COUR D’APPEL D’ORLÉANS
CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE
GROSSES + EXPÉDITIONS : le 11/05/2023
Me Alexis DEVAUCHELLE
la SCP GUILLAUMA – PESME – JENVRIN
la SCP THIERRY GIRAULT
ARRÊT du : 11 MAI 2023
N° : 77 – 23
N° RG 20/02063
N° Portalis DBVN-V-B7E-GHCL
DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Juge des contentieux de la protection d’ORLÉANS en date du 03 Septembre 2020
PARTIES EN CAUSE
APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265252091592116
La S.A. FINANCO
Agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège,
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 5]
Ayant pour avocat postulant Me Alexis DEVAUCHELLE, avocat au barreau d’ORLEANS et pour avocat plaidant Me Jean-Pierre HAUSSMANN, membre de la SELARL HAUSSMANN KAINIC HASCOET, avocat au barreau de l’ESSONNE,
D’UNE PART
INTIMÉES : – Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265252647368457
Madame [C] [N]
née le [Date naissance 1] 1960 à [Localité 9]
[Adresse 4]
[Localité 7]
Ayant pour avocat Me Christophe PESME, membre de la SCP GUILLAUMA – PESME – JENVRIN, avocat au barreau d’ORLEANS
– Timbre fiscal dématérialisé N°:1265265216245501
La société B2E, Exerçant sous l’enseigne BUREAU D’ETUDE ENERGETIQUE disposant d’un établissement secondaire sis [Adresse 2],
Agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 8],
[Localité 3]
Ayant pour avocat Me Thierry GIRAULT, membre de la SCP THIERRY GIRAULT, avocat au barreau d’ORLEANS
D’AUTRE PART
DÉCLARATION D’APPEL en date du : 19 Octobre 2020
ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 07 Avril 2022
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats, affaire plaidée sans opposition des avocats à l’audience publique du JEUDI 16 MARS 2023, à 9 heures 30, devant Madame Fanny CHENOT, Conseiller Rapporteur, par application de l’article 805 du code de procédure civile.
Lors du délibéré :
Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d’Appel d’ORLEANS,
Madame Fanny CHENOT, Conseiller,
Monsieur Damien DESFORGES, Conseiller,
Greffier :
Madame Marie-Claude DONNAT , Greffier lors des débats et du prononcé.
ARRÊT :
Prononcé publiquement par arrêt contradictoire le JEUDI 11 MAI 2023 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
EXPOSE DU LITIGE :
Suivant bon de commande du 11 juillet 2018, Mme [C] [N] a conclu avec la société B2E, exerçant sous l’enseigne Bureau d’étude énergétique, un contrat portant sur la fourniture et la pose d’une pompe à chaleur air/eau d’une puissance de 12 KW, pour un montant 24 000 euros intégralement financé par un crédit souscrit le même jour auprès de la société Financo, remboursable en 180 mensualités de 178,43 euros incluant les intérêts au taux conventionnel de 3,84 % l’an.
Par actes du 4 mars 2019, Mme [N] a fait assigner la SARL B2E et la SA Financo devant le tribunal d’instance d’Orléans aux fins d’obtenir la suspension de l’exécution du contrat de crédit affecté conclu entre elle et la SA Financo, la nullité ou la résolution du contrat de vente et du contrat de crédit affecté, outre la condamnation de la société B2E à lui payer une somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice de jouissance.
Par jugement du 3 septembre 2020, en retenant en substance que la demande de suspension du contrat de crédit était sans objet compte tenu de la demande de nullité, que le contrat principal, conclu sur la base d’un bon de commande qui ne comporte ni les informations prévues à l’article L. 221-5, 2° du code de la consommation relatives aux modalités et conditions d’exercice du droit de rétractation, ni le formulaire destiné à faciliter l’exercice de ce droit, devait être annulé, et par voie de conséquence le contrat de crédit qui lui est associé, que l’établissement de crédit devait être privé de la restitution du capital prêté pour ne pas avoir vérifié la régularité formelle du bon de commande et avoir débloqué les fonds sans s’être assuré de l’exécution intégrale du contrat principal, qu’enfin Mme [N] devait être déboutée de sa demande de dommages et intérêts faute de justifier du préjudice de jouissance dont elle sollicitait réparation, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire d’Orléans a :
– rejeté la demande de suspension de l’exécution du contrat de crédit affecté du 11 juillet 2018,
– annulé et au besoin prononcé la résolution du contrat de vente principal du 11 juillet 2018 signé avec la SARL B2E exerçant sous l’enseigne Bureau d’étude énergétique, selon bon de commande du 11 juillet 2018,
– constaté au besoin la nullité du contrat de crédit souscrit le 11 juillet 2018 par Mme [C] [N] auprès de la SA Financo et affecté au crédit principal,
– condamné la SA Financo à rembourser à Mme [C] [N] les mensualités déjà versées au jour du présent jugement, soit au 3 septembre 2020,
– rappelé que l’annulation du contrat de crédit affecté entraîne par ailleurs déchéance du prêteur à restitution des intérêts prêtés,
– condamné la SARL B2E exerçant sous l’enseigne Bureau d’étude énergétique et la SA Financo à prendre en charge les frais de désinstallation, à l’exclusion des frais de remise en état,
– débouté la SA Financo de l’ensemble de ses prétentions,
– débouté Mme [C] [N] de sa demande de dommages et intérêts,
– débouté les parties du surplus de leurs prétentions,
– dit n’y avoir lieu à « suspension de l’exécution provisoire » de la présente décision,
– condamné in solidum la SARL B2E exerçant sous l’enseigne Bureau d’étude énergétique et la SA Financo à verser à Mme [C] [N] la somme de 800 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– rejeté toute demande plus ample ou contraire,
– laissé les dépens à la charge de la SARL B2E exerçant sous l’enseigne Bureau d’étude énergétique et de la SA Financo.
La SA Financo a relevé appel de cette décision par déclaration du 19 octobre 2020 en critiquant tous les chefs du jugement en cause lui faisant grief.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 23 mars 2022, la SA Financo demande à la cour de :
– infirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
– voir dire et juger Mme [C] [N] mal fondée en ses demandes, fins et conclusions, et l’en débouter,
– voir dire et juger la société Bureau Etude Energétique mal fondée en ses demandes dirigées contre la SA « Cofidis » et l’en débouter,
– voir dire et juger la SA Financo recevable et bien fondée en ses demandes, fins et conclusions,
Y faire droit,
– condamner Mme [C] [N] à reprendre l’exécution du contrat de crédit conformément aux stipulations contractuelles telles que retracées dans le tableau d’amortissement,
A titre subsidiaire, si la cour venait à confirmer la nullité des conventions ou prononcer leur résolution :
– condamner Mme [C] [N] à rembourser à la SA Financo le capital emprunté d’un montant de 24 000 euros au taux légal à compter de l’arrêt à intervenir,
A titre infiniment subsidiaire,
– condamner la société Bureau Etude Energétique à payer à la SA Financo la somme de 24 000 euros au taux légal à compter de l’arrêt à intervenir,
En tout état de cause,
– condamner tout succombant à payer à la SA Financo la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner tout succombant aux dépens.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 14 avril 2021, Mme [N] demande à la cour, au visa des articles L. 111-1 et suivants et L. 211-1 et suivants du code de la consommation, 1217 du code civil, de :
– confirmer le jugement du tribunal judiciaire d’Orléans du 3 septembre 2020 (RG 11-19-000445) en toutes ses dispositions,
Subsidiairement,
– prononcer la résolution du contrat conclu entre la SARL B2E et [C] [N],
– en conséquence, prononcer la résolution du contrat de crédit affecté souscrit auprès de la société Financo,
– condamner la SARL B2E à procéder à ses frais à la reprise du matériel ainsi que la remise en état,
En tout état de cause,
– débouter la SARL B2E et SA Financo de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires,
– condamner in solidum la SARL B2E et la SA Financo à verser à [C] [N] une somme de 2 300 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner in solidum la SARL B2E et la SA Financo aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Christophe Pesme de la SCP Guillauma & Pesme, avocats aux offres de droit, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 19 avril 2021, la société B2E demande à la cour, au visa des articles L. 111-1 et suivants du code de la consommation, 1217 du code civil, de :
