constitué avocat, elle n’est plus représentée. Par ailleurs le jugement rectificatif du 22 novembre 2019 qui était mentionné dans les conclusions de la société Expert Solution Energie ne l’est aucunement dans celles des époux [W] et de la société BNP Paribas. Il n’a pas été produit, ce qui ne fait pas obstacle à ce que le présent arrêt soit rendu.

Sur la rétractation’:

Moyens des parties’:

Monsieur et Madame [W] soutiennent que’:

*les bordereaux des contrats de vente et de crédit ne sont pas conformes aux dispositions de l’article L121-21 2° en vigueur lors de la souscription des contrats en ce qu’ils indiquent que le délai court à compter de la signature du contrat et non de la réception du bien.

*il en résulte que leur délai est prolongé de 12 mois.

*ils se sont rétractés par lettre du 17 décembre 2015, entrainant ainsi l’annulation des contrats de vente et de crédit.

Ils soutiennent par ailleurs qu’ils n’ont jamais reçu le document pré-contractuel d’information prévu à l’article L121-17 du code de la consommation.

La société BNP Paribas répond que’:

*le bon de commande est illisible, de sorte que la preuve de l’irrégularité alléguée n’est pas établie’;

*la lettre de rétractation du 17 décembre ne peut produire aucun effet, parce que son rédacteur ne détient aucun mandat des époux [W]’; et qu’il se livre à l’exercice illégal de la profession d’avocat.

Réponse de la cour’:

Sur le délai de rétractation’:

Aux termes de l’article 121-17 du code de la consommation’, dans sa version en vigueur du 14 juin 2014 au 1er Juillet 2016′:

«’I.-Préalablement à la conclusion d’un contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes’:

1° Les informations prévues aux articles L.111-1 et L111-2′;

2° Lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d’exercice de ce droit ainsi que le formulaire type de rétractation, dont les conditions de présentation et les mentions qu’il contient sont fixées par décret en Conseil d’Etat ;

3° Le cas échéant, le fait que le consommateur supporte les frais de renvoi du bien en cas de rétractation et, pour les contrats à distance, le coût de renvoi du bien lorsque celui-ci, en raison de sa nature, ne peut normalement être renvoyé par la poste ;

(…)

5° Lorsque le droit de rétractation ne peut être exercé en application del’article L.121-21-8,l’information selon laquelle le consommateur ne bénéficie pas de ce droit ou, le cas échéant, les circonstances dans lesquelles le consommateur perd son droit de rétractation ;

6° Les informations relatives aux coordonnées du professionnel, le cas échéant aux coûts de l’utilisation de la technique de communication à distance, à l’existence de codes de bonne conduite, le cas échéant aux cautions et garanties, aux modalités de résiliation, aux modes de règlement des litiges et aux autres conditions contractuelles, dont la liste et le contenu sont fixés par décret en Conseil d’Etat.

(‘.)

III.-La charge de la preuve concernant le respect des obligations d’information mentionnées à la présente sous-section pèse sur le professionnel.’

Il résulte des dispositions de l’article L121-21 du code de la consommation, dans sa version applicable du 22 décembre 2014 au 8 août 2015, que le délai de rétractation à la suite d’un démarchage est de quatorze jours à compter de la livraison du bien pour les contrats de vente de biens et les contrats de prestation de service incluant la livraison de biens. L’article L121-21-1 prévoit que les inexactitudes portées sur le formulaire de rétractation ont pour effet de proroger le délai de douze mois à compter de l’expiration du délai initial.

En ce qui concerne le contrat de vente, le jugement entrepris déboute les époux [W] de leurs demandes de nullité du contrat principal à défaut de preuve des irrégularités invoquées, la copie du bon de commande versée aux débats étant incomplète et illisible.

Force est de constater que la copie versée par les époux [W] en cause d’appel est toujours illisible pour toute la partie qui comprend les conditions générales du contrat et le bordereau de rétractation.

Mais il ressort des dispositions de l’article L121-17 précité que le professionnel supporte la charge de la preuve du respect de l’information sur le droit de rétractation et son délai.

A défaut pour le vendeur ou son liquidateur de justifier que cette information a été délivrée, les époux [W] bénéficient du délai de rétractation le plus long prévu par les dispositions des articles L121-21 et L 121-21-1, soit 12 mois à compter de la livraison du bien. Celui-ci ayant été livré le 25 juin 2015, le délai de rétractation a expiré le 10 juillet 2016. Il s’ensuit que la rétractation du 17 décembre 2015 a été envoyée au vendeur en temps utile.

Sur la lettre de rétractation’:

Il résulte des dispositions de l’article 1986 du code civil que le mandat est gratuit s’il n’y a convention contraire.

Il appartient à celui qui se prévaut du caractère onéreux du mandat d’en rapporter la preuve.

Monsieur et Madame [W] justifient d’avoir donné un mandat de représentation au cabinet CS Consultant, [Y] [N] pour’:

-rédiger toute correspondance utile à la défense de leurs intérêts en particulier dans le cadre du litige photovolatïque’;

-les représenter, agir et transiger devant toute institution, organisme de crédit et sociétés diverses’;

-dans le cadre juridique, fournir à l’avocat constitué tout document ou information utiles pour la préparation du dossier et la défense de leurs intérêts.

Le cabinet CS Consultant a adressé le 17 décembre 2015 aux sociétés Expert Solution Energie et Sygma Banque une lettre de rétractation en sa qualité de mandataire du Groupement des Particuliers Producteurs d’Electricité Photovoltaïque (GPPEP) et en particulier pour leurs adhérents Monsieur [O] [W] et Madame [T] [W].

Pour démontrer que la lettre de rétractation est privée de tout effet, son signataire exerçant illégalement une activité réglementée, la société BNP Paribas se prévaut des dispositions de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971 qui en ses articles 54 et suivants définit quelles personnes physiques ou morales ont le pouvoir de donner des consultations juridiques ou rédiger des actes sous seing privé pour autrui, à titre habituel et rémunéré. Elle verse aux débats une copie de la page Facebook de [Y] [N] où cette personne’, dans le cadre d’un litige avec le GPPEP et l’avocate du groupement évoque ses compétences juridiques, l’importance de son volume d’affaires et la cession à un avocat de dossiers «’couvrant le grand secteur sud-est’»

Mais les qualités et activités dont [Y] [N] se prévaut sur un réseau social, sans référence au mandat donné par les époux [W], ne sont pas suffisantes à rapporter la preuve que ce mandat donné au cabinet CS Consultant-[Y] [N], est un contrat à titre onéreux.

Par voie de conséquence, la preuve que la lettre de rétractation du 17 décembre 2015 est signée dans le cadre de l’exercice illégal d’une activité réglementée n’est pas rapportée.

Il en résulte que le moyen opposé par la banque est inopérant à priver de ses effets la lettre de rétractation du 17 décembre 2015.

Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu’il a débouté les époux [W] de leurs demandes de résolution et d’annulation du contrat principal. La rétractation ayant pour effet de rendre le contrat caduc, la caducité sera constatée, ce qui rend sans objet la demande d’annulation.

Sur les conséquences de la rétractation’:

En application des dispositions de l’article L311-38 du code de la consommation dans sa rédaction applicable à la date du contrat, lorsque le consommateur exerce son droit de rétractation du contrat de vente ou de fourniture de prestations de services, le contrat de crédit destiné à en assurer le financement est résilié de plein droit sans frais ni indemnité, à l’exception éventuellement des frais engagés pour l’ouverture du dossier de crédit..

M. et Mme [W] auant exercé le droit de rétractation, le jugement entrepris sera infirmé en ce qu’il les a déboutés de leur demande de résolution du contrat de crédit et la résiliation de ce crédit sera constatée. Cette résiliation a pour effet de rendre sans objet la demande d’annulation de ce contrat et de priver la société BNP Paribas de tout droit à recouvrer d’autres sommes que le capital de 20 000 euros, la question de la déchéance de la banque du droit aux intérêts étant elle aussi sans objet. La seule question restant à trancher est celle de la restitution du capital emprunté par les époux [W].

L’anéantissement des contrats, entraîne la remise des parties dans leur état antérieur. Concernant le contrat de vente, les époux [W] ne peuvent récupérer le prix de vente auprès du vendeur en liquidation judiciaire, le liquidateur n’ayant au demeurant formé aucune demande tendant à la restitution du matériel.

S’agissant du contrat de crédit, les époux [W] doivent restituer le capital emprunter sauf a rapporter la preuve que la banque est déchue de ce ce droit.

Sur la faute de la banque:

Moyen des parties:

Les époux [W] soutiennent que la banque a commis des fautes qui entrainent sa déchéance du droit à restitution du capital emprunté.

La société BNP Paribas répond que le capital prêté doit lui être restitué sans qu’aucune faute puisse lui être opposée.

Réponse de la cour:

La société Sygma Banque, professionnelle avisée qui a proposé une offre de crédit destinée à financer une installation de matériel et pour laquelle elle a donné mandat au vendeur de faire signer à l’acheteur/emprunteur l’acceptation, devait avant de débloquer les fonds, vérifier la régularité de l’opération financée au regard des dispositions d’ordre public du code de la consommation sur la régularité formelle du contrat principal,et s’assurer que ses clients avaient reçu le document d’information pré-contractuel, afin le cas échéant, de les avertir qu’ils s’engageaient dans une relation pouvant leur être préjudiciable. Elle devait aussi vérifier que l’intégralité de la prestation avait été accomplie. La société BNP Paribas, qui vient à ses droits ne peut soutenir utilement que la banque n’est tenue d’aucun devoir de conseil au regard de la régularité de la commande ou de la vérification de la complète exécution du contrat principal.

Les fonds ont été débloqués le 25 juin 2015 sur la foi d’un certificat de livraison de bien ou de fourniture de services.

D’une part, la société BNP Paribas ne justifie ni même n’allègue qu’elle s’est assurée avant de débloquer les fonds que l’information préalable au contrat principal avait été délivrée aux époux [W]. Elle a ainsi manqué à son obligation de conseil .

D’autre part, il résulte des dispositions de l’article L311-31 du code de la consommation dans leur version en vigueur du 1er mai 2011 au 1er juillet 2016 que les obligations de l’emprunteur ne prennent effet qu’à compter de la livraison du bien ou de la fourniture de la prestation’. Le bon de commande du 2 juin 2015 précise que la prestation de la société Expert Solution Energie comprend, à sa charge, le raccordement de l’installation au réseau EDF. La société Sygma Banque ne pouvait se méprendre sur la nature de l’opération qu’elle finançait et sur la consistance des prestations qui en découlaient ainsi que les délais de réalisation qu’elles nécessitaient.

Le certificat de livraison du 25 juin 2015 qui se borne à mentionner sur une formule préimprimé que «’la livraison du bien et/ou la fourniture de service au client emprunteur (…) a été réalisée (ont été réalisées) conformément à la commande de ce dernier’» manquait de précision et de crédibilité, s’agissant d’un contrat destiné à financer la fourniture et l’installation de capteurs photovoltaïques. L’autorisation de verser les fonds en une seule fois entre les mains du vendeur, cosignée par l’emprunteur ne délivrait pas le prêteur de son obligation de vérifier l’exécution complète du contrat pour lequel le crédit avait été sollicité. Le déblocage des fonds sur la seule foi de ce certificat caractérise une faute de l’établissement de crédit.

Sur la sanction des fautes de la banque’:

La Banque BNP Paribas soutient qu’à supposer qu’un un préjudice soit retenus,le lien de causalité entre la faute et le préjudice n’est pas démontré.

Réponse de la cour:

Les fautes pouvant être retenues à l’encontre de la banque ne dispensent pas ipso facto l’emprunteur de son obligation de rembourser le capital à la suite de l’annulation, et il doit justifier avoir subi un préjudice né et actuel en lien avec cette faute

Monsieur et Madame [W] exposent dans leurs conclusions qu’après la livraison du bien le 25 juin 2015, ils se sont opposés au raccordement de l’installation et se sont rétractés car le contrat ne fait état d’aucune perspective sur une production, et qu’après avoir pris connaissance du maximum théorique de rentabilité sur 20 ans, le placement financier leur est apparu désastreux.

Contrairement à ce que soutiennent les époux [W], la commande comprend une simulation de la production qui est de 5 850 kwh la première année. Mais surtout, cette simulation précise qu’elle fournie à titre indicatif et qu’elle n’engage pas le vendeur sur le chiffre indiqué («’ne revêt aucun caractère contractuel’»’). Ni le vendeur, ni la banque qui n’a pas à s’immiscer dans l’opportunité de l’achat, ne se sont engagés sur la rentabilité d’un placement.Les époux [W] qui avancent une puissance de 2,750kwh, ne rapportent pas la preuve que le bien livré ne correspondait pas à celui commandé. Ainsi, ce n’est que de leur fait si l’installation n’est pas fonctionnelle.

Le seul préjudice résultant des fautes commises par la banque dans le déblocage des fonds consiste en l’impossibilité pour les emprunteurs de récupérer le prix payé auprès de la société Expert Solution Energie du fait de la déconfiture de cette dernière, alors que la restitution du prix contre restitution du matériel aurait dû être la conséquence normale de la rétractation du contrat principal.

Au regard de tous éléments ci-dessus rapportés, ce préjudice n’est pas équivalent à la totalité du capital emprunté. Monsieur et Mme [W] seront condamnés à payer à la société BNP Paribas la somme de 19 000 euros au titre de sa créance de restitution, sous déduction des sommes versées par eux au titre du remboursement de l’emprunt. La société BNP Paribas sera déboutée du surplus de ses demandes en paiement.

La condamnation a restitution du capital sous déduction de la partie imputable à la faute de la banque étant prononcée, la demande des époux [W] tendant à voir dire que le matériel est a disposition du liquidateur pendant trois mois est sans objet.

Sur la radiation de l’inscription des époux [W] au fichier FICP/Banque de France

Il résulte des dispositions de l’article L752-1 du code de la consommation que les informations relatives aux incidents de paiement sont radiées immédiatement à la réception de la déclaration de paiement intégral des sommes dues effectuées par l’entreprise à l’origine de l’inscription au fichier.

Au regard de ce qui précède, le contrat de crédit étant résilié, mais la société BNP Paribas étant toujours titulaire d’une créance à l’encontre de M. et Mme [W], il convient de confirmer la décision déférée en ce qu’elle n’a pas fait droit à cette demande.

Sur la demande des époux [W] au titre de la résistance abusive’:

Monsieur et Madame [W] ne démontrent pas que c’est par une intention de nuire que la société BNP Paribas a présenté sa demande en paiement et c’est opposée à leurs prétentions. Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il les a déboutés de leur demande indemnitaire.

Sur le recours en garantie de la société BNP Paribas contre la société Expert Solution Energie’:

Aux termes de l’article L622-21 du code de commerce: ‘le jugement d’ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n’est pas mentionnée au I de l’article L622-17 et tendant:

1° A la condamnation du débiteur au paiement d’une somme d’argent(…)’

Aux termes de l’article L622-22 du même code : ‘(…) les instances en cours sont interrompues jusqu’à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance. Elles sont alors reprises de plein droit, le mandataire judiciaire et le cas échant l’administrateur ou le commissaire à l’exécution nommé en application de l’article L 626-25 dûment appelés, mais tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant.’

La société Expert Solution Energie a fait l’objet d’une procèdure de liquidation judiciaire par jugement du 7 juillet 2021, postérieurement à la demande de la société BNP Paribas .

Le recours en garantie est une demande en paiement.

En application des dispositions précitées, à défaut de déclaration de créance, cette demande est interrompue.

Sans qu’il y ait lieu de rouvrir les débats dès lors que le liquidateur a été appelé en la cause et que, en tout état de cause, la société BNP Paribas ne justifie pas de sa déclaration de créance et ne forme pas sa demande à l’encontre de liquidation, il convient de constater l’interruption de l’instance pour cette demande.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt réputé contradictoire ;

Reçoit l’intervention forcée de la Selarl Athéna en qualité de liquidateur de la SAS Expert Solution Energie ;

Confirme le jugement entrepris en ce qu’il a :

-débouté M. et Mme [W] de leur demande indemnitaire de 5 000 euros ;

-débouté M. et Mme [W] de leur demande de radiation de leur inscription au registre FICP/Banque de France ;

Infirme le jugement entrepris pour le surplus de ses dispositions ;

Statuant à nouveau :

Dit que Monsieur et Mme [W] se sont rétractés du contrat de fourniture et de pose d’une installation photovoltaïques conclu le 2 juin 2015 avec la société Expert Solution Energie et constate la caducité de ce contrat ;

Déclare sans objet les demandes d’annulation de ce contrat ;

Constate la résiliation du contrat de crédit affecté au contrat principal et conclu par M. et Mme [W] avec la société Sygma Banque le 2 juin 2015 ;

Déclare sans objet la demande de déchéance de la banque du droit aux intérêts du crédit en l’absence de prérogative du démarcheur en violation des dispositions d’ordre public du code de la consommation ;

Condamne M. et Mme [W] à payer à la société BNP Paribas Personal Finance la somme de 19 000 euros au titre de sa créance sur le capital emprunté ;

Déboute la société BNP Paribas Personal Finance du surplus de ses demandes en paiement au titre du contrat de crédit affecté conclu par M. et Mme [W] avec la société Sygma Banque le 2 juin 2015 ;

Y ajoutant ;

Déclare sans objet la demande de M. et Mme [W] tendant à voir dire que le matériel est à disposition du liquidateur pendant trois mois ;

Constate l’interruption de l’instance pour le recours en garantie de la société BNP Paribas Finance contre la société Expert Energie Solution ;

Condamne la société BNP Paribas Personal Finance aux dépens de première instance et d’appel ;

Condamne la société BNP Paribas Personal Finance à verser à Monsieur et Madame [W] la somme de 2 000 euros au titre de leurs frais irrépétibles de première instance et d’appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

 


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