AFFAIRE : N° RG 22/00298 –
ARRÊT N°
NLG
ORIGINE : DECISION du Juge des contentieux de la protection de FLERS en date du 06 Janvier 2022
RG n° 1121000210
COUR D’APPEL DE CAEN
DEUXIEME CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE
ARRÊT DU 14 DECEMBRE 2023
APPELANTE :
S.A. COFIDIS
N° SIRET : 325 307 106
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 2]
prise en la personne de son représentant légal
Représentée et assistée par Me Emmanuelle BLANGY, avocat au barreau de CAEN
INTIME :
Monsieur [N] [J]
né le [Date naissance 1] 1951 à [Localité 6]
[Adresse 5]
[Localité 4]
Non représenté, bien que régulièrement assigné
DEBATS : A l’audience publique du 16 octobre 2023, sans opposition du ou des avocats, Madame EMILY, Président de Chambre, a entendu seule les observations des parties sans opposition de la part des avocats et en a rendu compte à la Cour dans son délibéré
GREFFIER : Mme LE GALL, greffier
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme EMILY, Président de Chambre,
Mme COURTADE, Conseillère,
M. GOUARIN, Conseiller,
ARRÊT prononcé publiquement le 14 décembre 2023 à 14h00 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Madame EMILY, président, et Mme LE GALL, greffier
*
* *
Suivant acte sous seing privé du 17 mai 2018, la SA Cofidis a consenti à M. [N] [J] un prêt personnel n°28900000579921 portant sur une somme de 11.000 euros, remboursable en 72 mensualités, la première de 197,24 euros et les suivantes de 198,45 euros, au taux débiteur fixe de 5,72% l’an, hors assurance.
Suivant acte sous seing privé du 29 juin 2018, la SA Cofidis a consenti à M. [N] [J] un crédit renouvelable n°28924000591614 utilisable par fractions pour un découvert maximum autorisé de 500 euros, au taux débiteur de 19,26% et TAEG de 21,06%, ce prêt étant remboursable par mensualités variables en fonction de la somme empruntée.
Par avenant en date du 7 février 2019, le montant maximum de ce deuxième crédit octroyé a été porté à la somme de 3.500 euros au taux débiteur de 11,82% et TAEG de 12,48%.
A la suite de plusieurs incidents de paiement, la SA Cofidis a, par lettres recommandées avec avis de réception en date du 6 janvier 2021 reçues le 7 janvier 2021, mis en demeure M. [J] de procéder au règlement des sommes restant impayées au titre de ces deux prêts, soit des sommes de 810,63 euros et de 1484,37 euros, dans un délai de 8 jours à défaut de quoi la déchéance de chacun des crédits serait prononcée, la totalité de la dette devenant immédiatement exigible.
Aucun règlement n’étant intervenu, la SA Cofidis a, par lettres recommandées avec avis de réception en date du 18 janvier 2021, prononcé la déchéance du terme des prêts litigieux.
Par acte d’huissier de justice en date du 2 septembre 2021, la SA Cofidis a fait assigner M. [N] [J] devant le tribunal de proximité de Flers, aux fins d’obtenir sa condamnation au paiement des sommes réclamées au titre des prêts litigieux, outre une somme de 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens.
Par jugement réputé contradictoire du 6 janvier 2022, le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Flers a :
– déclaré l’action de la SA Cofidis recevable ;
– prononcé la déchéance du droit aux intérêts de la SA Cofidis au titre du crédit renouvelable n°28924000591614 souscrit par M. [N] [J] le ’25 juin 2018″, à compter de cette date ;
– prononcé la déchéance du droit aux intérêts de la SA Cofidis au titre du prêt personnel n°28900000579921 souscrit par M. [N] [J] le 17 mai 2018, à compter de cette date ;
– condamné M. [N] [J] à payer à la SA Cofidis la somme de 2.409,84 euros au titre du crédit renouvelable n°28924000591614 souscrit le 25 juin 2018 ;
– condamné M. [N] [J] à payer à la SA Cofidis la somme de 6.975,05 euros au titre du prêt personnel n°28900000579921 souscrit le 17 mai 2018 ;
– dit que ces deux condamnations produiront intérêts au taux légal non majoré à compter du 7 janvier 2021 ;
– condamné M. [N] [J] aux entiers dépens de l’instance ;
– débouté la SA Cofidis de sa demande formée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– rappelé que l’exécution provisoire est de droit ;
– débouté les parties de toute demande plus ample ou contraire.
Par déclaration en date du 7 février 2022 adressée au greffe de la cour, la SA Cofidis a interjeté appel de ce jugement.
M. [N] [J] n’a pas comparu et ne s’est pas fait représenter, bien que la déclaration d’appel et les premières conclusions d’appelant lui ont été régulièrement signifiées respectivement à étude d’huissier et à personne.
Par dernières conclusions déposées le 26 avril 2022, la SA Cofidis demande à la cour d’infirmer le jugement déféré en ce qu’il a prononcé la déchéance totale du droit aux intérêts conventionnels pour chacun des crédits et en ce qu’il a débouté les parties de toutes demandes plus amples ou contraires et statuant à nouveau, de :
– condamner M. [N] [J] à payer à la SA Cofidis les sommes de :
*4.058,37 euros arrêtée au 18 juin 2021 au titre du contrat de crédit renouvelable Accessio en date du 29/06/2018 avec intérêts au taux contractuel de 9,53% par an sur la somme de 3.269,42 euros jusqu’à parfait règlement,
*9 853,83 euros arrêtée au 18 juin 2021 au titre du contrat de prêt personnel en date du 17/05/2018 avec intérêts au taux contractuel de 5,72% par an sur la somme de 8.510,25 euros jusqu’à parfait règlement,
A titre subsidiaire,
– infirmer le jugement déféré en ce qu’il a dit que ces condamnations produiront intérêts au taux légal non majoré à compter du 7 janvier 2021,
Statuant à nouveau,
– dire que ces condamnations produiront intérêts au taux légal à compter du 7 janvier 2021,
– Infirmer le Jugement déféré en ce qu’il a débouté la SA Cofidis de sa demande formée sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau,
– condamner M. [N] [J] à payer à la SA Cofidis la somme de 800 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance,
Y additant,
– condamner M. [N] [J] à payer à la SA Cofidis la somme de 1.200 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre de l’instance d’appel,
– confirmer le jugement déféré en toutes ses autres dispositions non contraires,
– condamner M. [N] [J] aux entiers dépens d’appel.
L’ordonnance de clôture de l’instruction a été rendue le 20 septembre 2023.
Il est expressément renvoyé aux écritures précitées pour un plus ample exposé des prétentions et moyens de l’appelante.
SUR CE, LA COUR
Sur le bordereau de rétractation
Selon l’article L312-19 du code de la consommation, l’emprunteur peut se rétracter sans motifs dans un délai de quatorze jours calendaires révolus à compter du jour de l’acceptation de l’offre de contrat de crédit comprenant les informations prévues à l’article L. 312-28.
Aux terme de l’article L312-21 du code de la consommation, afin de permettre l’exercice du droit de rétractation mentionné à l’article L. 312-19, un formulaire détachable est joint à son exemplaire du contrat de crédit.
Aux termes de l’artcile L341-4 du code de la consommation, dans sa version applicable à la cause, le prêteur qui accorde un crédit sans remettre à l’emprunteur un contrat satisfaisant aux conditions fixées par les articles L. 312-18, L. 312-21, L. 312-28, L. 312-29, L. 312-43 ainsi que, pour les opérations de découvert en compte, par les articles L. 312-85 à L. 312-87 et L. 312-92, est déchu du droit aux intérêts.
Le premier juge a retenu que le prêteur ne rapportait pas la preuve de la remise à l’emprunteur de contrats dotés d’un formulaire détachable de rétractation, les exemplaires originaux communiqués par celui-ci ne comportant pas de tels formulaires alors que l’offre de contrat doit être reproduite en autant d’exemplaires que de parties.
L’appelante fait valoir qu’en apposant sa signature au bas des deux contrats de crédit litigieux, l’emprunteur a notamment reconnu rester en possession d’un exemplaire du contrat doté d’un formulaire détachable de rétractation ce qui laisse présumer la remise effective de celui-ci.
Toutefois, la signature par l’emprunteur de l’offre préalable , comportant une clause selon laquelle il reconnaît que le prêteur, qui doit rapporter la preuve de ce qu’il a satisfait à ses obligations, lui a remis le bordereau de rétractation, constitue seulement un indice qu’il incombe au prêteur de corroborer par un ou plusieurs éléments complémentaires. (1re Civ., 21 octobre 2020, n°19-18,971)
En l’espèce, la production des copies des lettres adressées à l’emprunteur lui enjoignant de renvoyer divers documents datés et signés et de conserver la fiche d’informations précontractuelles européennes normalisées, le double du contrat , le contrat porteur CB et le contrat cadre de services de paiement, et de la liasse à conserver ne suffit pas à corroborer la signature de la clause par laquelle l’emprunteur reconnaît avoir reçu un exemplaire du contrat de prêt doté d’un bordereau de rétractation dès lors qu’aucun document signé par l’emprunteur n’est communiqué et que les pièces produites ne font de surcroît apparaître aucun bordereau de rétractation.
Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu’il a prononcé la déchéance du droit aux intérêts contractuels et privé le prêteur de l’indemnité forfaitaire de 8%.
Sur les créances
Selon l’article L312-39 du code de la consommation, en cas de défaillance de l’emprunteur, le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés. Jusqu’à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent les intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt.
En outre, le prêteur peut demander à l’emprunteur défaillant une indemnité qui, dépendant de la durée restant à courir du contrat et sans préjudice de l’application de l’article 1231-5 du code civil, est fixée suivant un barème déterminé par décret.
Par application des dispositions de l’article L311-38 du même code, aucune indemnité, ni aucuns frais autres que ceux mentionnés à l’article L311-39 ne peuvent être mis à la charge de l’emprunteur.
C’est par des motifs pertinents, que la cour adopte, que le premier juge a fixé la créance de la société Cofidis à la somme de 2409,84 euros au titre du crédit renouvelable et à la somme de 6975,05 euros au titre du prêt personnel avec intérêts au taux légal à compter du 7 janvier 2021.
A titre subsidiaire, la société Cofidis conteste la décision du premier juge relative à l’application d’un taux d’intérêt légal non majoré au motif que cette décision a été prise d’office par le tribunal alors qu’aucune demande n’avait été formulée par l’emprunteur et demande l’application du taux légal devant être majoré conformément à la loi.
La Cour de cassation juge que la déchéance du droit aux intérêts conventionnels ne dispense pas l’emprunteur du paiement des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure
Aux termes de l’article L313-3 du code monétaire et financier, en cas de condamnation pécuniaire par décision de justice, le taux de l’intérêt légal est majoré de cinq points à l’expiration d’un délai de deux mois à compter du jour où la décision de justice est devenue exécutoire, fût-ce par provision. Cet effet est attaché de plein droit au jugement d’adjudication sur saisie immobilière, quatre mois après son prononcé.
Toutefois, le juge de l’exécution peut, à la demande du débiteur ou du créancier, et en considération de la situation du débiteur, exonérer celui-ci de cette majoration ou en réduire le montant.
Afin de garantir l’effectivité des règles de protection des consommateurs prévues par la directive 2008/48/CE, il incombe au juge de réduire d’office, dans une proportion constituant une sanction effective et dissuasive du manquement du prêteur à son obligation légale d’information, le taux résultant de l’application des articles L341-4 du code de la consommation et L313-3 du code monétaire et financier susvisés, lorsque celui-ci est supérieur ou équivalent au taux conventionnel.( 1re Civ., 28 juin 2023, pourvoi n°22-10.560)
Le taux d’intérêt conventionnel est de 5,72% s’agissant du prêt personnel et de 9,53 % s’agissant du crédit renouvelable.
Le taux d’intérêt légal au moment de la mise en demeure était de 3,14%.
S’agissant du crédit renouvelable, le taux d’intérêt légal, même majoré de 5 points, reste inférieur au taux d’intérêt contractuel dans une proportion constituant une sanction effective et dissuasive du manquement du prêteur à son obligation de fournir un bordereau de rétractation conforme au modèle-type et il n’y a pas lieu de le réduire.
S’agissant du prêt personnel, le taux d’intérêt majoré est supérieur au taux conventionnel. Il convient donc de décider que le taux d’intérêt légal ne sera majoré dans les conditions de l’article L313-3 du code monétaire et financier que dans la limite d’un point afin que le prêteur soit effectivement sanctionné pour le non respect des dispositions de l’article L312-21 du code de la consommation.
Le jugement entrepris sera infirmé en ce sens.
Sur les demandes accessoires
Il n’apparaît pas inéquitable que la société Cofidis supporte ses frais irrépétibles.
Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a débouté celle-ci de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La demande formée en cause d’appel sera également rejetée.
M. [J], qui est condamné à paiement, sera condamné aux dépens d’appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt rendu par défaut, mis à disposition au greffe ;
Confirme le jugement entrepris, dans les limites de l’appel, sauf en ce qu’il a condamné M. [N] [J] à payer à la société Cofidis :
– la somme de 2409,84 euros au titre du crédit renouvelable avec intérêts au taux légal non majoré à compter du 7 janvier 2021 ;
– la somme de 6975,05 euros au titre du prêt personnel avec intérêts au taux légal non majoré à compter du 7 janvier 2021 ;
Statuant à nouveau du chef des dispositions infirmées et y ajoutant,
– Condamne M. [N] [J] à payer à la société Cofidis la somme de 2409,84 euros au titre du crédit renouvelable avec intérêts au taux légal à compter du 7 janvier 2021 ;
– Condamne M. [N] [J] à payer à la société Cofidis la somme de 6975,05 euros au titre du prêt personnel avec intérêts au taux légal à compter du 7 janvier 2021, le taux d’intérêt légal ne pouvant être majoré que d’un point dans les conditions de l’article L313-3 du code monétaire et financier ;
Condamne M. [N] [J] aux dépens d’appel ;
Déboute la société Cofidis du surplus de ses demandes.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
N. LE GALL F. EMILY