– dire la société B2E recevable et bien fondée en ses conclusions et en son appel incident,
Ce faisant,
A titre principal,
– réformer le jugement du tribunal judiciaire d’Orléans du 3 septembre 2020 en ce qu’il :
* annule et au besoin prononce la résolution du contrat de vente principal du 11 juillet signé avec la SARL B2E exerçant sous l’enseigne Bureau d’Etude Energétique, selon bon de commande du 11 juillet 2018,
* constate et au besoin prononce la nullité du contrat de crédit souscrit le 11 juillet 2018 par Mme [C] [N] auprès de la SA Financo et affecté au contrat principal,
* condamne la SARL B2E exerçant sous l’enseigne Bureau d’Etude Energétique et la SA Financo à prendre en charge les frais de désinstallation, à l’exclusion des frais de remise en état,
* condamne in solidum la SARL B2E exerçant sous l’enseigne Bureau d’Etude Energétique et la SA Financo à verser à Mme [C] [N] la somme de 800 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau,
– dire Mme [C] [N] mal fondée en ses demandes,
– l’en débouter,
Pour le surplus,
– confirmer les dispositions du jugement du tribunal judiciaire d’Orléans du 3 septembre 2020,
– débouter la société Financo et Mme [C] [N] de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions dirigées contre la société B2E,
En cause d’appel,
– condamner tout succombant à verser à la société B2E la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance, dont distraction au profit de Maître Thierry Girault, membre de la SCP Thierry Girault, avocat aux offres de droit.
Pour un plus ample exposé des faits et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs dernières conclusions récapitulatives.
L’instruction a été clôturée par ordonnance du 7 avril 2022, pour l’affaire être plaidée le 16 mars 2023 et mise en délibéré à ce jour.
SUR CE, LA COUR :
Sur l’annulation du contrat principal :
Aux termes de l’article L. 221-5 du code de la consommation, dans sa version en vigueur au jour de la conclusion du contrat du 11 juillet 2018, préalablement à la conclusion d’un contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :
1° Les informations prévues aux articles L. 111-1 et L. 111-2 ;
2° Lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d’exercice de ce droit ainsi que le formulaire type de rétractation, dont les conditions de présentation et les mentions qu’il contient sont fixées par décret en Conseil d’Etat;
3° Le cas échéant, le fait que le consommateur supporte les frais de renvoi du bien en cas de rétractation et, pour les contrats à distance, le coût de renvoi du bien lorsque celui-ci, en raison de sa nature, ne peut normalement être renvoyé par la poste ;
4° L’information sur l’obligation du consommateur de payer des frais lorsque celui-ci exerce son droit de rétractation d’un contrat de prestation de services, de distribution d’eau, de fourniture de gaz ou d’électricité et d’abonnement à un réseau de chauffage urbain dont il a demandé expressément l’exécution avant la fin du délai de rétractation ; ces frais sont calculés selon les modalités fixées à l’article L. 221-25 ;
5° Lorsque le droit de rétractation ne peut être exercé en application de l’article L. 221-28, l’information selon laquelle le consommateur ne bénéficie pas de ce droit ou, le cas échéant, les circonstances dans lesquelles le consommateur perd son droit de rétractation ;
6° Les informations relatives aux coordonnées du professionnel, le cas échéant aux coûts de l’utilisation de la technique de communication à distance, à l’existence de codes de bonne conduite, le cas échéant aux cautions et garanties, aux modalités de résiliation, aux modes de règlement des litiges et aux autres conditions contractuelles, dont la liste et le contenu sont fixés par décret en Conseil d’Etat…
L’article L. 111-1 du code de la consommation, dans sa version antérieure à celle issue de la loi n° 2020-105 du 10 février 2020, énonce que, avant que le consommateur ne soit lié par un contrat de vente de biens ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :
1° Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, compte tenu du support de communication utilisé et du bien ou service concerné ;
2° Le prix du bien ou du service, en application des articles L. 112-1 à L. 122-4 ;
3° En l’absence d’exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s’engage à livrer le bien ou à exécuter le service ;
4° Les informations relatives à son identité, à ses coordonnées postales, téléphoniques et électroniques et à ses activités, pour autant qu’elles ne ressortent pas du contexte, ainsi que, s’il y a lieu, celles relatives aux garanties légales…
En cause d’appel, Mme [N] fait d’abord valoir que le bon de commande ne comporte pas les caractéristiques essentielles du bien commandé, le détail de son prix, ni la date de sa livraison, puis ajoute faire siens les motifs du premier juge qui a retenu que le bon de commande ne contenait pas les informations prévues à l’article L. 221-5, 2° du code de la consommation relatives aux modalités et conditions d’exercice du droit de rétractation, ni le formulaire destiné à faciliter l’exercice de ce droit.
En l’espèce, le bon de commande décrit le produit vendu ainsi qu’il suit :
« Pompe à chaleur Air/eau 12 kW.
Descriptif pompe à chaleur air/eau :
Modèle : b2eFR345/H456
Marque : Hitachi
1 module hydraulique Hitachi b2efr346/H457
1 production ECS Hitachi b2efr347/h458
Ballon Profil de soutiarge eau chaude sanitaire XL
Efficacité énergétique eau chaude 133 %
Programmateur de chauffage. Garantie température extérieure de -20°C »
Le bon de commande comporte en outre les indications suivantes :
« Etude administrative pompe à chaleur air/eau :
– étude de faisabilité : puissance, situation géographique, adaptabilité à l’existant
– étude de réalisation et de mise en chantier : puissance du compteur – réseau électrique existant – passages des liaisons – percements et fixations,etc.
Frais de dossier administratif et de demande obligatoire : attestation de fin de chantier ‘ procès-verbal de réception de chantier.
Pose pompe à chaleur air/eau (Certification NF Electricité performance. LCIE COP selon la norme d’essai EN 16147
– pose incluant : fixation et mise en place de l’unité intérieure – plomberie de raccordement avec mise en sécurité des circuits hydrauliques – raccordement électrique – percement pour passage des liaisons – fixation et mise en place de l’unité extérieure – raccordement frigorifique et électrique – protection des liaisons frigos par la mise en place de goulottes – tirage au vide de l’ensemble du circuit frigo – démarrage et mise en service de l’ensemble thermodynamique – explication de fonctionnement
– garanties : 1 an main d »uvre et déplacement – 3 ans pièces – 5 ans compresseurs »
Contrairement à ce que soutient Mme [N], l’article L. 111-1 précité n’exige nullement que le bon de commande comporte un plan de réalisation ou une fiche technique, ni qu’il mentionne la marque de tous les éléments de l’installation, et Mme [N] n’établit d’aucune manière qu’elle aurait fait de ces éléments une caractéristique essentielle du système de pompe à chaleur commandé.
La puissance de l’appareil est précisée (12 kW), avec l’indication des performances énergétiques de chacun de ces éléments (131 % pour la pompe à chaleur et 133 % pour le ballon d’eau chaude).
Les prestations techniques et administraives du fournisseur sont détaillées.
Il apparaît dès lors que le bon de commande litigieux contient, de manière lisible et compréhensible, les caractéristiques essentielles des biens et des services offerts.
S’agissant du prix, l’article L. 111-1 n’interdit nullement d’indiquer un prix global (v. par ex. Civ. 1, 11 janvier 2023, n° 21-14.032 ; 2 juin 2021, n° 19-22.607) et rien n’obligeait en conséquence la société B2E, qui avait distingué le coût de fourniture des biens (18 243,82 euros HT) de celui des services (étude administrative 905 euros HT / pose 3 600 euros HT), de préciser en sus le prix unitaire de chaque élément constitutif du bien offert, notamment celui du ballon thermodynamique fourni avec la pompe à chaleur.
Concernant enfin les date ou délai de livraison ou d’exécution prévus par l’article L. 111-1, 3° du code de la consommation, le bon de commande comporte uniquement la mention pré-imprimée suivante : « date de livraison prévue entre 10 et 90 jours. Date de pose prévue sous 10 à 90 jours ».
Dès lors qu’il n’est pas distingué entre le délai de réalisation des études administratives (de faisabilité et de mise en chantier) et le délai de pose, ces délais globaux ne permettaient pas de déterminer de manière suffisamment précise quand la venderesse s’engageait à exécuter ses différentes obligations (v. par ex. Civ. 1, 15 juin 2022, n° 21-11.747 ; 1er mars 2023, n° 22-10.361).
Il s’ensuit que le contrat principal, qui ne satisfait pas aux exigences de l’article L. 111-1, 3° du code de la consommation, encourt la nullité.
Il apparaît que le contrat en cause encourt encore la nullité en ce qu’il ne satisfait pas aux exigences de l’article L. 221-5, 1° et 2° du code de la consommation.
Le bon de commande, en date du 11 juillet 2018, ne contient pas les informations prévues aux articles L. 111-1 et L. 111-2 du code de la consommation, mais contient la reproduction de textes du même code pris dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014, inapplicables car obsolètes.
Le bon de commande en cause comporte en outre un formulaire détachable sur lequel ne figurent pas non plus les mentions prévues à l’article R. 221-1 auquel renvoie l’article L. 221-5, 2° et qui n’est pas le formulaire type prévu en annexe de l’article R. 221-1, mais un formulaire qui fait référence à une possibilité « d’annuler » la commande, présentée comme découlant d’anciens articles du code de la consommation, qui sont reproduits et dont la lecture suffit à se convaincre qu’ils n’offrent pas à l’acheteur une telle possibilité, ce qui rend le formulaire ‘d’annulation’ incompréhensible.
Par confirmation du jugement entrepris, le contrat principal sera donc annulé.
Le jugement déféré ne saurait en revanche être confirmé en ce que, dans son dispositif et sans aucune explication dans ses motifs, il a « au besoin prononcé la résolution du contrat principal ».
Dès lors que la demande principale d’annulation du contrat conclu le 11 juillet 2018 entre Mme [N] et la société B2E a été accueillie, il n’y a pas lieu de statuer sur la demande alternative de résolution du même contrat.
Sur l’annulation du contrat de crédit :
En application de l’article L. 312-55 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable au litige, le contrat de crédit affecté est annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement annulé.
Dès lors que le contrat principal a été annulé, le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a annulé le contrat de crédit affecté conclu le 11 juillet 2018 entre Mme [N] et la société Financo.
Sur les conséquences de l’annulation des contrats :
L’annulation des contrats entraîne leur anéantissement rétroactif, en sorte que les parties doivent être replacées en l’état où elles se trouvaient avant la conclusion des deux contrats annulés.
S’agissant du contrat principal, son annulation emporte, de plein droit, l’obligation pour Mme [N] de restituer les biens fournis à la société B2E et, réciproquement, l’obligation pour cette dernière de restituer le prix de vente à Mme [N].
Afin d’éviter une disproportion manifeste dans les dettes de restitution respectives, au détriment de la consommatrice et en faveur du professionnel qui n’a pas satisfait à ses obligations à l’égard de cette dernière, il convient, même en l’absence de demande des parties, de tirer les conséquences légales de l’annulation prononcée (v. par ex. Civ. 3, 4 avril 2019, n° 17-26783 ; 12 avril 2018, n° 17-15-569), en ordonnant à Mme [N] de restituer à la société B2E les matériels fournis et en ordonnant réciproquement à la société B2E de restituer à Mme [N] le prix perçu, soit la somme de 24 000 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du jugement du 3 septembre 2020.
Le jugement déféré sera donc complété en ce sens, puis confirmé en ce qu’il a retenu que la société B2E, par le fait de laquelle le contrat principal a été annulé, devra prendre en charge les frais de désinstallation du matériel. Il sera pareillement confirmé en ce qu’il a exclu de ces frais de désinstallation le coût de remise en état, dès lors que Mme [N] n’établit d’aucune manière que le démontage de la pompe à chaleur nécessitera une remise en état de son immeuble.
S’agissant du contrat de crédit annulé, la société Financo devra restituer à Mme [N], par confirmation du jugement entrepris, l’intégralité des mensualités payées.
Réciproquement, l’annulation d’un contrat de crédit affecté, en conséquence de celle du contrat principal, emporte pour l’emprunteur l’obligation de rembourser au prêteur le capital emprunté, sauf en cas d’absence de livraison du bien vendu ou de faute de l’établissement de crédit dans la remise des fonds prêtés. Dans cette dernière hypothèse toutefois, l’emprunteur demeure tenu de restituer le capital s’il n’a subi aucun préjudice en lien avec la faute de la banque (v. par ex. Civ. 1, 2 février 2022, n° 20-17.066 ; 11 mars 2020, 18-26.189 ; 25 novembre 2020, n° 19-14.908 ; 27 juin 2018, n° 17-10.108).
Alors que la société Financo lui reproche de ne pas justifier du préjudice que lui aurait causé les fautes qu’elle lui reproche, en soulignant que la société 2BE est in bonis et qu’elle peut donc récupérer le prix correspondant au montant du capital prêté, Mme [N] se borne à indiquer que « par l’effet de la nullité du contrat principal, elle se trouve tenue de restituer le matériel et que le remboursement du capital emprunté la conduirait à payer une prestation dont elle
n’a pas l’usage », en ajoutant qu’elle se trouve dans une situation difficile « car devant assumer les échéances du crédit tout en conservant des dépenses de gaz pour la seconde partie de son immeuble ».
Mme [N] ne peut tenir pour acquis que l’établissement de crédit lui aurait causé un préjudice à hauteur du capital prêté, en ce que la restitution de ce capital la conduirait à régler le prix d’une prestation sans contrepartie, en omettant que le capital prêté par la société Financo, débloqué entre les mains de la société B2E, correspond au prix versé au vendeur, qui doit lui être restitué par le seul effet de l’annulation du contrat principal.
Mme [N] n’explique pas non plus en quoi le fait qu’elle doive supporter des dépenses de gaz pour chauffer une partie de ses immeubles se trouve en lien causal avec la faute de la banque lors de la délivrance des fonds.
Dès lors qu’elle n’établit pas que la faute commise par l’établissement de crédit lui a causé un préjudice, et qu’en cas d’annulation d’un contrat de prêt, la restitution du capital prêté est la conséquence ordinaire de l’anéantissement rétroactif du contrat, Mme [N] ne peut qu’être condamnée, par infirmation du jugement entrepris, à restituer à la société Financo le capital qui lui a été prêté, soit la somme de 24 000 euros, avec intérêts aux taux légal à compter de la présente décision, dans la limité de la demande.
Le jugement déféré ne peut enfin qu’être également infirmé en ce qu’il a « rappelé que l’annulation du contrat de crédit affecté « entraîne par ailleurs déchéance du prêteur à restitution des intérêts prêtés » », ce qui n’a pas de sens puisqu’un établissement de crédit ne prête pas d’intérêts.
Sur les demandes accessoires
La société 2BE, qui succombe au sens de l’article 696 du code de procédure civile, devra supporter les dépens de première instance et d’appel et sera déboutée de sa demande fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Sur ce dernier fondement, la société 2BE sera condamnée à régler à Mme [N] et à la société Financo, à qui il serait inéquitable de laisser la charge de la totalité des frais qu’elles ont exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens, une indemnité de procédure de 450 euros à chacune.
PAR CES MOTIFS
Confirme la décision entreprise, seulement en ce qu’elle a annulé le contrat principal conclu le 11 juillet 2018 entre Mme [N] et la société B2E, annulé le crédit affecté conclu le même jour, condamné la société Financo à rembourser à Mme [N] les échéances du crédit réglées et condamné la société 2BE à prendre en charge les frais de désinstallation, à l’exclusion des frais de remise en état,
L’infirme pour le surplus de ses dispositions critiquées,
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,
Dit n’y avoir lieu de statuer sur la résolution du contrat principal annulé,
Dit n’y avoir lieu à « déchéance du prêteur à restitution des intérêts prêtés »,
Ordonne à la société 2BE de restituer à Mme [C] [N] le prix du contrat annulé, soit la somme de 24 000 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 3 septembre 2020,
Ordonne à Mme [C] [N] de restituer à la société 2BE le matériel fourni en exécution du contrat annulé, tel que décrit au bon de commande du 11 juillet 2018,
Condamne Mme [C] [N] à restituer à la société Financo le capital prêté, soit la somme de 24 000 euros majorée des intérêts au taux légal à compter de ce jour,
Condamne la société B2E à payer à Mme [C] [N] la somme de 450 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société B2E à payer à la société Financo la somme de 450 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Rejette la demande de la société B2E formée sur le même fondement,
Condamne la société B2E aux dépens de première instance et d’appel,
Accorde à Maître Christophe Pesme le bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Arrêt signé par Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d’Appel d’ORLEANS, présidant la collégialité et Madame Marie-Claude DONNAT , Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT