Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 6
ARRET DU 13 DECEMBRE 2023
(n° , 10 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/17413 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CENZH
Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Août 2021 -Juge des contentieux de la protection de PARIS – RG n° 11-21-006220
APPELANTE
S.A. BNP PARIBAS,
[Adresse 1]
[Localité 2]
N° SIRET : 662 042 449
agissant poursuites et diligences de son Directeur Général, domicilié en cette qualité audit siège
représentée par Me Corinne LASNIER BEROSE de l’ASSOCIATION ASSOCIATION LASNIER-BEROSE et GUILHEM, avocat au barreau de PARIS, toque : R239
INTIMÉS
Monsieur [R] [J]
[Adresse 4]
[Localité 3]
Madame [V] [Y] épouse [J]
[Adresse 4]
[Localité 3]
représentés par Me Virginie BARDET, avocat au barreau de PARIS, toque : C0248
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 30 Octobre 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant M. Marc BAILLY, Président de chambre, et MME Pascale SAPPEY-GUESDON, Conseillère.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Marc BAILLY, Président de chambre
M. Vincent BRAUD, Président
MME Pascale SAPPEY-GUESDON, Conseillère
Greffier, lors des débats : Mme Mélanie THOMAS
ARRÊT :
– CONTRADICTOIRE
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par M. Marc BAILLY, Président de chambre et par Mme Mélanie THOMAS, Greffier, présent lors de la mise à disposition.
* * * * *
FAITS PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Par déclaration reçue au greffe de la cour le 5 octobre 2021, la société BNP Paribas a interjeté appel du jugement, réputé contradictoire, rendu par le juge du contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris le 27 août 2021 dans l’instance l’opposant à M. [R] [J] et à Mme [V] [Y] épouse [J], et dont le dispositif est ainsi rédigé :
‘Déclare l’action en paiement de la SA BNP PARIBAS recevable,
Déboute la SA BNP PARIBAS de l’intégralité de ses demandes ;
Condamne la SA BNP PARIBAS aux dépens de l’instance ;
Déboute la SA BNP PARIBAS de sa demande fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile (…)’.
****
À l’issue de la procédure d’appel clôturée le 12 septembre 2023 les prétentions des parties s’exposent de la manière suivante.
Au dispositif de ses dernières conclusions, communiquées par voie électronique le 17 août 2023, l’appelant
présente, en ces termes, ses demandes à la cour :
‘IL EST DEMANDE A LA COUR DE CEANS DE :
Vu les articles 1103, 1104, 1344, 1229, 1231-6, 1343-2 nouveau du Code Civil,
Vu les articles L 313-1 et suivants du code de la consommation,
JUGER la BNP PARIBAS recevable et bien fondée en son appel ;
INFIRMER le jugement rendu en date du 27 août 2021, en toutes ses dispositions ;
Débouter les intimés de toutes leurs demandes ;
STATUANT A NOUVEAU,
Déclarer et juger la BNP PARIBAS recevable et bien fondée en toutes ses demandes au titre des prêts régulièrement mis en exigibilité ;
CONDAMNER solidairement Monsieur [R] [J] et Madame [V] [J] née [Y] à payer à la BNP PARIBAS, les sommes suivantes :
– 61 691,18 euros au titre du prêt de 65 000 euros, avec intérêts au taux de 3 % à compter du 21 février 2023, date d’arrêté de compte, sur le principal de 54 594,73 euros ;
– 43 615,30 euros, au titre du prêt de 40 000 euros, avec intérêts au taux de 2,47 % à compter du 21 février 2023, date d’arrêté de compte, sur le principal de 40 000 euros ;
SUBSIDIAIREMENT,
Si la Cour devait estimer que la déchéance du terme n’est pas régulière, Constater l’inexécution des obligations de rembourser les échéances des prêts par Monsieur [R]
[J] et Madame [V] [J] née [Y] ;
ORDONNER la résiliation du contrat de prêt de 65 000 euros, et du contrat de prêt de
40 000 euros,
EN CONSEQUENCE,
CONDAMNER SOLIDAIREMENT Monsieur [R] [J] et Madame [V] [J] née [Y] à payer à la BNP PARIBAS, les sommes suivantes :
– 61 691,18 euros au titre du prêt de 65 000 euros, avec intérêts au taux de 3 % à compter du 21 février 2023, date d’arrêté de compte, sur le principal de 54 594,73 euros ;
– 43 615,30 euros, au titre du prêt de 40 000 euros, avec intérêts au taux de 2,47 % à compter du 21 février 2023, date d’arrêté de compte, sur le principal de 40 000 euros ;
PLUS SUBSIDIAIREMENT,
Si la Cour devait retenir la déchéance du droit aux intérêts contractuels :
CONDAMNER SOLIDAIREMENT Monsieur [R] [J] et Madame [V] [J] née [Y] à payer à la BNP PARIBAS, les sommes suivantes :
– 47 496,01 euros, au titre du prêt de 65 000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 17 décembre 2020.
– 35 975,16 euros, au titre du prêt de 40 000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 17 décembre 2020.
En tout état de cause,
CONDAMNER solidairement les intimés à payer à la BNP PARIBAS, la somme de 4 000 €, sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure civile.
CONDAMNER les intimés aux entiers dépens, en application de l’article 696 du Code de
Procédure Civile.’
Au dispositif de leurs uniques conclusions, communiquées par voie électronique le 3 mars 2022, les intimés
présentent en ces termes, leurs demandes à la cour :
‘Vu les articles 312-19 et suivants du Code de la consommation
Vu les articles 341-4 du Code de la Consommation
Vu les pièces versées aux débats
Il est demandé à la Cour de
CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu’il a jugé que la déchéance du terme de chaque prêt en cause n’est pas acquise,
CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu’il a jugé que la BNP PARIBAS se trouvait déchue de son droit aux intérêts,
DEBOUTER la BNP PARIBAS de l’intégralité de ses demandes ;
A TITRE SUBSIDIAIRE, et en tout état de cause, si la Cour de céans devait faire droit à la demande de condamnation des époux [J] à rembourser à la BNP PARIBAS les sommes dues au titre des deux prêts, elle
– prononcera une condamnation en deniers ou quittance
– fera droit à la demande de délais de paiement sur 2 ans formée par les époux [J]
En tout état de cause,
– DEBOUTER la BNP PARIBAS de sa demande au titre des frais irrépétibles
– JUGER que chaque partie conservera la charge de ses dépens.’
Par application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions précitées.
MOTIFS DE LA DECISION
La société BNP Paribas a consenti à ses clients MMme [J], deux prêts personnels :
par acte en date du 12 janvier 2018, un prêt d’un montant de 65 000 euros, remboursable en 96 mois, au taux d’intérêt nominal de 3 %, et par acte en date du 14 novembre 2018, un prêt d’un montant de 40 000 euros, remboursable en 76 mois, au taux d’intérêt nominal de 2,47 %.
Les échéances des prêts étant impayées depuis juin et juillet 2019, la banque a prononcé la mise en exigibilité des prêts, par courriers recommandés du 14 novembre 2019. De nouvelles relances, les 21 novembre 2019 et 11 décembre 2020, sont restées vaines.
En première instance, selon la société BNP Paribas, MMme [J] restaient solidairement redevables des sommes suivantes :
– au titre du prêt de 65 000 euros, la somme de 55 641,71 euros correspondant au capital restant dû et aux échéances impayées depuis le 4 juillet 2019, outre intérêts au taux de 3 % à compter du 14 novembre 2019, et indemnité de résiliation de 8 % soit 4 367,58 euros,
– au titre du prêt de 40 000 euros, la somme de 40 757,02 euros correspondant au capital restant dû et aux échéances impayées depuis le 4 juin 2019, outre intérêts au taux de 2,47 % à compter du 14 novembre 2019, et indemnité de résiliation de 8 % soit 3 200 euros, en sorte que la société BNP Paribas sollicitait du tribunal la condamnation de MMme [J] – non comparants – au paiement de ces sommes, demandes dont elle a été déboutée.
1 – Le juge du contentieux de la protection a retenu tout d’abord que la société BNP Paribas ne rapportait pas la preuve d’avoir satisfait à son obligation d’adresser aux débiteurs une mise en demeure préalablement au prononcé de la déchéance du terme des prêts, qui n’est donc pas intervenue régulièrement.
La société BNP Paribas expose avoir versé aux débats la copie des courriers de relances du 8 août 2019 (prêt de 40 000 euros) et du 25 septembre 2019 (prêt de 65 000 euros). Les échéances étant impayées respectivement depuis juin et juillet 2019, la mise en exigibilité des prêts a été prononcée par courriers recommandés du 14 novembre 2019, dont elle peut justifier seulement en produisant copie des courriers visant les échéances impayées et des courriers d’exigibilité, n’ayant pas retrouvé les accusés de réception. La société BNP Paribas explique ensuite que les emprunteurs étant domiciliés dans l’Hôpital de [5], dont M. [J] est le directeur, les courriers sont déposés par le facteur à un accueil général et les avis de réception sont restitués ultérieurement. Ainsi, il lui a fallu effectuer une démarche auprès de la Poste, pour obtenir le justificatif de la remise des courriers de mise en demeure datés du 11 décembre 2020, qui rappelaient l’exigibilité des prêts, et par courrier du 15 mars 2021, la Poste a retourné à la société BNP Paribas deux avis de réception datés du 17 décembre 2020 ; en revanche, elle n’a pu obtenir aucun retour des autres courriers. En tout état de cause, il n’est donc pas contestable que la mise en exigibilité a été portée à la connaissance des emprunteurs, le 17 décembre 2020, et qu’ils n’ont pas donné suite.
Les intimés font valoir que conformément aux dispositions de l’article L. 312-39 du code de la consommation, si le contrat de prêt d’une somme d’argent peut prévoir que la défaillance de l’emprunteur entrainera la déchéance du terme, cette dernière ne pourra être déclarée acquise au créancier sans la délivrance préalable d’une mise en demeure, restée sans effet, mentionnant le délai laissé au débiteur pour régulariser sa situation. D’ailleurs, les contrats de prêt conclus entre la société BNP Paribas et MMme [J] prévoient sans équivoque que ‘l’exigibilité anticipée interviendra après mise en demeure préalable de régulariser, adressée à l’emprunteur par LRAR demeurée sans effet’. La société BNP Paribas verse aux débats des courriers de mise en demeure portant la mention ‘LRAR’, mais pour autant, comme l’a, à juste titre, relevé le premier juge, elle ne verse pas aux débats les accusés de réception desdits courriers. Aux termes de ses conclusions d’appelant, la société BNP Paribas explique qu’il y aurait des difficultés dans la distribution des courriers destinés à MMme [J]. Or, la société BNP Paribas a en sa possession et verse aux débats des accusés de réception d’autres courriers, il n’existe pas de souci de distribution de leur courrier aux destinataires. De fait, la société BNP Paribas ne rapporte pas la preuve qu’elle a adressé aux intimés des mises en demeure de régulariser les impayés, mentionnant le délai pour ce faire. Elle ne peut sérieusement, pour se prévaloir de la déchéance du terme, se fonder sur les courriers de décembre 2020, postérieurs de nombreux mois à la date de déchéance quelle invoque s’agissant de la mise en exigibilité des prêts, soit le 25 septembre 2019 pour le prêt de 65 000 euros, et le 8 août 2019 pour le prêt de 40 000 euros. Dès lors qu il est incontestable que la société BNP Paribas ne rapporte pas la preuve d’avoir satisfait à son obligation d’avoir envoyé, pour chaque prêt, une mise en demeure préalablement à l’acquisition de la déchéance du terme, c’est à bon droit que le premier juge a considéré que dans ces conditions, la déchéance du terme n’avait pas pu intervenir et n’était pas acquise.
Sur ce,
Il résulte de l’exposé même des faits par la société BNP Paribas, sa carence dans l’administration de la preuve de l’envoi d’une mise en demeure préalable à la déchéance du terme.
Le jugement déféré, dont la cour adopte les entiers motifs, est donc confirmé en ce que le juge du contentieux de la protection a retenu que la déchéance du terme n’est pas intervenue valablement.
2 – Le juge du contentieux de la protection a ensuite relevé que le tribunal n’a été saisi d’aucune demande de résiliation judiciaire des prêts.
La société BNP Paribas, à hauteur d’appel, à titre subsidiaire demande à la cour, si elle devait estimer que la déchéance du terme n’est pas régulière, par application des articles 1227 et 1229 du code civil de constater l’inexécution par MMme [J] de leur obligation de remboursement des échéances des prêts, et en conséquence, d’ordonner la résiliation judiciaire du contrat de prêt de 65 000 euros et du contrat de prêt de 40 000 euros.
À l’appui de sa demande la société BNP Paribas fait valoir que MMme [J] ont cessé de payer les échéances des prêts depuis le 4 juin 2019 et le 4 juillet 2019, ce que le premier juge a constaté. Malgré une ultime mise en demeure avec un accusé de réception signé et les assignations délivrées à la requête de la BNP Paribas, les débiteurs n’ont jamais remboursé l’intégralité des sommes empruntées, et il est constant que des échéances des prêts sont restées impayées à ce jour.
La société BNP PARIBAS déclare réactualiser sa demande – pour tenir compte des versements effecués par les emprunteurs – et sollicite la condamnation solidaire de MMme [J] à lui payer les sommes suivantes :
– 61 691,18 euros, au titre du prêt de 65 000 euros, avec intérêts au taux de 3 % à compter du 21 février 2023, date d’arrêté de compte, sur le principal de 54 594,73 euros (capital dû au 4 juin 2019, date de la dernière échéance payée), après déduction des versements ;
– 43 615,30 euros, au titre du prêt de 40 000 euros, avec intérêts au taux de 2,47 % à compter du 21 février 2023, date d’arrêté de compte, sur le principal de 40 000 euros (capital dû au 4 mai 2019, date de la dernière échéance payée), après déduction des versements.
MMme [J] admettent avoir été confrontés à des difficultés financières, qui les ont amenés à ne pouvoir régler certaines échéances de prêt en 2019. Néanmoins, ils ont toujours été en contact avec leur conseillère, ont pris l’engagement de solder leur dette, et font régulièrement des versements. Dans ces circonstances, il y a lieu de débouter la société BNP Paribas de sa demande de résiliation judiciaire et de condamnation à lui verser les sommes de 55 641,71 euros et 40 757,02 euros, outre intérêts et indemnité de résiliation.
Sur ce
Il ressort de l’examen des relevés de compte arrêtés au 21 février 2023 (pièces 15 et 16 de la banque), non contestés, que les versements effectués par MMme [J] dans l’un et l’autre prêts, à partir du moment où ils ont cessé, en mai et juin 2019, ont été inexistants jusqu’au mois de mai 2021, puis ont été irréguliers, n’étant pas réalisés tous les mois, et en tout état de cause ont été opérés pour un montant de 250 ou de 500 euros très inférieur à celui des mensualités contractuelles (de 838,37 euros et 625,90 euros), et ont cessé en juillet 2022.
La carence de MMme [J] à régler à bonne date les échéances en leur entier montant, qui a perduré sur plusieurs mois, caractérise donc la violation grave des obligations contractuelles exigée par la loi pour que puisse être prononcée la résiliation judiciaire.
La société BNP Paribas est donc accueillie en sa demande.
3 – Enfin, le juge a retenu que le prêteur ne justifie pas avoir remis aux emprunteurs des offres conformes aux dispositions du code de la consommation, comportant un bordereau de rétractation, si bien que la banque encourt la déchéance du droit aux intérêts contractuels, et a débouté la société BNP Paribas de sa demande en paiement aux motifs que la banque ne pouvant se prévaloir de la déchéance du terme de sorte que seul peut être mis à la charge des emprunteurs le montant des échéances impayées, le tribunal se trouvait compte tenu de la déchéance du droit aux intérêts intervenue, dans l’impossibilité de calculer le solde dû après l’imputation des intérêts sur le capital.
La société BNP Paribas soutient que le tribunal disposait des tableaux d’amortissement des prêts et était donc en mesure de déterminer la somme dont MMme [J] restent redevables la déchéance étant appliquée.
En tout état de cause, les offres de prêt versées aux débats mentionnent l’acceptation des emprunteurs, lesquels reconnaissent être entrés en possession d’un formulaire de rétractation détachable. En l’état de la jurisprudence en 2018, avant le revirement opéré en 2020 par la Cour de cassation ‘ Cass. 1/10/2020 N°19-18971, cette simple mention figurant sur l’offre était suffisante pour faire preuve de la remise d’une offre conforme aux exigences du code de la consommation. Par conséquent, la société BNP Paribas n’encourt aucunement la déchéance du droit aux intérêts contractuels.
Plus subsidiairement, si la cour devait retenir la déchéance du droit aux intérêts contractuels, la société BNP Paribas sollicite la condamnation de MMme [J] à hauteur des sommes expurgées des intérêts qui s’établissent ainsi :
* 50 746,01 euros, au titre du prêt de 65 000 euros, montant calculé comme suit :
– capital prêté : 65 000 euros
– à déduire : 17 échéances de 838,47 euros soit 14 253,99 euros ;
– solde dû : 50 746,01 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 17 décembre 2020.
– à déduire, des acomptes de mai 2021 à juin 2022 : 3 250 euros
soit : 47 496,01 euros.
* 39 225,16 euros, au titre du prêt de 40 000 euros, montant calculé comme suit :
– capital prêté : 40 000 euros
– à déduire : 6 échéances de 129,14 euros soit 774,84 euros ;
– solde dû : 39 225,16 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 17 décembre 2020.
– à déduire, des acomptes de mai 2021 à juin 2022 : 3 250 euros
soit : 35 975,16 euros.
MMme [J] relèvent qu’il ne ressort pas des pièces produites que la société BNP Paribas leur ait remis des offres conformes aux dispositions du droit de la consommation. Au soutien de son appel la société BNP Paribas expose que les offres de prêt versées aux débats mentionnent l’acceptation des emprunteurs qui reconnaissent être en possession d’un formulaire de rétractation détachable. Néanmoins la jurisprudence est claire : ‘Il incombe au prêteur de rapporter la preuve de ce qu’il a satisfait à ses obligations précontractuelles et la signature par l’emprunteur de l’offre préalable comportant une clause selon laquelle il reconnaît que le prêteur lui a remis le bordereau de rétractation constitue seulement un indice qu’il incombe à celui-ci de corroborer par un ou plusieurs éléments complémentaires.’ (Civ. 1ère , 21 oct. 2020). Dès lors, la société BNP Paribas n’apportant aucun élément complémentaire, elle ne rapporte pas la preuve qu’elle a respecté les dispositions du code de la consommation relative au bordereau rétractable. La société BNP Paribas encourt donc la déchéance du droit aux intérêts contractuels, comme justement jugé en première instance.
Sur ce
Pour permettre à l’emprunteur d’exercer son droit de rétractation, un formulaire détachable est joint à son exemplaire du contrat de crédit et le prêteur qui accorde un crédit sans remettre à l’emprunteur un contrat comportant un tel formulaire est déchu du droit aux intérêts en totalité ou dans la proportion fixée par le juge.
Ces dispositions sont issues de la transposition par la France de la directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 28 avril 2008 concernant les contrats de crédit aux consommateurs et abrogeant la directive 87/102/CEE.
Par arrêt du 18 décembre 2014 (CA Consumer Finance, C-449/13), la Cour de justice de l’Union européenne a dit pour droit que les dispositions de la directive précitée doivent être interprétées en ce sens qu’elles s’opposent à ce qu’en raison d’une clause type, le juge doive considérer que le consommateur a reconnu la pleine et correcte exécution des obligations précontractuelles incombant au prêteur, cette clause entraînant ainsi un renversement de la charge de la preuve de l’exécution desdites obligations de nature à compromettre l’effectivité des droits reconnus par la directive 2008/48 (point 32). L’arrêt de la Cour précise qu’une clause type figurant dans un contrat de crédit ne compromet pas l’effectivité des droits reconnus par la directive 2008/48 si, en vertu du droit national, elle implique seulement que le consommateur atteste de la remise qui lui a été faite de la fiche d’information européenne normalisée (point 29). Il ajoute qu’une telle clause constitue un indice qu’il incombe au prêteur de corroborer par un ou plusieurs éléments de preuve pertinents et que le consommateur doit toujours être en mesure de faire valoir qu’il n’a pas été destinataire de cette fiche ou que celle-ci ne permettait pas au prêteur de satisfaire aux obligations d’informations précontractuelles lui incombant (point 30). Selon le même arrêt, si une telle clause type emportait, en vertu du droit national, la reconnaissance par le consommateur de la pleine et correcte exécution des obligations précontractuelles incombant au prêteur, elle entraînerait un renversement de la charge de la preuve de l’exécution desdites obligations de nature à compromettre l’effectivité des droits reconnus par la directive 2008/48 (point 31).
C’est pour ces raisons que la cour de cassation opérant expressément revirement de jurisprudence a jugé en son arrêt du 1er octobre 2020 : ‘Il s’ensuit qu’il incombe au prêteur de rapporter la preuve de ce qu’il a satisfait à ses obligations précontractuelles et que, contrairement à ce qu’a précédemment jugé la Cour de cassation (1re Civ., 16 janvier 2013, pourvoi n° 12-14.122, Bull. 2013, I, n°7), la signature par l’emprunteur de l’offre préalable comportant une clause selon laquelle il reconnaît que le prêteur lui a remis le bordereau de rétractation constitue seulement un indice qu’il incombe à celui-ci de corroborer par un ou plusieurs éléments complémentaires’.
Par conséquent, en l’état actuel de la jurisprudence nationale, qui s’inspire de la jurisprudence européenne antérieure, pour rejeter la demande de déchéance du droit aux intérêts formée par l’emprunteur, le juge ne peut s’en tenir à énoncer que la reconnaissance écrite par celui-ci, dans le corps de l’offre préalable, de la remise d’un bordereau de rétractation détachable joint à cette offre, laisse présumer sa remise effective et que l’emprunteur n’apporte pas la preuve de l’absence de remise du bordereau de rétractation par le prêteur ou à défaut de son caractère irrégulier.
En l’espèce, comme retenu par le premier juge, la présentation formelle des offres de prêt de la société BNP Paribas ne permet pas de vérifier qu’elles comportaient bien un bordereau de rétractation détachable.
Il doit d’ailleurs être fait observer que la société BNP Paribas ne soutient aucunement qu’elle rapporterait la preuve de la remise du borderau détachable dans les conditions désormais exigées par la jurisprudence, et pour soutenir qu’aucune déchéance n’est encourue, fait simplement valoir qu’elle a procédé en conformité avec les règles posées par la jurisprudence de la Cour de cassation qui constituait le droit positif à la date de conclusion des contrats – ce qui ne constitue pas un argument juridiquement opérant.
Il est à noter aussi que plus récemment, la Cour de cassation rappelant que la charge de la preuve de l’accomplissement par le professionnel de l’obligation de remise d’un bordereau de rétractation conforme aux dispositions légales pèse sur celui-ci, et que lorsqu’il n’a fourni aucun élément permettant de vérifier la conformité de ce document aux dispositions légales imposant une teneur précise au bordereau de rétractation, la banque devait être déchue du droit aux intérêts.
Par conséquent, le jugement déféré sera confirmé en ce que faute pour le prêteur de justifier avoir remis aux emprunteurs une offre conforme aux dispositions applicables au crédit à la consommation, la société BNP Paribas ne peut qu’être déchue en totalité du droit aux intérêts.
Ladite déchéance sera opérée conformément à la proposition qui en est faite par la banque à hauteur d’appel, non critiquée par les emprunteurs.
Sur la demande de délais de paiement
En vertu de l’article 1343-5 du code civil, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, le juge peut, dans la limite de deux années, reporter ou échelonner le paiement des sommes dues.
Tel aménagement de la dette n’est envisageable que si son montant le permet eu égard aux facultés contributives du débiteur et si les propositions faites pour son apurement permettent à celui-ci de s’en acquitter dans le respect des droits du créancier.
En outre, l’octroi d’un délai de paiement qui n’est pas de plein droit ne peut bénéficier qu’au débiteur de bonne foi.
Or, en l’espèce MMme [J] ne fournissent aucune explication sur l’origine de leurs difficultés, se contentant de mettre en avant la reprise de leurs versements, alors que ceux n’ont été que partiels et discontinus. Surtout, ils ne justifient par aucune pièce actualisée de leur situation financière, ne donnent toujours pas la moindre explication sur les difficultés qu’ils auraient à ce jour pour s’acquitter de la somme due, empêchements qui ne se déduisent pas du seul montant de la dette, et enfin, ne font aucune proposition concrète de paiement. En outre, MMme [J] ont déjà bénéficié, de fait, de larges délais de paiement.
Dans ces conditions leur demande ne peut qu’être rejetée.
***
Sur les dépens et les frais irrépétibles
MMme [J] partie qui succombe supporteront la charge des dépens. Pour des raisons tenant à l’équité il y a lieu de faire droit à la demande de l’appelant formulée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, mais uniquement dans la limite de la somme de 2 000 euros.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant dans les limites de l’appel,
INFIRME le jugement déféré,
Statuant à nouveau,
DIT que les déchéances du terme prononcées par la société BNP Paribas le 14 novembre 2019, des prêts de 65 000 euros et 40 000 euros consentis le 12 janvier 2018 et le 14 novembre 2018 par la société BNP Paribas à M. [R] [J] et Mme [V] [Y] épouse [J], sont de nul effet ;
PRONONCE la résiliation judiciaire des prêts de 65 000 euros et 40 000 euros consentis le 12 janvier 2018 et le 14 novembre 2018 par la société BNP Paribas à M. [R] [J] et Mme [V] [Y] épouse [J] ;
PRONONCE la déchéance des intérêts des prêts de 65 000 euros et 40 000 euros consentis le 12 janvier 2018 et le 14 novembre 2018 par la société BNP Paribas à M. [R] [J] et Mme [V] [Y] épouse [J] ;
Et en conséquence, CONDAMNE solidairement M. [R] [J] et Mme [V] [Y] épouse [J] à payer à la société BNP Paribas :
– au titre du prêt du 12 janvier 2018 de 65 000 euros : la somme de 47 496,01 euros,
– au titre du prêt du 14 novembre 2018 de 40 000 euros, la somme de 35 975,16 euros,
qui produiront intérêts au taux légal à compter du 17 décembre 2020 ;
DÉBOUTE M. [R] [J] et Mme [V] [Y] épouse [J] de leur demande de délai de paiement ;
CONDAMNE M. [R] [J] et Mme [V] [Y] épouse [J] aux entiers dépens de l’instance ;
CONDAMNE M. [R] [J] et Mme [V] [Y] épouse [J] in solidum à payer la société BNP Paribas la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile à raison des frais irrépétibles exposés en cause d’appel.
*******
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT