RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 21/01629 – N° Portalis DBVH-V-B7F-IAW7
MS/EB
CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE D’ORANGE
26 mars 2021
RG :F19/00212
[O]
C/
S.C.A. TERRAVENTOUX
Grosse délivrée le 12 DECEMBRE 2023 à :
– Me
– Me
COUR D’APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
5ème chambre sociale PH
ARRÊT DU 12 DECEMBRE 2023
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’ORANGE en date du 26 Mars 2021, N°F19/00212
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
M. Michel SORIANO, Conseiller, a entendu les plaidoiries en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président
M. Michel SORIANO, Conseiller
Madame Leila REMILI, Conseillère
GREFFIER :
Mme Emmanuelle BERGERAS, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision.
DÉBATS :
A l’audience publique du 20 Avril 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 04 Juillet 2023 prorogé à ce jour
Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.
APPELANTE :
Madame [U] [O]
née le 22 Août 1975 à bressuire (79300)
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Catherine RIPERT, avocat au barreau de CARPENTRAS
INTIMÉE :
S.C.A. TERRAVENTOUX
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Christian MAILLARD de la SCP MAILLARD ET LEFEVRE, avocat au barreau de MARSEILLE
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 23 Mars 2023
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 12 décembre 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour.
FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS
Mme [U] [O] a été engagée à compter du 1er avril 2000, suivant contrat à durée indéterminée, en qualité de responsable de production/technicienne amont par la société coopérative agricole (SCA) Terraventoux.
A compter du 1er mars 2009, Mme [U] [O] a exercé les fonctions de directrice au sein de la SCA Terraventoux.
Par acte du 28 juin 2018, Mme [O] et la SCA Terraventoux ont conclu une rupture conventionnelle, homologuée par la DIRECCTE le 26 juillet 2018, dont le terme a été fixé au 31 août 2018.
Le 15 février 2019, la SCA Terraventoux, ayant eu connaissance de manquements graves commis par Mme [U] [O], a convoqué cette dernière à un entretien préalable, fixé au 19 février 2019, auquel Mme [O] ne s’est pas présentée.
Par courrier du 18 mars 2019, Mme [U] [O] a été licenciée pour faute grave par la SCA Terraventoux.
Par courrier du 9 juillet 2019, la SCA Terraventoux a sollicité le remboursement de l’indemnité conventionnelle auprès de Mme [U] [O].
Le 16 février 2020, la SCA Terraventoux a déposé plainte contre Mme [O].
Par requête du 24 juillet 2019, la SCA Terraventoux a saisi le conseil de prud’hommes d’Orange aux fins de prononcer la nullité de la rupture conventionnelle et le remboursement de l’indemnité de rupture conventionnelle.
Par jugement du 26 mars 2021, le conseil de prud’hommes d’Orange a :
– condamné Mme [U] [O] à rembourser à la SCA Terraventoux la somme de 90.636 euros correspondant à l’indemnité de rupture conventionnelle,
– dit et jugé que la rupture de la relation contractuelle doit prendre les effets licenciement pour fautes graves et prononcé donc la nullité de la rupture conventionnelle,
– condamné Mme [U] [O] à verser à la SCA Terraventoux la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouté Mme [U] [O] de ses demandes,
– condamné Mme [U] [O] aux entiers dépens de l’instance.
Par acte du 25 avril 2021, Mme [U] [O] a régulièrement interjeté appel de cette décision.
Aux termes de ses dernières conclusions en date du 22 mars 2023, Mme [U] [O] demande à la cour de :
– infirmer le jugement entrepris par le conseil de prud’hommes d’Orange le 26 mars 2021 en ce qu’il a :
– condamné Mme [U] [O] à rembourser à la SCA Terraventoux la somme de 90 636 euros correspondant à l’indemnité de rupture conventionnelle,
– dit et jugé que la rupture de la relation contractuelle doit prendre les effets d’un licenciement pour faute grave et prononce donc la nullité de la rupture conventionnelle,
– condamné Mme [U] [O] à verser à la SCA Terraventoux la somme de 2500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouté Mme [U] [O] à verser à la SCA Terraventoux la somme de 2500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouté Mme [U] [O] de toutes ses demandes,
– condamné Mme [U] [O] aux entiers dépens de l’instance,
Et statuant à nouveau :
A titre principal,
– débouter la SCA Terraventoux de l’intégralité de ses demandes,
A titre subsidiaire et à titre reconventionnel, il est demandé à la cour de condamner la SCA Terraventoux à payer à Mme [U] [O] :
– 85 000 euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 11 042 euros à titre d’indemnité de préavis,
– 28 985,25 euros au titre de l’indemnité de licenciement,
En tout état de cause et à titre reconventionnel,
– 5 000 euros pour préjudice moral causé par son action abusive,
– 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la SCA Terraventoux aux entiers dépens de l’instance.
Mme [U] [O] soutient que :
– sur la rupture conventionnelle
– elle a subi un harcèlement moral pendant l’exercice de ses fonctions, une intimidation de la part des adhérents et de certains membres du conseil d’administration comme il ressort des procès-verbaux du conseil d’administration,
– l’intimée ne justifie pas en quoi il existerait une erreur sur ses qualités substantielles, ni même si cette erreur aurait été déterminante de son consentement,
– le conseil d’administration a toujours validé toutes ses actions, tout comme celles du comptable,
– soudainement, après son départ, des factures falsifiées surgissaient curieusement,
– le cabinet comptable n’aurait jamais validé des factures non justifiées, et qui seraient
douteusement révélatrices d’un abus de bien sociaux,
– les difficultés économiques invoquées par l’employeur étaient liées au gel, rendant impossible une récolte productive,
– elle conteste l’intégralité des faits qui lui sont reprochés et réaffirme n’avoir agi que dans l’intérêt de l’entreprise,
– en outre, la conséquence d’une annulation d’une rupture conventionnelle serait une réintégration, pas un licenciement,
– la plainte a été classée sans suite par le procureur de la République de [Localité 7],
– la société a ensuite déposé plainte avec constitution de partie civile devant le juge d’instruction, sans demander le sursis à statuer,
– subsidiairement, sur le licenciement
– les faits reprochés sont prescrits au regard de l’article L 1332-4 du code du travail,
– en toute hypothèse, elle n’a ni manqué à son obligation de loyauté, ni manqué délibérément aux obligations de son contrat de travail.
En l’état de ses dernières écritures en date du 13 mars 2023, la SCA Terraventoux demande de :
1) sur la nullité de la rupture conventionnelle,
– rappeler que la rupture conventionnelle est un mode alternatif de rupture d’un contrat de travail pouvant être annulé pour vices du consentement,
– constater que durant l’exécution du contrat de travail, Mme [U] [O] a commis de nombreuses fautes d’une particulière gravité, étant rappelé que celle-ci occupait les fonctions de directrice de la société,
– constater que Mme [U] [O] a tout mis en ‘uvre pour cacher les manquements commis à son employeur, de sorte que celui-ci a accepté de conclure une rupture conventionnelle en méconnaissant les agissements fautifs de la salariée,
– constater l’existence d’un dol et d’une erreur sur les qualités substantielles de Mme [U] [O],
Par conséquent,
– confirmer dans toutes ses dispositions le jugement entrepris,
– dire et juger la rupture conventionnelle signée entre les parties le 28 juin 2018 et homologuée par la DIRRECTE le 26 juillet 2018 nulle,
Par conséquent,
– condamner l’appelante au remboursement de la somme de 90.636 euros qu’elle a perçue à titre d’indemnité de rupture conventionnelle,
– dire et juger que la rupture des relations contractuelles doit prendre les effets d’un licenciement pour faute grave,
2) sur la demande reconventionnelle et subsidiaire en dommages et intérêts pour licenciement prétendument sans cause réelle et sérieuse,
– confirmer dans toutes ses dispositions le jugement entrepris,
– dire et juger que cette demande subsidiaire juridiquement impossible,
– dire et juger qu’il serait contradictoire d’annuler une rupture conventionnelle en raison de manquements graves commis par une salariée et dans le même temps accorder des dommages et intérêts pour licenciement abusif,
Par conséquent,
– débouter Mme [U] [O] de ses demandes reconventionnelles,
– condamner Mme [U] [O] au paiement de la somme de 3.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner Mme [U] [O] aux entiers dépens,
– dire que dans l’hypothèse où à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées dans le jugement à intervenir, l’exécution forcée devra être réalisée par l’intermédiaire d’un huissier, le montant des sommes retenues par l’huissier par application de l’article 10 du décret du 8 mars 2001 portant modification du décret du 12 décembre 1996 (numéro 96/1080 ‘ tarif des huissiers), devront être supportées par le débiteur en sus de l’application de l’article 700 du code de procédure civile.
La SCA Terraventoux fait valoir que :
– elle s’est rendue compte après l’homologation de la rupture conventionnelle que Mme [O] avait commis des manquements d’une particulière gravité, manquements qu’elle avait sciemment cachés dans le but que son employeur accepte de conclure une rupture conventionnelle,
– la rupture se trouve donc manifestement entachée de nullité, pour vices du consentement, à
savoir dol et erreur sur les qualités substantielles de Mme [O],
– Mme [O] a effectué avec les moyens de paiement professionnels plusieurs dépenses privées
et personnelles,
– la salariée a présenté des factures au service comptable de sorte que la société ne puisse suspecter que les dépenses litigieuses n’avaient pas été effectuées pour le compte et dans l’intérêt de son employeur,
– suite à sa plainte avec constitution de partie civile, le juge d’instruction a considéré qu’il existait des indices graves et concordants et a mis en examen Mme [O],
– la demande subsidiaire de la salariée quant à un licenciement sans cause réelle et sérieuse est juridiquement impossible,
– ce n’est qu’à partir du moment où elle a découvert les manquements graves de Mme [O]
qu’elle a d’une part déposé une plainte pénale et d’autre part, engagé une procédure de licenciement,
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures.
Par ordonnance en date du 21 décembre 2022, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 23 mars 2023 à 16 heures et fixé l’examen de l’affaire à l’audience du 20 avril 2023.
MOTIFS
La cour rappelle que les demandes de ‘constater’, de ‘dire et juger’ ne constituent pas des prétentions mais des moyens et ne saisissent la cour d’aucune demande.
Sur la nullité de la rupture conventionnelle
Selon les articles L 1237-11 et suivants du code du travail, la rupture conventionnelle est un contrat par lequel l’employeur et le salarié conviennent, d’un commun accord, de rompre le contrat de travail à durée indéterminée qui les lie et fixe les conditions de cette rupture.
La signature de la convention de rupture doit être précédée d’un ou plusieurs entretiens entre les parties, au cours desquels le salarié peut se faire assister dans les mêmes conditions que pour un licenciement.
L’article L.1237-13 du code du travail prévoit qu’à compter de la date de la signature de la convention par les deux parties, chacune d’entre elles dispose d’un délai de quinze jours calendaires pour exercer son droit de rétractation. Ce droit est exercé sous la forme d’une lettre adressée par tout moyen attestant de sa date de réception par l’autre partie.
Conformément à l’article L 1237-14 du code du travail, l’accord des parties doit être matérialisé par une convention de rupture, datée et signée par chacune des parties qui dispose d’un délai de 15 jours calendaires pour se rétracter. À l’issue du délai de rétractation, la partie la plus diligente adresse la demande d’homologation de la convention à la Direccte.
Outre que les dispositions légales spécifiques en la matière sont destinées à garantir la liberté du consentement des parties, comme tout contrat, la rupture conventionnelle suppose l’existence d’un consentement effectif et non vicié c’est-à-dire éclairé et obtenu en dehors de toute contrainte ou manoeuvre.
Il est constant que l’existence, au moment de sa conclusion, d’un différend entre les parties au contrat de travail, n’affecte pas par elle-même la validité de la convention de rupture conclue en application de l’article L. 1237-11 du code du travail.
La cour relève que Mme [O] décrit dans ses écritures le contexte dans lequel la rupture conventionnelle a été conclue, indiquant avoir subi un harcèlement moral pendant l’exercice de ses fonctions, une intimidation de la part des adhérents et de certains membres du conseil d’administration, ajoutant que la saisine de la DIRECCTE n’a pas arrangé les choses et la pression devenait ingérable pour elle, sans pour autant en tirer la moindre conséquence juridique puisqu’elle ne soulève pas la nullité de la rupture conventionnelle.
Il n’y a pas lieu en conséquence de répondre aux moyens développés à ce titre par Mme [O].
L’employeur considère que la rupture conventionnelle est entachée de nullité au motif qu’il a découvert après son homologation que Mme [O] avait commis des manquements d’une particulière gravité, manquements qu’elle avait sciemment cachés dans le but qu’il accepte de conclure une rupture conventionnelle.
L’intimée invoque le dol et l’erreur sur les qualités substantielles de Mme [O].
Il appartient à l’employeur qui sollicite la nullité de la rupture conventionnelle de démontrer l’existence de la fraude ou du vice du consentement qu’il allègue.
En application des dispositions des articles 1137 et 1138 du code civil, dans leur version applicable au litige, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque des mensonges ou des manoeuvres pratiquées par l’une des parties, sont tels qu’il est évident que, sans ces maoeuvres, l’autre partie n’aurait pas contracté.
L’article 1134 du code civil prévoit que l’erreur sur les qualités essentielles du cocontractant n’est une cause de nullité que dans les contrats conclus en considération de la personne.
L’employeur reproche à Mme [O] les faits suivants :
– avoir effectué avec les moyens de paiement professionnels plusieurs dépenses privées et personnelles.
– avoir présenté des factures au service comptable de sorte que la société ne puisse suspecter que les dépenses litigieuses n’avaient pas été effectuées pour le compte et dans l’intérêt de son employeur.
Pour démontrer ses allégations, l’employeur produit les éléments suivants :
– une facture du 1er juin 2018 pour un montant de 1673,55 euros concernant un vol A/R à [Localité 10] les 22 et 24 juin 2018
– la même facture que l’employeur indique avoir sollicitée auprès de Rumbo voyages, laquelle fait apparaître en sus de Mme [O], MM [E] [C] et [H] [T], les deux enfants de l’appelante, ainsi que M. [W] [L] qui n’est pas salarié de l’entreprise.
– une facture du 5 juin 2018 pour un montant de 355,58 euros concernant un vol A/R en Angleterre pour deux passagers, Mme [O] et M. [L].
– un justificatif de billet de train [Localité 11]/[Localité 5] le 3 juillet (2017), la réservation étant en date du 20 juin 2017, pour deux passagers, Mme [O] et M. [L], pour un montant de 312 euros, somme débitée du compte de l’employeur le 30 juin 2017.
– une facture d’hôtel [Adresse 6], pour 3 personnes du 26 au 29 décembre 2017, pour un montant de 1718,25 euros, dont 1650 euros d’arrhes versés le 12 décembre.
Sur cette facture fournie par la salariée à son employeur, il est précisé qu’il s’agit de la prise en charge du prix des chambres pour des journalistes.
– la même facture que l’employeur indique avoir sollicitée auprès de l’hôtel et sur laquelle il est mentionné la présence d’un enfant.
– une facture de l’école de ski de [8] du 21 décembre, d’un montant de 414 euros, dont le libellé est ‘Sponsor Evénement Micro d’Or 21/12’.
– une facture établie au nom de Mme [O], pour le même montant, l’employeur soutenant que la salariée a fait prendre en charge par la société des cours de skis du 26 au 28 décembre 2017 pour le fils de celle-là, M. [H] [T], ainsi qu’il apparaît sur le document.
– une facture de la société AD Carrosserie du 26 septembre 2017 concernant des frais d’entretien d’un véhicule que l’employeur attribue à Mme [O], pour un montant de 443,95 euros. Mme [O] disposant d’un véhicule de service depuis mai 2015.
– des tickets de caisse dont les achats identifiés concernent des fruits et légumes et en boucherie, outre une prestation de garagiste, des dépenses dans une boulangerie, à [K] [Z], des achats de friandises et de divers objets de décoration intérieure auprès de la Jardinerie des Fontaines.
L’employeur justifie avoir déposé plainte le 16 février 2019 auprès de la gendarmerie de Mormoiron, pour les faits susvisés, à l’encontre de Mme [O], et suite au classement sans suite de celle-ci, avoir déposé plainte avec constitution de partie civile devant le doyen des juges d’instruction du tribunal judiciaire de Carpentras le 2 août 2021.
Par un courrier du 13 mars 2023, le conseil défendant les intérêts de la société Terraventoux devant le juge d’instruction écrit à son confrère en charge du volet social pour l’informer de la mise en examen de Mme [O] du chef d’abus de biens ou de crédit d’une société coopérative, faits commis du 1er janvier 2010 au 26 juillet 2018 à [Localité 12], précisant que le courrier officiel est destiné à être produit en justice.
Mme [O] s’étonne d’ailleurs de ce que l’intimée ne sollicite pas un sursis à statuer au regard de l’instruction actuellement en cours.
La cour rappelle que si elle peut d’office ordonner un sursis à statuer, elle ne peut y être contrainte par une partie et qu’elle se prononce au regard de l’intérêt d’une bonne justice.
L’article 4 du code de procédure pénale dispose que :
‘L’action civile en réparation du dommage causé par l’infraction prévue par l’article 2 peut être exercée devant une juridiction civile, séparément de l’action publique.
Toutefois, il est sursis au jugement de cette action tant qu’il n’a pas été prononcé définitivement sur l’action publique lorsque celle-ci a été mise en mouvement.
La mise en mouvement de l’action publique n’impose pas la suspension du jugement des autres actions exercées devant la juridiction civile, de quelque nature qu’elles soient, même si la décision à intervenir au pénal est susceptible d’exercer, directement ou indirectement, une influence sur la solution du procès civil.’
les articles 377 et 378 du code de procédure civile disposent respectivement :
– » en dehors des cas où la loi le prévoit, l’instance est suspendue par la décision qui sursoit à statuer, radie l’affaire ou ordonne son retrait du rôle »,
– » la décision de sursis suspend le cours de l’instance pour le temps ou jusqu’à la survenance de l’événement qu’elle détermine ».
Il en résulte donc que lorsqu’une instruction pénale ou un dossier civil présente un intérêt dans le cadre d’une procédure civile, le juge peut dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, surseoir à statuer jusqu’à la fin de l’enquête pénale ou de l’affaire civile.
En l’espèce, la SCA Terraventoux a déposé plainte avec constitution de partie civile le 2 août 2021 pour les mêmes faits que ceux reprochés à Mme [O] dans le cadre du présent litige, et qui fonderaient le vice du consentement de l’employeur dans la conclusion de la rupture conventionnelle.
La plainte vise ainsi :
‘…
Après la rupture des relations de travail, le personnel de la SCA TERRAVENTOUX et de sa filliale la SARL TERRAVENTOUX NEGOCIANT se livrait sur des agissements d'[U] [O] qui déterminer le Président à reprendre les éléments comptables des dernières années.
Cette vérification permettait la mise à jour d’anomalies, notamment dans le paiement par la SCA TERRAVENTOUX de prestations qui peuvent apparaître comme personnelles au profit d'[U] [O], ou le remboursement de divers frais professionnels à [U] [O].
Une vérification approfondie des éléments de facture permettait de mettre en doute la sincérité de certains justificatifs.
Cette première plainte était complétée de deux tableaux sur lesquels [R] [A] notait que des dépenses n’étaient pas correctement justifiées et que des frais de voyage réglés par la SCA TERRAVENTOUX laissaient apparaître les enfants d'[U] [O] ainsi que son compagnon comme bénéficiaires, notamment pour un aller-retour à [Localité 10], un week-end à LONDRES, un séjour à [Localité 9], des cours de ski à L’ESF de CHAMONIX.
D’autre part, [U] [O] disposait d’une carte de paiement de la SCA TERRAVENTOUX au moyen de laquelle elle avait procédé à des dépenses personnelles (achats en librairie, réparations de son véhicule personnel…).
…
Des documents remis aux enquêteurs par [R] [A] étaient extraites divers dépenses litigieuses dont il était dressé un tableau (pièce 12 feuillet 2) et qui conduisait à l’établissement de dépenses au profit personnel d'[U] [O] et supportées par la SCA TERRAVENTOUX pour un montant d’environ 10000 euros.
…
Il sera spécialement attiré l’attention du Juge d’instruction sur la prise en charge de l’hébergement d’un journalise à [Localité 9] et d’une facture portant la mention ‘Sponsor Evénement Micro d’Or 21/12′ correspondant en réalité à l’hébergement d'[U] [O] et de sa famille et les cours de ski de ses enfants.
La Parquet de [Localité 7] décidait finalement d’un classement sans suite au motif d’une infraction insuffisamment caractérisée…
…
Les faits décrits précédemment paraissent constitutifs des infractions suivantes :
Faux et usage de faux matérialisés sur un écrit, par la falsification de diverses factures présentées comme ayant un lien avec l’activité de la SCA TERRAVENTOUX alors qu’en définitive elles correspondaient à des voyages familiaux d'[U] [O], de son compagnon et de ses enfants, des dépenses personnelles d’entretien de ses véhicules, faits prévus et réprimés par les articles 441-1 et suivants du code pénal.
Abus de confiance au préjudice de la SCA TERRAVENTOUX en utilisant à des fins personnelles les moyens de paiements mis à sa disposition par son employeur, faits prévus et réprimés par l’article 314-1 du code pénal.
…’
Il résulte encore du courrier du 13 mars 2023 repris plus avant que Mme [O] a fait l’objet d’une mise en examen du chef d’abus de biens ou de crédit d’une société coopérative, faits commis du 1er janvier 2010 au 26 juillet 2018 à [Localité 12].
L’employeur soutenant qu’il n’aurait pas accepté une rupture conventionnelle avec Mme [O] s’il avait eu connaissances des faits visés dans la plainte avec constitution de partie civile, il n’est pas contestable que l’issue de la procédure pénale aura une influence sur la présente procédure.
Il apparaît ainsi que le juge pénal doit apprécier des faits qui constituent par ailleurs les griefs articulés à l’encontre de la salariée pour justifier la nullité de la rupture conventionnelle et que cette appréciation peut avoir une incidence tant sur la réalité des faits reprochés que sur les conséquences qui pourraient en découler, notamment en termes indemnitaires et de responsabilité pécuniaire.
Il apparaît dès lors d’une bonne administration de la justice de prévenir un risque de contradiction entre les juridictions pénale et civile et de surseoir à statuer dans l’attente de la décision du juge pénal.
Il y a donc lieu de prononcer d’office un sursis à statuer.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Par arrêt avant dire droit contradictoire, rendu publiquement en dernier ressort
Sursoit à statuer sur l’ensemble des demandes formées par les parties dans l’attente de la décision définitive du juge pénal sur les infractions reprochées à Mme [U] [O], à la suite de la plainte avec constitution de partie civile déposée par l’employeur,
Ordonne la radiation de la présente procédure du rôle de la cour et dit qu’il appartiendra à la partie la plus diligente de solliciter la réinscription de la cause au rôle dès qu’une décision définitive sera intervenue sur le plan pénal,
Réserve les dépens.
Arrêt signé par le président et par le greffier.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,