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TRIBUNAL JUDICIAIRE
de BOBIGNY
JUGEMENT CONTENTIEUX DU 15 JANVIER 2024
Chambre 6/Section 3
AFFAIRE: N° RG 21/05801 – N° Portalis DB3S-W-B7F-VKEL
N° de MINUTE : 24/00033
Monsieur [J] [H], [I] [C]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représenté par Me Clarisse CAROUNANIDY, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, vestiaire : 152, Me Agathe MONCHAUX-FIORAMONTI, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 621
DEMANDEUR
C/
S.A.R.L. IMMO MARCEAU
[Adresse 2]
[Localité 6]
représentée par Me Michèle BECIRSPAHIC, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1377
Monsieur [E] [D] [F]
[Adresse 5]
[Localité 6]
représenté par Me Olivier SARFATI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1730
Madame [A] [F]
[Adresse 5]
[Localité 6]
représentée par Me Olivier SARFATI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1730
DEFENDEURS
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Monsieur François DEROUAULT, Juge, statuant en qualité de juge unique, conformément aux dispositions de l’article 812 du code de procédure civile, assisté aux débats de Madame Maud THOBOR, greffier.
DÉBATS
Audience publique du 6 novembre 2023, l’affaire a été mise en délibéré au 15 janvier 2024.
JUGEMENT
Rendu publiquement, par mise au disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort, par Monsieur François DEROUAULT, Juge, assisté de Madame Maud THOBOR, greffier.
EXPOSE DU LITIGE
M. [C] est propriétaire d’un bien sis [Adresse 4] à [Localité 6] (Seine-Saint-Denis).
Il a confié un mandat de vente à la société Immo Marceau.
Suivant promesse synallagmatique de vente du 16 octobre 2019, M. [C] a vendu son bien à M. et Mme [F] – ci-après dénommés les époux [F] – pour le prix de 210 000 euros, avec la condition suspensive d’obtention d’un prêt immobilier dans l’intérêt des acquéreurs.
La réitération de la vente par acte authentique, prévue le 17 janvier 2020, n’a pas eu lieu.
Par acte d’huissier en date du 18 mai 2021, M. [C] a fait assigner les époux [F] et la société Immo Marceau devant le tribunal judiciaire de Bobigny aux fins d’indemnisation de son préjudice.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 19 juillet 2022, M. [C] demande au tribunal de :
– débouter les époux [F] de leurs demandes ;
– débouter la société Immo Marceau de ses demandes ;
– condamner les époux [F] à payer la somme de 21 000 euros au titre d’indemnité forfaitaire d’immobilisation ;
– condamner la société Immo Marceau à payer la somme de 22 978,45 à titre de dommages-intérêts ;
– condamner in solidum les [F] et la société Immo Marceau à payer la somme de 3 360 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner in solidum les [F] et la société Immo Marceau aux dépens.
Dans leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 13 avril 2022, les époux [F] demandent au tribunal de :
– débouter M. [C] de ses demandes ;
– débouter la société Immo Marceau de ses demandes ;
– à titre subsidiaire, réduire à la somme de 1 978,45 euros le montant de la clause pénale susceptible d’être allouée à M. [C] et condamner la société Immo Marceau à garantir et relever indemne les époux [F] ;
– à titre reconventionnel, condamner la société Immo Marceau à payer la somme de 8 000 euros à titre de dommages-intérêts ;
– condamner la société Immo Marceau à payer aux époux [F] la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner la société Immo Marceau aux dépens.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 11 octobre 2022, la société Immo Marceau demande au tribunal de :
– débouter M. [C] de ses demandes ;
– débouter les époux [F] de leurs demandes ;
– à titre subsidiaire, limiter à la somme de 4 000 euros la somme susceptible d’être allouée à M. [C] au titre de la perte de chance de recouvrer la somme de 21 000 euros ;
– condamner les époux [F] à payer la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures visées ci-dessus conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 22 mars 2023.
L’affaire a été inscrite au rôle de l’audience du 6 novembre 2023, où elle a été appelée.
Sur quoi elle a été mise en délibéré au 15 janvier 2024 afin qu’y soit rendue la présente décision.
MOTIFS DE LA DECISION
I. Sur la demande en paiement au titre de l’indemnité d’immobilisation
La notification des promesses et compromis de vente est prévue par les articles L.271-1 et L.271-2 du code de la construction et de l’habitation et vise à permettre à l’acquéreur non professionnel d’un immeuble d’habitation de se rétracter dans un délai de 10 jours sans avoir à payer la moindre indemnité au vendeur.
Cet acte est notifié à l’acquéreur par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par tout autre moyen présentant des garanties équivalentes pour la détermination de la date de réception ou de remise. La faculté de rétractation est exercée dans ces mêmes formes.
Lorsque l’acte est conclu par l’intermédiaire d’un professionnel ayant reçu mandat pour prêter son concours à la vente, cet acte peut être remis directement au bénéficiaire du droit de rétractation. Dans ce cas, le délai de rétractation court à compter du lendemain de la remise de l’acte, qui doit être attestée selon des modalités fixées par décret.
L’article D.271-6 du code civil prévoit que l’acte sous seing privé ou une copie de l’avant-contrat réalisé en la forme authentique remis directement à l’acquéreur non professionnel en application du troisième alinéa de l’article L. 271-1 reproduit les dispositions de l’article L. 271-2. Le bénéficiaire du droit de rétractation y inscrit de sa main les mentions suivantes: “remis par (nom du professionnel)… à (lieu)… le (date)…” et: “Je déclare avoir connaissance qu’un délai de rétractation de dix jours m’est accordé par l’article L. 271-1 du code de la construction et de l’habitation, et qu’il court à compter du lendemain de la date de remise inscrite de ma main sur le présent acte, soit à compter du…”.
Lorsque le délai de rétraction n’a pas couru, la notification par l’acquéreur dans l’instance l’opposant à son vendeur de conclusions par lesquelles il déclare exercer son droit de rétractation satisfait aux exigences de l’article L. 271-1 du code de la construction et de l’habitation (voir en ce sens, Civ. 3e, 25 mai 2011).
En l’espèce, les époux [F] font valoir que le compromis de vente ne leur a pas été notifié, de telle sorte que le délai de rétractation n’a pas commencé à courir.
Le tribunal observe que malgré sommation de communiquer, ni M. [C], ni son mandataire la société Immo Marceau ne justifient l’accomplissement de la notification du compromis de vente et du délai de rétractation, ni dans les formes prévues par l’article L.271-1 du code de la construction et de l’habitation ni dans celles prévues par l’article D.271-6 du code de la construction et de l’habitation.
Il s’infère des écritures des époux [F] que ces derniers entendent faire application de ce droit de rétractation.
Partant, M. [C] ne peut se prévaloir des stipulations du compromis de vente contre les époux [F] et sera débouté de sa demande.
II. Sur les demandes contre la société Immo Marceau
L’agent immobilier engage sa responsabilité pour les dommages subis par les personnes parties à une opération immobilière en raison des fautes qu’il commet dans l’exercice de sa mission d’intermédiaire dans une vente d’immeuble. Le fondement de cette responsabilité est contractuel à l’égard de ses clients et délictuel à l’égard des autres parties. L’agent immobilier qui a reçu mandat de vendre ou d’acheter un immeuble, garantit, par sa présence, la régularité et la loyauté des pourparlers. En tant que professionnel, il est tenu de fournir au mandant ou au tiers contractant les informations neutres et objectives pour lui permettre d’opérer un choix éclairé. Les éléments fournis par l’agent immobilier devant être légaux, exacts, complets, efficients, compréhensibles et loyaux, ce dernier doit vérifier le descriptif des annonces qu’il publie pour chercher des acheteurs et se renseigner au préalable sur l’exactitude des informations délivrées, notamment tout ce qui peut entraîner des frais supplémentaires. De plus fort, l’agent immobilier qui a reçu mandat de rédiger une promesse de vente, est tenu d’en garantir la validité et l’efficacité.
A. Sur les demandes formulées par les époux [F]
Les époux [F] exposent qu’ils ont signé le compromis de vente sans comprendre la teneur des clauses qui y sont stipulées et qu’ainsi la société Immo Marceau a manqué à ses obligations de prudence et de conseil à leur égard. Ils soutiennent également que l’agent immobilier a commis une faute en n’ayant pas prévu la séquestration d’une partie du prix de vente.
***
Aux termes de l’article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
En l’espèce, les époux [F] se contentent d’affirmer, sans procéder à aucune démonstration, que la société Immo Marceau aurait commis un manquement à ses obligations de conseil et de prudence.
Les obligations – précédemment rappelées – incombant à un agent immobilier ne sauraient s’analyser ni comme une obligation de vérification de la bonne et effective compréhension par les parties des stipulations de l’acte de vente, ni en une dispense, pour celles-ci, de la lecture de l’acte qu’elles forment et, qu’en l’espèce, elles ont signé.
Le tribunal observe au demeurant que les époux [F] ne rapportent pas la preuve de leur préjudice, ni n’indiquent en quoi ce préjudice consiste.
Le fait, pour la société Immo Marceau, de n’avoir pas prévu la séquestration d’une partie du prix de vente au moment de la formation du compromis de vente – fût-il constitutif d’une faute – n’emporte à l’égard des époux [F] aucun préjudice.
Partant, ces derniers seront déboutés de leur demande en paiement de la somme de 8 000 euros et de leur demande en garantie de leur condamnation au titre de la clause pénale.
B. Sur les demandes formulées par M. [C]
En application de l’article 1231-1 du code civil, le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure.
Aux termes de l’article 1991 du code civil, le mandataire est tenu d’accomplir le mandat tant qu’il en demeure chargé, et répond des dommages-intérêts qui pourraient résulter de son inexécution.
En l’espèce, M. [C] reproche à la société Immo Marceau de :
– ne pas l’avoir informé du manquement des époux [F] à leurs obligations ;
– avoir remis le bien en vente sans que le compromis de vente ait été résolu ;
– n’avoir assorti aucun séquestre aux obligations des époux [F] ;
– avoir qualifié de clause pénale la somme due par ces derniers en cas de non-réitération de la vente ;
– ne pas avoir procédé à la notification du compromis de vente à l’égard des époux [F].
M. [C] expose que son préjudice consiste en une perte de chance de percevoir le montant de la clause pénale due par les époux [F] à hauteur de 21 000 euros ; et d’avoir été exposé à des frais jusqu’à la vente de son bien en juillet 2020.
Il convient de remarquer que :
– d’une part, le préjudice de perte de chance d’être indemnisé par les époux [F] à hauteur de la clause pénale n’est pas caractérisé dès lors que faisant application de leur droit de rétractation, ils ne sont plus liés par le compromis de vente ;
– d’autre part, la perte de chance alléguée est sans lien causal avec les fautes reprochées – fussent-elles établies ;
– enfin, les frais exposés par M. [C] du fait de sa qualité de propriétaire sont sans lien causal avec aucune des fautes reprochées à la société Immo Marceau, pas même celle consistant en n’avoir pas procédé à la notification du compromis de vente à l’égard des acquéreurs, dès lors qu’une telle notification, si elle avait eu lieu, aurait conduit à l’usage du droit de rétractation.
M. [C] sera débouté de ses demandes.
III. Sur les mesures de fin de jugement
A. Sur les dépens
Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux
dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à charge de l’autre partie.
Partie perdante, M. [C] sera condamné aux dépens.
B. Sur les frais irrépétibles
En application de l’article 700 du code de procédure civile, le tribunal condamne la partie tenue aux dépens ou la partie perdante à payer à l’autre la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Par principe, le tribunal alloue à ce titre une somme correspondant aux frais réellement engagés, à partir des justificatifs produits par les parties, ou, en l’absence de justificatif, à partir des données objectives du litige (nombre de parties, durée de la procédure, nombre d’écritures échangées, complexité de l’affaire, incidents de mise en état, mesure d’instruction, etc.). Par exception et de manière discrétionnaire, le tribunal peut, considération prise de l’équité ou de la situation économique des parties, allouer une somme moindre, voire dire qu’il n’y a lieu à condamnation.
Les parties seront déboutées de leur demande de ce chef.
C. Sur l’exécution provisoire
Aux termes de l’article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement.
Il sera rappelé l’exécution provisoire du jugement.
PAR CES MOTIFS,
Le tribunal, par jugement contradictoire, rendu en premier ressort et en audience publique et mis à disposition au greffe,
DEBOUTE M. [C] de ses demandes ;
DEBOUTE les époux [F] de leurs demandes ;
DEBOUTE toutes les parties de leur demande en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE M. [C] aux dépens ;
DEBOUTE les autres parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
RAPPELLE l’exécution provisoire du jugement.
La minute est signée par Monsieur François DEROUAULT, juge, assisté de Madame Maud THOBOR, greffier.
LE GREFFIERLE PRESIDENT