Droit de rétractation : décision du 14 mars 2023 Cour d’appel de Toulouse RG n° 21/02091
Droit de rétractation : décision du 14 mars 2023 Cour d’appel de Toulouse RG n° 21/02091
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14/03/2023

ARRÊT N°

N° RG 21/02091

N° Portalis DBVI-V-B7F-OEV3

CR / RC

Décision déférée du 06 Avril 2021

TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO,

JCP de TOULOUSE (21/00400)

MME [P]

[B] [O]

C/

[D] [H]

INFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU QUATORZE MARS DEUX MILLE VINGT TROIS

***

APPELANT

Monsieur [B] [O]

Exerçant en son nom personnel sous l’enseigne ‘EDITIONS CONSEIL’ entreprise individuelle immatriculée sous le numéro 345 268 015 du registre de commerce et des sociétés de PARIS, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représenté par Me Marie SEIN, avocat postulant, avocat au barreau de TOULOUSE

Représenté par Me Emmanuel GERARD-DEPREZ, avocat plaidant, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMEE

Madame [D] [H]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Céline MOULY, avocat postulant, avocat au barreau de TOULOUSE

Représentée par Me Julien SOULIÉ, avocat plaidant, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 15 Novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant C. ROUGER, Conseiller, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

C. ROUGER, président

A.M. ROBERT, conseiller

S. LECLERCQ, conseiller

Greffier, lors des débats : N. DIABY

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

– signé par C. ROUGER, président, et par N. DIABY, greffier de chambre

FAITS – PROCÉDURE – PRÉTENTIONS

Mme [D] [H], acupunctrice-masseuse, a signé un bon de commande en date du 14 juin 2018, auprès de « Editions Conseil -Régie Lafont Presse », pour l’achat d’une insertion publicitaire dans le magazine « Médecine Douce », une parution dans le magazine « Santé Revue » étant offerte, moyennant un coût de 4320 € TTC , à régler en 12 chèques de 360 € à envoyer dès la réalisation de la maquette.

Le 18 juin 2018, Mme [H] a adressé à Editions Conseil une lettre recommandée avec accusé de réception par laquelle elle se rétractait de son achat, estimant qu’elle aurait été victime d’une vente forcée.

M. [B] [O], exerçant sous l’enseigne ‘Editions Conseil’, a exigé le paiement de la somme de 4 680 euros correspondant au montant du contrat outre frais techniques, considérant que les conditions générales de vente excluaient expressément le droit de rétractation au motif qu’il s’agissait d’une création personnalisée ne pouvant être revendue et que le droit de rétractation n’était pas applicable aux professionnels.

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Après une mise en demeure adressée à Mme [H], M. [O] a fait délivrer, par acte d’huissier du 18 septembre 2020, une assignation en paiement à l’encontre de cette dernière devant le tribunal judiciaire de Toulouse.

Par jugement contradictoire du 6 avril 2021, le tribunal judiciaire de Toulouse a :

– déclaré l’action de M. [B] [O] irrecevable,

– condamné M. [B] [O] à payer à Mme [D] [H] la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– rejeté les demandes plus amples ou contraires,

– rappelé que l’exécution provisoire de la présente décision est de droit,

– condamné M. [B] [O] aux dépens.

Pour statuer ainsi, le tribunal a considéré que Mme [H] revêtait la qualité de consommateur dans le cadre du contrat d’insertion publicitaire et que dès lors, l’action était soumise au délai de l’article L.218-2 du code de la consommation, et donc irrecevable, le délai de deux ans ayant été dépassé.

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Par déclaration du 5 mai 2021, M. [B] [O] a relevé appel de l’intégralité des dispositions de ce jugement .

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Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 12 août 2021, M. [B] [O], exerçant en son nom personnel sous l’enseigne ‘Editions Conseil’, appelant, demande à la cour, au visa des articles 1103, 1240 et 1343-2 du code civil et de l’article L.221-28 du code de la consommation de :

– réformer en toutes ses dispositions le jugement dont appel,

Statuant à nouveau,

– le juger recevable et bien fondé en son action en paiement dirigée à l’encontre de Mme [D] [H],

– débouter Mme [D] [H] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

En conséquence,

– condamner Mme [D] [H] à lui payer la somme de 4 680,00 euros, à titre de dommages et intérêts suite à la rupture injustifiée de son engagement contractuel,

– condamner Mme [D] [H] à lui payer la somme 1 500 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive,

– condamner Mme [D] [H] au paiement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens d’instance et d’appel.

