N° RG 20/02613 – N° Portalis DBVX-V-B7E-M6TG
Décision du Tribunal de Commerce de SAINT-ETIENNE du 18 février 2020
RG : 2016j00072
S.A.S. LOCAM
C/
S.A.R.L. PDG PAINS DELICES GOURMANDISES
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE LYON
3ème chambre A
ARRET DU 11 Janvier 2024
APPELANTE :
S.A.S. LOCAM au capital de 11 520 000 €, immatriculée au RCS de SAINT ETIENNE sous le numéro B 310 880 315, agissant poursuites et diligences par son dirigeant domicilié ès qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Michel TROMBETTA de la SELARL LEXI, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE
INTIMEE :
S.A.R.L. PDG PAINS DELICES GOURMANDISES au capital de 25 000 €, immatriculée au RCS de PARIS sous le n° 509819967
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représentée par Me Julien MALLON de la SCP BONIFACE-HORDOT-FUMAT-MALLON, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE
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Date de clôture de l’instruction : 01 Avril 2021
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 21 Juin 2023
Date de mise à disposition : 28 Septembre 2023 prorogé au 11 Janvier 2024, les parties ayant été avisées
Audience présidée par Marianne LA MESTA, magistrate rapporteur, sans opposition des parties dûment avisées, qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Clémence RUILLAT, greffière.
Composition de la Cour lors du délibéré :
– Patricia GONZALEZ, présidente
– Aurore JULLIEN, conseillère
– Marianne LA MESTA, conseillère
Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties présentes ou représentées en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Patricia GONZALEZ, présidente, et par Clémence RUILLAT, greffière, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSÉ DU LITIGE
Le 8 juillet 2014, la SARL Pains Délices Gourmandises (ci-après la société PDG), qui exploite un fonds de commerce de boulangerie-pâtisserie à [Localité 6] a conclu avec la SAS Location Automobiles Matériels (ci-après la société Locam) deux contrats de location :
– l’un portant sur une batterie de condensateur et un boîtier de mise en parallèle Schneider Electric (contrat n°1123878) fourni par la SARL Profession Expert (ci-après la société Profession Expert), moyennant le règlement de 60 loyers mensuels de 89 euros HT (106,80 euros TTC),
– l’autre relatif à la mise en place et l’installation d’un système d’éclairage Led haute puissance (contrat n°1123879), également fourni par la société Profession Expert, en contrepartie du versement de 60 loyers mensuels de 67, 02 euros HT, outre 8, 68 euros d’assurance (80,40 euros TTC).
Le même jour, la société PDG a signé les procès-verbaux de livraison et de conformité des matériels visés par chacun des contrats.
Par courrier recommandé du 16 juin 2015, la société PDG a fait part à la société Profession Expert de son intention de mettre fin au contrat au motif que la réduction de sa facture d’électricité de l’ordre de 25 à 30 % promise par le commercial de la société Profession Expert ne s’est pas réalisée et que le montant des factures a au contraire augmenté de 30%. Elle précise avoir donné ordre à sa banque de ne plus honorer les prélèvements liés aux contrats.
La société PDG a écrit une seconde missive dans les mêmes termes à la société Locam le 1er septembre 2015.
Suivant lettres recommandées du 10 août 2015 pour le contrat n°1123879 et du 28 août 2015, pour le contrat n°1123878, la société Locam a mis la société PDG en demeure de lui régler les échéances impayées depuis le 30 juin 2015 dans un délai de 8 jours, sous peine de déchéance du terme et de l’exigibilité de toutes les sommes dues au titre de chacun des contrats, soit 4.804,87 euros pour le contrat n°1123879 et 5.750,07 euros pour le contrat n°1123878.
Ces mises en demeure étant demeurées sans effet, la société Locam a, par acte d’huissier du 15 décembre 2015, fait assigner la société PDG devant le tribunal de commerce de Saint-Etienne aux fins d’obtenir sa condamnation à lui verser la somme principale de 10.559, 01 euros au titre des échéances impayées, des indemnités de résiliation et de la clause pénale de 10%.
Par exploit d’huissier délivré le 26 avril 2016, la société PDG a appelé dans la cause la société Profession Expert.
Les deux procédures ont été jointes par jugement du 24 mai 2016.
Par jugement réputé contradictoire du 18 février 2020, le tribunal de commerce de Saint-Etienne a :
– dit que les conditions visées à l’article L. 221-3 du code de la consommation sont réunies,
– dit que les dispositions consuméristes afférentes à l’obligation d’informations précontractuelles et au droit de rétractation sont applicables aux contrats de location liant l’ensemble des parties entre elles,
– débouté la société PDG de sa demande de constatation du fait que le délai de rétractation n’a pas encore commencé à courir, et qu’elle peut donc valablement exercer ce droit au cours de la présente procédure,
– prononcé la nullité des contrats de location, objets du présent litige,
– débouté la société Locam de l’ensemble de ses demandes,
– donné acte à la société PDG qu’elle tient à la disposition de la société Locam les matériels livrés objets des contrats de location et ce sans préjudicier à la société PDG,
– débouté la société PDG de sa demande de restitution des loyers,
– débouté la société PDG de sa demande de remboursement du surcoût de consommation,
– condamné la société Locam à payer la somme de 2.000 euros à la société PDG au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– dit que les dépens sont à la charge de la société Locam,
– rejeté la demande d’exécution provisoire du jugement,
– débouté la société PDG du surplus de ses demandes.
La société Locam a interjeté appel par acte du 13 mai 2020, intimant uniquement la société PDG.
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Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 12 août 2020, la société Locam demande à la cour, sur le fondement des articles 1er, 1134 anciens et suivants,1149 ancien du code civil, ainsi que sur celui des articles L. 121-16-1 4° (désormais L. 221-2 4°), L. 121-17 et L. 121-18-1 du code de la consommation, L.311-2 et L.511-21 du code monétaire et financier et du décret n°2014-1061 du 17 septembre 2014 relatif aux obligations d’information précontractuelle et contractuelle des consommateurs et au droit de rétractation :
– de dire bien fondé son appel,
– de réformer le jugement entrepris en ce qu’il a annulé les contrat, l’a déboutée de ses demandes et condamnée au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– de condamner la société PDG à lui régler la somme de 5.756,52 euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 31 août 2015 au titre du contrat n°1123878,
– de condamner la société PDG à lui régler la somme de 4.802,49 euros avec intérêt au taux légal à compter de la mise en demeure du 11 août 2015 au titre du contrat n°1123879,
– de débouter la société PDG de toutes ses demandes,
– de condamner la société PDG à lui régler une indemnité de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– de condamner la société PDG en tous les dépens d’instance et d’appel.
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Par conclusions notifiées par voie électronique le 27 octobre 2020, la société PDG demande à la cour, au visa des articles 1134, 1146 et 1184 anciens du code civil, ainsi que des articles L.121-16-1 et suivants du code la consommation dans leur rédaction applicable au moment de la signature du contrat :
– de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a prononcé la nullité du contrat conclu avec la société Locam et débouté la société Locam de ses demandes,
– de le réformer pour le surplus et y ajoutant,
– de condamner la société Locam à lui restituer les échéances indûment perçues,
– de condamner la société Locam à lui verser la somme de 2.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– de la condamner également aux entiers dépens de l’instance avec droit de recouvrement.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 1er avril 2021, les débats étant fixés au 21 juin 2023.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Il convient à titre liminaire de rappeler que les demandes de constat et dire et juger ne constituent pas des prétentions mais uniquement un rappel des moyens et qu’il n’y a donc pas de lieu de statuer sur ce point, la cour n’en étant pas saisie.
Il est également précisé qu’en vertu des dispositions de l’article 9 de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, l’action se poursuit et doit être jugée conformément à la loi ancienne, y compris en appel, les contrats litigeux ayant été conclus avant le 1er octobre 2016, date d’entrée en vigueur de cette ordonnance.
Il sera encore observé que la société Locam n’a pas relevé appel du chef du jugement ayant débouté la société PDG de sa demande en remboursement du surcoût de la consommation et que cette dernière n’a pas formé d’appel incident à l’encontre de cette disposition, de sorte que la décision est définitive sur ce point.
Sur la nullité du contrat de location financière pour violation des dispositions du code de la consommation relatives aux contrats conclus hors établissement
La société Locam considère :
– que le contrat de location financière litigieux s’analyse en une opération connexe aux opérations de banque auxquelles elle se livre à titre habituel, telle que définie par l’article L.311-2 du code monétaire et financier,
– qu’en vertu de l’article L.221-2 4° du code de la consommation, un contrat de cette nature, qui porte sur un service financier, est exclu du champ d’application des dispositions du code de la consommation relatives aux contrats conclus hors établissement et relève des dispositions spécifiques du code monétaire et financier,
– que l’article 3.3 d de la Directive 2011/83/UE du 25 octobre 2011 précise qu’on entend par service financier tout service ayant trait à la banque, au crédit, à l’assurance, aux pensions individuelles, aux investissements ou aux paiements,
– que les opérations connexes aux opérations de banque qui n’en sont que le prolongement, telle que la location simple, participent donc bien des services financiers,
– que de nombreux textes légaux, code de la consommation compris, énoncent d’ailleurs explicitement que la location simple exercée à titre connexe à son activité par un établissement relevant du code monétaire et financier est un service financier,
– qu’ainsi, l’article L.511-21 du code monétaire et financier, intitulé ‘prestataires de services bancaires’ dispose que l’expression ‘service bancaire’ désigne une opération de banque au sens de l’article L.311-1 ou l’une des activités connexes au sens du I de l’article L.311-2 ,
– que le code de la consommation lui-même, dans sa partie relative aux contrats conclus à distance portant sur des services financiers, indique à l’article L.222-1 que ‘les dispositions du présent chapitre s’appliquent aux services mentionnés aux livres Ier à III et au titre V du livre V du code monétaire et financier’,
– que les opérations connexes aux opérations de banque, définies à l’article L.311-2 du code monétaire et financier précité, parmi lesquelles figure l’activité de location simple, se trouvent bien mentionnées au Livre III dudit code, intitulé précisément ‘les services’,
– que la cour de cassation a d’ailleurs consacré cette analyse dans un arrêt du 15 janvier 2020 au terme duquel elle précise que les activités exercées par la société Locam dans le cadre des opérations de location financière ne relèvent pas du code de commerce, mais des dispositions spécifiques du code monétaire et financier,
– qu’il s’ensuit que la nullité du contrat de location financière ne peut être prononcée sur le fondement de l’article L.121-16-1 III du code de la consommation,
– qu’en toute hypothèse, les contrats litigieux ayant été conclus avant le 20 septembre 2014, ils ne peuvent être annulés en raison de l’absence de bordereau de rétractation, dès lors que les dispositions des articles L.121-17 et L.121-18-1 du code de la consommation relatives au droit de rétractation, telles qu’instaurées par l’article 9 de la loi du 17 mars 2014, ne sont entrées en vigueur que le 20 septembre 2014,
– que leur mise en oeuvre nécessitait en effet des mesures d’application par décret en Conseil d’Etat, s’agissant en particulier des conditions de présentation du formulaire type de rétractation,
– que ce décret, pris le 17 septembre 2014, a été publié au JORF n°217 du 19 septembre 2014 pour entrer en vigueur le lendemain.
La société PDG réplique :
– qu’il ressort de l’article L.121-6-1 II du code de la consommation, dans sa rédaction à l’époque de la signature du contrat, que les professionnels employant moins de 5 salariés bénéficient du même droit de rétractation que les consommateurs dans le cadre des contrats conclus hors établissement qui n’entrent pas dans le champ de leur activité principale, le non respect des dispositions relatives à ce droit de rétractation étant sanctionné par la nullité du contrat,
– qu’elle relève de ces textes, puisqu’elle n’emploie que 3 salariés et qu’il est difficilement contestable que l’ingénierie électrique n’entre pas dans le champ de son activité principale,
– que n’ayant pas été informée du délai de rétractation qui a dès lors continué à courir, elle entend s’en prévaloir, ce qui emporte anéantissement rétroactif du contrat et remboursement des mensualités indûment perçues par la société Locam,
– qu’elle tient par ailleurs à la disposition de la société Locam les matériels inutiles qui lui ont été livrés, à charge pour cette dernière de les déposer sans lui préjudicier,
– que le contrat principal, objet de la rétractation, est le contrat de fourniture dont la résiliation entraîne celle subséquente du contrat de location financière compte tenu de l’interdépendance des contrats qui ne fait plus débat, de sorte que la société Locam ne peut s’abriter derrière la nature de service financier de son contrat pour échapper aux conséquences du droit de rétractation,
– que contrairement à ce que prétend la société Locam, les dispositions consuméristes précitées étaient bien applicables au jour de la signature du contrat,
– que l’article L.121-17 du code de la consommation qui établit les informations d’information à la charge du professionnel lors de la vente, et notamment celle relative au droit de rétractation, issu de la loi n°201-344 du 17 mars 2014 prévoit ainsi, en son article 34, une application aux contrats conclus après le 13 juin 2014,
– que le fait que le modèle de bordereau ait été publié postérieurement n’exonérait en rien le professionnel de son obligation d’information, et plus généralement de l’ensemble des obligations issues de la loi du 17 mars 2014,
– que c’est donc à bon droit que les premiers juges ont prononcé la nullité du contrat opposé par la société Locam, sans toutefois aller jusqu’au bout du raisonnement, puisqu’ils l’ont déboutée de sa demande en restitution des loyers, alors qu’il s’agit d’une conséquence de l’annulation de la convention, le jugement devant dès lors être réformé sur ce point.
Sur ce,
Selon l’article L.121-16 du code de la consommation, dans sa version en vigueur du 14 juin 2014 au 8 août 2015, soit à la date de conclusion des contrats litigieux, est considéré comme contrat hors établissement tout contrat conclu entre un professionnel et un consommateur, dans un lieu qui n’est pas celui où le professionnel exerce son activité en permanence ou de manière habituelle, en la présence physique simultanée des parties y compris à la suite d’une sollicitation ou d’une offre faite par le consommateur.
L’article L.121-16-1 III du même code dispose que les sous-sections 2, 3, 6 et 7 applicables aux relations entre consommateurs et professionnels sont étendues aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l’objet de ces contrats n’entre pas dans le champ de l’activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq.
A cet égard, l’article L.121-17 I du code de la consommation (sous-section 2) prévoit que préalablement à la conclusion d’un contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations qu’il énumère dont celles relatives au droit de rétraction lorsqu’il existe, ainsi qu’un formulaire type de rétractation.
En vertu de l’article L.121-18, les mêmes informations doivent être remises dans le cas d’un contrat conclu hors établissement. Un tel contrat, pour lequel un droit de rétractation existe, doit en outre être accompagné du formulaire type de rétractation prévu à l’article L.121-17.
Enfin, l’article L.121-18-1 énonce que le contrat conclu hors établissement comprend, à peine de nullité, toutes les informations mentionnées au I de l’article L.121-17.
En l’espèce, il convient d’abord de relever que contrairement à ce que prétend la société Locam, les dispositions légales précitées, introduites par l’article 9 de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 s’appliquent aux contrats conclus après le 13 juin 2014 conformément aux prévisions de l’article 34 de ladite loi. Il sera à cet égard observé que la circonstance selon laquelle les modalités de présentation du formulaire type de rétractation n’ont été définies qu’à compter de l’entrée en vigueur du décret n°2014-161 du 17 septembre 2014 ne fait nullement obstacle à la communication des informations précontractuelles mentionnées à l’article L.121-17 I, dont en particulier celles relatives à l’existence et aux conditions d’exercice du droit de rétractation, lequel peut tout à fait être mis en oeuvre par le consommateur ou le professionnel au moyen d’un courrier de son cru, sans recourir à l’utilisation d’un bordereau annexé au contrat.
Il doit ensuite être constaté que la société Locam ne discute ni le fait que les deux contrats de location litigieux ont été conclus hors établissement entre des professionnels, pour avoir été signés dans les locaux de la société PDG, situés [Adresse 4] à [Localité 7], ni la circonstance selon laquelle l’intimée employait moins de 5 salariés lors de la signature des conventions le 8 juillet 2014, sachant que cette dernière produit en tout état de cause, en pièce n°13, un extrait du registre de son personnel dont la lecture fait apparaître qu’à la date de régularisation du contrat de location, elle ne comptait que trois salariés dans ses effectifs, à savoir Mme [T] [I], recrutée le 1er juin 2009 en contrat à durée indéterminée comme vendeuse, M. [H] [U] [E], exerçant les fonctions de boulanger pâtissier gérant également dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée depuis le 9 février 2009 et M. [P] [D], employé en tant que boulanger entre le 16 juin 2014 et le 30 septembre 2015.
L’appelante ne conteste pas non plus que le matériel, objet des contrats litigieux, même s’il est manifestement utile à la société pour éclairer sa boutique, n’entre pas pour autant dans le champ de son activité principale dès lors que celle-ci, exploitante d’un commerce de boulangerie-pâtisserie, reste profane en matière de contrats de location longue durée d’un dispositif d’éclairage présentant un certain degré de technicité. Tant le matériel que son mode de financement sont en effet manifestement étrangers aux qualifications professionnelles de la société PDG, dont l’activité consiste à fabriquer et vendre du pain, des viennoiseries et de la pâtisserie.
La mention contractuelle préimprimée du contrat de location financière selon laquelle la société PDG ‘ atteste que le contrat est en rapport direct avec son activité professionnelle et souscrit pour les besoins de cette dernière’ ne saurait faire échec à cette analyse puisque le seul critère applicable issu de la loi n°2014-344 du 17 mars 2014 est celui de l’objet du contrat n’entrant pas dans le champ de l’activité principale du professionnel qui impose de se référer à la nature de l’opération financée en considération de l’activité professionnelle du client concerné, et non seulement à l’utilité de l’opération pour l’exercice de ladite activité.
Il sera au demeurant retenu que cette clause dactylographiée ne peut valablement être opposée à la société PDG, dans la mesure où ce type de mention contractuelle conduit à écarter de manière systématique toute application des textes consuméristes, alors que le législateur a précisément entendu renforcer la protection de l’entrepreneur employant un nombre de salariés inférieur ou égal à cinq qui doit pouvoir bénéficier des dispositions protectrices du droit de la consommation lorsqu’il contracte dans un champ de compétence qui n’est pas le sien.
Il est en revanche exact, comme le fait valoir la société Locam, que l’article L.121-16-1 4°) du code de la consommation, en vigueur lors de la conclusion du contrat, exclut du champ d’application des dispositions précitées les contrats portant sur les services financiers.
Le code de la consommation n’apporte pas de définition précise de ce qui doit être considéré comme étant un contrat portant sur un service financier.
La directive 2011/83/UE du 25 octobre 2011 relative aux droits des consommateurs, transposée en droit interne par la loi n°2014-344 du 17 mars 2014, indique toutefois dans son article 2 point 12) qu’il faut entendre par ‘service financier’, tout service ayant trait à la banque, au crédit, à l’assurance, aux pensions individuelles, aux investissements ou aux paiements.
Or, les deux contrats de location en cause, qui prévoient l’installation et la mise à disposition de la société PDG d’un système d’éclairage Led haute puissance ainsi que d’une batterie de condensateur avec boîtier de mise en parallèle Schneider Electric fournis par la société Profession Expert en contrepartie du paiement de loyers, ne sont pas assimilables à une opération de crédit faute d’option d’achat à leur terme. Il s’agit uniquement d’une location simple de matériels entre un professionnel et une société de financement.
La location simple d’un bien mobilier ne peut par conséquent être qualifiée de service ayant trait à la banque, au crédit, à l’assurance, aux pensions individuelles, aux investissements ou aux paiements, quand bien même une société de financement a la possibilité d’effectuer ce type d’opération connexe à son activité principale.
Il sera en outre souligné que la société Locam procède à tort à une assimilation entre les services financiers stricto sensu et les opérations de banque, alors que le code monétaire et financier les différencie en les traitant par des dispositions spécifiques insérées:
– au Titre 1 du Livre III, articles L 311-1 à L 318-5, pour les opérations de banque,
– au Titre IV du Livre III, articles L 341-1 à L 343-6, pour les services financiers.
Ainsi, les locations simples de biens sont définies par l’article L. 311-2 6°) du code monétaire et financier comme des opérations connexes aux opérations de banque.
Il y a dès lors lieu de considérer que l’exclusion de l’article L.121-16-1 4°) ne vise que les services financiers au sens des articles L. 341-1 à L. 343-6 du livre III du Titre IV du code monétaire et financier et que le contrat litigieux doit s’analyser en un contrat de fourniture de services relevant de l’article L.121-17 I susvisé.
Il découle dès lors de l’ensemble des observations qui précèdent que les deux contrats de location financière souscrits le 8 juillet 2014 par la société PDG auprès de la société Locam sont soumis aux dispositions des articles L.121-17 I et L.121-18 du code de la consommation.
Or, aucun de ces contrats ne comporte les informations précontractuelles visées à l’article L.121-17 relatives au droit à rétractation (conditions, modalités, délais).
Ces dispositions d’ordre public n’ayant pas été respectées, il convient, en application de l’article L.121-18-1 précité qui le prévoit expressément, de prononcer la nullité des contrats de location financière, sans même qu’il soit besoin d’examiner si la société PDG a valablement ou non exercé son droit de rétractation après la signature des conventions litigieuses.
En conséquence, le jugement du 18 février 2020 sera confirmé en ce qu’il a constaté l’inexécution de l’obligation précontractuelle d’information incombant à la société Locam et prononcé l’anéantissement des contrats conclus entre cette dernière et la société PDG.
La nullité du contrat, qui emporte son anéantissement rétroactif, a pour effet de replacer les parties dans la situation qui était la leur avant la signature de la convention.
A ce titre, conformément à la demande de la société PDG en ce sens, la société Locam sera tenue de lui rembourser les loyers qu’elle a perçus au titre des deux contrats, ce qui correspond à la somme globale de 2.154,90 euros TTC, se décomposant comme suit :
– 106, 80 x 11 = 1.174,80 euros au titre du contrat n°1123878,
– 89, 10 x 11 = 980, 10 euros au titre du contrat n°1123879.
Il se déduit en effet aisément des factures uniques des loyers et des courriers de mise en demeure produits par la société Locam que la société PDG s’est acquittée de 11 loyers avant de cesser d’honorer les versements, la dernière échéance payée datant du 30 mai 2015.
C’est pourquoi, par infirmation du jugement entrepris sur ce point, la société Locam sera condamnée à restituer à la société PDG la somme de 2.154, 90 euros au titre des loyers perçus sur le fondement des deux contrats annulés.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile
La société Locam, qui succombe, supportera les dépens d’appel, conservera la charge des frais irrépétibles qu’elle a exposés et devra verser à la société PDG, en application de l’article 700 du code de procédure civile, une indemnité pour l’instance d’appel que l’équité commande de fixer à la somme de 1.000 euros.
Le jugement querellé est par ailleurs confirmé, en ce qu’il a laissé les dépens à la charge de la société Locam et condamné celle-ci au paiement d’une somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant dans les limites de l’appel,
Confirme le jugement déféré en tous ses dispositions critiquée, sauf en ce qu’il a débouté la SARL Pains Délices Gourmandises de sa demande en restitution des loyers,
Statuant à nouveau de ce chef et y ajoutant,
Condamne la SAS Location Automobiles Matériels à restituer à la SARL Pains Délices Gourmandises les loyers payés sur le fondement des deux contrats conclus le 8 juillet 2014, soit la somme de 2.154, 90 euros,
Condamne la SAS Location Automobiles Matériels aux dépens d’appel, ces derniers avec droit de recouvrement,
Déboute la SAS Location Automobiles Matériels de sa demande d’indemnité de procédure à hauteur d’appel,
Condamne la SAS Location Automobiles Matériels à verser à la SARL Pains Délices Gourmandises une somme de 1.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur d’appel.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE