2ème Chambre
ARRÊT N°11
N° RG 21/02512
N° Portalis DBVL-V-B7F-RSG4
(3)
SVH ENERGIE SAS
C/
M. [U] [P]
Mme [Y] [P]
S.A. FRANFINANCE
Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l’égard de toutes les parties au recours
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
– Me LHERMITTE
– Me KERLOC’H
– Me FLOCH
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 12 JANVIER 2024
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Joël CHRISTIEN, Président de Chambre,
Assesseur : Monsieur David JOBARD, Président de Chambre,
Assesseur : Monsieur Jean-François POTHIER, Conseiller,
GREFFIER :
Monsieur Pierre DANTON, lors des débats, et Mme Ludivine BABIN, lors du prononcé,
DÉBATS :
A l’audience publique du 10 Octobre 2023
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 12 Janvier 2024 après prorogations, par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats et signé par Monsieur Jean-François POTHIER, Conseiller, ayant participé au délibéré collégial, pour le Président empêché,
****
APPELANTE :
SVH ENERGIE SAS venant aux droits de la SAS GSE INTEGRATION anciennement dénommée SVH ENERGIE
[Adresse 2]
[Localité 8]
Représentée par Me Christophe LHERMITTE de la SELEURL GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Pauline LEBAS, plaidant, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉS :
Monsieur [U] [P]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Madame [Y] [P]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Tous deux représentés par Me Jean-rené KERLOC’H de l’ASSOCIATION JEAN-RENE KERLOC’H- SYLVIE POTIER-KERLOC’H, postulant, avocat au barreau de NANTES
Tous deux représentés par Me Frédéric COSSERON, plaidant, avocat au barreau de MONTPELLIER
S.A. FRANFINANCE
[Adresse 5]
[Localité 7]
Représentée par Me Emilie FLOCH de la SCP CABINET GOSSELIN, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
INTERVENANTE :
S.E.L.A.R.L. ATHENA prise en la personned de Maître [Z] [B], es qualité de liquidateur judiciaire de la société SVH ENERGIE
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représentée par Me Christophe LHERMITTE de la SELEURL GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Pauline LEBAS, plaidant, avocat au barreau de PARIS
* * *
EXPOSE DU LITIGE :
Suivant acte sous seing privé en date du 6 février 2014, M. [U] [P] et Mme [Y] [S] épouse [P] ont passé commande auprès de la société SVH Energie de la fourniture et de l’installation d’un ensemble de panneaux photovoltaïques.
Suivant offre préalable acceptée le même jour, la société Franfinance a consenti à M. et Mme [P] un crédit accessoire à la réalisation de la prestation de la société SVH Energie d’un montant de 23 090,00euros remboursable en 144 mensualités incluant les intérêts au taux nominal annuel de 5,80 %.
Par actes d’huissier signifiés le 4 février 2019, M. et Mme [P] ont donné assignation à la société GSE Intégration venant aux droits de la société SVH Energie, et à la société Franfinance de comparaître devant le tribunal d’instance de Nantes aux fins d’annulation des contrats.
Par jugement du 23 mars 2021, le tribunal a :
Prononcé l’annulation du contrat conclu le 6 février 2014 entre M. et Mme [P] et la société SVH Energie;
Prononcé l’annulation du contrat de crédit conclu le même jour entre M. et Mme [P] et la société Franfinance;
Condamné la société SVH Energie à reprendre l’ensemble des matériels posés au domicile de M. et Mme [P], à charge pour cette dernière de venir les reprendre et de remettre la toiture dans l’état où elle se trouvait avant l’installation litigieuse, le tout à ses frais, dans les deux mois suivant la signification du présent jugement et après en avoir prévenu les époux [P] quinze jours à l’avance;
Condamné la société SVH Energie à restituer à M. et Mme [P] la somme de 23 090 euros
Condamné M. et Mme [P] à payer à la société Franfinance la somme de 3 463,76 euros ;
Condamné la société SVH Energie à payer à la société Franfinance la somme de 5 348,57 euros
Laissé à chacune des parties la charge de ses dépens et frais irrépétibles;
Débouté les parties de toutes autres demandes différentes, plus amples ou contraires au présent dispositif.
La société SVH Energie est appelante suivant déclaration d’appel du 22 avril 2021.
Elle a fait l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire suivant jugement du 23 juin 2021.
La société Athena est intervenue à la procédure en sa qualité de liquidateur de la société SVH et par dernières conclusions notifiées le 2 février 2022, elle demande de :
– Prendre acte de l’intervention volontaire de la SELARL Athéna prise en la personne de Me [Z] [B] es qualité de liquidateur judiciaire de la société SVH Energie, suivant jugement du Tribunal de commerce d’Angers en date du 23 juin 2021 ;
Et ce faisant :
– Infirmer le jugement rendu le 23 mars 2021 par le Juge des contentieux de la protection du Tribunal judiciaire de Nantes en ce qu’il a :
– Prononcé l’annulation du contrat de vente conclu le 6 février 2014 entre M. et Mme [P] et la société SVH Energie,
– Prononcé l’annulation du contrat de crédit souscrit le même jour entre M. et Mme [P] et la société Franfinance,
– Condamné la société SVH Energie à reprendre l’ensemble des matériels posés au domicile de M. et Mme [P], à charge pour cette dernière de venir les reprendre et de remettre la toiture dans l’état où elle se trouvait avant l’installation litigieuse, le tout à ses frais, dans les deux mois suivant la signification du présent jugement et après en avoir prévenu les époux [P] quinze jours à l’avance,
– Condamné la société SVH Energie à restituer à M. et Mme [P] la somme de 23 090 euros,
– Condamné M. et Mme [P] à payer à la société Franfinance la somme de 3 463,76 euros,
– Condamné la société SVH Energie à payer à la société Franfinance la somme de 5 348,57 euros,
– Laissé à chacune des parties la charge de ses dépens et frais irrépétibles,
– Débouté la société SVH Energie de ses demandes plus amples ou contraires au dispositif.
Et statuant à nouveau :
– Constater la validité du contrat de vente conclu entre les époux [P] et la société SVH Energie le 6 février 2014 ;
– Débouter les époux [P] de l’ensemble de leurs demandes, fins et prétentions, formulées à l’égard de la société SVH Energie ;
– Débouter la société Franfinance de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions, formulées à l’égard de la société SVH Energie ;
En tout état de cause,
– Condamner les époux [P] à payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Par dernières conclusions notifiées le 30 juin 2022, les époux [P] demandent de :
Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il à condamné la société SVH Energie avec toutes ses conséquences de droit
Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné M. et Mme [P] à payer à la société Franfinance la somme de 3 463,76 euros,
Condamner la société Franfinance a restituer à M. et Mme [P] l’intégralité des sommes versées au titre du contrat de crédit affecté, capital et intérêts outre les frais accessoires lié à ce contrat de crédit soit la somme de 12 051,24 euros à la date de l’assignation selon montant à parfaire au jour de l’arrêt à intervenir à raison de 303,00 euros par mois,
Y ajoutant :
Condamner SVH Energie à payer à M. et Mme [P] la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.
Condamner solidairement SVH Energie et Franfinance aux entiers dépens de l’instance ;
Ordonner l’inscription des créances des consorts [P] au passif de la société SVH Energie
La société Franfinance a formé appel du jugement suivant déclaration du 23 mars 2021.
Les deux instances répertoriées 21/2512 et 21/6780 ont fait l’objet d’une jonction le 5 avril 2022.
Par ordonnance du 2 décembre 2022, le conseiller de la mise en état a :
– Déclaré la société Franfinance irrecevable en son appel formé le 27 octobre 2021 contre le jugement rendu le 23 mars 2021,
– Déclaré la société Franfinance irrecevable en ses conclusions au fond sur l’appel formé 22 avril 2021 contre le jugement rendu le 23 mars 2021,
– Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,
– Condamné la société Franfinance aux dépens de l’incident et de l’appel formé le 27 octobre 2021,
– Rejeté toutes autres demandes.
Par arrêt sur déféré rendu le 21 avril 2023, la cour a :
– Confirmé l’ordonnance
– Déclare irrecevables les conclusions de M. et Mme [P] du 30 juin 2022, et les suivantes, uniquement en ce qu’elles forment appel incident,
– Rejeté les autres demandes des parties,
– Condamné la société Franfinance aux dépens.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu’aux dernières conclusions visées.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 22 juin 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
La société SVH Energie fait grief au jugement d’avoir prononcé la nullité du contrat de vente soutenant la régularité du bon de commande.
Aux termes de l’article L.121-23 du code de la consommation dans sa rédaction en vigueur lors de la conclusion du contrat litigieux, les ventes et fournitures de services conclues à l’occasion d’un démarchage au domicile d’une personne physique doivent faire l’objet d’un contrat dont un exemplaire est remis au client et notamment comporter, à peine de nullité, les mentions suivantes :
les noms du fournisseur et du démarcheur,
la désignation précise de la nature et des caractéristiques des biens offerts ou des services proposés,
les conditions d’exécution du contrat, notamment les modalités et le délai de livraison des biens, ou d’exécution de la prestation de services,
le prix global à payer, les modalités de paiement et, en cas de vente à crédit, les formes exigées par la réglementation sur ce type de vente,
la faculté de renonciation ouverte au client ainsi que les conditions d’exercice de cette faculté et, de façon apparente, le texte intégral des articles L. 121-23, L. 121-24, L. 121-25 et L. 121-26.
En outre, l’article L. 121-24 du code de la consommation précise que le contrat doit comprendre un formulaire détachable destiné à faciliter l’exercice de cette faculté de renonciation et contenant les mentions décrites aux articles R. 121-3 à R. 121-6 de ce code, tous les exemplaires du contrat devant être signés et datés de la main même du client.
Enfin, selon l’article R. 121-4, le formulaire détachable de rétractation doit comporter, sur une face, l’adresse exacte et complète à laquelle il doit être envoyé, et, sur son autre face, les mentions prévues à l’article R. 121-5 qui impose notamment l’indication de façon très lisible de la mention ‘l’envoyer par lettre recommandée avec avis de réception’ soulignée ou en caractères gras, ainsi que l’indication que le courrier doit être adressé à l’adresse figurant au dos.
Il résulte des énonciations du bon de commande qu’il porte sur un pack GSE 4,5 pur une installation de 4,5 Kwc contenant 18 Panneaux photovoltaïques de marque Solarworld, un onduleur de marque Solaredge, un kit « GSE intégration», un boîtier AC/DC, un câblage l’installation et le raccordement.
Le premier juge en déduit que, faisaient défaut pour désigner précisément la nature et les caractéristiques des biens et des services offerts, la marque et les références de tous les produits vendus, les détails techniques de la pose de ces matériels, ainsi que la surface, le poids, la composition, le rendement, la capacité de production et les performances des panneaux.
Pourtant, la référence du pack de matériels proposé, de même que la marque des panneaux et de l’onduleur sont mentionnées, ainsi que le nombre et la puissance globale des panneaux et le mode de pose, en ‘intégration’ et non en applique sur la toiture.
Par ailleurs, rien ne démontre que la surface, le poids, la composition, le rendement et les performances des panneaux soient entrés dans le champ contractuel et aient déterminé le consentement des consommateurs, de sorte qu’ils ne peuvent être regardés comme des caractéristiques essentielles de l’installation fournie.
En outre s’agissant d’une prestation globale de fourniture et pose, le vendeur n’a pas d’obligation de fournir le détail du prix de chaque élément qui la compose.
Il sera en revanche relevé que s’agissant du délai d’installation, il est mentionné comme devant intervenir au plus tard dans les trois mois à compter de l’étude de faisabilité elle même devant intervenir dans les deux mois de la commande. Ces indications ne peuvent correspondre à l’obligation faite au vendeur de préciser le délai de livraison qui suppose un engagement de sa part qui ne saurait dépendre des résultats d’une étude de faisabilité comportant par principe un aléa.
Du fait de cette imprécision, le contrat encourt la nullité.
La société SVH Energie fait valoir à bon droit que la nullité ainsi encourue est une nullité relative susceptible d’être couverte.
Or il est constant que les dispositions de l’article L. 121-23 ont été portées à la connaissance Mme [P] par reproduction au verso du bon de commande qui lui a été remis et qu’elle a pu ainsi se convaincre des insuffisances du bon de commande relativement à l’indication du délai de livraison.
Or il est établi qu’elle n’a pas exercé son droit de rétractation, qu’elle a accepté l’installation qui a été mise en service et raccordée et pour le financement de laquelle elle a donné ordre de paiement à la société Franfinance dont les échéances de crédit ont été régulièrement remboursées depuis plusieurs années.
Il ressort suffisamment de ces éléments une volonté indéniable de confirmer le bon de commande en connaissance de la cause de nullité qu’il comporte et le jugement sera infirmé en ce qu’il a prononcé la nullité du contrat.
Le rejet de la demande de nullité du contrat principal emporte rejet de la demande subséquente d’annulation du contrat de crédit exclusivement fondée sur les dispositions de l’article L. 311-32 du code de la consommation.
Si les motifs des conclusions des époux [P] comportent des développements sur des faits de dol, il convient de rappeler que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions et que les époux [P] ont été déclarés irrecevables en leur appel incident.
M. et Mme [P] seront déboutés de l’ensemble de leurs demandes.
Le rejet des demandes d’annulation des contrats de vente et de crédit emporte que ceux-ci doivent recevoir leurs effets.
Le jugement sera infirmé en ce qu’il a condamné la société SVH Energie à garantie au profit de la société Franfinance.
Le jugement sera infirmé en toutes ses dispositions.
M et Mme [P] qui succombent seront condamnés aux entiers dépens de première instance et d’appel et à payer à la société SVH Energie prise en la personne de son liquidateur la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS, LA COUR :
Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 23 mars 2021 par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Nantes.
Statuant à nouveau,
Déboute M. [U] [P] et Mme [Y] [S] épouse [P] de leurs demandes
Dit n’y avoir lieu à annulation du contrat conclu le 6 février 2014 entre M. et Mme [P] et la société SVH Energie;
Dit n’y avoir lieu à annulation du contrat de crédit conclu le même jour entre M. et Mme [P] et la société Franfinance;
Dit que les contrats doivent recevoir leurs effets.
Condamne M. [U] [P] et Mme [Y] [S] épouse [P] à payer à la SELARL Athéna prise en la personne de Me [Z] [B] es qualité de liquidateur judiciaire de la société SVH Energie, la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Condamne M. [U] [P] et Mme [Y] [S] épouse [P] aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Rejette toutes autres demandes plus amples ou contraires.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT