Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 4 – Chambre 9 – A
ARRÊT DU 14 DÉCEMBRE 2023
(n° , 7 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/12383 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCJNG
Décision déférée à la Cour : Jugement du 31 décembre 2019 – Tribunal d’Instance de SAINT MAUR DES FOSSÉS – RG n° 11-19-000678
APPELANTE
La société LOCAM – LOCATION AUTOMOBILES MATÉRIELS, SAS agissant poursuite et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège
N° SIRET : 310 880 315 00471
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Guillaume MIGAUD de la SELARL ABM DROIT ET CONSEIL AVOCATS E.BOCCALINI & MIGAUD, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC430
INTIMÉE
Madame [O] [I], infirmière libérale
N° SIRET : [Numéro identifiant 4]
[Adresse 1]
[Localité 5]
DÉFAILLANTE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 17 octobre 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre
Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère
Mme Sophie COULIBEUF, Conseillère
Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE
ARRÊT :
– DÉFAUT
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Mme Muriel DURAND, Présidente et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par l’intermédiaire d’un commercial de la société Citycare sise à [Localité 6] dans les Bouches du Rhône et par acte sous seing privé en date du 24 janvier 2018, Mme [O] [I], qui exerçait comme infirmière libérale [Adresse 1] à [Localité 5], a souscrit auprès de la société Locam – Location Automobile Matériels (société Locam) un contrat de location d’une durée irrévocable de 60 mois portant sur un défibrillateur automatique externe (« DAE + Box + mallette + save ») dont le loyer mensuel était fixé à la somme de 129 HT soit TTC 154,80 euros et avec assurance 168,74 euros.
Le 31 janvier 2018, Mme [I] a réceptionné sans réserve le matériel.
Les loyers étant impayés à compter du mois de juin 2018, la société Locam a, par LRAR du 15 septembre 2018, adressé à Mme [I] une mise en demeure de régler les échéances impayées sous peine de résiliation du contrat
Saisi le 16 mars 2019 par la société Locam d’une demande tendant principalement à la condamnation de la locataire au paiement du solde restant dû, le tribunal d’instance de Saint-Maur des Fossés, par un jugement contradictoire rendu le 31 décembre 2019 auquel il convient de se reporter, a :
– condamné Mme [I] à payer à la société Locam la somme de 619,20 euros au titre des loyers dus du 20 juin 2018 au 20 septembre 2018 outre la somme de 61,92 euros au titre de la clause pénale avec intérêts au taux légal à compter de la décision et capitalisation des intérêts,
– condamné Mme [I] à payer à la société Locam la somme de 300 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens,
– débouté la société Locam du surplus de ses demandes,
– ordonné l’exécution provisoire de la décision.
Il a considéré que le matériel avait été restitué le 23 octobre 2018 et que le contrat se trouvait résilié de plein droit par l’effet de la clause résolutoire insérée au contrat passé dans le délai de 8 jours de la mise en demeure envoyée par la société Locam de sorte que cette dernière qui avait résilié le contrat ne pouvait pas prétendre au paiement des loyers dus pour la période postérieure à cette résiliation. Il a rejeté toute demande de restitution en relevant que le matériel avait déjà été restitué.
Par une déclaration en date du 25 août 2020, la société Locam a relevé appel de cette décision.
Aux termes de conclusions remises le 4 novembre 2020, l’appelante demande à la cour :
– de confirmer le jugement sur son principe de condamnation de Mme [I],
– le réformant pour le surplus, de condamner Mme [I] au paiement de la somme de 9 965,02 euros et ce avec intérêts égal au taux appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage (article L. 441-6 du code de commerce) et ce à compter de la date de la mise en demeure soit le 15 septembre 2018,
– d’ordonner l’anatocisme des intérêts en application des dispositions de l’article 1343-2 du code civil,
– de condamner Mme [I] au paiement de la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile
– de condamner Mme [I] aux entiers dépens de la présente instance.
Elle fait valoir que le contrat est à durée déterminée, qu’en application de son article 12 Mme [I] était tenue outre la restitution du matériel, de verser une somme égale au montant des loyers impayés au jour de la résiliation ainsi qu’une somme égale au montant de la totalité des loyers restant à courir jusqu’à la fin du contrat telle que prévue à l’origine majorée d’une clause pénale de 10 %, sans préjudice de tous dommages et intérêts qu’elle pourrait devoir, les sommes réglées postérieurement à la résiliation du contrat étant affectées sur les sommes dues et n’emportant pas novation de la résiliation. Elle soutient qu’en application de ces dispositions, elle peut prétendre au paiement de la somme de 9 965,02 euros correspondant à :
– loyers impayés avant la résiliation (647,08 euros) majorés de 10 % (64,70 euros),
– 52 loyers à échoir (8 412,04 euros) majorés de 10 % (841,20).
Elle ajoute qu’en application de l’article L. 441-6 du code de commerce, elle peut prétendre au taux d’intérêts appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage et ce à compter de la date de la mise en demeure soit le 15 septembre 2018.
Suivant acte d’huissier remis le 5 novembre 2020 à étude, la déclaration d’appel et les conclusions ont été signifiées à Mme [I] qui n’a pas constitué avocat.
Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 14 mars 2023 et l’affaire a été appelée à l’audience du 9 mai 2023.
Par arrêt du 29 juin 2022, la cour avant dire droit a soulevé d’office l’application du droit de rétractation et les conséquences du renvoi du matériel et l’éventuelle nullité du contrat, ordonné la réouverture des débats, dans la limite des moyens soulevés d’office et invité la société Locam à faire valoir ses observations sur les moyens soulevés d’office et à produire tout pièce utile, avant le 26 septembre 2023, renvoyé l’affaire à l’audience du 17 octobre 2023 à 09 h 30 pour plaider et réservé les dépens.
Le 25 septembre 2023, la société Locam a conclu aux même fins et fait valoir que toute demande en nullité au demeurant jamais présentée par la locataire est prescrite, que si le contrat de location (opération de location au sens de l’article L. 311-2 du code de la consommation) qu’elle propose en sa qualité d’établissement financier au sens de l’article L. 511-1 du même code) peut être donc un acte de démarchage financier au sens de l’article L. 341-1 du même code, il reste qu’ en application de l’article L. 341-2 du code monétaire et financier les règles concernant le démarchage bancaire ou financier ne s’appliquent pas lorsque ces contrats sont destinés aux besoins d’une activité professionnelle, que ce critère de besoin de l’activité professionnelle est nettement moins restrictif que la notion de champ de l’activité professionnelle cité au code de la consommation et que dès lors, le moyen soulevé d’office tiré de l’application du code de la consommation doit être écarté. Elle s’estime donc recevable et bien fondée à solliciter la condamnation de Mme [I] au paiement de la somme de 9 965,02 euros et ce avec intérêts égal au taux appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage (article L. 441-6 du code de commerce) et ce à compter de la date de la mise en demeure soit le 15 septembre 2018.
MOTIFS DE LA DÉCISION
En application des dispositions de l’article 472 du code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond, le juge ne faisant droit à la demande que s’il l’estime recevable, régulière et bien fondée.
Il résulte de l’article L. 221-3 du code de la consommation que les dispositions des sections 2, 3, 6 du chapitre 1er « Contrats conclus à distance et hors établissement » applicables aux relations entre consommateurs et professionnels sont étendues aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l’objet de ces contrats n’entre pas dans le champ de l’activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq.
La société Locam soutient que par application de l’article L. 221-2-4° du code de la consommation qui exclut du champ d’application du chapitre concernant les contrats conclus à distance et hors établissement (articles L. 221-1 à L. 221-29) les contrats conclus à distance portant sur des services financiers, cette disposition ne peut lui être opposée.
Il résulte de l’article L. 222-1 du même code que les dispositions particulières aux contrats conclus à distance portant sur des services financiers sont régies par le chapitre suivant (articles L. 222-1 à L. 222-18) qui s’appliquent aux services mentionnés aux livres Ier à III et au titre V du livre V du code monétaire et financier ainsi qu’aux opérations pratiquées par les entreprises régies par le code des assurances, par les mutuelles et unions régies par le livre II du code de la mutualité et par les institutions de prévoyance et unions régies par le titre 3 du livre 9 du code de la sécurité sociale sans préjudice des dispositions spécifiques prévues par ces codes.
L’article 2 de la directive 2011/83/UE relative aux droits des consommateurs, dont les dispositions ont été transposées en droit interne par la loi dite Hamon, définit le service financier comme étant « tout service ayant trait à la banque, au crédit, à l’assurance, aux pensions individuelles, aux investissements ou aux paiements ».
Si l’article L. 311-2 du code monétaire et financier inclus dans le livre III du code monétaire et financier permet effectivement aux établissements de crédit d’effectuer des opérations connexes à leur activité telles que « […] 6. Les opérations de location simple de biens mobiliers ou immobiliers pour les établissements habilités à effectuer des opérations de crédit-bail », il n’en résulte pas que toute opération de location simple répond nécessairement à la définition du service financier au sens du code de la consommation.
Le contrat qui a été conclu entre les parties porte le titre « contrat de location », la société Locam apparaît comme bailleur et il n’y a aucune option d’achat à l’issue. L’objet principal du contrat est donc la location en contrepartie du paiement d’un loyer et non un financement, ce que corroborent les obligations réciproques du loueur et du locataire énumérées aux conditions générales de vente.
S’il n’est pas contesté que la société Locam est agréée auprès de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution et qu’elle est autorisée à ce titre à réaliser une activité de location simple, c’est à tort qu’elle déduit de ce que, son activité de location simple étant autorisée par l’article L. 311-2 I. 6° du code monétaire et financier, elle doit nécessairement être qualifiée de service financier. Suivre la société Locam dans cette argumentation reviendrait à conférer un régime différent à un contrat de location d’un bien meuble consenti par une entreprise ordinaire et le même contrat consenti par un organisme financier. La circonstance que le bien en question a été acheté auprès d’un tiers avant que d’être donné en location est indifférente.
Bien que le contrat ne le mentionne pas, il résulte de la confrontation des adresses que ce contrat a été souscrit par suite d’un démarchage à domicile. Mme [I] qui avait comparu en première instance avait d’ailleurs expressément indiqué qu’un représentant lui avait proposé un défibrillateur après lui avoir dit qu’il y avait une prime, qu’elle avait donné son RIB audit représentant après avoir signé le contrat, qu’elle avait ensuite fait opposition aux prélèvements considérant qu’il s’agissait d’un abus de confiance et restitué le matériel depuis le mois de février 2018.
Elle avait produit en cours de délibéré un courriel de la société Citycare indiquant avoir réceptionné le courrier objet du contrat litigieux le 23 octobre 2018.
Il résulte de ce qui précède qu’est applicable l’article L. 221-3 du code de la consommation qui prévoit que les dispositions relatives à l’obligation d’informations précontractuelles, aux contrats conclus hors établissement et au droit de rétractation sont étendues aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l’objet de ces contrats n’entre pas dans le champ de l’activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq.
Le dispositif de protection est ainsi étendu au bénéfice de professionnels dont la vulnérabilité est assimilée à celle de consommateurs, sous certaines conditions.
Ces dispositions sont destinées à faire respecter la loyauté en matière de démarchage à domicile, lieu où le consentement du consommateur privé de tout repère est facilement surpris.
Il convient de rappeler qu’aucun texte n’impose aux infirmiers exerçant à titre libéral de disposer d’un défibrillateur, lequel ne constitue donc pas un équipement nécessaire ou spécifique à l’exercice de cette profession.
Le contrat de location d’un DAE n’entre pas dans le champ de l’activité principale d’une infirmière libérale dont l’activité principale n’est pas une activité de secourisme mais une activité de soins au domicile de ses patients. En l’occurrence, l’utilisation d’un DAE relève plus d’un geste de secours, réalisable par un professionnel ou par un non professionnel que d’un soin. Il s’agit d’un dispositif médical de secours utilisable par toute personne quel que soit son âge.
Par ailleurs, la mention prévue au contrat selon laquelle le locataire « atteste que le contrat est en rapport direct avec son activité professionnelle et souscrit pour les besoins de cette dernière » ne saurait faire obstacle aux dispositions protectrices du code susvisé qui ne visent que « l’activité principale ».
Il n’est pas prétendu que Mme [I] employait un ou plusieurs salariés.
Ainsi, il doit être jugé que Mme [I] devait bénéficier des dispositions protectrices du code de la consommation, notamment l’obligation d’informations précontractuelles prévue à l’article L. 221-5 et l’information sur le droit de rétractation prévu par l’article L. 221-18 qui octroie au consommateur un délai de quatorze jours pour exercer son droit de rétractation d’un contrat conclu hors établissement.
Il convient de rappeler que toute clause qui aurait pour effet de faire échec au droit de rétractation est réputée non écrite.
Les dispositions de l’article L. 221-5 du même code prévoient que le professionnel communique au consommateur de manière lisible et compréhensible les conditions, le délai et les modalités d’exercice du droit de rétractation lorsqu’il existe, ainsi que le formulaire de rétractation dont les conditions de présentation et les mentions qu’il contient sont fixées par décret en Conseil d’Etat.
En cas de non-respect de ces dispositions, l’article L. 221-20 du même code prévoit la prolongation du délai de rétractation de 12 mois à compter de l’expiration du délai de rétractation initial.
Or le contrat ne comprend aucune information sur l’existence et les modalités d’un droit de rétractation et aucun bordereau de rétractation n’y figure de sorte qu’elle pouvait exercer ce droit jusqu’au 7 février 2019.
Il n’est pas contesté qu’elle a renvoyé le matériel qui a été réceptionné par la société Citycare le 23 octobre 2018. Ce faisant elle a manifesté clairement sa volonté de se rétracter et il ne saurait lui être reproché d’avoir procédé de cette manière alors même qu’elle n’avait pas été informée des modalités que devait suivre l’exercice de ce droit.
Dès lors la société Locam ne peut prétendre aux loyers postérieurs. Le jugement doit donc être infirmé en ce qu’il a limité la condamnation de Mme [I] aux sommes de 619,20 euros au titre des loyers dus du 20 juin 2018 au 20 septembre 2018 et de 61,92 euros au titre de la clause pénale et Mme [I] doit être condamnée à payer les loyers de juin 2018 au 23 octobre 2018 soit 674,96 euros outre la pénalité de 10 % soit 67,96 euros.
L’article 4 prévoit l’application du taux légal. Il y a donc lieu d’appliquer ce taux à compter de la mise en demeure du 15 septembre 2018 sur les sommes dues à cette date et de l’assignation du 16 mars 2019 pour le surplus.
Mme [I] doit donc être condamnée à payer la somme de 742,92′ euros avec intérêts au taux légal à compter du 15 septembre 2018 sur la somme de 533,82 euros et de l’assignation du 16 mars 2019 pour le surplus.
Le jugement doit être confirmé en ce qu’il a fait droit à la demande de capitalisation des intérêts.
La société Locam doit être déboutée de ses demandes pour le surplus.
Dans la mesure où elle succombe pour une grande part, elle doit garder la charge des dépens et de ses frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant par arrêt rendu par défaut rendu en dernier ressort,
Confirme le jugement sauf en ce qu’il a limité la condamnation de Mme [O] [I] aux sommes de 619,20 euros au titre des loyers dus du 20 juin 2018 au 20 septembre 2018 et la somme de 61,92 euros au titre de la clause pénale et fixé le point de départ des intérêts au taux légal au jour de la décision ;
Statuant à nouveau,
Condamne Mme [O] [I] à payer à la société Locam – Location Automobiles Matériels la somme de 742,92 euros avec intérêts au taux légal à compter du 15 septembre 2018 sur la somme de 533,82 euros et de l’assignation du 16 mars 2019 pour le surplus ;
Y ajoutant,
Laisse les dépens d’appel à la charge de la société Locam – Location Automobiles Matériels.
La greffière La présidente