Il soutient que Mme [H] n’a pas la qualité de consommateur au sens du code de la consommation et que les dispositions de l’article L218-2 du code de la consommation, texte dérogatoire de la prescription quinquennale de droit commun, ne peuvent bénéficier ni aux professionnels, ni aux non-professionnels non visés par ce texte, s’agissant d’un contrat souscrit pour les besoins d’une activité professionnelle afin de promouvoir celle-ci et non d’un contrat pour les besoins personnels ou domestiques. Il conteste toute nullité du bon de commande au regard des dispositions du code de la consommation inapplicables en l’espèce pour les mêmes motifs, relevant la précision des prestations commandées et du tarif ainsi que la lisibilité des conditions générales de vente. Il conteste tout droit de rétractation s’agissant d’un contrat signé à distance par voie électronique et les conditions générales de vente excluant la possibilité d’une annulation en raison de la réservation d’espace publicitaire indissociable de la chaîne de montage et de fabrication d’un magazine constitué d’une ou plusieurs agences publicitaires vers un éditeur et de sa personnalisation, Mme [H] n’ayant au demeurant pas la qualité de professionnel. Il conteste tout vice du consentement et toute vente forcée. Il soutient que les dispositions de l’article L 221-3 du code de la consommation ne peuvent s’appliquer entre professionnels que si l’objet du contrat n’entre pas dans le champ de l’activité principale du professionnel ce qui ne serait pas le cas en l’espèce, le contrat litigieux étant destiné à promouvoir l’activité professionnelle de Mme [H]. Il estime injustifiée la rupture de l’engagement contractuel, s’estimant en droit d’en solliciter réparation à hauteur du préjudice financier en résultant, soutenant que l’encart publicitaire avait été réalisé et que la défaillance de Mme [H] a généré un préjudice complémentaire dans la mesure où, travaillant en temps réel, l’entreprise d’édition a été contrainte de modifier ses plannings ce qui aurait généré des difficultés dans les bouclages de parution. Il s’oppose à tout délai de paiement.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 30 juillet 2021, Mme [D] [H], intimée, demande à la cour de :

A titre principal,

– confirmer le jugement dont appel en son entier,

A titre subsidiaire,

– déclarer nul le bon de commande du 14 juin 2020 au visa des articles L.242-1 et L.242-2 du code de la consommation,

– déclarer nul le bon de commande du 14 juin 2020 au visa des articles 1130 et 1131 du code civil,

A titre très subsidiaire,

– déclarer que le contrat a été valablement résolu en application de l’article L.221-18 du code de la consommation,

En toutes hypothèses,

– débouter M. [O] de l’intégralité de ses demandes,

A titre très subsidiaire,

– déclarer que, en cas de condamnation à son égard à verser une quelconque indemnité à M. [O], elle bénéficiera d’un paiement échelonné de cette indemnité pendant deux ans, au visa de l’article 1343-5 du code civil,

– condamner M. [O] à lui verser 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– déclarer que cette somme portera intérêts au taux légal à compter de l’arrêt à intervenir, avec capitalisation des intérêts au terme d’un délai d’un an et renouvelable tous les ans,

– condamner M. [O] aux entiers dépens.

Mme [H] soutient qu’elle peut bénéficier des dispositions du code de la consommation dès lors que l’activité publicitaire ici en cause est étrangère à son activité d’acupunctrice et qu’elle doit être regardée non comme un professionnel mais comme un consommateur et que dès lors, l’action engagée à son encontre plus de deux ans après sa lettre de rétraction notifiée le 19 juin 2018 est prescrite comme jugé par le premier juge.

A supposer que sa qualité de consommateur ne soit pas reconnue, elle invoque l’application des dispositions de l’article L 221-3 du code de la consommation, ne disposant d’aucun salarié et l’objet du contrat concernant des encarts publicitaires étant selon elle sans lien avec son activité principale, consécutivement le non respect par le contrat des dispositions des articles L 221-9 et L 221-5 du même code et la nullité du bon de commande en application de l’article L 242-1. Elle invoque par ailleurs le non respect par le bon de commande des dispositions de l’article L 221-14 du même code s’agissant d’un contrat conclu par voie électronique en l’absence des informations relatives aux caractéristiques essentielles des biens ou services objets de la commande et d’une mention claire et lisible relative à une commande avec obligation de paiement, et consécutivement, la nullité du bon de commande sur le fondement de l’article L 242-2 du code de la consommation. Elle relève qu’en application des dispositions de l’article L 221-18 du même code, elle disposait d’un droit de rétraction s’agissant d’un contrat conclu hors établissement entre deux professionnels n’entrant pas dans le champ de son activité principale, aucun bon à tirer relatif à l’encart publicitaire n’ayant encore été élaboré à la date de sa rétractation. Elle soutient surabondamment qu’elle a été démarchée par un commercial dès le 13 juin 2018, lequel est revenu à la charge par téléphone par voie informatique le 14 juin alors qu’elle avait plusieurs patients en attente de sorte qu’elle n’avait pas beaucoup de temps à consacrer à la conception et à la commande d’encarts publicitaires ; que néanmoins le bon de commande a été établi par voie électronique dans la précipitation et sous la pression, invoquant un vice du consentement.

Elle conteste tout préjudice découlant de sa rupture du contrat, en l’absence de prestations réalisées à cette date et de toute dépense réellement engagée.

A titre subsidiaire elle sollicite un échelonnement de la dette éventuelle sur deux ans au regard de ses facultés contributives réduites.

-:-:-:-:-:-

L’ordonnance de clôture est intervenue le 25 octobre 2022.

L’affaire a été examinée à l’audience du 15 novembre 2022.

SUR CE, LA COUR,

1°/ Sur la prescription de l’action en paiement

Selon les dispositions de l’article L 218-2 du code de la consommation, l’action des professionnels, pour les biens ou les services qu’ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans.

Selon l’article liminaire du code de la consommation s’entend comme consommateur toute personne physique qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole.

En l’espèce, Mme [H] a passé commande auprès de Editions Conseil Régie Lafont presse d’une campagne publicitaire aux fins de promouvoir son activité professionnelle libérale et/ou artisanale de « acupuncteur-massage-relaxante, énergétique, thérapeutique » et non en qualité de consommateur.

Il en résulte, contrairement à ce qu’a retenu le premier juge, que la prescription applicable à l’action en paiement diligentée par M.[B] [O], exerçant en son nom personnel sous l’enseigne « Editions Conseil » est la prescription quinquennale de droit commun et non la prescription dérogatoire prévue par l’article L 218-2 du code de la consommation.

M. [O] ayant assigné en paiement Mme [H] le 18 septembre 2020, moins de cinq ans après la commande passée le 14 juin 2018 et rétractée le 18 juin 2018, son action, infirmant le jugement entrepris, doit être déclarée recevable.

2°/ Sur la nullité du bon de commande

Il est acquis que le bon de commande signé par Mme [H] a été signé à distance sur son lieu de travail, par voie électronique, et après démarchage de cette dernière par un agent commercial identifié comme étant M.[T], c’est à dire hors établissement au sens de l’article L 221-1 2°b) du code de la consommation.

Selon les dispositions de l’article L. 221-3 du code de la consommation, les sections 2, 3 et 6 du chapitre I du titre II du livre II de la partie législative du code de la consommation applicables aux relations entre consommateurs et professionnels, soit les articles L.221-5 à L.221-10 et L.221-18 à L.221-28, sont étendues aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l’objet de ces contrats n’entre pas dans le champ de l’activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq.

En l’espèce, Mme [H] exerce une activité d’acupuncture-massage-relaxation et n’a aucun salarié. L’objet du contrat souscrit à savoir l’insertion publicitaire aux fins de communication commerciale et de publicité de cette activité via des organes de presse spécialisés n’entre pas dans le champ de son activité principale de sorte que le bon de commande signé le 14 juin 2018 était soumis aux prescriptions informatives édictées par l’article L 221-5 du code de la consommation et devait être accompagné selon les dispositions de l’article L 221-9 du formulaire type de rétraction mentionné au 2° de l’article L 221-5 dans sa version en vigueur à compter du 1er juillet 2016.

En l’espèce le bon de commande signé le 14 juin 2018 n’était accompagné d’aucun bordereau de rétractation, les conditions générales de vente édictant, contrairement aux règles d’ordre public applicables au contrat en cause, qu’aucune annulation ne pouvait être prise en compte.

Selon les dispositions de l’article L 242-1 du code de la consommation dans sa version en vigueur à compter du 1er juillet 2016, les dispositions de l’article L 221-9 susvisées sont prévues à peine de nullité du contrat conclu hors établissement.

En conséquence, Mme [H] sollicite à juste titre la nullité du bon de commande qu’elle a signé le 14 juin 2018 au visa de l’article L 242-1, nullité qu’il convient de prononcer.

Ledit bon de commande étant nul et de nul effet, la demande en paiement de M. [O] ne peut qu’être rejetée.

3°/ Sur les dépens et l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile

Succombant en ses prétentions M.[O] doit supporter les dépens de la procédure de première instance, ainsi que décidé par le premier juge, tout comme ceux d’appel. Il se trouve redevable d’indemnités sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile tant au titre de la procédure de première instance, telle que justement arbitrée par le premier juge, qu’au titre de la procédure d’appel dans les conditions définies au dispositif du présent arrêt, sans pouvoir lui-même prétendre à l’application de ce texte à son profit.

L’indemnité allouée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, portera intérêts, en application des dispositions de l’article 1231-7 du code civil à compter du présent arrêt. En application des dispositions de l’article 1343-2 du code civil, la demande étant judiciairement formée à ce titre, lesdits intérêts porteront eux-mêmes intérêts dès lors qu’ils seront dus au moins pour une année entière.

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Infirme le jugement entrepris uniquement en ce que le premier juge a déclaré irrecevable l’action de M. [B] [O]

Le confirme pour le surplus de ses dispositions

Statuant à nouveau sur le chef infirmé et y ajoutant,

Déclare recevable l’action en paiement exercée par M. [B] [O]

Déclare nul le bon de commande n° LF 0153 signé le 14 juin 2018 par Mme [D] [H] auprès de l’enseigne Editions Conseil sous laquelle M.[B] [O] exerce son activité professionnelle

Déboute M. [B] [O] de son action en paiement

Condamne M. [B] [O] aux dépens d’appel

Condamne M. [B] [O] à payer à Mme [D] [H] une indemnité de 2.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d’appel

Dit que cette indemnité portera intérêts au taux légal à compter du présent arrêt et que lesdits intérêts porteront eux-mêmes intérêt dès lors qu’ils seront dus au moins pour une année entière

Déboute M. [B] [O] de sa demande d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier Le Président

N. DIABY C. ROUGER

 


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