Droit de rétractation : Décision du 15 septembre 2022 Cour d’appel de Nîmes RG n° 21/00929

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Droit de rétractation : Décision du 15 septembre 2022 Cour d’appel de Nîmes RG n° 21/00929

ARRÊT N°

N° RG 21/00929 – N��Portalis DBVH-V-B7F-H7AT

MPF-AB

TRIBUNAL DE PROXIMITE D’UZES

19 janvier 2021 RG:11-19-0004

[O]

C/

S.A.S. ISOWATT

S.A. BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE

Grosse délivrée

le 15/09/2022

à Me Laïla NAJJARI

à Me Cynthia GALLI

à Me Laure REINHARD

COUR D’APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

1ère chambre

ARRÊT DU 15 SEPTEMBRE 2022

APPELANTE :

Madame [W] [O]

née le 02 Mars 1959 à [Localité 7]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Laïla NAJJARI, Postulant, avocat au barreau de CARPENTRAS

Représentée par Me Fernando MANES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉES :

S.A.S. ISOWATT

Prise en la personne de son représentant en exercice audit siège

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Cynthia GALLI, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représentée par Me Morgane LUSSIANA, Plaidant, avocat au barreau de LYON

S.A. BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE

SA au capital de 546 601 552,00 € immatriculée au RCS de PARIS sous le n° 542 097 902, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège, Venant aux droits de la SYGMA BANQUE suite à fusions absorptions

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentée par Me Laure REINHARD de la SCP RD AVOCATS & ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NIMES

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente de chambre, et Mme Elisabeth TOULOUSE, Conseillère, ont entendu les plaidoiries en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en ont rendu compte à la cour dans son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente de chambre

Mme Elisabeth TOULOUSE, Conseillère

Mme Séverine LEGER, Conseillère

GREFFIER :

Audrey BACHIMONT, Greffière, lors des débats, et Nadège RODRIGUES, Greffière, lors du prononcé,

DÉBATS :

À l’audience publique du 31 Mai 2022, où l’affaire a été mise en délibéré au 28 Juillet 2022, et prorogé au 15 Septembre 2022,

Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel ;

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente de chambre, le 15 Septembre 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour

EXPOSE DU LITIGE:

[W] [O] veuve [Y] a signé le 14 août 2014 un bon de commande aux termes duquel elle s’est portée acquéreur auprès de la société Isowatt d’une installation centrale photovoltaïque comprenant 17 panneaux d’une puissance globale de 4 250 Wc au prix de 21 900 euros. Cette acquisition a été intégralement financée par un contrat de crédit affecté signé le 17 septembre 2014 auprès de Sygma Banque, aux droits de laquelle vient la société Bnp Paribas Personal Finance.

Le matériel a été installé en novembre 2014 et mis en service le 16 avril 2015.

Constatant que les revenus énergétiques n’étaient pas ceux escomptés eu égard aux frais engagés, et qu’elle ne pourrait pas rentabiliser son investissement avant une vingtaine d’années, par actes du 26 juillet 2019, elle a assigné la société Isowatt et la société Bnp Paribas Personal Finance devant le tribunal d’instance d’Uzès aux fins d’obtenir l’annulation des contrats et le remboursement des sommes versées outre la réparation de son préjudice.

Par jugement contradictoire du 19 janvier 2021, le tribunal de proximité d’Uzès a :

– confirmé l’application du droit de la consommation aux contrats conclus par [W] [O] veuve [Y] avec la société Isowatt, d’une part, et avec la société Bnp Paribas Personal Finance, d’autre part ;

– débouté [W] [O] veuve [Y] de l’ensemble de ses demandes ;

– rejeté les exceptions et demandes reconventionnelles soulevées par la société Bnp Paribas Personal Finance et la société Isowatt ;

– condamné [W] [O] veuve [Y] à verser à la société Isowatt la somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du [W] de procédure civile ;

– condamné [W] [O] veuve [Y] à verser à la société Bnp Paribas Personal Finance la somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Le premier juge a constaté que le document contractuel signé par la requérante ne faisait apparaître aucun manquement aux mentions obligatoires légalement prévues et que l’information erronée sur le délai de rétractation n’était pas de nature à entraîner la nullité du contrat. Le dol n’a pas été retenu faute pour [W] [O] de parvenir à démontrer que la société Isowatt avait exercé des manoeuvres destinées à surprendre son consentement.

Selon le tribunal, la demanderesse n’est pas davantage fondée à soutenir une absence de cause alors qu’elle a signé un contrat visant à obtenir l’installation de panneaux photovoltaïques pour un prix déterminé.

Le premier juge a aussi estimé que la responsabilité de la société Bnp Paribas Personal Finance n’était pas engagée à l’égard de l’emprunteuse en l’absence de faute de sa part lors de la libération des fonds: le contrat principal n’était pas nul, les capacités financières déclarées par l’emprunteur ont été dûment vérifiées et au regard de ses facultés contributives le crédit n’était pas excessif, les fonds n’ont pas été libérés avant l’achèvement de l’installation de la centrale photovoltaïque telle que contractuellement prévue entre Mme [O] veuve [Y] et la société Isowatt.

Par déclaration du 5 mars 2021, [W] [O] a interjeté appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées par RPVA le 27 octobre 2021, l’appelante demande à la cour d’infirmer le jugement déféré et, statuant à nouveau,

– prononcer l’annulation du contrat de vente la liant à la société Isowatt;

– prononcer l’annulation du contrat de crédit affecté la liant à la société Bnp Paribas Personal Finance venant aux droits de Sygma ;

En conséquence,

– ordonner le remboursement par la société Bnp Paribas Personal Finance venant aux droits de Sygma Banque, des sommes qui lui ont été versées par elle, à savoir la somme de 21 121,55 euros, et ce jusqu’au jour du jugement à intervenir, outre les mensualités postérieures acquittées, avec intérêt à taux légal ;

– condamner la société Isowatt à rembourser, à la banque, la somme de 21 900 euros, correspondant au montant de l’installation ;

A titre subsidiaire,

– condamner la société Bnp Paribas Personal Finance venant aux droits de Sygma à lui verser la somme de 22 000 euros, à titre de dommage et intérêts, du fait de la négligence fautive de la banque,

En tout état de cause,

– condamner solidairement la société Bnp Paribas Personal Finance venant aux droits de Sygma Banque, et la société Isowatt à lui verser la somme de :

-4 000 euros au titre de son préjudice financier et du trouble de jouissance,

-3 000 euros au titre de son préjudice moral ;

-7 147,25 euros au titre du devis de désinstallation, sauf à parfaire ;

A titre subsidiaire,

– ordonner à la société Isowatt et à la société Bnp Paribas Personal Finance, que soit effectuée à leur charge, la dépose des panneaux et la remise en état de la toiture de son habitation, dans les deux mois de la signification de la décision à intervenir ;

– déclarer que passé ce délai de deux mois, de la signification du jugement, si la société Isowatt et la société Bnp Paribas Personal Finance n’ont pas effectué à leur charge, la dépose des panneaux et la remise en état de la toiture de l’habitation, elle pourra en disposer comme bon lui semblera ;

En tout état de cause,

– condamner solidairement la société Bnp Paribas Personal Finance venant aux droits de Sygma Banque, et la société Isowatt à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner solidairement la société Bnp Paribas Personal Finance venant aux droits de Sygma Banque, et la société Isowatt au paiement des entiers dépens.

L’appelante fait essentiellement valoir que le contrat conclu avec la société Isowatt n’est pas conforme aux dispositions des articles L. 111-1 et L. 121-17, de nombreuses mentions obligatoires ne figurant pas sur le bon de commande. Le vendeur aurait selon elle usé de manoeuvres dolosives avérées et manqué à ses obligations d’information: elle en conclut que le contrat principal doit être annulé. S’agissant du contrat de crédit affecté, elle considère que sa nullité découle de la nullité du contrat principal, étant rappelé qu’en vertu de l’article L. 311-1 9° du code de la consommation, les deux contrats constituent une opération commerciale unique. Mme [O] reproche à la banque d’avoir commis des fautes pour avoir octroyé un crédit accessoire d’un contrat nul et débloqué l’intégralité des fonds entre les mains de l’installateur sans avoir au préalable demandé des explications et obtenu des réponses de la part d’Isowatt, ces fautes étant de nature à établir sa responsabilité.

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées par voie électronique le 28 mars 2022, la société Isowatt demande à la cour de :

In limine litis,

– juger le droit de la consommation applicable à l’ensemble contractuel;

Au principal, confirmer le jugement entrepris sauf en ce qu’elle a été déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive et, statuant à nouveau sur ce point, condamner Mme [O] veuve [Y] à lui payer la somme de 500 euros.

A titre reconventionnel, si la cour jugeait nul le contrat en litige au regard des mentions légales d’ordre public,

– juger que les consorts [Y] ont confirmé le contrat du 14 août 2014,

A titre subsidiaire,

Si la cour faisait droit aux demandes de Mme [O] veuve [Y] et entrait en voie de condamnation,

– constater la faute commise la société Bnp Paribas Personal Finance dans la délivrance des fonds;

– juger la société Bnp Paribas Personal Finance privée de son droit à restitution envers elle ;

– juger privée de toutes relèves et garanties la société Bnp Paribas Personal Finance par elle ;

– débouter la société Bnp Paribas Personal Finance de ses demandes dirigées contre elle ;

– subordonner le retrait des panneaux photovoltaïques à la justification par Mme [O] veuve [Y] de l’avis favorable de la mairie post déclaration préalable ;

– condamner Mme [O] veuve [Y] à procéder à ladite déclaration préalable ;

– juger qu’elle procédera au retrait des panneaux photovoltaïques et remise en état de la toiture sur justification par Mme [O] veuve [Y] de l’avis favorable de la mairie post déclaration préalable ;

En toute hypothèse,

– condamner Mme [O] veuve [Y], ou qui mieux le devra, au paiement de la somme de 3 500 euros en application de l’article 700 du [W] de procédure civile ;

– condamner la même aux entiers dépens.

La société Isowatt soutient que le contrat de vente du 14 août 2014 ne peut être déclaré nul, dans la mesure où celui-ci contient toutes les mentions légales d’ordre public et que Mme [O] veuve [Y] échoue à rapporter la preuve d’un élément matériel et d’un élément intentionnel démontrant qu’un dol aurait vicié son consentement. Elle précise sur ce point qu’elle n’a commis aucune faute dans l’exécution du contrat en litige et a honoré ses obligations en résultant, aucune preuve contraire n’étant rapportée.

Dans le cas où la cour jugerait nul le contrat en litige au regard des mentions légales d’ordre public, elle souligne que les consorts [Y] avaient connaissance des omissions des mentions légales d’ordre public dès le 14 août 2014 et que, malgré leur connaissance desdites omissions, ils ont ratifié l’acte nul par leur consentement.

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées par voie électronique le 18 novembre 2021, la société Bnp Paribas Personal Finance demande à la cour de :

– infirmer la décision entreprise en ce que le tribunal a jugé que les dispositions du code de la consommation avaient bien vocation à s’appliquer ;

Statuant à nouveau,

– juger que les contrats, de par leur objet, ne sont pas soumis aux dispositions du code de la consommation ;

Par conséquent,

– débouter Mme [Y] de toute demande sur le fondement de ses dispositions ;

Subsidiairement, en cas d’application des dispositions du code de la consommation,

– confirmer la décision entreprise ;

– déclarer irrecevable la demande tentant à voir le prêteur déchu de son droit aux intérêts conventionnels ;

– à tout le moins, la déclarer mal fondée ;

Par conséquent,

– débouter Mme [O] veuve [Y] de cette demande ;

Plus subsidiairement, dans le cas où la cour prononcerait l’annulation des contrats,

– juger qu’elle conservera le bénéfice du montant du capital prêté remboursé par anticipation ;

– juger qu’elle devra restituer à Mme [Y] les sommes versées (exception faite du montant du capital prêté), après justification de sa part, de la résiliation du contrat conclu avec EDF, de la restitution à EDF des sommes perçues au titre de la revente d’électricité et au Trésor Public des crédits d’impôt perçus ;

– débouter Mme [Y] de toute autre demande ;

– condamner la société Isowatt à la garantir du remboursement du montant du capital prêté, à hauteur de 21 900 euros ;

En tout état de cause,

– condamner la partie succombant à lui porter et payer une indemnité à hauteur de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens d’instance;

L’intimée expose que le contrat est régulier car il contient l’intégralité des mentions prévues par le code de la consommation et précise que la sanction applicable en cas d’erreur concernant les informations fournies au titre du droit de rétractation, lesquelles faisaient état en l’espèce des modalités anciennes d’exercice de ce droit, n’est pas l’annulation du contrat mais la prorogation du délai de rétractation de 12 mois, à compter de son terme initial, délai en l’occurrence écoulé. De plus, elle indique que les consorts [Y] ont, par l’ensemble de leurs actes positifs, démontré leur volonté de renoncer à se prévaloir des éventuelles irrégularités du bon de commande, sanctionnées par la nullité, ce en connaissance de cause.

La banque ajoute que Mme [O] veuve [Y] échoue à démontrer l’existence d’un dol et ne peut prétendre que l’absence de mentions obligatoires au bon de commande suffirait à elle seule à établir une réticence dolosive, dès lors qu’il a été démontré que le bon de commande était régulier et que le seul manquement à une obligation essentielle d’information n’est pas, à lui seul, de nature à démontrer l’existence d’un dol.

L’intimée soutient, pour le cas où la cour prononcerait l’annulation des contrats, qu’elle n’a commis aucune faute, et que Mme [Y] ne justifie pas de l’existence d’un préjudice et d’un lien de causalité en rapport avec cette faute de telle sorte qu’elle conservera le bénéfice du montant du capital prêté remboursé par anticipation, la société Isowatt devant être condamnée à la garantir du remboursement du montant du capital prêté à hauteur de 21 900 euros.

Par avis du 18 mars 2022, l’affaire, initialement fixée à l’audience du 12 avril 2022, a été déplacée à l’audience du 31 mai 2022. L’ordonnance de clôture est intervenue le 29 mars 2022.

MOTIFS:

Sur l’annulation du contrat de vente et celle du contrat de crédit affecté:

sur la conformité du bon de commande signé le 14 août 2014 aux dispositions de l’article L 111-1 du code de la consommation:

Le bon de commande, dans la partie intitulée «  désignation », est rédigé de la manière suivante: «  Kit photovoltaïque de 4,25 kwc intégré au bâti + onduleur +coffret AC/PC ‘ 17 panneaux rendement de 80% garanti sur 25 ans, pack administratif + consuel + forfait pose + main d’oeuvre ».

D’après l’appelante, le bon de commande n’est pas conforme aux dispositions de l’article L 111-1 du code de la consommation dans sa version applicable aux faits de l’espèce car les caractéristiques essentielles du bien ou du service fourni ne sont pas communiquées au consommateur : ni la marque ni les références des panneaux et de l’onduleur ne sont mentionnés pas plus que leur poids, leur dimension, leur couleur, le type de cellule, la performance. Elle relève que la désignation des produits vendus, plus que sommaire, ne lui a pas permis de connaître les qualités et les défauts et de les comparer à des produits similaires.

Le premier juge a écarté l’argumentation de [W] [O] au motif que la marque du matériel ‘ Clipsol GDF Suez- apparaissait sur le bon de commande et que la quantité, la puissance, la durée de garantie et les services inclus dans le prix y étaient énoncés sans ambiguïté par le vendeur.

La banque relève que la marque CLIPSOL du kit photovoltaïque, si elle est absente de la mention manuscrite, apparaît cependant dans l’entête du bon de commande.

La société Isowatt estime que le bon de commande respecte en tous points le formalisme imposé par l’article L 111-1 du code de la consommation de leur version applicable aux faits de l’espèce. Elle fait observer à la cour que si la loi exige la désignation précise du bien ou du service objet du contrat, elle n’exige pas l’indication de sa marque et que les éléments dont l’absence est déplorée par l’appelante ( dimension, poids, couleur…) ne sont pas des caractéristiques essentielles et déterminantes.

L’article L. 111-1 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable au présent litige, dispose :

« Avant que le consommateur ne soit lié par un contrat de vente de biens ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :

1/ les caractéristiques essentielles du bien ou du service, compte tenu du support de communication utilisé et du bien ou service concerné… »

Contrairement à ce que soutiennent les intimées, le bon de commande ne précise ni la marque ni le modèle des panneaux et de l’onduleur achetés alors qu’il s’agit de caractéristiques essentielles permettant à l’acquéreur de connaître l’origine, la fiabilité et la sécurité des panneaux et de l’onduleur achetés.

En effet, la marque et le modèle de matériels de haute technologie, tels les panneaux photovoltaïques et les onduleurs, sont déterminants pour éclairer le choix du consommateur car les matériaux utilisés, leurs qualités, le sérieux de leur fabrication, à caractéristiques équivalentes, varient considérablement d’une marque à l’autre.

Dans le bon de commande signé le 14 août 2014, la marque de l’onduleur est absente et celle des panneaux n’y figure pas de manière lisible et compréhensible comme l’exige la disposition légale susvisée: en effet, au lieu de figurer dans la mention manuscrite descriptive des produits vendus, la dénomination «  Clipsol » ne figure que dans l’en-tête du bon de commande, juste au-dessus de la désignation du vendeur, « Société ISOWATT » et n’apparaît qu’en filigrane en lettres capitales préimprimées dans le fond du paragraphe intitulé «  désignation », une telle présentation ne permettant pas aux intimés d’affirmer sérieusement que la marque des panneaux solaires a été communiquée de manière lisible et compréhensible au consommateur.

En ce qui concerne le délai d’exécution, l’article L 111-1 du code de la consommation applicable aux faits de l’espèce dispose: « 3/ en l’absence d’exécution immédiate du contrat, la date de la livraison ou le délai auquel le professionnel s’engage à livrer le bien ou à exécuter le service ; »

La mention du délai de livraison suivant: «  octobre 2014 » dans le bon de commande litigieux est insuffisamment précise compte-tenu de la complexité de l’opération. En effet, le vendeur s’est obligé non seulement à fournir des panneaux solaires mais aussi à les installer et à effectuer les démarches administratives ( déclaration de travaux, Consuel). Or, la seule mention: «  Octobre 2014 » ne distingue pas entre le délai de pose des panneaux et celui de la réalisation des prestations à caractère administratif, un tel délai global ne permettant pas à l’acquéreur de déterminer de manière suffisamment précise quand le vendeur aura exécuté ses différentes obligations.

En revanche, les mentions relatives au prix sont conformes à la disposition légale précitée, laquelle n’impose pas au vendeur d’indiquer le prix unitaire de chaque bien et service fourni: l’indication du prix global de 21 900 euros est donc conforme aux dispositions de l’article L111-1 4/ du code de la consommation.

Sur la confirmation du bon de commande:

Les intimées font valoir qu’en toute connaissance des irrégularités affectant le bon de commande, l’appelante a accepté que le contrat soit exécuté dans son intégralité: le matériel a été installé puis mis en service, il a fonctionné normalement et elle s’est acquittée de toutes les échéances du crédit destiné à le financer.

L’appelante soutient qu’elle n’avait pas connaissance des vices affectant le bon de commande de sorte que l’exécution du contrat ne saurait être interprétée comme la manifestation de sa volonté de renoncer à s’en prévaloir.

Les conditions générales figurant au verso du bon de commande se bornent à reprendre les dispositions de l’article L. 121-23, L 121-24, L 121-25 et L L21-26 du code de la consommation, lesquelles n’étaient plus applicables le 14 août 2014, date à laquelle le bon de commande litigieux a été signé. Les dispositions de l’article L 111-1 du code de la consommation lequel détaille le contenu précis des informations précontractuelles que le vendeur est tenu de communiquer à l’acheteur ne sont par ailleurs pas reproduites dans le bon de commande signé par l’appelante. Les dispositions légales telles que reproduites dans les conditions générales de vente étaient donc insuffisantes à révéler à [W] [O] les vices de forme affectant ce bon de commande de sorte que l’exécution intégrale du contrat ne saurait être interprétée comme une volonté dénuée d’équivoque de renoncer à se prévaloir de sa nullité.

Le jugement sera donc infirmé et la nullité du contrat principal et celle, subséquente, du contrat de crédit affecté, sera prononcée sur le fondement de l’article L 311-32 du code de la consommation sans qu’il soit nécessaire d’examiner le moyen tiré de l’irrégularité du bordereau de rétractation, ni le moyen tiré de l’allégation d’un dol fondé sur la publicité mensongère d’un partenariat avec EDF.

En conséquence de l’annulation du contrat principal, la société ISOWATT sera condamnée à restituer à [W] [O] le prix de l’installation, soit la somme 21 900 euros, et [W] [O] sera condamnée à restituer à la société ISOWATT l’installation photovoltaïque.

L’appelante est en droit en conséquence de l’annulation de la vente de demander que les frais de dépose des panneaux et de remise en état de la toiture de sa maison soient mis à la charge de la société Isowatt. Elle produit un devis permettant d’évaluer le montant desdits frais à la somme de 7000 euros. La banque ne saurait en revanche être tenue d’assumer lesdits frais consécutifs à l’annulation de la vente à laquelle elle n’était pas partie.

En conséquence de l’annulation du contrat de crédit affecté, la banque sera condamnée à restituer à [W] [O] la somme de 27 121,55 euros correspondant aux échéances du crédit réglées par l’emprunteuse ( 31 mensualités de 185,34 euros chacune outre un remboursement anticipé de 21 376,01 euros). [W] [O] sera condamnée à rembourser à la banque la somme de 21 900 euros au titre du capital prêté.

Les restitutions réciproques par les parties étant un effet attaché de droit à l’annulation du contrat de crédit, il n’y a pas lieu de les soumettre à l’accomplissement d’une condition. La banque sera donc déboutée de sa demande tendant à subordonner son obligation de restitution des échéances réglées par l’emprunteur à la justification du remboursement par ce dernier du crédit d’impôt à l’administration fiscale et des revenus provenant de la revente d’électricité à ERDF.

Sur la responsabilité de la banque:

Sur les fautes commises lors du déblocage des fonds:

L’appelante demande à la cour de condamner la banque à lui payer la somme de 22 000 euros à titre de dommages-intérêts. Elle reproche à la banque Sygma, aux droits de laquelle vient la BNP Paribas Personal Finance, d’avoir commis une double faute, celle de ne pas s’être assurée avant de libérer les fonds de la conformité du contrat de vente au formalisme imposé par le code de la consommation et celle d’avoir versé prématurément les fonds au vendeur le 26 novembre 2014 alors que l’installation n’était pas encore raccordée au réseau, le raccordement n’étant intervenu que le 16 avril 2015, soit cinq mois plus tard.

Le tribunal ayant écarté la nullité du contrat n’a pas retenu la première faute et considéré que la banque n’avait pas débloqué prématurément les fonds au vu d’une attestation de la société Isowatt certifiant le 24 novembre 2014 qu’elle avait réalisé la livraison du matériel et la fourniture des prestations au domicile de l’acheteur, attestation signée par [W] [O]. Le premier juge a ajouté que le raccordement au réseau n’était pas une prestation contractuellement confiée à la société Isowatt par l’appelante.

La banque conteste avoir commis les fautes alléguées par l’appelante et conclut à la confirmation du jugement. Elle fait valoir l’absence de tout préjudice en lien causal avec les fautes reprochées.

La cour relève que même à le supposer fautif, le déblocage des fonds prêtés n’a causé aucun préjudice à l’appelante.

En effet, depuis sa mise en service le 16 avril 2016, l’installation photovoltaïque payée au vendeur a toujours fonctionné. [W] [O] ne déplore d’ailleurs aucun défaut technique mais un décalage important entre le coût total de l’installation et les revenus procurés, source d’une rentabilité particulièrement faible et d’un préjudice économique sans rapport de causalité avec le déblocage des fonds par la banque. Elle peut par ailleurs obtenir de la société Isowatt in bonis la restitution du prix de vente de sorte que le déblocage des fonds n’a entraîné en lui-même aucune conséquence dommageable.

L’appelante sera donc déboutée de sa demande tendant à la réparation du préjudice découlant du déblocage fautif des fonds qu’elle évalue à la somme de 22 000 euros.

Sur les manquements du prêteur à ses obligations d’information de l’emprunteur:

Selon l’appelante, la banque était tenue à une obligation de conseil et de mise en garde à son égard: contractante profane, elle devait être éclairée sur le caractère illusoire des rendements promis et sur le caractère ruineux de l’installation achetée par rapport à son budget.

L’appelante fait valoir par ailleurs qu’elle a été contrainte de faire racheter le crédit en raison de son taux d’intérêt exorbitant, que les revenus procurés par la revente de l’électricité ne suffisent pas à rembourser le crédit, qu’elle supporte depuis plusieurs années une installation aussi inesthétique qu’inutile. Sans les manquements de la banque à ses obligations, elle n’aurait jamais souscrit le contrat de crédit.

Ainsi que le rappelle pertinemment la BNP Paribas Personal Finance, le devoir de mise en garde d’une banque qui prête des fonds ne porte que sur les risques de l’opération de crédit elle-même et non sur ceux de l’opération financée, en l’espèce l’achat d’une centrale photovoltaïque destinée à produire de l’électricité en vue de sa revente. Elle fait valoir qu’elle a vérifié la solvabilité de [W] [O] et de son défunt mari, lesquels, percevant un revenu total de 2958 euros et supportant des charges de 320 euros, pouvaient s’acquitter du remboursement du crédit litigieux.

Sur la garantie du vendeur:

La BNP Paribas Personal Finance demande à la cour de condamner la société Isowatt dont les manquements sont à l’origine de l’annulation des contrats de la garantir du remboursement par [W] [O] du capital prêté, sur le fondement de l’article L 312-56 du code de la consommation, lequel dispose: «  si l’annulation du contrat principal survient du fait du vendeur, celui-ci peut, à la demande du prêteur, être condamné à garantir l’emprunteur du remboursement du prêt ».

Contrairement à l’argumentation soutenue par la société Isowatt, laquelle s’oppose à cette demande, la responsabilité de la banque à l’égard de l’emprunteur dans l’exécution du contrat de crédit n’a pas été retenue. Seule les irrégularités formelles du contrat principal, imputables entièrement à la société Isowatt, ont entraîné son annulation et celle subséquente du contrat accessoire.

La société Isowatt sera donc condamnée à garantir le remboursement par [W] [O] de la somme de 21 900 euros à la banque.

Sur la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive:

La société ISOWATT ne démontre pas que l’action engagée par [W] [O] laquelle a obtenu en cause d’appel l’annulation des contrats a abusé de son droit d’agir en justice: elle sera en conséquence déboutée de sa demande.

Sur l’article 700 du code de procédure civile:

Il est équitable de condamner la SAS Isowatt à payer à [W] [O] la somme de 2000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel et à la BNP Paribas Personal Finance celle de 1500 euros.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR :

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant publiquement , contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort,

Infirme le jugement en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Prononce la nullité du bon de commande conclu le 14 août 2014 entre [W] [O] et la société Isowatt,

Condamne la société ISOWATT à restituer à [W] [O] le prix de l’installation, soit la somme de 21 900 euros,

Condamne [W] [O] à restituer à la société ISOWATT l’installation photovoltaïque,

Condamne la société ISOWATT à payer à [W] [O] la somme de 7000 euros au titre du remboursement des frais de dépose du matériel et de remise en état de la toiture,

Déboute [W] [O] de sa demande aux mêmes fins dirigée contre la BNP Paribas Personal Finance,

Prononce la nullité du contrat de crédit affecté conclu le 19 septembre 2014 entre [W] [O] et la société Sygma Banque,

Condamne la BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la société Sygma Banque à restituer à [W] [O] la somme de 27 121,55 euros au titre du remboursement des échéances du crédit réglées par l’emprunteuse,

Déboute la BNP Paribas Personal Finance tendant à subordonner son obligation de restitution à l’accomplissement de conditions par [W] [O],

Condamne [W] [O] à rembourser à la banque la somme de 21 900 euros au titre du capital prêté,

Condamne la société ISOWATT à garantir le remboursement par [W] [O] de la somme de 21 900 euros à la BNP Paribas Personal Finance,

Déboute [W] [O] de sa demande d’indemnisation de préjudices dirigée contre la SA BNP Paribas Personal Finance,

Déboute la société ISOWATT de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive dirigée contre [W] [O],

Y ajoutant,

Condamne la société ISOWATT à payer à [W] [O] la somme de 2000 euros et à la BNP Paribas Personal Finance celle de 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La condamne aux dépens.

Arrêt signé par Mme FOURNIER, Présidente de chambre et par Mme RODRIGUES, Greffière.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

 


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