Droit de rétractation : Décision du 11 janvier 2024 Cour d’appel de Metz RG n° 22/00262

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Droit de rétractation : Décision du 11 janvier 2024 Cour d’appel de Metz RG n° 22/00262

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

N° RG 22/00262 – N° Portalis DBVS-V-B7G-FVI3

Minute n° 24/00002

[L], [F]

C/

S.E.L.A.R.L. MONTRAVERS YANG-TING, S.A. COFIDIS

Jugement Au fond, origine Juge des contentieux de la protection de METZ, décision attaquée en date du 22 Novembre 2021, enregistrée sous le n° 21-000314

COUR D’APPEL DE METZ

3ème CHAMBRE – TI

ARRÊT DU 11 JANVIER 2024

APPELANTS :

Monsieur [N] [L]

[Adresse 2]

Représenté par Me Emilie CHARTON, avocat au barreau de METZ

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/730 du 24/02/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de METZ)

Madame [U] [F] épouse [L]

[Adresse 2]

Représentée par Me Emilie CHARTON, avocat au barreau de METZ

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/724 du 24/02/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de METZ)

INTIMÉES :

SELARL Montravers Yang Ting ès qualités de mandataire liquidateur de la SAS France Conseil Habitat

[Adresse 1]

Non représentée

S.A. COFIDIS

[Adresse 3]

Représentée par Me François RIGO, avocat au barreau de METZ

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 26 Octobre 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés devant Madame GUIOT-MLYNARCZYK, Président de Chambre, qui a fait un rapport oral de l’affaire avant les plaidoiries.

A l’issue des débats, les parties ont été informées que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 11 Janvier 2024, en application du deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :

PRÉSIDENT : Mme GUIOT-MLYNARCZYK, Président de Chambre

ASSESSEURS : M. MICHEL, Conseiller

M. KOEHL, Conseiller

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme Hélène BAJEUX, Greffier

ARRÊT :

Réputé contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Mme GUIOT-MLYNARCZYK, Présidente de Chambre, et par Mme Hélène BAJEUX, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

Selon bon de commande signé le 4 octobre 2018, M. [N] [L] et Mme [U] [F] épouse [L] ont conclu avec la SAS France Conseil Habitat un contrat de vente pour l’installation d’une pompe à chaleur pour un montant de 17.900 euros. Le même jour, ils ont contracté un crédit affecté auprès de la SA Cofidis du même montant.

Par acte du 23 mars 2021, ils ont fait assigner la SA Cofidis et la SAS France Conseil Habitat devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Metz et par jugement avant dire droit du 2 août 2021, le tribunal a suspendu l’exécution du contrat de crédit affecté jusqu’à la fin du litige.

Par acte du 31 août 2021, M. et Mme [L] ont fait assigner en intervention forcée la SELARL Montravers Yang Ting ès qualités de mandataire liquidateur de la SAS France Conseil Habitat et au dernier état de la procédure, ils ont demandé au juge d’annuler subsidiairement prononcer la résolution du bon de commande signé le 4 octobre 2018, fixer leur créance au passif de la liquidation judiciaire de la SAS France Conseil Habitat à la somme de 17.900 euros, condamner le vendeur à récupérer le matériel, prononcer l’annulation subsidiairement la résolution de plein droit du contrat de crédit et les dispenser de le rembourser, condamner le prêteur à leur rembourser les mensualités indûment prélevées à la date du 10 août 2021 soit la somme de 5.784,21 euros et condamner les défendeurs à leur verser une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La SA Cofidis a conclu à l’irrecevabilité subsidiairement au rejet des demandes et a demandé au juge à titre principal d’ordonner aux demandeurs de poursuivre le règlement des échéances du prêt, à titre subsidiaire les condamner à lui rembourser le montant du capital prêté déduction faite des paiements déjà effectués et une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement réputé contradictoire du 22 novembre 2021, le tribunal a :

– constaté que la SAS France Conseil Habitat fait l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire, donné acte à M. et Mme [L] de leur déclaration de créance à hauteur de 19.900 euros auprès de la SELARL Montravers Yang Ting ès qualités de mandataire liquidateur régulièrement appelée à la procédure et dit que la procédure s’est régulièrement poursuivie à son encontre

– dit que le bon de commande signé par M. et Mme [L] le 4 octobre 2018 ne respecte pas le formalisme des dispositions du code de la consommation, que le consentement de M. et Mme [L] a été vicié par les manoeuvres dolosives de la SAS France Conseil Habitat et prononcé la nullité du bon de commande du 4 octobre 2018

– fixé à 17.900 euros le montant de la créance de M. et Mme [L] au passif de la liquidation judiciaire de la SAS France Conseil Habitat

– condamné la SELARL Montravers Yang Ting ès qualités de mandataire liquidateur de la SAS France Conseil Habitat à venir récupérer le matériel livré et installé, à ses frais, dans un délai de 2 mois à compter de la signification du jugement et dit qu’à l’issue de ce délai, M. et Mme [L] pourront disposer librement du matériel livré et installé en exécution du bon de commande

– déclaré parfait le contrat de crédit affecté au financement de la pompe à chaleur litigieuse, objet du contrat principal

– dit que la nullité judiciairement prononcée du contrat principal conclu entre M. et Mme [L] et la SAS France Conseil Habitat emporte l’annulation de plein droit du contrat de crédit conclu entre M. et Mme [L] et la SA Cofidis

– dit qu’il ne peut être reproché à la SA Cofidis d’avoir commis une faute dans le déblocage des fonds

– condamné solidairement M. et Mme [L] à verser à la SA Cofidis la somme de 12.115,39 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du jugement, au titre de la restitution du capital emprunté, déduction faite des échéances payées jusqu’au 10 août 2021

– condamné chaque partie à supporter la charge de ses propres frais et dépens et rejeté les demandes respectives des parties fondées sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration d’appel déposée au greffe de la cour le 25 janvier 2022, M. et Mme [L] ont interjeté appel du jugement en ce qu’il a dit qu’il ne peut être reproché à la SA Cofidis d’avoir commis une faute dans le déblocage des fonds et les a condamnés solidairement à payer à la SA Cofidis la somme de 12.115,39 euros avec intérêts au taux légal à compter du jugement au titre de la restitution du capital déduction faite des échéances payées jusqu’au 10 août 2021.

Aux termes de leurs dernières conclusions du 2 août 2022, ils demandent à la cour d’infirmer le jugement et de :

– prononcer l’annulation de plein droit du contrat de crédit affecté

– les dispenser du remboursement du contrat de crédit

– condamner la SA Cofidis à leur rembourser les mensualités indûment prélevées soit la somme de 5.784,21 euros à la date du 10 août 2021

– débouter la SA Cofidis de ses demandes

– confirmer le surplus du jugement

– condamner solidairement la SELARL Montravers Yang Ting ès qualités de mandataire liquidateur de la SAS France Conseil Habitat et la SA Cofidis à leur payer une la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers frais et dépens.

Sur le contrat principal, ils soutiennent que le bon de commande est nul pour non respect des dispositions de l’article L. 221-5 du code de la consommation et pour vice du consentement, contestant toute confirmation de la nullité relative. Sur les conséquences de la nullité du bon de commande, ils exposent que le contrat de crédit affecté est également nul et affirment, au visa des articles L.312-48 et L.312-55 du code de la consommation, que la banque a commis une faute en remettant les fonds au vendeur sans avoir vérifier la bonne exécution et la validité du contrat principal, la seule existence de la fiche de réception ne suffisant pas à dispenser le prêteur de procéder aux vérifications lui incombant. Ils font valoir que cette négligence fautive prive la banque de sa créance de restitution du capital, que le débat ne se place pas sur le terrain du préjudice et qu’en tout état de cause, les fautes de la banque leur ont causé un préjudice résidant dans leur obligation de restituer le capital qui a versé directement au vendeur, lequel est en liquidation judiciaire, ce qui empêche toute restitution pour eux.

Aux termes de ses dernières conclusions du 31 mai 2022, la SA Cofidis demande à la cour de confirmer le jugement, débouter M. et Mme [L] de leurs demandes et les condamner solidairement à lui payer la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers frais et dépens.

Sur la nullité des contrats, elle indique ne pas remettre en cause le jugement ayant retenu l’existence d’un dol et conclut à la confirmation du jugement ayant retenu l’absence de faute de sa part dans la délivrance des fonds au vendeur, au vu d’une attestation de livraison signée par M. [L]. Elle ajoute que les appelant ne justifient d’aucun préjudice puisque les produits ont été livrés et qu’aucune preuve de dysfonctionnement n’est rapportée, qu’il n’y a aucun lien de causalité entre les prétendues fautes qui lui sont reprochées et le dol commis par le vendeur qui ne relève pas de sa responsabilité.

Par acte du 28 avril 2022, remis à personne habilitée, M. et Mme [L] ont fait signifier leurs déclaration d’appel à la la SELARL Montravers Yang Ting ès qualités de mandataire liquidateur de la SAS France Conseil Habitat, qui n’a pas constitué avocat.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 12 octobre 2023.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur l’effet dévolutif de l’appel

En application de l’article 562 du code de procédure civile dans sa rédaction issue du décret n°2017-891 du 6 mai 2017, l’appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément et de ceux qui en dépendent, la dévolution ne s’opérant pour le tout que lorsque l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.

En l’espèce, il est relevé qu’aux termes de la déclaration d’appel, les appelants n’ont visé que la disposition du jugement les ayant condamnés à restituer le capital prêté à la banque, laquelle n’a formé aucun appel incident. Il s’ensuit qu’en l’absence d’effet dévolutif, la cour n’a pas à statuer sur l’annulation du contrat de crédit affecté.

Sur la restitution du capital

L’extinction des contrats par la résolution du contrat de vente et l’annulation subséquente du contrat de prêt affecté implique que, si les contrats ont reçu exécution, les choses doivent être remises en l’état antérieur à la conclusion des contrats par des restitutions.

L’annulation du contrat de crédit affecté en conséquence de celle du contrat de vente ou prestation de service qu’il finance, emporte pour l’emprunteur l’obligation de restituer au prêteur le capital prêté. Cependant, le prêteur qui a délivré les fonds sans s’être assuré, comme il y était tenu, de la régularité formelle du contrat principal ou de sa complète exécution, peut être privé de tout ou partie de sa créance de restitution, dès lors que l’emprunteur justifie avoir subi un préjudice en lien avec cette faute.

En l’espèce, il ressort des dispositions non critiquées du jugement en l’absence d’appel sur ce point, que le bon de commande a été établi en méconnaissance des dispositions du code de la consommation relatives au délai du droit de rétractation, ce qui a entraîné sa nullité. En versant les fonds au vendeur, sans procéder préalablement aux vérifications nécessaires qui lui aurait permis de constater que le contrat principal était affecté d’une nullité, la banque a commis une faute de nature à la priver de sa créance de restitution. Le jugement est infirmé en ce qu’il a dit que la banque n’avait pas commis de faute dans la délivrance des fonds.

Cependant, contrairement à ce qui est allégué par les appelants, il leur appartient de rapporter la preuve du préjudice subi et du lien de causalité avec la faute imputée à la banque.

Il ressort des pièces versées aux débats que les biens commandés ont été livrés et installés le 2 novembre 2018 et les fonds remis par la banque au vendeur en exécution de l’attestation de fin de travaux-demande de financement qui a été signée par M. [L] le 2 novembre 2018 après avoir rempli de façon manuscrite les indications relatives à son identité, son adresse et la somme à débloquer au profit du vendeur, outre la mention ‘bon pour accord sans réserve’ précédant la date et sa signature, et qu’il a également apposé de façon manuscrite des croix sur les mentions relatives au fait qu’il certifie avoir disposé du délai légal de rétractation, qu’il accepte sans réserve la livraison des marchandises, qu’il constate expressément que tous les travaux et prestations qui devraient être effectués ont été pleinement réalisés et demande à la SA Cofidis de procéder au décaissement du crédit et en verser le montant directement entre les mains de la société, cette attestation étant suffisamment précise et détaillée.

Les appelants ne peuvent invoquer un préjudice lié à la perte des subventions et aides financières alors que cette éventuelle perte est liée à la faute du vendeur qui a commis un dol ainsi que l’a relevé le tribunal dans sa motivation, et non à l’absence de vérification du délai de rétractation sur le bon de commande par le prêteur. Il en est de même pour l’absence d’étude thermique, d’économie d’énergie, de garantie, d’assurance qui est en lien avec l’attitude dolosive du vendeur et qui ne concerne pas le prêteur, auquel aucune participation au dol ne peut être reprochée en l’absence de preuves. Ils sont tout aussi mal fondés à invoquer un préjudice lié à la remise des fonds directement par le prêteur au vendeur puisque cette remise s’est faite sur ordre donné par eux-mêmes à la banque et qu’ils restent seuls débiteurs du capital prêté, peu importe le fait que la SAS France Conseil Habitat a été placée en liquidation judiciaire, cette circonstance très largement postérieure à la remise des fonds ne pouvant être imputée à la banque. Il est en outre observé que contrairement à ce qui est allégué, il découle des dispositions non contestées du jugement que les appelants vont conserver l’installation dont il n’est ni allégué ni démontré qu’elle serait affectée de dysfonctionnements ou malfaçons.

Il découle de l’ensemble de ces éléments que les appelants ne rapportent pas la preuve d’un préjudice en lien avec la faute de la banque dans la remise des fonds, de sorte que le premier juge les a exactement condamnés à restituer à la banque le capital prêté, après déduction des mensualités déjà versées. Ils sont en conséquence déboutés de leurs demande de dispense de restitution du capital prêté et de remboursement des échéances déjà versées.

Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

M. et Mme [L], partie perdante, devront supporter les dépens d’appel et il est équitable qu’ils soient condamnés à verser à la SA Cofidis la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et déboutés de leur propre demande de ce chef.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

INFIRME le jugement en ce qu’il a dit qu’il ne peut être reproché à la SA Cofidis d’avoir commis une faute dans le déblocage des fonds ;

CONFIRME le jugement en ce qu’il a condamné solidairement M. [N] [L] et Mme [U] [F] épouse [L] à verser à la SA Cofidis la somme de 12.115,39 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du jugement, au titre de la restitution du capital emprunté, déduction faite des échéances payées jusqu’au 10 août 2021 ;

Y ajoutant,

DEBOUTE M. [N] [L] et Mme [U] [F] épouse [L] de leurs demandes de dispense de restitution du capital prêté et de remboursement des échéances versées ;

DEBOUTE M. [N] [L] et Mme [U] [F] épouse [L] de leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. [N] [L] et Mme [U] [F] épouse [L] à verser à la SA Cofidis la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. [N] [L] et Mme [U] [F] épouse [L] aux dépens d’appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 


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