Droit de rétractation : Décision du 12 décembre 2023 Cour d’appel de Reims RG n° 23/00824

·

·

Droit de rétractation : Décision du 12 décembre 2023 Cour d’appel de Reims RG n° 23/00824

ARRET N°

du 12 décembre 2023

R.G : N° RG 23/00824 – N° Portalis DBVQ-V-B7H-FKU4

S.A. COFIDIS

c/

[J]

CM

Formule exécutoire le :

à :

la SELARL DEROWSKI & ASSOCIEES

COUR D’APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE- SECTION INSTANCE

ARRET DU 12 DECEMBRE 2023

APPELANTE :

d’un jugement rendu le 14 avril 2023 par le Juge des contentieux de la protection de Chalons-en-Champagne

S.A. COFIDIS SA au capital de 67 500 000 €, immatriculée au RCS de LILLE METROPOLE sous le n° B 325 307 106

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Patrick DEROWSKI de la SELARL DEROWSKI & ASSOCIEES, avocat au barreau de CHALONS-EN-CHAMPAGNE

INTIME :

Monsieur [Z] [J]

[Adresse 1]

[Localité 2]

N’ayant pas constitué avocat

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

M. Bertrand DUEZ, président de chambre

Madame Christel MAGNARD, conseiller

Madame Claire HERLET, conseiller

GREFFIER :

Madame Lucie NICLOT, greffier

DEBATS :

A l’audience publique du 14 novembre 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 12 décembre 2023,

ARRET :

Par défaut, prononcé par mise à disposition au greffe le 12 décembre 2023 et signé par M. Bertrand DUEZ, président de chambre, et Madame Lucie NICLOT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

Le 18 mai 2018, SA Cofidis a consenti à M. [Z] [J] une offre de prêt personnel destiné à regrouper différents crédits d’un montant de 22 400 euros, devant être remboursé selon 96 mensualités d’un montant de 291,32 euros au taux contractuel de 5,72 % l’an.

Suite à la carence de l’emprunteur, la SA Cofidis a notifié à M. [J], le 8 juin 2022, une lettre de mise en demeure avant déchéance du terme lui impartissant un délai de 8 jours pour régulariser sa situation, les impayés s’élevant à la somme de 2 830,40 euros.

Aucune régularisation n’est intervenue dans ce délai. Par correspondance en date du 20 juin 2022, la SA Cofidis a notifié à M. [J] une lettre de mise en demeure prononçant la déchéance du terme et rendant le capital restant dû immédiatement exigible.

Par acte d’huissier en date du 23 janvier 2023, la SA Cofidis a attrait M. [J] devant le juge des contentieux de la protection de Châlons-en-Champagne aux fins, à titre principal, de condamnation en paiement de la somme de 17 771,50 euros au titre du solde du prêt, avec intérêts au taux contractuel de 5,72% l’an à compter du 22 décembre 2022.

M. [J] n’a pas comparu à l’audience du 14 février 2023, ni ne s’est fait représenter.

Par jugement du 14 avril 2023, le juge des contentieux de la protection de Châlons-en-Champagne a, notamment :

– déclaré la SA Cofidis recevable en ses demandes,

– prononcé la déchéance du droit aux intérêts conventionnels au titre du contrat de prêt de type regroupement de crédits n°28962000582528 conclu entre la SA Cofidis et M. [J] le 18 mai 2018,

– condamné M. [Z] [J] à payer à la SA Cofidis la somme de 9 864,07euros (neuf mille huit cent soixante-quatre euros et sept centimes) pour le solde du prêt de type regroupement de crédits n°28962000582528 avec intérêts au taux légal, non majoré, à compter du jugement,

– dit qu’il n’y a pas lieu d’accorder à M. [J] des délais de paiement,

– débouté la société SA Cofidis de ses demandes plus amples et/ou contraires,

– condamné M. [J] à payer à la SA Cofidis la somme de 150 euros au titre des frais irrépétibles et aux entiers dépens.

La SA Cofidis a régulièrement interjeté appel de ce jugement, recours portant sur les dispositions qui ont :

– prononcé la déchéance du droit aux intérêts conventionnels,

– condamné M. [Z] [J] à payer à la SA Cofidis la somme de 9 864,07euros (neuf mille huit cent soixante-quatre euros et sept centimes) avec intérêts au taux légal, non majoré, à compter du jugement,

– débouté la société SA Cofidis de ses demandes plus amples et/ou contraires.

Suivant conclusions du 7 juin 2023, la SA Cofidis demande à la cour de la recevoir en son appel dirigé à l’encontre des dispositions du jugement qui ont prononcé notamment la déchéance du droit aux intérêts et ont, en conséquence, limité sa créance et les intérêts de ladite somme au taux légal, d’infirmer les dispositions dont appel, et, statuant à nouveau de :

– juger régulier le contrat de prêt consenti à M. [J],

– juger en conséquence, n’y avoir lieu à prononcer la déchéance du droit aux intérêts,

– rappeler que le contrat de regroupement de crédit a emporté novation des anciens contrats dans les termes de l’article 1329 du code civil et substitue en conséquence de nouvelles obligations aux anciennes qui ont disparu,

en conséquence,

– condamner M. [J] à payer à la S.A Cofidis les sommes restant dues au titre de l’offre de regroupement de crédits de 22 400 euros en date du 18 mai 2018 et selon décompte arrêté au 22 décembre 2022 :

Capital restant dû au 20 juin 2022…………………………………….15 902,92 €

Intérêts dus du 21 juin 2022 au 22 décembre 2022……………….. 556,03 €

Assurance ……………………………………………………………………….. 40,32 €

Indemnité conventionnelle……………………………………………….. 1 272,23 €

Intérêts au taux contractuel de 5,72 % l’an à compter du 22 décembre 2022 …………… Mémoire

Total sauf mémoire…………………………………………………………..17 771,50 €

Dans l’hypothèse où la cour accorderait des délais de paiement, elle demande de juger que les sommes restant dues seront réglées par mensualités égales sur une période de 23 mois et le solde restant dû sera exigible en principal, intérêts et frais, à la 24 ème mensualité, de dire qu’à défaut de règlement d’une seule échéance à son terme, l’intégralité des sommes restant dues deviendrait alors immédiatement exigible.

Subsidiairement, et en tant que de besoin, la SA Cofidis demande de prononcer la résiliation judiciaire du contrat, de condamner en conséquence, M. [J] au paiement des sommes restant dues par application des dispositions des articles 1224 et 1227 du code civil, de juger en tant que de besoin que s’appliqueront le cas échéant les dispositions de l’article 1231-6 du code civil prévoyant la majoration de 5 points du taux légal d’intérêt en cas de non-paiement dans les délais prescrits.

Encore plus subsidiairement et en tant que de besoin, si la déchéance du droit aux intérêts était prononcée, elle demande de condamner encore l’emprunteur au paiement des sommes empruntées, sous déduction des règlements opérés.

L’appelante demande enfin de condamner M. [J] à lui payer une somme de 500 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.

La déclaration d’appel et les conclusions ont été signifiées à M. [J] le 22 juin 2023 à domicile. Il n’a pas constitué avocat.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 24 octobre 2023.

Sur ce, la cour,

I- Sur la demande principale

Le premier juge a déchu le prêteur de son droit aux intérêts pour trois motifs :

– défaut de vérification de la solvabilité de l’emprunteur (article L.312-16 du code de la consommation),

– absence de bordereau de rétractation détachable (article L.312-21 du code de la consommation,

– caractères de certains paragraphes d’une hauteur inférieure au corps 8 (article R.312-10 du code de la consommation).

L’appelante conteste le jugement sur ces trois points, qui seront examinés ci-dessous successivement.

A) Sur le moyen tiré de l’article L.312-16 du code de la consommation

Par application de l’article L.312-16 du code de la consommation ‘avant de conclure un contrat de crédit, le prêteur vérifie la solvabilité de l’emprunteur à partir d’un nombre suffisant d’informations fournies par ce dernier à la demande du prêteur’.

Le premier juge a, en substance, retenu qu’il n’apparaissait pas que le prêteur ait sollicité de l’emprunteur un justificatif relatif à la perception des allocations familiales de 129 euros pourtant déclarées dans la ‘fiche de dialogue revenus et charges’ produite.

Toutefois, il résulte des pièces communiquées qu’à l’appui de la fiche de dialogue déclarative qui mentionne un emprunteur marié avec deux enfants, en CDI, pour un revenu de 2 200 euros, ont été produites deux fiches de paye qui corroborent le montant déclaré, et une quittance de loyer justifiant de la charge principale de l’emprunteur (583,60 euros).

Ces éléments apparaissent suffisants pour remplir les conditions du texte susvisé, étant précisé de surcroît que le montant des allocations familiales pour deux enfants est fixe.

C’est par conséquent à bon droit que l’appelante considère que le premier juge a fait preuve d’une exigence excessive en estimant qu’un justificatif de la perception des allocations familiales aurait dû être sollicité.

La cour estime que le prêteur justifie avoir rempli son obligation de vérification de solvabilité tirée du texte susvisé. Ce moyen est écarté.

B) Sur le moyen tiré de l’article L.312-21 du code de la consommation

L’article L. 312-19 du code de la consommation précise que l’emprunteur peut se rétracter sans motifs dans un délai de 14 jours calendaires révolus à compter du jour de l’acceptation de l’offre de contrat de crédit comprenant les informations prévues à l’article L. 312-28.

Selon l’article L. 312-21, afin de permettre à l’emprunteur l’exercice du droit de rétractation mentionné à l’article L. 312-19, un formulaire détachable est joint à son exemplaire du contrat de crédit.

La preuve par le prêteur de la communication à l’emprunteur du bordereau détachable de rétractation ne saurait résulter de la seule signature apposée par l’emprunteur sous une clause type par laquelle celui-ci reconnaît cette remise. Une telle circonstance ne constitue qu’un simple indice que le prêteur doit compléter par d’autres éléments pour établir l’exécution de son obligation envers l’emprunteur. A défaut la sanction encourue par le prêteur est la déchéance de son droit aux intérêts.

Le juge des contentieux de la protection a retenu que la société Cofidis produisait une offre de crédit dépourvue de bordereau détachable de rétractation et que, si l’emprunteur reconnaissait par une clause type être en possession d’un exemplaire du contrat muni d’un formulaire détachable de rétractation, le prêteur ne communiquait aucune pièce de nature à démontrer la remise effective d’un tel formulaire à M. [J], ni sa régularité formelle.

Toutefois, la société Cofidis communique, en pièce n°21, l’offre de prêt de regroupement de crédits qu’elle a adressée à M. [J] le 7 mai 2018, offre qui comprend les documents à renvoyer au prêteur et les documents à conserver. La page 16/19 de l’offre figurant au sein des documents à conserver contient, en bas de page, le bordereau de rétractation à renseigner pour renoncer à l’offre de crédit, dont la régularité n’est pas critiquable.

Cette pièce vient compléter utilement l’indice que constitue la signature par M. [J] de la clause type de remise du bordereau. Il est donc suffisamment démontré que la société Cofidis a communiqué à l’emprunteur une offre munie d’un formulaire détachable de rétractation, de sorte qu’aucune déchéance du droit aux intérêts n’est encourue de ce chef.

C) Sur le moyen tiré de la taille de la police de caractère

L’article R.312-10 du code de la consommation, auquel renvoie l’article L.312-28 du même code, exige que le contrat de crédit soit rédigé en caractère dont la hauteur ne peut être inférieure au corps huit et qu’il comporte de manière claire et lisible une série d’informations dont il dresse une liste exhaustive.

Il est toutefois constant que ce corps 8 n’est pas légalement ni réglementairement défini, sa taille d’un point de vue technique correspondant à 3 ou 2,82 millimètres selon qu’elle est appréciée en point Didot, lequel est utilisé en imprimerie, ou en point DTP ou Pica utilisé en publication assistée par ordinateur.

Il en résulte qu’il n’y a pas de violation manifeste du texte précité lorsque le prêteur soumet à l’emprunteur contractant une offre dont la taille des caractères est d’au moins 2,82 millimètres lorsque le contrat est édité informatiquement et que sa présentation le rend parfaitement lisible.

En l’espèce, la lecture de l’offre de crédit remise à M. [J] est tout-à-fait aisée, les divers paragraphes sont lisibles, et leur mesure ne contrevient manifestement pas aux prescriptions susvisées.

Aucune déchéance du droit aux intérêts n’est par conséquent encourue de ce chef.

Dès lors que la déchéance du droit aux intérêts n’est pas prononcée, il n’y a pas lieu d’entrer dans la discussion instaurée par le premier juge -et contestée par l’appelante- sur le point de savoir si la réclamation par la banque d’intérêts au taux majoré de plein droit deux mois après le caractère exécutoire de la décision de justice (article L.313-3 du code monétaire et financier) vient ou non annihiler les effets de la sanction de la déchéance du droit aux intérêts et devrait être écartée.

D) Sur le montant de la créance

Compte tenu des pièces produites à l’appui de la demande et, notamment, l’offre de crédit, le tableau d’amortissement, l’historique de compte, le détail de la créance arrêtée au 22 décembre 2022, la créance de la banque doit être fixée comme suit :

– capital restant dû au 20 juin 2022……………………………… . 15 902,92 €

– intérêts dus du 21 juin 2022 au 22 décembre 2022………….. 556,03 €

– assurance …………………………………………………………………… 40,32 €

– indemnité conventionnelle…………………………………………… 1 272,23 €

Intérêts au taux contractuel de 5,72 % l’an à compter du 22 décembre 2022 …………… Mémoire

Total …………………………………………………………………………… 17 771,50 €

M. [J] sera condamné au paiement de cette somme.

II- Sur les mesures accessoires

Le jugement est confirmé en ce qu’il condamne M. [J] aux dépens et à verser à la requérante la somme de 150 euros au titre des frais irrépétibles.

Il est également tenu aux dépens d’appel et devra régler à la SA Cofidis la somme de 200 euros au titre des frais irrépétibles d’appel.

Par ces motifs

Infirme, dans les limites de l’appel, le jugement rendu le 14 avril 2023 par le juge des contentieux de la protection de Châlons-en-Champagne,

Statuant à nouveau,

Dit n’y avoir lieu à déchéance du droit aux intérêts conventionnels au titre du contrat de prêt n°2962000582528 conclu entre la SA Cofidis et M. [Z] [J] le 18 mai 2018,

Condamne M. [Z] [J] à payer à la SA Cofidis la somme de 17 771,50 euros au titre du contrat de prêt n°2962000582528, avec intérêts au taux contractuel à compter du 22 décembre 2022,

Ajoutant au jugement,

Condamne M. [Z] [J] à payer à la SA Cofidis la somme de 200 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [Z] [J] aux dépens d’appel.

Le Greffier Le Président

 


0 0 votes
Je supporte LegalPlanet avec 5 étoiles
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x