N° RG 20/04894 – N° Portalis DBVX-V-B7E-NEIJ
Décision du
TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de LYON
Au fond du 04 juin 2020
RG : 17/01618
ch n°1 cab 01 A
Rectifié le 02 juillet 2020
RG : 20/03477
ch n°1 cab 01 A
S.A.S. BG HORIZONS BGH
C/
[T]
[M]
[B]
S.A.S. PROGEST INVESTISSEMENTS
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE LYON
1ère chambre civile B
ARRET DU 15 Novembre 2022
APPELANTE :
La société BG HORIZONS (BGH), SAS
[Adresse 6]
[Localité 1]
Représentée par la SAS TUDELA ET ASSOCIES, avocats au barreau de LYON, toque : 1813
Assistée de la SELARL CDMF AVOCATS, avocats au barreau de GRENOBLE, toque : A103
INTIMÉS :
M. [W] [H] [T]
né le 27 Décembre 1958 à [Localité 8] (75)
[Adresse 4]
[Localité 5]
Représenté par la SELARL ALYSTREE AVOCATS, avocats au barreau de LYON, toque : 361
Assistée de Me Marie-odile PEROT-CANNAROZZO, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : 205
Mme [J] [K] [E] [M] épouse [T]
née le 01 Juillet 1957 à [Localité 9] (12)
[Adresse 4]
[Localité 5]
Représentée par la SELARL ALYSTREE AVOCATS, avocats au barreau de LYON, toque : 361
Assistée de Me Marie-odile PEROT-CANNAROZZO, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : 205
M. [C] [B]
né le 24 Octobre 1962 à [Localité 7] (42)
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représenté par la SELARL LAFFLY & ASSOCIES – LEXAVOUE LYON, avocats au barreau de LYON, toque : 938
Assisté du Cabinet LAMY LEXEL AVOCATS ASSOCIES, avocats au barreau de LYON, toque : 667
La société PROGEST INVESTISSEMENTS, SASU
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par la SELARL LAFFLY & ASSOCIES – LEXAVOUE LYON, avocats au barreau de LYON, toque : 938
Assistée du Cabinet LAMY LEXEL AVOCATS ASSOCIES, avocats au barreau de LYON, toque : 667
* * * * * *
Date de clôture de l’instruction : 16 Septembre 2021
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 23 Mai 2022
Date de mise à disposition : 06 Septembre 2022, prorogée au 08 Novembre 2022, puis prorogée au 15 Novembre 2022, les avocats dûment avisés conformément à l’article 450 dernier alinéa du code de procédure civile
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
– Olivier GOURSAUD, président
– Laurence VALETTE, conseiller
– Stéphanie LEMOINE, conseiller
assistés pendant les débats de Myriam MEUNIER, greffier
A l’audience, Stéphanie LEMOINE a fait le rapport, conformément à l’article 804 du code de procédure civile.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Olivier GOURSAUD, président, et par Elsa SANCHEZ, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * *
EXPOSÉ DE L’AFFAIRE
Selon mandat du 25 juin 2014, M. et Mme [T] ont confié à la société BG Horizons, la vente de 100% des actions de la société Aars Immo gestion, au prix de 1.183.587,80 euros.
Il a été convenu qu’en cas de réalisation de la vente, la rémunération du mandataire sera de 5% HT sur le montant du prix de cession, avec un minimum de 10.000 euros HT et que cet honoraire sera à la charge intégrale de l’acquéreur ; que ‘cet honoraire est dû et exigible dès qu’un acte sera constaté et dès la levée de la ou des conditions suspensives s’il en est expressément prévu à l’acte’ et que ‘pour le cas où le mandataire serait obligé de commencer une procédure judiciaire pour obtenir le paiement de cet honoraire, ce dernier serait augmenté forfaitairement de 20% à titre de dommages-intérêts.’
Selon offre du 15 juin 2015, M. [B], représentant d’une société en cours de constitution, a émis une offre d’acquisition de 100% des titres de la société Aars Immo gestion. L’article 5 de cette offre indique qu »il est précisé que la présente transaction a été conclue par l’entremise de la société BH Horizons-BGH (…) En conséquence, ses honoraires de négociation, forfaitisés à la somme de 55.000 euros HT, soit 66.000 euros TTC seront intégralement supportés par le cessionnaire et lui seront réglés comptant, en sus du prix de la vente, par un chèque à son ordre qui lui sera remis le jour de la signature de la vente.’.
L’offre d’acquisition a été acceptée par M. et Mme [T].
Selon protocole d’accord du 2 juillet 2015, les époux [T] se sont engagés à céder, sous conditions suspensives, l’intégralité des titres sociaux qu’ils détiennent au capital de la société Aars Immo gestion à M. [B].
Ce protocole précise que si l’une des parties refusait de réitérer les présentes, la partie défaillante devra verser immédiatement à l’autre partie, une somme équivalente à 10% du prix provisoire fixé à titre de clause pénale et devra, en sus, verser immédiatement à l’intermédiaire, la société BG Horizons- BGH, une indemnité égale à celui des honoraires TTC prévus à la clause honoraire de l’intermédiaire. Aux termes de la clause, les honoraires de négociation forfaitisés à la somme totale de 55.000 euros HT, soit 66.000 euros TTC seront intégralement supportés par le cessionnaire et lui seront réglés comptant, en sus du prix de la vente, par un chèque à son ordre qui lui sera remis le jour de la signature de la vente.
Selon avenant au protocole d’accord du 6 décembre 2015, entre M. et Mme [T], la société Progest investissements et M. [B], ‘le cédant et le cessionnaire déclarent, chacun en ce qui le concerne, que toutes les conditions suspensives ont été réalisées. Les parties déclarent, en conséquence, que la cession n’est plus soumise à aucune condition suspensive.’
Par courrier du 30 mars 2016, M. [B] a indiqué à M. et Mme [T] avoir découvert plusieurs faits significatifs impactant ou risquant d’impacter post cession, la valeur de la société Aars Immo gestion et a expliqué se rétracter de son engagement de l’acquérir dans les conditions fixées par le protocole et l’avenant.
En réponse, par courrier du 9 avril 2016, M. et Mme [T] ont indiqué à M. [B] que l’absence de réitération de la vente est fondée sur des prétextes fallacieux, mais ont pris acte de sa volonté de rétractation et ont confirmé reprendre leur liberté sur la propriété et gestion de leur entreprise.
Par courrier du 10 décembre 2016, M. et Mme [T] ont indiqué à la sociétré BG Horizons, avoir signé un acte de cession des parts sociales détenues dans la société Aars immo gestion avec un tiers et ont affirmé que cet état mettait fin au contrat non exclusif de vente.
Par lettres recommandées du 20 décembre 2016, la société BG Horizons a, par l’intermédiaire de son conseil, sollicité de M. et Mme [T], et de la société Progest investissement, le paiement de la somme de 79.200 euros, correspondant au montant de l’indemnité prévue en cas de non-réitération de la vente et des dommages-intérêts.
Aucun accord amiable n’a pu être trouvé.
Par acte d’huissier de justice du 23 janvier 2017, la société BG Horizons a attrait devant le tribunal de grande instance de Lyon, M. et Mme [T], M. [B] et la société Progest investissements, afin, notamment de les voir condamner solidairement à lui payer la somme de 79.200 euros.
Par jugement du 4 juin 2020, le tribunal judiciaire de Lyon a débouté la société BG Horzons de l’intégralité de ses demandes et l’a condamnée à payer la somme de 2.000 euros à M. et Mme [T], ainsi que celle de 2.000 euros à M. [B] et à la société Prgest investissements.
Par déclaration du 11 septembre 2020, la société BG Horizons BGH a relevé appel du jugement.
Par conclusions notifiées le 12 mai 2021, la société BG Horizons BGH demande la réformation du jugement et :
A titre principal, la condamnation solidaire de M. et Mme [T], subsidiairement avec M. [B], et la société Progest investissements, ‘ou qui mieux le devra’, à lui payer les sommes de 66.000 € et 13.200 €, soit la somme totale de 79.200 €, et ce avec intérêts de retard à compter de la mise en demeure du 20 décembre 2016 et capitalisation des intérêts dus pour chaque année entière échue à compter du 20 décembre 2017, en application de l’article 1343-2 du code civil.
A titre subsidiaire, la condamnation solidaire de M. et Mme [T], avec M. [B], et la société Progest investissements, ‘ou qui mieux le devra’, à lui payer la somme de 65.934 €, correspondant à la perte de chance d’obtenir le versement de sa rémunération.
Elle demande également la condamnation solidaire de M. et Mme [T], avec M. [B], et la société Progest investissements, à lui payer la somme de 5.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi que les dépens.
Par conclusions notifiées le 28 juin 2021, M. et Mme [T] demandent la confirmation du jugement en toutes ses dispositions et que la société BGH soit déboutée de sa demande en paiement de son honoraire.
A titre subsidiaire, ils sollicitent que la perte de chance de la société BGH n’excède pas la somme de 33.000 euros.
Sur l’appel en garantie entre vendeur et acquéreurs, ils sollicitent que la cour se déclare incompétente au profit du tribunal de commerce de Créteil et que M. [B] et la société Progest investissements soient condamnés à les garantir de toute condamnation prononcée à leur encontre au profit de BGH.
Par conclusions notifiées le 1er mars 2021, M. [B] et la société Progest investissements demandent la confirmation du jugement et que la société BGH soit déboutée de l’intégralité de ses demandes et condamnée à payer à M. et Mme [T], la somme de 2.000 euros, ainsi que celle de 2.000 euros, à son profit, au titre de l’article 700 du code procédure civile.
A titre subsidiaire, ils sollicitent que M. et Mme [T] soient condamnés à les relever et garantir et que la société BGH soit condamnée à leur payer, la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 16 septembre 2021.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1. Sur la demande principale en paiement des honoraires
La société BG Horizons soutient que les parties étaient définitivement engagées dans la vente des actions de la société Aars Immo gestion, de sorte que ses honoraires, d’un montant de 66.000 euros, outre la somme de 13.200 euros à titre de dommages-intérêts fixés contractuellement, étaient dus.
A cet égard, elle fait valoir que :
– la vente était parfaite car si le prix de cession des titres de la société n’avait pas été définitivement fixé dans le protocole du 2 juillet 2015, ses modalités de fixation l’étaient, de sorte que le prix était déterminable,
– il a été expressément convenu que le protocole d’accord du 2 juillet 2015 conclu entre les parties constituait, par sa signature, ‘un accord définitif sur la chose et sur le prix’,
– l’avenant au protocole d’accord du 6 décembre 2015 prévoit que ‘toutes les conditions suspensives ont été réalisées’ et que ‘la cession n’est plus soumise à aucune condition suspensive’,
– la circonstance qu’elle soit tiers au protocole d’accord du 2 juillet 2015 et à son avenant du 6 décembre 2015, qui a été conclu entre les époux [T] et M. [B], ne l’empêche pas de s’en prévaloir pour invoquer un manquement contractuel des parties et obtenir réparation du préjudice qui lui a été directement causé par ce manquement,
– la clause par laquelle les acquéreurs étaient tenus au règlement des honoraires de la société BGH résultait non seulement du mandat de vente du 25 juin 2014, mais également de leur offre d’acquisition et du protocole d’accord du 2 juillet 2015, de sorte qu’elle est fondée à solliciter la condamnation de M. [B] et de la société Progest investissements sur le fondement contractuel ou, à titre subsidiaire, sur le fondement délictuel,
– elle est également fondée à solliciter la condamnation de M1 et Mme [T] dans l’hypothèse ou le refus de réitération de la vente serait justifié par la survenance de faits impactant la valeur de la société vendue,
– l’indemnité d’immobilisation prévue par l’avenant du 6 décembre 2015 ne vise pas l’honoraire de l’intermédiaire mais règle le sort des vendeurs et des acquéreurs entre eux pour le cas où l’un d’entre eux refuserait de réitérer la vente, de sorte qu’elle se cumule avec l’honoraire dû par l’acquéreur,
– l’indemnité qui lui est due est soumise à l’impôt sur les sociétés, de sorte qu’il n’y a pas lieu de le déduire.
M. [B] et la société Progest investissements soutiennent qu’ils ne sont pas redevables des honoraires demandés par la société BG Horizons.
A cet égard, ils font valoir que :
– s’agissant de la vente d’un fonds de commerce et les parties ayant expressément fait référence dans le contrat de mandat à la loi n°70-9 du 2 janvier 1970, dite loi Hoguet et à son décret d’application du 20 juillet 1972, ses dispositions s’appliquent,
– en tout état de cause, le mandat de vente du 25 juin 2014 prévoit que la rémunération du mandataire n’est due qu’en cas de réalisation de la vente, soit sa réitération suite au protocole d’accord, tout comme le prévoit la loi précitée du 2 janvier 1970,
– malgré la prorogation de la date de réalisation au 31 mars 2016 par un avenant, la cession des parts sociales n’a jamais été réalisée, ni aucun acte de cession conclu entre les parties,
– la vente n’était pas parfaite dès lors que le prix de cession des titres de la société n’avait pas été précisé de façon définitive,
– la clause prévoyant le paiement d’une somme forfaitaire de 20% à titre de dommages-intérêts, qui s’analyse en une clause pénale, n’est pas applicable, à défaut d’être identifiée expressément dans le mandat en tant que clause pénale et d’être mentionnée en caractères très apparents, ainsi que l’exige l’article 78 du décret du 20 juillet 1972,
– la société BH horizons n’était pas partie au protocole d’accord du 2 juillet 2015, de sorte qu’elle n’est pas fondée à en réclamer l’exécution,
– en tout état de cause, le protocole prévoit que les honoraires ne sont dus qu’en cas de réalisation effective de la vente,
– la clause pénale prévue dans le protocole d’accord du 2 juillet 2015 a été remplacée par une indemnité d’immobilisation au profit des vendeurs dans l’avenant au protocole d’accord du 6 décembre 2015,
– la clause pénale n’était pas prévue dans le contrat de mandat, de sorte qu’elle ne résulte pas d’une stipulation expresse de ce contrat, ainsi que l’exige l’article 78 du décret du 20 juillet 1972.
M. et Mme [T] soutiennent que la société BG Horizons ne peut prétendre au paiement de son honoraire contractuel.
A cet égard, ils font valoir que :
– les parties ont convenu de soumettre leurs conventions (mandat de vente et protocole d’accord du 2 juillet 2015) aux dispositions de la loi Hoguet, laquelle subordonne le versement des honoraires contractuellement dus à la réalisation effective de l’opération,
– pour qu’une vente soit parfaite, le prix, même déterminable, doit être précisé de façon définitive,
– que l’opération n’a pas été effectivement réalisée, les acquéreurs n’ayant pas entendu réitérer la vente,
– le protocole du 2 juillet 2015 prévoyait que le prix de cession restait à déterminer selon le bilan clos du 31 décembre 2015, seules les modalités de calcul du prix et une estimation provisoire ayant été fixées,
– le prix définitif de la cession, à déterminer selon le bilan clos au 31 décembre 2015 n’a jamais été fixé du fait du dédit des acquéreurs.
Sur ce :
Selon un contrat du 25 juin 2014, conclu entre les époux [T] et la société BG Horizons, les premiers ont donné mandat à la seconde de vendre 100% des actions de la société AARS Immo gestion.
Il est fait référence, sous le titre ‘mandat de vente avec exclusivité limitée à trois mois’, à la loi n°70-9 du 2 janvier 1970 et son décret d’application n°72-678 du 20 juillet 1972, et énoncé, dans le corps du contrat, page 2, qu’ ‘en cas de réalisation, (sous-entendu de la vente), la rémunération du mandataire sera de 5% HT sur le montant du prix de la cession, avec un minimum de 10.000 euros HT’, page 3, que ‘cet honoraire sera dû et exigible dès qu’un acte sera constaté et dès la levée de la ou des conditions suspensives, s’il en est expressément prévu à l’acte, et ce quelles que soient les conditions de délais d’exécution ou de modalités de règlements prévues entre les parties.’.
Par ailleurs, les conditions posées dans le contrat à la perception par le mandataire de ses honoraires, sont celles exigées à l’article 6, I, alinéa 6, de la loi du 2 janvier 1970, lequel dispose qu’ ‘aucun bien, effet, valeur, somme d’argent, représentatif d’honoraires, de frais de recherche, de démarche, de publicité ou d’entremise quelconque, n’est dû aux personnes indiquées à l’article 1er ou ne peut être exigé ou accepté par elles, avant qu’une des opérations visées audit article ait été effectivement conclue et constatée dans un seul acte écrit contenant l’engagement des parties.’.
Il en résulte que les parties ont soumis la perception des honoraires de la société BG Horizons aux dispositions de la loi du 2 janvier 1970 et à son décret d’application, ou en tout cas, ont subordonné le droit à rémunération de l’agent immobilier à la signature d’un acte emportant la vente effective des actions.
Ainsi, c’est à la condition que la vente soit parfaite, soit dès qu’est concrétisé l’accord des parties sur la chose et sur le prix et que ne subsiste plus de conditions suspensives, que l’agent immobilier a droit à sa rémunération, nonobstant la renonciation ultérieure par les parties à réitérer la vente.
Toutefois, la vente n’est pas réalisée et l’agent immobilier ne peut prétendre à sa rémunération en cas de faculté de dédit contenue dans l’acte constatant l’accord des parties (1re Civ., 17 juin 2010, pourvoi n 09-14.553 ; 1re Civ.,15 mai 2001, pourvoi n 95-17.098, Bulletin civil 2001, I, n° 131).
En l’espèce, en premier lieu, suivant un protocole d’accord, intitulé ‘convention synallagmatique de cession de titres sociaux sous conditions suspensives’, signé le 2 juillet 2015 entre M. et Mme [T], d’une part, et M. [B], d’autre part, les premiers se sont engagés ‘irrévocablement à céder, sous conditions suspensives, l’intégralité des titres sociaux qu’ils détiennent dans la société AARS Immo gestion, représentative de 100% des titres sociaux et droit de vote de cette société à M. [B], qui accepte l’offre pour lui et toute personne morale qu’il se réserve la faculté de se substituer, en tout ou partie, pour la réalisation définitive des présentes, tout en prenant également l’engagement irrévocable d’acquérir, sous conditions suspensives, et ce pour au plus tard le 31 octobre 2015, avec prise d’effet de la vente et entrée en jouissance au 1er octobre à 0 heure.’.
Il en résulte que la convention synallagmatique de cession est conclue sous conditions suspensives.
Il est en outre mentionné sous le titre ‘détermination du prix provisionnel de cession’ que ‘sur la base du bilan clos au 31 décembre 2014 comportant une valeur de capitaux propres à cette date de + 135.497 euros (…) et d’une valeur actualisée du fonds de commerce arrêtée à 995.774,46 euros, la valeur provisoire de 100% des titres de la société est fixée à un million soixante sept mille trois cent soixante cinq euros et quarante six cents.’
Est ensuite énoncé au paragraphe modalités de fixation du prix définitif de cession, que ‘la cession aura lieu sur la base de la situation de la société qui sera arrêtée en date du 30 septembre 2015″ et calculé selon des modalités qui sont précisées.
Il en résulte que la convention synallagmatique de cession ne détermine qu’un prix prévisionnel, provisoire, dont les modalités de calcul sont acceptées entre les parties, mais qui ne sera connu que le 30 septembre 2015.
Par ailleurs, il est précisé que la convention synallagmatique de cession est conclue sous cinq conditions suspensives, et sous le paragraphe intitulé clause particulière, il est stipulé que ‘les parties conviennent expressément qu’en cas de fait significatif survenant ou porté à la connaissance du cessionnaire entre la date de signature du protocole et la date de signature des ordres de mouvements, le cessionnaire se réserve le droit de, soit se rétracter de son engagement d’acquérir les titres de la société, soit déduire du montant du deuxième règlement une somme égale au montant estimé du risque, étant entendu que ce montant sera déterminé par le cessionnaire.’.
Il en résulte que la convention synallagmatique de cession comporte, outre des conditions suspensives, une clause de dédit, de sorte qu’il ne peut être retenu que cet acte réalise la cession.
En second lieu, selon un avenant au précédent protocole d’accord, signé entre les mêmes parties le 6 décembre 2015, il a été décidé de ‘différer la date de prise d’effet de la vente et d’entrée en jouissance au plus tard le 31 mars 2016″.
En outre, il a été expressément constaté que toutes les conditions suspensives ont été réalisées. Les modalités de fixation du prix définitif de cession ont, notamment, également été modifiées et il a été notamment convenu qu’elle aura lieu sur la base du bilan de la société de l’exercice clos au 31 décembre 2015.
Enfin, l’article 11 de la convention stipule que ‘toutes autres dispositions du protocole d’accord et de la convention de garantie non contraires aux présentes demeurent inchangées.’
Dès lors, la clause de dédit expressément prévue dans le protocole d’accord du 2 juillet 2015 a subsisté.
Or, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 30 mars 2016, la société Progest investissements, qui s’est substituée à M. [B], a exercé cette faculté de dédit en énumérant ‘les faits significatifs’ qui ont été portés à sa connaissance, afin de justifier sa décision.
S’il ressort d’un courrier du 9 avril 2016, adressé à la société Progest investissement et à M. [B], que M et Mme [T] se sont dans un premier temps opposés à ce désengagement, il résulte d’un second courrier daté du 10 décembre 2016 qu’ils ont informé leur agent immobilier, de la cession de leurs parts sociales à un autre acquéreur, de sorte qu’il peut être déduit qu’ils l’ont accepté.
Or, à défaut pour la société BG Horizons de démontrer que la faculté de dédit n’a pas été régulièrement exercée par les acquéreurs, force est de constater que la cession n’a pas été réalisée et, par voie de conséquence, qu’elle ne peut prétendre à ses honoraires, qui ne sont, au terme du mandat de vente qu’elle a conclu, dus qu’ ‘en cas de réalisation’ de la vente.
A titre surabondant, c’est par de justes motifs, que la cour adopte expressément que les premiers juges ont retenu que la vente n’était pas parfaite, dès lors que le prix de cession des titres de la société n’avait pas été précisé de façon définitive, tant dans le compromis du 2 juillet 2015 que l’avenant du 6 décembre 2015.
En conséquence, confirmant le jugement, il convient de débouter la société BG Horizons de sa demande en paiement des honoraires et des dommages-intérêts subséquents.
2. Sur la demande subsidiaire de dommages-intérêts
La société BG Horizons demande que lui soit alloué la somme de 65.934 euros, correspondant à la perte de chance, évaluée à hauteur de 99,9%, d’obtenir le versement de sa rémunération.
A l’appui de cette demande, elle soutient notamment que :
– l’existence de ‘faits nouveaux significatifs’ pouvant justifier le refus de la vente lui est étrangère, n’intéressse que les relations contractuelles entre vendeurs et acquéreurs et n’ont aucune incidence sur les conditions de son mandat,
– c’est en raison d’une faute commise par l’acquéreur ou les vendeurs que la vente n’a pas été réitérée et que sa rémunération n’a pas été versée,
– il appartient à la cour de vérifier si l’exercice du droit de rétractation était fondé ou non,
– la clause figurant dan sle protocole du 2 juillet 2015, attribuant la compétence au tribunal de commerce de Créteil pour procéder à cette vérification, lui est inopposable,
– si les intimés ne versent pas aux débats les éléments permettant d’examiner si les motifs de rétractation étaient légitimes, la cour doit en tirer les conséquences.
M. et Mme [T] soutiennent que la société BGH doit être déboutée de sa demande.
Ils font notamment valoir que :
– pour exercer une action indemnitaire, il appartient à la société BGH de démontrer qu’ils ont commis une faute l’ayant privé de sa rémunération,
– si la vente n’a pas été réalisée, c’est parce que M. [B] et la société Progest investissements ont appliqué la clause particulière leur permettant de se rétracter en cas de ‘fait significatif’,
– l’exercice de ce droit ne saurait être constitutif d’une faute de leur part,
– l’analyse des motifs de la rétractation relève de la seule compétence du tribunal de commerce de Créteil auquel le protocole d’accord du 2 juillet 2015 renvoie,
– à titre subsidiaire, la société BGH ne saurait revendiquer que la juste réparation de sa chance perdue, laquelle ne peut être supérieure au montant des honoraires diminué d’un abattement de 40% au titre des impôts et charges qu’elle aurait dû payer sur cet honoraire, soit 33.000 euros,
– la clause pénale de 20 % demandée sanctionne l’inexécution de l’obligation d’une partie au contrat, alors qu’ils n’ont failli à aucune de leurs obligations,
M. [B] et la société Progest investissements concluent au débouté de cette demande.
A titre subsidiaire, ils font notamment valoir que :
– l’indemnisation de la société BGH est fondée sur la perte de chance et ne peut en aucun cas être égale aux honoraires qu’elle aurait perçus,
– les dommages-intérêts sollicités doivent être qualifiés de clause pénale et donc réduits, compte tenu de leur caractère manifestement excessif,
– il n’est pas démontré qu’ils ont commis une faute dans l’exécution de la convention du 2 juillet 2015, de nature à engager leur responsabilité contractuelle et à entraîner le paiement de dommages-intérêts au titre des honoraires de l’intermédiaire.
Sur ce :
La société BG Horizons, qui exerce une action indemnitaire fondée sur la perte de chance de percevoir ses honoraires, à l’encontre tant des vendeurs que des acquéreurs, doit démontrer que c’est en raison d’une faute commise par l’un d’entre eux, qu’elle a été privée de sa rémunération.
Ainsi qu’il l’a été précédemment vu, aux termes du contrat de mandat qu’elle a conclu avec M et Mme [T], la société BG Horizons ne peut prétendre au paiement de ses honoraires qu’en cas de réalisation de la cession, laquelle n’a pas eu lieu.
Contrairement à ce qui est soutenu par la société BG Horizons, les deux protocoles d’accord de juillet et décembre 2015, prévoyaient des conditions suspensives et une faculté de dédit, de sorte que la vente n’était pas parfaite.
Or, les parties à la cession, que sont M et Mme [T], d’une part, et M. [B] et la société Progest investissements, d’autre part, étaient libres d’assortir cette cession des conditions qu’ils souhaitaient, sans que la société BG Horizons, qui n’est qu’un intermédiaire, ne soit fondée à les accepter ou non.
Elle n’est dès lors pas fondée à soutenir que le contrat de mandat ne prévoyant, pour la réalisation de la cession, que l’accord sur la chose et sur le prix, les conditions supplémentaires prévues par les parties dans les protocoles d’accord de juillet et décembre 2015, à laquelle elle n’était pas partie, ne lui sont pas opposables.
En effet, pour percevoir ses honoraires, le contrat de mandat de la société GB Horizons prévoit que la cession doit être réalisée, ce qui nécessite que les conditions prévues à cette fin par les acquéreurs et les vendeurs soient respectées.
En l’espèce, M. [B] et la société Progest Investissement ont décidé de faire application de la clause particulière, insérée dans le protocole d’accord de juillet 2015 conclu avec M et Mme [T], leur permettant de se rétracter de leur engagement d’acquérir les titres de la société ‘en cas de fait significatif survenant ou porté à la connaissance du cessionnaire’, ce qui a été accepté par les vendeurs, qui ont cédé leurs actions à des tiers.
Il en résulte que la cession n’a pas été réalisée, sans qu’aucune faute ne puisse être reprochée aux acquéreurs ou aux vendeurs, qui ont appliqué leur convention.
La société BG Horizons soutient en dernier lieu qu’il appartient à la cour de vérifier si la rétractation de M. [B] ‘constituait ou non un abus et demeurait justifiée’ ou si M et Mme [T] n’auraient pas commis des ‘agissements dolosifs ou d’occultations’ qui auraient conduit à l’échec de la cession.
Il est précisé à cet égard que si la clause insérée dans le protocole d’accord du 2 juillet 2015 attribue la compétence au tribunal de commerce de Créteil pour trancher tout litige pouvant relever de cet accord, celle-ci n’est pas opposable à la société BG Horizons, qui n’est pas partie à cet accord.
Il convient en conséquence de se déclarer compétent.
En revanche, force est de constater qu’aucune des parties ne produit d’éléments qui seraient de nature à démontrer que M. [B] et la société Progest Investissement n’auraient pas exercé leur faculté de rétractation de façon légitime. De même, il n’est pas plus démontré que M. et Mme [T] auraient cherché à tromper leurs cocontractants afin de les convaincre à acquérir les actions de leur société.
En conséquence de l’ensemble de ces éléments, et en l’absence de la preuve d’une faute imputable à M. et Mme [T] ou à la société Progest Investissement, confirmant le jugement, il y a lieu de débouter la société BG Horizons de sa demande d’indemnisation.
3. Sur les autres demandes
Le jugement est confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l’application de l’article 700 du code de procédure civile.
L’équité commande de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au profit de M. et Mme [T], d’une part, et de M.[B] et la société Progest investissements, d’autre part, en appel. La société BG Horizons est condamnée à leur payer, à chacun, à ce titre la somme de 3.000 €.
Les dépens d’appel sont à la charge de la société BG Horizons qui succombe en sa tentative de remise en cause du jugement.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
y ajoutant,
Se déclare compétente,
Condamne la société BG Horizons à payer à M et Mme [T], la somme globale de 3.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,
Condamne la société BG Horizons à payer à M. [B] et à la société Progest investissements, la somme globale de 3.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,
Déboute les parties de toutes leurs autres demandes.
Condamne la société BG Horizons aux dépens de la procédure d’appel, et accorde aux avocats qui en ont fait la demande le bénéfice de l’article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT