ARRÊT DU
13 Décembre 2023
DB / NC
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N° RG 22/00378
N° Portalis DBVO-V-B7G -C7Y7
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SELARL MOUNET
C/
SAS NBB LEASE FRANCE
SAS FLUEED
SELARL [V] [P]
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GROSSES le
aux avocats
ARRÊT n° 424-23
COUR D’APPEL D’AGEN
Chambre Civile
LA COUR D’APPEL D’AGEN, 1ère chambre dans l’affaire,
ENTRE :
SELARL MOUNET
RCS d’AUCH n° 822 486 593
[Adresse 2]
représentée par Me Renaud DUFEU, ABCD AVOCATS, avocat au barreau d’AGEN
APPELANTE d’un jugement du tribunal judiciaire d’AUCH en date du 06 avril 2022, RG 21/00377
D’une part,
ET :
SAS NBB LEASE FRANCE 1
RCS PARIS 814 630 612
[Adresse 1]
représentée par Me Hélène GUILHOT, avocate associée de la SCP TANDONNET ET ASSOCIES, avocate postulante au barreau d’AGEN
et Me Carolina CUTURI-ORTEGA, SCP JOLY-CUTURI-WOJAS DYNAMIS EUROPE, avocate plaidante au barreau de BORDEAUX
INTIMÉE
SELARL [V] [P] représentée par Me [V] [P]
[Adresse 4]
[Localité 3]
prise en sa qualité de liquidateur de la SAS FLUEED dont le siège social est [Adresse 5]
n’ayant pas constitué avocat
ASSIGNÉE EN INTERVENTION FORCÉE
D’autre part,
COMPOSITION DE LA COUR :
l’affaire a été débattue et plaidée en audience publique le 04 octobre 2023 devant la cour composée de :
Président : André BEAUCLAIR, Président de chambre
Assesseurs : Dominique BENON, Conseiller qui a fait un rapport oral à l’audience
Jean-Yves SEGONNES, Conseiller
Greffière : Nathalie CAILHETON
ARRÊT : prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile
‘ ‘
‘
FAITS :
Par contrat signé le 16 novembre 2017, la Selarl Bruyant, devenue ensuite la Selarl Bruyant Mounet puis la Selarl Mounet (la Selarl), qui exerce une activité de pharmacie à [Localité 6] (47), a pris en location auprès de la SA NBB Lease France 1 un photocopieur multifonctions de marque Canon 1325 F neuf, fourni par la SAS Buro Premium, et ce pour une durée de 21 trimestres, moyennant le versement d’un loyer trimestriel de 870 Euros HT, soit 1 044 Euros TTC.
Le même jour, la Selarl a conclu avec la SAS Buro Premium un contrat de maintenance du photocopieur, avec facturation trimestrielle sur la base de 0,03 Euro la copie monochrome et de 0,30 Euro la copie couleur, avec minimum de facturation de 15 600 copies monochrome et 3 000 copies couleur.
Le photocopieur a été livré, mis en service et a fait l’objet d’un procès-verbal de livraison le 12 décembre 2017.
La SAS Buro Premium a versé à la Selarl une somme de 5 900 Euros à titre de ‘participation commerciale’.
Par lettre du 17 juillet 2019, la SAS Buro Premium a proposé à la Selarl un renouvellement du contrat et du matériel à compter du 21ème mois, comme prévu au contrat de maintenance.
La Selarl a refusé cette proposition.
Elle a ensuite mis en cause le montant de prélèvements bancaires effectués par la SAS Buro Premium (devenue la SAS Flueed) et des facturations établies par cette société.
Par acte délivré le 11 mars 2019, la Selarl Mounet a fait assigner la SAS Flueed et la SAS NBB Lease France 1 devant le tribunal judiciaire d’Auch afin de voir prononcer l’annulation des contrats souscrits, avec condamnation in solidum des parties assignées à lui restituer les sommes versées en exécution de ces contrats, en invoquant des dispositions du code de la consommation et expliquant avoir été victime de manoeuvres frauduleuses.
La Selarl a cessé de payer les loyers dus à la SAS NBB Lease France 1 à compter du 1er avril 2021.
Par jugement rendu le 6 avril 2022, le tribunal judiciaire d’Auch a :
– débouté la Selarl Mounet de ses demandes,
– dit n’y avoir lieu à l’application de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la Selarl Mounet au paiement des entiers dépens,
– rappelé que la décision est de droit exécutoire à titre provisoire.
Le tribunal a estimé que la Selarl avait contracté dans le cadre de l’exercice de son activité professionnelle, ce qui excluait qu’elle puisse se prévaloir de dispositions contenues dans le code de la consommation relatives aux pratiques commerciales agressives ; qu’elle ne justifiait pas remplir la condition d’emploi de 5 salariés ou moins permettant de bénéficier d’un droit de rétractation ; et qu’il n’existait aucune preuve des manoeuvres frauduleuses invoquées.
Par acte du 10 mai 2022, la Selarl Mounet a déclaré former appel du jugement en désignant la SAS NBB Lease France 1 et la SAS Flueed en qualité de parties intimées et en indiquant que l’appel porte sur les dispositions du jugement qui ont rejeté ses demandes, qu’elle reprend dans son acte d’appel, et qui l’ont condamnée aux dépens.
Par jugement du 13 février 2023, le tribunal de commerce de Toulouse a prononcé la liquidation judiciaire de la SAS Flueed et désigné la Selarl [V] [P] en qualité de liquidateur judiciaire.
Par acte délivré le 20 mars 2023, la Selarl [V] [P] a été appelée en cause.
La clôture a été prononcée le 28 juin 2023 et l’affaire fixée à l’audience de la Cour du 4 octobre 2023.
PRÉTENTIONS ET MOYENS :
Par dernières conclusions notifiées le 15 mai 2023, auxquelles il est renvoyé pour le détail de l’argumentation, la Selarl Mounet présente l’argumentation suivante :
– Elle peut invoquer les dispositions du code de la consommation :
* la location du photocopieur est étrangère à l’activité de pharmacie.
* elle peut se prévaloir de la définition du consommateur comme étant ‘toute personne morale qui n’agit pas à des fins professionnelles’.
* il faut également tenir compte de la notion d’équilibre réel des prestations pour déterminer la notion de consommateur.
* la clause type du contrat de location, dont la taille n’est pas conforme aux articles L. 211-1 et L. 211-3 du code de la consommation, ne peut ni lui être opposée, ni déroger à la définition légale du consommateur.
– Elle a été victime de pratiques commerciales déloyales :
* elle a été amenée à signer plusieurs contrats le même jour.
* la contrepartie de 5 900 Euros est illusoire car sur la durée du contrat, le loueur se rembourse.
* elle produit une note manuscrite qui atteste que le commercial de la SAS Buro Premium, qui lui a fait signer tous les contrats, agissait en réalité dans l’intérêt de la SA NBB Lease France 1.
* son consentement a été altéré : le versement de 5 900 Euros ramenait faussement le prix de revient à 9,04 Euros par mois et la maintenance s’est révélée fictive.
* aucune information pré-contractuelle ne lui a été fournie et les contrats ne lui ont été remis que postérieurement à leur signature.
* la première période d’engagement était de 21 mois, mais il a été ajouté à son insu que la durée d’engagement était de 21 trimestres.
* la SA NBB Lease France 1 avait toute connaissance de ces manoeuvres comme en atteste le procès-verbal de livraison où la date du 12 décembre 2017 a été surchargée sur la date initiale du 5 décembre, et qui fait mention d’une assurance dont il n’a jamais été question.
– Le droit de rétractation n’a pas été respecté :
* il s’agit du droit qui est institué aux articles L. 221-5 et L. 221-3 du code de la consommation.
* elle peut invoquer ces textes compte tenu que lors de la signature des contrats, elle employait 5 salariés, comme le prouve le registre du personnel qu’elle produit aux débats.
– La SA NBB Lease France 1 exercice irrégulièrement son activité :
* la mise à disposition de la somme de 5 900 Euros caractérise une activité bancaire.
* cette société, qui ne justifie pas d’un agrément, n’est pas un établissement de crédit.
* l’enregistrement à l’Orias ne peut suppléer cette irrégularité.
– Aucune confirmation d’actes nuls ne peut lui être opposée :
– Les contrats sont interdépendants :
* la Cour de cassation a posé ce principe par arrêt du 17 mai 2013.
* les contrats sont conclus en même temps et ont été signés sur l’initiative de la même personne.
* la nullité du contrat de vente entraîne la nullité du contrat de location.
* les manoeuvres commises par le représentant de la SAS Buro Premium sont opposables à la SA NBB Lease France 1.
* cette double nullité entraîne restitution des sommes versées : 16 704 Euros au titre de la location et 3 488,76 Euros au titre du contrat de maintenance.
Au terme de ses conclusions, elle demande à la Cour de :
– réformer le jugement,
– juger nuls le bon de commande, le contrat de service et le contrat de location financière,
– rejeter les demandes présentées à son encontre,
– condamner la SAS NBB Lease France 1 à lui payer les sommes de 16 704 Euros et 3 488,76 Euros, à parfaire, à titre de restitution des échéances réglées, avec intérêts à compter de la mise en demeure du 24 février 2021,
– fixer sa créance au passif de la SAS Flueed aux sommes de 16 704 Euros et 3 488,76 Euros, soit 20 192,76 Euros outre 387 Euros au titre des intérêts échus, et intérêts à échoir postérieurement au 13 février 2023,
– subsidiairement :
– condamner la SAS NBB Lease France 1 à lui payer la somme de 22 437,40 Euros à titre de dommages et intérêts avec intérêts à compter de la demande en justice,
– fixer sa créance au passif de la SAS Flueed à la somme de 22 437,40 Euros majorés des intérêts échus de 387 Euros,
– condamner la SAS NBB Lease France 1 au paiement d’une somme de 4 000 Euros en réparation du préjudice moral subi,
– en tout état de cause :
– juger que les condamnations à dommages et intérêts produiront intérêts au taux légal à compter des conclusions à l’égard des intimés,
– condamner la SAS NBB Lease France 1 à lui payer la somme de 5 000 Euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– fixer sa créance au passif de la SAS Flueed à la somme de 5 000 Euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la SAS NBB Lease France 1 aux dépens, avec distraction.
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* *
Par dernières conclusions notifiées le 20 janvier 2023, auxquelles il est renvoyé pour le détail de l’argumentation, la SAS NBB Lease France 1 présente l’argumentation suivante :
– Les dispositions du code de la consommation ne trouvent pas application :
* la Selarl n’entre pas dans la définition de l’article liminaire du code de la consommation.
* elle ne peut se prévaloir de l’article L. 121-7 qui ne vise que les consommateurs tels que définis par ce code.
– Il n’existe aucune pratique agressive, déloyale ou trompeuse :
* elle ne peut être comptable des éventuelles manoeuvres commises par le représentant de la SAS Buro Premium, qui n’est pas son mandataire.
* la signature de plusieurs contrats le même jour est habituelle.
* son contrat mentionne clairement la durée de 21 trimestres, conforme à l’échéancier.
* la participation financière promise a été versée.
* le contrat prévoit le versement d’une prime d’assurance, qui n’a pas été réclamée.
* elle est régulièrement inscrite à l’Orias pour exercer une activité d’intermédiaire d’assurance.
* le coût de l’opération est facilement calculable à la seule lecture du contrat de location.
– Toute éventuelle nullité a été confirmée : par le paiement des loyers jusqu’en 2021.
– Le droit de rétractation ne peut être invoqué :
* il n’existe aucune preuve que le contrat a été établi hors établissement, et que la Selarl employait 5 salariés ou moins.
* la jurisprudence admet que la fourniture d’un photocopieur entre dans le champ d’une activité professionnelle, et la Selarl a signé la clause qui l’affirme.
– Son activité est régulière :
* la loi du 24 janvier 1984 invoquée dans les conclusions de l’appelante a été abrogée.
* en tout état de cause, elle ne propose pas d’option d’achat de sorte qu’elle n’entre pas dans le cadre de l’article L. 511-5 du code monétaire et financier.
– Les contrats ne sont pas interdépendants :
* la jurisprudence invoquée n’est plus valide depuis l’entrée en vigueur du nouvel article 1186 du code civil.
* les contrats ne tendent pas à la même opération, peuvent être dissociés et l’anéantissement du contrat de maintenance n’a pas d’incidence sur la possibilité de poursuivre la location.
– Les demandes financières ne peuvent être admises :
* la demande de restitution des loyers dissimule une demande de jouissance à titre gratuit.
* elle ne peut être tenue de restituer le montant de la maintenance effectuée par la SAS Buro Premium.
* au contraire, il lui reste dû 8 352 Euros TTC au titre des loyers d’avril 2021 à mars 2023, date de fin de contrat, tacitement reconduit pour un an.
– Si le contrat est annulé, le matériel devra être restitué.
Au terme de ses conclusions, elle demande à la Cour de :
– confirmer le jugement,
– condamner la Selarl Mounet à lui payer la somme de 8 352 Euros au titre des loyers impayés du 1er avril 2021 au 1er janvier 2023, à parfaire,
– subsidiairement :
– rejeter la demande de restitution des loyers et condamner la Selarl Mounet à lui payer une indemnité de jouissance du montant des loyers,
– ordonner la compensation,
– rejeter les demandes de dommages et intérêts et d’application de l’article 700 du code de procédure civile,
– ordonner la restitution du matériel sous astreinte avec autorisation de l’appréhender,
– en tout état de cause :
– condamner la Selarl Mounet à lui payer la somme de 5 000 Euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.
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La SAS Flueed n’a pas constitué avocat.
La Selarl Mounet lui a fait signifier sa déclaration d’appel dans le délai de l’article 902 du code de procédure civile par acte remis le 13 juin 2022 à l’adresse de son siège social où l’huissier n’a pu rencontrer personne.
Elle lui a fait signifier ses conclusions d’appelante le 4 août 2022.
La Selarl [V] [P] n’a pas constitué avocat.
La Selarl Mounet l’a appelée en cause par acte du 20 mars 2023 remis à une assistante, présente à l’étude (Mme [X]), se déclarant habilitée à le recevoir.
Elle lui a fait signifier ses dernières conclusions le 23 mai 2023.
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MOTIFS :
1) Sur l’application du code de la consommation aux contrats en litige :
Selon l’article L. 221-3 du code de la consommation, les dispositions de ce code applicables aux relations entre consommateurs et professionnels sont étendues aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l’objet de ces contrats n’entre pas dans le champ de l’activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq.
Ce texte implique que seul le critère de la compétence professionnelle doit être pris en compte pour déterminer la soumission, ou non, du contrat aux dispositions du code de la consommation, et non les circonstances que le contrat a été conclu pour entreprendre ou développer cette activité principale ou seulement à l’occasion de cette activité (G. Paisant, JCP ed G, n°3, 20/01/2020, p. 63).
En l’espèce, la conclusion du contrat de location d’un photocopieur multifonctions standard par la Selarl n’est pas spécifique à son activité de pharmacie, et est étrangère aux compétences professionnelles requises pour une telle activité.
En outre l’examen du registre d’entrée et de sortie du personnel permet de constater que la Selarl employait 5 salariés le 16 novembre 2017.
Enfin, les explications données par la Selarl sur le fait qu’elle a été démarchée dans ses locaux sont corroborées par le fait que le contrat de maintenance mentionne qu’il a été signé à [Localité 6], c’est à dire dans la pharmacie, dès lors que ni la SAS Buro Premium ni la SAS NBB Lease 1, ne disposent de locaux dans cette localité.
Par conséquent, la Selarl peut invoquer les dispositions du code de la consommation relatives aux contrats conclus hors établissement.
2) Sur le droit de rétractation :
En premier lieu, l’article L. 221-18 du code de la consommation, applicable aux relations contractuelles en litige comme indiqué ci-dessus en vertu de l’article L. 221-3, dispose :
‘Le consommateur dispose d’un délai de quatorze jours pour exercer son droit de rétractation d’un contrat conclu à distance, à la suite d’un démarchage téléphonique ou hors établissement, sans avoir à motiver sa décision ni à supporter d’autres coûts que ceux prévus aux articles L. 221-23 à L. 221-25.
Le délai mentionné au premier alinéa court à compter du jour :
1° De la conclusion du contrat, pour les contrats de prestation de services et ceux mentionnés à l’article L. 221-4 ;
2° De la réception du bien par le consommateur ou un tiers, autre que le transporteur, désigné par lui, pour les contrats de vente de biens. Pour les contrats conclus hors établissement, le consommateur peut exercer son droit de rétractation à compter de la conclusion du contrat.
Dans le cas d’une commande portant sur plusieurs biens livrés séparément ou dans le cas d’une commande d’un bien composé de lots ou de pièces multiples dont la livraison est échelonnée sur une période définie, le délai court à compter de la réception du dernier bien ou lot ou de la dernière pièce.
Pour les contrats prévoyant la livraison régulière de biens pendant une période définie, le délai court à compter de la réception du premier bien.’
Selon l’article L. 221-9, le contrat doit être accompagné d’un formulaire type pour exercer ce droit de rétractation, tel que prévu à l’article L. 221-5-7°.
Enfin, l’article L. 242-1 prévoit que le non respect des dispositions de l’article L. 221-9 est sanctionné par la nullité du contrat conclu hors établissement.
En l’espèce, l’examen du contrat de location conclu entre la Selarl et la SAS NBB Lease France 1 permet de constater qu’il ne mentionne pas ce droit de rétractation et qu’il ne contient pas le formulaire de rétractation institué à l’article L. 221-5-7°.
Les conditions générales de location sont également muettes sur l’existence de ce droit.
Par conséquent, la nullité du contrat prévue à l’article L. 242-1 du code de la consommation est encourue et sera prononcée.
Aucune renonciation à invoquer cette nullité ne peut être opposée à la Selarl dès lors qu’elle n’a pas été informée de l’existence du droit légal de rétractation pour un contrat conclu hors établissement.
Ce cas de nullité rend sans objet l’examen des autres moyens de nullité soulevés par l’appelante.
Le jugement sera réformé.
En second lieu, l’article 1186 du code civil dispose :
‘Un contrat valablement formé devient caduc si l’un de ses éléments essentiels disparaît.
Lorsque l’exécution de plusieurs contrats est nécessaire à la réalisation d’une même opération et que l’un d’eux disparaît, sont caducs les contrats dont l’exécution est rendue impossible par cette disparition et ceux pour lesquels l’exécution du contrat disparu était une condition déterminante du consentement d’une partie.
La caducité n’intervient toutefois que si le contractant contre lequel elle est invoquée connaissait l’existence de l’opération d’ensemble lorsqu’il a donné son consentement.
En l’espèce, le contrat de location et le contrat de maintenance participaient de la même opération : permettre à la Selarl de disposer d’un matériel de reproduction, multifonctions, en parfait état de fonctionnement.
Eu égard à la technicité de ce type de matériel, il est indispensable, pour le client utilisateur, lors de son achat ou de sa location de s’assurer de sa maintenance.
Or, il est manifeste que la nullité du contrat de location, qui implique la restitution du matériel, rend impossible la poursuite du contrat de maintenance conclu avec la SAS Buro Premium.
Par suite, la caducité du contrat de location sera constatée en conséquence de la nullité du contrat de location.
Le jugement sera également réformé sur ce point.
3) Sur les restitutions en conséquence de la nullité des contrats :
En conséquence de la nullité du contrat de location, la Selarl doit restituer le photocopieur.
Ensuite, l’article 1352-3 du code civil dispose :
‘La restitution inclut les fruits et la valeur de la jouissance que la chose a procurée.
La valeur de la jouissance est évaluée par le juge au jour où il se prononce.
Sauf stipulation contraire, la restitution des fruits, s’ils ne se retrouvent pas en nature, a lieu selon une valeur estimée à la date du remboursement, suivant l’état de la chose au jour du paiement de l’obligation.’
En l’espèce, il est acquis que, depuis la livraison du photocopieur, la Selarl l’utilise, et en a d’ailleurs toujours l’usage au jour où la Cour statue.
Elle ne prétend pas que l’appareil ne fonctionnerait pas correctement où que son usage n’aurait pas répondu à ses attentes.
Dès lors, la nullité doit entraîner, pour la Selarl, le paiement d’une indemnité de jouissance du matériel envers la SAS NBB Lease France 1, qui sera fixée à un montant égal au loyer contractuel jusqu’à restitution effective.
Deux périodes sont à prendre en compte :
– du début du contrat jusqu’à mars 2021, date jusqu’à laquelle la Selarl s’est acquittée des loyers : l’indemnité de jouissance due par la Selarl se compense intégralement avec la restitution des loyers due par la SAS NBB Lease France 1,
– à compter d’avril 2021 jusqu’à restitution du matériel : la Selarl doit être condamnée à payer une indemnité de jouissance égale au montant des loyers.
Ainsi, sur la base d’une indemnité trimestrielle de jouissance de 1 044 Euros, calculée à compter de la date à laquelle la Selarl s’est abstenue de payer les loyers, soit avril 2021, l’indemnité dont elle est débitrice sera arrêtée à 11 136 Euros au 30 novembre 2023.
Il en est de même de la maintenance de l’appareil par la SAS Buro Premium qui a nécessairement été effectuée correctement, jusqu’à la liquidation judiciaire de cette société, la Selarl ne prétendant pas avoir dû conclure un contrat de maintenance avec une autre société pendant le cours du contrat de maintenance signé le 16 novembre 2017.
Il n’y a donc pas lieu à restitution du prix de prestations effectivement exécutées qui ont permis le bon fonctionnement du matériel.
4) Sur la demande de dommages et intérêts présentée par la Selarl :
Les allégations de la Selarl sur le fait qu’elle aurait été victime, lors de la conclusion des contrats en litige, de pratiques commerciales déloyales, trompeuses, agressives, prohibées par le code de la consommation, et a fortiori de manoeuvres dolosives, ne constituent que des affirmations dépourvues de toute justification factuelle objective.
Ainsi, les deux contrats conclus par la Selarl le 16 novembre 2017 sont particulièrement clairs :
– contrat de location conclu avec la SAS NBB Lease France 1 qui désigne précisément le matériel et stipule une périodicité de règlement trimestrielle représentant 21 loyers HT de 870 Euros, la TVA de 174 Euros, soit un loyer trimestriel de 1 044 Euros.
– contrat de maintenance conclu avec la SAS Buro Premium ‘pour une durée de 5 ans ou pour un volume de 200 000 pages’, soit une durée de 20 trimestres, avec un prix d’abonnement et du service sur la base de 0,03 Euro la copie monochrome et de 0,30 Euro la copie couleur, avec minimum de facturation de 15 600 copies monochrome et 3 000 copies couleur et la précision que la maintenance ‘comprend pièces détachées, main d’oeuvre, déplacement, fourniture des consommables’.
Il est usuel de contracter le même jour pour la mise à disposition de matériel et son entretien.
Le bon de commande produit, signé entre la SAS Buro Premium et la Selarl, désigne précisément le matériel objet du contrat, et une location pour une durée de 21 trimestres, avec un loyer mensuel de 290 Euros, soit 870 Euros par trimestre, montant conforme au loyer stipulé au contrat de location.
La Selarl ne s’est donc pas engagée sur une durée de 21 mois, comme elle le prétend, cette durée ne correspondant qu’à la date à partir de laquelle la SAS Buro Premium propose à sa cliente un renouvellement du matériel, proposition pouvant librement être refusée.
Rien d’indique que la durée du contrat a été ajoutée à l’insu du représentant de la Selarl et il est d’ailleurs difficile d’admettre que son représentant aurait signé un contrat de location et de maintenance sans vérifier sa durée.
La Selarl déclare de plus que son consentement a été emporté par la conviction de recevoir un financement de 6 000 Euros.
Or, la participation commerciale de 5 900 Euros a effectivement été versée par la SAS Buro Premium le 27 décembre 2017, ce qui rend l’argument difficilement compréhensible, peu important que cette somme soit versée par cette société ou la SAS NBB Lease France 1.
Ce versement a, par hypothèse, une incidence à baisse du coût de l’opération pour la Selarl.
L’appelante se prévaut également d’une note manuscrite, dont il ne peut être sérieusement discuté qu’elle a été établie par le commercial de la SAS Buro Premium.
Toutefois, il s’agit d’une feuille de brouillon, non signée, difficilement exploitable, qui fait référence de façon exacte à la durée de 21 mois à partir de laquelle le matériel pouvait être renouvelé sur accord du client, au versement de la somme de 5 900 Euros et qui, en tout état de cause, ne peut prévaloir sur les conventions signées.
Au vu des contrats qui ont été proposés à sa signature, la Selarl a été parfaitement informée du coût détaillé des opérations auxquelles elle souscrivait et il lui suffisait simplement d’additionner le montant total des loyers sur la durée du contrat, d’en déduire la somme de 5 900 Euros, et de comparer le coût de l’opération avec l’achat de l’appareil neuf, pour décider s’il était intéressant, ou non, pour elle de les souscrire.
Elle a donc reçu, avant signature, les informations prévues à l’article L. 221-5 du code de la consommation.
La prise en location lui permettait d’ailleurs de ne pas débourser le prix d’achat du matériel et, au contraire, d’encaisser rapidement la participation commerciale.
Quant au prix de la maintenance, il variait en fonction du nombre de copies réalisées.
Aucune faute à l’encontre du démarcheur de la SAS Buro Premium n’est caractérisée.
Enfin et surtout, dès lors que, comme indiqué plus haut, la Selarl dispose d’un matériel conforme à ses attentes et aux contrats conclus, conforme aux coûts prévus, qui fonctionne et qu’elle prétend même conserver, elle ne souffre d’aucun préjudice en relation avec les fautes qu’elle impute à ses co-contractants.
Le jugement qui a rejeté sa demande de dommages et intérêts doit être confirmé.
Enfin, l’équité permet d’allouer à la SAS NBB Lease France 1 la somme de 2 000 Euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
– la Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt rendu par défaut prononcé par mise à disposition au greffe et en dernier ressort,
– INFIRME le jugement SAUF en ce qu’il a rejeté les demandes de dommages et intérêts présentées par la Selarl Mounet ;
– STATUANT A NOUVEAU sur les points infirmés,
– ANNULE le contrat de location conclu le 16 novembre 2017 entre la Selarl Bruyant – Pharmacie de [Localité 6], et la SAS NBB Lease France 1 ;
– CONSTATE la caducité du contrat de maintenance conclu le même jour entre la Selarl Bruyant – Pharmacie de [Localité 6], et la SAS Buro Premium ;
– DIT que la Selarl Mounet doit restituer immédiatement à la SAS NBB Lease France 1 le matériel objet de ces contrats, et ce sous astreinte provisoire de 50 Euros par jour de retard due à la SAS NBB Lease France 1, pour une durée de 60 jours, à compter du 30ème jour qui suivra celui de la signification de la présente décision ;
– DIT que la SAS NBB Lease France 1 devra reprendre le matériel à ses frais par l’intermédiaire de toute société de son choix ;
– CONDAMNE la Selarl Mounet à payer à la SAS NBB Lease France 1 les sommes suivantes, après compensation :
1) 11 136 Euros à titre d’indemnité de jouissance du matériel arrêtée au 30 novembre 2023, outre 348 Euros par mois à compter du 1er décembre 2023 jusqu’au jour de restitution effective du matériel,
2) 2 000 Euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– CONDAMNE la Selarl Mounet aux dépens de l’appel.
– Le présent arrêt a été signé par André Beauclair, président, et par Nathalie Cailheton, greffière, à laquelle la minute a été remise.
La Greffière, Le Président,