Droit de rétractation : Décision du 15 décembre 2023 Tribunal judiciaire de Paris RG n° 23/05254

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Droit de rétractation : Décision du 15 décembre 2023 Tribunal judiciaire de Paris RG n° 23/05254

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :

à : Monsieur [L] [P] [W]

Copie exécutoire délivrée
le :

à : Me Bénédicte DE LAVENNE-BORREDON

Pôle civil de proximité

PCP JCP fond

N° RG 23/05254 – N° Portalis 352J-W-B7H-C2FME

N° MINUTE :

JUGEMENT
rendu le vendredi 15 décembre 2023

DEMANDERESSE
BNP PARIBAS
[Adresse 1]

représentée par Me Bénédicte DE LAVENNE-BORREDON, avocat au barreau de PARIS

DÉFENDEUR
Monsieur [L] [P] [W]
[Adresse 2]

non comparant

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Clara SPITZ, juge des contentieux de la protection assistée de Nicolas RANA, Greffier,

DATE DES DÉBATS
Audience publique du 17 octobre 2023

JUGEMENT
réputé contradictoire, en premier ressort, prononcé par mise à disposition le 15 décembre 2023 par Clara SPITZ, Juge assistée de Nicolas RANA, Greffier

Décision du 15 décembre 2023
PCP JCP fond – N° RG 23/05254 – N° Portalis 352J-W-B7H-C2FME

Exposé du litige

Suivant offre de contrat acceptée le 13 juin 2018, la société BNP PARIBAS a consenti à Monsieur [W] [L] un crédit à la consommation d’un montant de 45 000 euros, remboursable en 72 mensualités de 732,54 euros assurance incluse, la première à hauteur de 858.38 euros, moyennant un taux d’intérêt annuel nominal de 3,92 % et un taux annuel effectif global de 4,11 %.

Des mensualités étant restées impayées, la société BNP PARIBAS a, par lettre recommandée avec accusé de réception du 9 novembre 2021, mis en demeure Monsieur [W] [L] de s’acquitter des mensualités échues impayées, dans un délai de 15 jours, sous peine de déchéance du terme. Puis, par lettre recommandée avec accusé de réception du 21 décembre 2021, la société BNP PARIBAS lui a finalement notifié la déchéance du terme et l’a mis en demeure de rembourser l’intégralité du crédit.

Par acte de commissaire de justice du 3 juillet 2023, la société BNP PARIBAS a fait assigner Monsieur [W] [L] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris, afin d’obtenir sa condamnation à lui payer les sommes suivantes, avec capitalisation :
19 494.83 euros assortie des intérêts au taux conventionnel de 3.92% à compter du 08 mars 2023 (date du décompte) et jusqu’à parfait règlement des sommes dues au titre du prêt personnel ;1467,84 euros assortie des intérêts au taux légal au titre de l’indemnité de résiliation de 08%,800 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, en plus des entiers dépens.
A l’audience du 17 octobre 2023, la société BNP PARIBAS, représentée par son conseil, a sollicité le bénéfice de son acte introductif d’instance. La forclusion, la nullité, la déchéance du droit aux intérêts contractuels (FIPEN, notice d’assurance, FICP, vérification solvabilité) et légaux ont été mis dans le débat d’office.

La demanderesse a précisé que le premier impayé était daté du 05 août 2021 et soutenu que son action n’était pas forclose. Elle a ajouté ne pas avoir produit le bordereau de rétractation et indiqué s’en remettre à l’appréciation du tribunal sur ce point.

Assigné par procès-verbal de recherches infructueuses, Monsieur [W] [L] n’a pas comparu et ne se s’est pas fait représenter. Conformément à l’article 473 du code de procédure civile, il sera statué par jugement réputé contradictoire

La décision a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 15 décembre 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Selon l’article 472 du code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond, le juge ne fait droit à la demande que s’il l’estime régulière, recevable et bien fondée.
Le présent litige est relatif à un crédit soumis aux dispositions de la loi n°2010-737 du 1er juillet 2010 de sorte qu’il sera fait application des articles du code de la consommation dans leur rédaction en vigueur après le 1er mai 2011 et leur numérotation issue de l’ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016 et du décret n°2016-884 du 29 juin 2016.

L’article R.632-1 du code de la consommation permet au juge de relever d’office tous les moyens tirés de l’application des dispositions du code de la consommation, sous réserve de respecter le principe du contradictoire. Il a été fait application de cette disposition par le juge à l’audience du 17 octobre 2023.

Sur la demande en paiement

L’article L.312-39 du code de la consommation prévoit qu’en cas de défaillance de l’emprunteur, le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés. Jusqu’à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent les intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt. En outre, le prêteur peut demander à l’emprunteur défaillant une indemnité qui, dépendant de la durée restant à courir du contrat et sans préjudice de l’application de l’article 1231-5 du code civil, est fixée suivant un barème déterminé par décret. L’article D.312-16 du même code précise que lorsque le prêteur exige le remboursement immédiat du capital restant dû en application de l’article L.312-39, il peut demander une indemnité égale à 8% du capital restant dû à la date de la défaillance.

Ce texte n’a toutefois vocation à être appliqué au titre du calcul des sommes dues qu’après vérification de la régularité de la signature du contrat, de l’absence de cause de nullité du contrat, de l’absence de forclusion de la créance, de ce que le terme du contrat est bien échu et de l’absence de déchéance du droit aux intérêts conventionnels.

Sur la forclusion
L’article R. 312-35 du code de la consommation dispose que les actions en paiement à l’occasion de la défaillance de l’emprunteur dans le cadre d’un crédit à la consommation, doivent être engagées devant le tribunal d’instance dans les deux ans de l’événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion.

Le report d’échéances impayées à l’initiative du prêteur est sans effet sur la computation de ce délai (Civ. 1°, 28 octobre 2015, n° 14-23267). Il en est de même des annulations de retard.

En l’espèce, à la lecture de l’historique de compte, il apparaît que le premier incident non régularisé est intervenu le 04 juillet 2021 si bien que l’action a été introduite dans le délai précité.

En conséquence, l’action de la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE sera déclarée recevable.

Sur la nullité du contrat
Aux termes de l’article L.312-25 du code de la consommation, pendant un délai de sept jours à compter de l’acceptation du contrat par l’emprunteur, aucun paiement, sous quelque forme et à quelque titre que ce soit, ne peut être fait par le prêteur à l’emprunteur ou pour le compte de celui-ci, ni par l’emprunteur au prêteur.

En l’espèce, le déblocage des fonds a eu lieu le 22 juin 2018, soit postérieurement au délai de sept jours précité courant à compter du 13 juin 2018, de sorte qu’aucune nullité n’est encourue.

Sur la déchéance du terme
Aux termes de l’article 1353 du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver.
Par ailleurs, selon l’article 1103 du code civil, les conventions légalement formées engagent leurs signataires et en application de l’article 1224 du même code, lorsque l’emprunteur cesse de verser les mensualités stipulées, le prêteur est en droit de se prévaloir de la déchéance du terme et de demander le remboursement des fonds avancés soit en raison de l’existence d’une clause résolutoire soit en cas d’inexécution suffisamment grave. L’article 1225 précise qu’en présence d’une clause résolutoire, la résolution est subordonnée à une mise en demeure infructueuse s’il n’a pas été convenu que celle-ci résulterait du seul fait de l’inexécution.
En matière de crédit à la consommation en particulier, la jurisprudence est venue rappeler qu’il résulte des dispositions de l’article L.312-39 du code de la consommation, que si le contrat de prêt d’une somme d’argent peut prévoir que la défaillance de l’emprunteur non commerçant entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut sauf disposition expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d’une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle (Cass civ. 1ère 3 juin 2015 n°14-15655 ; Civ. 1ère 22 juin 2017 n°16-18418).

En l’espèce, le contrat de prêt contient une clause d’exigibilité anticipée en cas de défaut de paiement et la mise en demeure de payer la somme de 1582.66 euros dans un délai de 15 jours sous peine de déchéance du terme en date du 09 novembre 2021 (bordereau d’accusé de réception retourné NPAI) est restée sans effet. En l’absence de régularisation dans le délai, ainsi qu’il en ressort de l’historique de compte, la société BNP PARIBAS a pu régulièrement prononcer la déchéance du terme.

Sur le droit du prêteur aux intérêts
La société BNP PARIBAS demande à bénéficier des intérêts au taux contractuel.

Il lui appartient donc de démontrer, conformément aux dispositions de l’article 1353 du code civil, que la formation du contrat du 30 mars 2022 et son exécution sont conformes aux dispositions d’ordre public du code de la consommation.

L’article L 341-4 du code de la consommation dispose que Le prêteur qui accorde un crédit sans remettre à l’emprunteur un contrat satisfaisant aux conditions fixées par les articles L. 312-18, L. 312-21, L. 312-28, L. 312-29, L. 312-43 ainsi que, pour les opérations de découvert en compte, par les articles L. 312-85 à L. 312-87 et L. 312-92, est déchu du droit aux intérêts.

Selon l’article L 312-21 du code de la consommation, afin de permettre l’exercice du droit de rétractation mentionné à l’article L. 312-19, un formulaire détachable est joint à son exemplaire du contrat de crédit.

En l’espèce, aucun bordereau de rétractation n’est joint aux pièces produite par la requérante. Par conséquent la société BNP PARIBAS sera intégralement déchue de son droit aux intérêts.

Sur le montant de la créance
Conformément à l’article L 341-8 du code de la consommation, en cas de déchéance du droit aux intérêts, le débiteur n’est tenu qu’au remboursement du seul capital. Cette déchéance s’étend donc aux intérêts et à tous leurs accessoires.

Les sommes dues se limiteront par conséquent à la somme de 12 736.01 euros correspondant à la différence entre le montant effectivement débloqué au profit de Monsieur [L] [W] (45 000 euros) et celui des règlements effectués par ce dernier avant la déchéance du terme, tel que cela ressort de l’historique de prêt produit (26 273.38 euros) d’une part et des versements effectués postérieurement à la déchéance du terme (5 990.61 euros) tel que cela ressort du décompte des sommes dues arrêtées au 08 mars 2023 produit par la société BNP PARIBAS d’autre part.

Le prêteur, bien que déchu de son droit aux intérêts, demeure fondé à solliciter le paiement des intérêts au taux légal, en vertu de l’article 1153 devenu 1231-6 du code civil, sur le capital restant dû, majoré de plein-droit deux mois après le caractère exécutoire de la décision de justice en application de l’article L.313-3 du code monétaire et financier.

Ces dispositions légales doivent cependant être écartées s’il en résulte pour le prêteur la perception de montants équivalents ou proches de ceux qu’il aurait perçus si la déchéance du droit aux intérêts n’avait pas été prononcée, sauf à faire perdre à cette sanction ses caractères de dissuasion et d’efficacité (CJUE 27 mars 2014, affaire C-565/12, Le Crédit Lyonnais SA / Fesih Kalhan).

En l’espèce, le crédit personnel a été accordé à un taux d’intérêt annuel fixe de 3,92 %. Dès lors, les montants susceptibles d’être effectivement perçus par le prêteur au titre des intérêts au taux légal majoré de cinq points ne seraient pas significativement inférieurs à ce taux conventionnel.

Il convient, en conséquence, d’écarter toute application des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil et L 313-3 du code monétaire et financier et de dire que les sommes dues au prêteur ne produiront aucun intérêt, même au taux légal.

La demande de capitalisation des intérêts est donc sans objet.

Sur les demandes accessoires

En application de l’article 696 du code de procédure civile, Monsieur [W] [L], partie perdante, sera condamnée aux dépens.

En revanche, l’équité et la situation économique respective des parties commandent d’écarter toute condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Enfin, selon l’article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement.

PAR CES MOTIFS,

La juge des contentieux de la protection, statuant après débats publics, par jugement mis à disposition au greffe, réputé contradictoire et en premier ressort,

DÉCLARE recevable l’action de la BNP PARIBAS,

PRONONCE la déchéance totale du droit aux intérêts de la société BNP PARIBAS au titre du crédit souscrit le 13 juin 2018 par Monsieur [W] [L],

CONDAMNE Monsieur [W] [L] à payer à la société BNP PARIBAS la somme de 12 736.01 euros (douze mille sept cent trente-six euros et un centime), à titre de restitution des sommes versées en application du contrat précité,

DIT que cette somme ne produira pas d’intérêt, même au taux légal,

DÉBOUTE la BNP PARIBAS du surplus de ses demandes,

DIT n’y avoir lieu à condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Monsieur [W] [L] aux dépens,

RAPPELLE que le présent jugement est exécutoire de plein droit à titre provisoire.

Ainsi signé par la juge et le greffier susnommés et mis à disposition des parties le 15 décembre 2023.

Le GreffierLa Juge

 


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