Droit de rétractation : Décision du 12 janvier 2024 Cour d’appel de Paris RG n° 23/03373

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Droit de rétractation : Décision du 12 janvier 2024 Cour d’appel de Paris RG n° 23/03373

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 1

ARRÊT DU 12 JANVIER 2024

(n° , 7 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 23/03373 – N° Portalis 35L7-V-B7H-CHESI

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 12 Janvier 2023 rendue par le Juge de la mise en état du Tribunal judiciaire de PARIS – RG n° 19/05648

APPELANT

Monsieur [O] [B] né le 29 Juin 1948 à [Localité 8] (Niger),

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représenté et assisté de Me Jérôme DE VILLEPIN, avocat au barreau de PARIS, toque : B0117

INTIMÉES

Madame [R] [W] épouse [O] née le 07 Septembre 1952 à [Localité 8] (Niger)

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représentée et assistée de Me Bruno LEFEBVRE, avocat au barreau de PARIS, toque : A0180

S.A.R.L. PLEASE HORN immatriculée au RCS de Nanterre sous le numéro 510 374 010, agissant par son gérant en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 7]

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477 assisté de Me Gilles GRINAL de l’AARPI GRINAL KLUGMAN AUMONT, avocat au barreau de PARIS, toque : R026

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 27 septembre 2023 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant Mme Nathalie BRET, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Marie-Ange SENTUCQ , présidente de chambre

Nathalie BRET, conseillère

Muriel PAGE, conseillère

Greffier, lors des débats : Marylène BOGAERS.

ARRÊT :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Marie-Ange SENTUCQ , présidente de chambre et par Marylène BOGAERS, greffier, présent lors de la mise à disposition.

FAITS ET PROCÉDURE

Par acte sous seing privé du 31 juillet 2018, M. [O] a consenti, à la société Please Horn, une promesse unilatérale de vente, au prix de 2.000.250 €, portant sur les lots n°10, 43 et 46 (un appartement et deux caves) de l’immeuble, placé sous le régime de la copropriété, situé [Adresse 4].

L’acte stipule que la promesse est consentie jusqu’au 1er avril 2019, que le promettant peut se rétracter, en mettant fin, jusqu’au 15 mars 2019, à l’existence de la promesse de vente en restituant au bénéficiaire l’indemnité d’immobilisation versée et corrélativement en y ajoutant la somme de 55.000 €.

L’acte fixe une indemnité d’immobilisation de 250.000 €, à verser directement entre les mains du bénéficiaire en deux versements dont le dernier au plus tard le 10 août 2018, à peine de caducité de la promesse.

Par avenant sous seing privé du 12 novembre 2018, M. [O] et la société Please Horn ont convenu, suite à la demande du promettant de demeurer dans les lieux pendant cinq mois gratuitement à compter de la réalisation de la vente, de porter l’indemnité d’immobilisation à la somme de 300.000 €, le complément de 50.000 € devant être versé au plus tard le 15 novembre 2018 et la faculté de rétractation du promettant étant fixée à la somme de 360.000€.

Par acte du 9 mai 2019, soutenant que M. [O] n’avait pas exercé son droit de rétractation avant le 15 mars 2019, qu’elle avait consigné le solde du prix de vente entre les mains du notaire chargé d’instrumenter et qu’un procès-verbal de carence avait été dressé en raison de l’absence de M. [O] à la convocation pour signer l’acte de vente, la société Please Horn a fait assigner M. [O] devant le tribunal de grande instance de Paris aux fins essentielles de prononcer à son profit la vente des biens susvisés au prix de 2.000.250 €.

L’affaire a été enrôlée sous le n°RG 19/05648.

Dans cette affaire n°RG 19/05648, le juge de la mise en état a, par ordonnance du 8 juillet 2020, rejeté la demande de sursis à statuer présentée par M. [O] dans l’attente de l’issue de la plainte pénale déposée à l’encontre des sociétés Please Horn et Kokoriko et de leurs associés, Mrs [P] et [U], pour les délits d’octroi de prêts à taux usuraires, d’exercice illégal de la profession de banquier, de blanchiment d’argent par dissimulation et de conversion d’un produit direct d’un ou plusieurs délits en bande organisée, tentative

d’escroquerie au jugement, tentative d’escroquerie en bande organisée et faux et usage de faux.

Par arrêt du 9 avril 2021, la cour d’appel de Paris, saisi d’un appel par M. [O], a infirmé l’ordonnance du 8 juillet 2020 et statuant à nouveau, dit qu’il sera sursis à statuer dans l’instance opposant la société Please Horn à M. [O] jusqu’à ce qu’une décision pénale

soit rendue suite à la plainte pénale déposée par M. [O] contre Mrs [P] et [U] et les sociétes Please Horn et Kokoriko, enregistrée au parquet du tribunal judiciaire de Paris sous le numéro 20.073 .000712, relevant que la plainte de M. [O] du 13 mars 2020 du chef notamment d’octroi de prêts à des taux usuraires et d’exercice illégal de la profession de banquier, avait donné lieu à l’ouverture d’une enquête confiée à la brigade financière et que cette plainte était susceptible d’exercer une influence sur la solution du procès civil.

La société Please Horn, qui avait formé un pourvoi en cassation à l’encontre de cette décision, a été déchue de son pourvoi, par ordonnance du délégué du premier président de la Cour de cassation du 6 janvier 2022.

Par conclusions signifiées le 7 janvier 2022, Mme [W] épouse [O] est intervenue volontairement à la procédure n°RG 19/05648, sollicitant la nullité de la promesse du 31 juillet 2018 aux motifs que le bien immobilier objet du litige constitue le logement familial et que tout acte en disposant est nul pour violation de l’article 215 du code civil.

Par conclusions d’incident signifiées par voie électronique le 11 février 2022, la société Please Horn a demandé au juge de la mise en état, sur le fondement de l’article 379 du code de procédure civile, de révoquer le sursis à statuer ordonné par l’arrêt de la cour d’appel de Paris le 9 avril 2021.

Par ordonnance du 12 janvier 2023, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris a :

– révoqué le sursis à statuer, ordonné par l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 9 avril 2021 jusqu’à ce qu’une décision pénale soit rendue suite à la plainte pénale déposée par M. [O] contre Mrs [P] et [U] et les sociétés Please Horn et Kokoriko, enregistrée au parquet du tribunal judiciaire de Paris sous le numéro 20.073.000712,

– renvoyé l’affaire à l’audience du juge de la mise en état du lundi 6 mars 2023 à 13h30 pour conclusions en défense au fond de Mme [O],

– rejeté les demandes formées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– réservé les dépens.

Cette ordonnance rappelle de précédents actes sous seing privé :

‘Par acte sous seing privé du 10 juillet 2017, M. [O] a promis de vendre les lots n° 10, 43 et 46 (un appartement et deux caves) de l’immeuble placé sous le régime de la copropriété situé [Adresse 4], à la sociéte Please Horn et à la société Kokoriko, au prix de 2.450.000 €.

L’acte prévoit que la promesse ne prendra effet qu’à défaut de réalisation d’une promesse de vente reçue par Me [N], notaire à [Localité 9], le 30 juin 2017, aux termes de laquelle M. [O] et son épouse, Mme [W], ont promis de vendre à M. [C] et à Mme [D], son épouse, un bien immobilier situé [Adresse 5].

L’acte fixe une indemnité d’immobilisation de 200.000 €, précisant que ce montant est compensé avec la créance des bénéficiaires de la promesse sur le promettant, soit 150.000€ pour la société Please Horn et 50.000 € pour la société Kokoriko, née d’uu prêt sous seing privé du même jour remboursable au plus tard le 22 septembre 2017.

L’acte précise que la promesse est consentie sous la condition résolutoire de la signature de l’acte authentique de vente des biens précités situés [Adresse 10], ou du remboursement par M. [O] de sa dette de 200.000 € en principal, outre intérêts et que la promesse est consentie pour une durée expirant 6 mois après la prise d’effet définie à l’acte.

M. [O] et son épouse, Mme [W], ont vendu à M. [C] et à Mme [D] les biens objets de la promesse du 30 juin 2017, par acte authentique du 30 août 2017, reçu par Me [A], notaire à [Localité 9], avec la participation de Me [N].

Par acte sous seing privé du 30 août 2017, M. [O] et les sociétés Please Horn et Kokoriko ont conclu un protocole d’accord selon lequel le paiement par M. [O] de la somme de 167.000 € à la sociéte Please Horn et de celle de 53.000 € à la société Kokoriko, paiement dont il lui était donné quittance, entraînait la résolution de la promesse de vente du 10 juillet 2017″.

L’ordonnance rappelle aussi l’existence d’une autre procédure enrôlée sous le n°RG 19/13763 pour laquelle, le 13 janvier 2020, le juge de la mise en état a rejeté la demande de M. [O] de jonction avec celle enrôlée sous le n° RG 19/05648 :

‘De son côté, M. [O], soutenant que la promesse de vente du 10 juillet 2017 constituait en réalité un prêt pour lequel il avait payé des intérêts à un taux usuraire, et être victime plus généralement d’une escroquerie de la part des sociétés Please Horn et Kokoriko, qui, en prêtant des fonds sous forme d’indemnités d’immobilisation exercaient illégalement la profession de banquier, a fait assigner par acte du 18 novembre 2019 la société Kokoriko devant le tribunal de grande instance de Paris aux fins essentielles d’obtenir sa condamnation à lui rembourser la sonnne de 8.000 €, correspondant aux intérêts usuraires payés, ainsi qu’à lui payer la somme de 100.000 € à titre de dommages et intérêts, sollicitant en outre la jonction avec l’affaire enregistrée sous le n°RG 19/05648″.

M. [B] [O] a relevé appel de l’ordonnance du 12 janvier 2023 par déclaration remise au greffe le 10 février 2023.

La procédure devant la cour a été clôturée le 6 juillet 2023.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Vu les conclusions en date du 7 mars 2023 par lesquelles M. [B] [O], appelant, invite la cour à :

Vu l’article 378 du code de procédure civile ;

Vu l’article 12 du code de procédure civile ;

– recevoir M. [O] en son appel et y faisant droit,

– infirmer l’ordonnance du juge de la mise en état rendue le 16 janvier 2023 qui a révoqué le sursis à statuer ordonné par la cour,

– dire qu’il sera sursis à statuer de la présente affaire dans l’attente du sort qui sera réservé à la plainte pénale déposée par M. [O] à l’encontre de Mrs [P] et [U] et les sociétés Please Horn et Kokoriko,

– condamner la société Please Horn à payer à M. [O] la somme de 3.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– réserver les dépens ;

Vu les conclusions en date du 11 avril 2023 par lesquelles la société Please Horn, intimée, invite la cour à :

Vu l’article 379 du Code de procédure civile,

– confirmer l’ordonnance du 12 janvier 2023 dans toutes ses dispositions,

En conséquence,

– débouter M. [O] de l’ensemble de ses demandes,

– condamner M. [O] à verser à la société Please Horn la somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner M. [O] aux entiers dépens ;

Vu les conclusions en date du 21 mars 2023 par lesquelles Mme [R] [W] épouse [O], intimée, invite la cour à :

Vu les articles 312 et 313 du code de procédure civile,

– infirmer l’ordonnance du juge de la mise en état rendue le 16 janvier 2023 qui a révoqué le sursis à statuer ordonné par la cour,

– dire qu’il sera sursis à statuer de la présente affaire dans l’attente du sort qui sera

réservé à la plainte pénale déposée par M. [O] à l’encontre de Mrs [P] et [U] et des sociétés Please Horn et Kokoriko,

– condamner la société Please Horn à payer à Mme [O] la somme de 3.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– réserver les dépens ;

SUR CE,

La cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens échangés et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel ;

En application de l’article 954 alinéa 2 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions ;

Sur la demande de révocation du sursis ordonné par l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 9 avril 2021

Aux termes de l’article 379 du code de procédure civile, ‘Le sursis à statuer ne dessaisit pas le juge. A l’expiration du sursis, l’instance est poursuivie à l’initiative des parties ou à la diligence du juge, sauf la faculté d’ordonner, s’il y a lieu, un nouveau sursis.

Le juge peut, suivant les circonstances, révoquer le sursis ou en abréger le délai’ ;

En l’espèce, M. [O] a fait valoir dans l’affaire n°RG 19/05648 que la promesse litigieuse du 31 juillet 2018, comme trois autre promesse antérieures, constituait en réalité une opération de prêt à un taux usuraire sous le couvert des indemnités d’immobilisation ;

Le juge de la mise en état a révoqué le sursis à statuer en estimant que ‘il apparaît d’une bonne administration de la justice de révoquer le sursis à statuer, pour que le tribunal saisi de l’instance puisse trancher la question de l’application de l’article 215 du code civil et statuer par voie de conséquence sur la demande en nullité de la promesse de vente du 31 juillet 2018, demande sur laquelle l’instruction pénale ouverte est sans incidence mais qui a une incidence déterminante sur l’appréciation des prétentions de la société Please Horn’;

Tel que l’a rappelé la cour d’appel de Paris dans son arrêt du 9 avril 2021, l’enquête de la brigade financière, suite à la plainte de M. [O] du 13 mars 2020 du chef notamment d’octroi de prêts à des taux usuraires et d’exercice illégal de la profession de banquier, est susceptible d’exercer une influence sur la demande de M. [O] de requalification de la promesse de vente du 31 juillet 2018 en une opération déguisée de prêt à taux usuraire, dans le cadre du litige l’opposant à la société Please Horn ;

Il convient de considérer que si cette enquête est susceptible d’influer sur la qualification de l’acte du 31 juillet 2018, elle est aussi susceptible d’influer sur la prétention de Mme [W] épouse [O] de prononcer la nullité de l’acte du 31 juillet 2018 qu’elle considère être une promesse de vente ;

Aussi ces circonstances ne justifient pas de révoquer le sursis ordonné par la cour d’appel de Paris ;

En conséquence, l’ordonnance du 12 janvier 2023 du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris est infirmée en ce qu’elle a révoqué le sursis à statuer ordonné par l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 9 avril 2021 jusqu’à ce qu’une décision pénale soit rendue suite à la plainte pénale déposée par M. [O] contre Mrs [P] et [U] et les sociétés Please Horn et Kokoriko, enregistrée au parquet du tribunal judiciaire de Paris sous le numéro 20.073.000712 ;

Et il y a lieu de débouter la société Please Horn de sa demande de révoquer le sursis à statuer ordonné par l’arrêt de la cour d’appel de Paris le 9 avril 2021 ;

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Le sens du présent arrêt conduit à infirmer l’ordonnance sur les dépens et l’application qui y a été faite des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

La société Please Horn, partie perdante, doit être condamnée aux dépens de première instance et d’appel ainsi qu’à payer à M. [O] et à Mme [R] [W] épouse [O] la somme de 2.000 € chacun par application de l’article 700 du code de procédure civile en cause de première instance et d’appel ;

Le sens du présent arrêt conduit à rejeter la demande par application de l’article 700 du code de procédure civile formulée par la société Please Horn ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant par mise à disposition au greffe, contradictoirement,

Infirme l’ordonnance ;

Statuant sur les chefs réformés et y ajoutant,

Déboute la société Please Horn de sa demande de révoquer le sursis à statuer ordonné par l’arrêt de la cour d’appel de Paris le 9 avril 2021 ;

Condamne la société Please Horn aux dépens de première instance et d’appel, ainsi qu’à payer à M. [B] [O] et à Mme [R] [W] épouse [O] la somme de 2.000 € chacun par application de l’article 700 du code de procédure civile en cause de première instance et d’appel ;

Rejette toute autre demande ;

LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,

 


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