REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 4 – Chambre 9 – A
ARRÊT DU 01 DECEMBRE 2022
(n° , 6 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/12378 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCJMZ
Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 juin 2020 – Tribunal de proximité d’ETAMPES – RG n° 11-19-000010
APPELANTS
Madame [V] [P] épouse [T]
née le 1er avril 1986 à [Localité 6] (RUSSIE)
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représentée et assistée de Me Sandrine ZALCMAN de la SELEURL CABINET SANDRINE ZALCMAN, avocat au barreau de PARIS, toque : G0485
Monsieur [Z] [T]
né le 14 novembre 1975 à PAMPLEMOUSSES (ILE MAURICE)
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représenté et assisté de Me Sandrine ZALCMAN de la SELEURL CABINET SANDRINE ZALCMAN, avocat au barreau de PARIS, toque : G0485
INTIMÉS
Monsieur [G] [R]
né le 19 novembre 1962 à [Localité 5]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représenté par Me Pascal HORNY de la SCP HORNY-MONGIN-SERVILLAT, avocat au barreau de l’ESSONNE
Madame [I] [J] épouse [R]
née le 31 mai 1965 à [Localité 4]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Me Pascal HORNY de la SCP HORNY-MONGIN-SERVILLAT, avocat au barreau de l’ESSONNE
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 5 Octobre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre
Mme Fabienne TROUILLER, Conseillère
Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Mme Muriel DURAND, Présidente, dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.
Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Mme Muriel DURAND, Présidente et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Suivant acte sous seing privé du 4 mai 2017 conclu par l’intermédiaire de l’agence immobilière Century 21, M. [G] [R] et Mme [I] [J] épouse [R] se sont engagés à vendre à M. [Z] [T] et Mme [V] [P] épouse [T] qui se sont engagés à l’acheter sous réserve des conditions suspensives, un terrain à bâtir situé [Adresse 3] pour un prix de 76 000 euros.
Le coût total de l’opération s’élevait à la somme de 216 650 euros devant être intégralement financé à crédit ainsi détaillé :
– prix de vente : 76 000 euros,
– provision pour frais d’acte : 7 000 euros,
– provision pour frais d’emprunt : 1 650 euros,
– coût des travaux + construction : 132 000 euros.
La réitération de l’acte était soumise à deux conditions suspensives, d’une part l’acceptation du financement du montant total par un prêt bancaire à 2 % sur 25 ans, cette condition étant d’une durée de validité de 60 jours et notée comme devant être réalisée au plus tard le 29 juin 2017 à 18h et d’autre part l’obtention d’un permis de construire positif devant être déposé avant le 15 juillet 2017.
La signature de l’acte authentique était prévue au 29 décembre 2017 et la clause pénale fixée à 7 600 euros plus les honoraires d’agence dans le cas où, après levée des conditions suspensives, une des parties refuserait de régulariser l’acte authentique.
Le 20 mai 2017 M. et Mme [T] ont conclu un contrat de construction de maison individuelle et le 23 juillet 2017, ils ont déposé une demande de permis de construire, lequel leur a été refusé par arrêté du 11 août 2017 en raison de la hauteur excessive de la construction envisagée.
Le 6 octobre 2017, les parties ont signé un avenant abaissant le coût du terrain à 73 500 euros comprenant 5 500 euros de frais d’agence. Cet acte ouvrait un nouveau droit de rétractation noté comme étant de 7 jours au visa de l’article L. 271-1 du code de la construction et de l’habitation, commençant à courir à compter du lendemain de la notification de l’acte. Toutes les autres clauses de l’avenant demeuraient inchangées.
Par courrier du 11 octobre 2017, l’agence immobilière a mis en demeure M. et Mme [T] de produire les justificatifs d’un refus de crédit, leur rappelant qu’ils avaient eu jusqu’au 29 juin 2017 pour le faire et que dans le cas d’une impossibilité d’achat, ils devraient régler aux vendeurs la clause pénale ainsi que les honoraires d’agence.
Par courrier recommandé en date du 24 octobre 2017, l’agence Century 21 a notifié l’avenant à M. et Mme [T] en reproduisant le texte de l’article L. 271-1 du code de la construction et de l’habitation dans sa version applicable mentionnant cette fois un délai de 10 jours de rétractation et par courrier recommandé en date du 28 octobre 2017 reçu le 30 octobre 2017, ces derniers se sont rétractés au motif que les conditions suspensives n’avaient pas été reportées.
Le 9 novembre 2017, ils ont toutefois déposé une nouvelle demande de permis de construire qui leur a été finalement refusée après une nouvelle demande de pièces faite par la mairie le 10 novembre 2017.
Par courrier recommandé du 18 juin 2018, M. et Mme [T] ont sollicité l’annulation pure et simple du compromis de vente du 4 mai 2017 « suite au refus de permis de construire des 11 août 2017 et du rejet du dossier le 13 février 2018 ».
Le 26 décembre 2018’M. et Mme [R] ont assigné M. et Mme [T] devant le tribunal de proximité d’Étampes sollicitant principalement la condamnation de leurs co-contractants au paiement de la clause pénale et de dommages et intérêts. Ces derniers ont fait assigner la société Caisse d’épargne et de prévoyance d’Île-de-France en intervention forcée sollicitant sa condamnation à des dommages et intérêts exposant que celle-ci avait d’abord donné un accord de principe auquel ils s’étaient fiés et quelle avait ensuite refusé le crédit leur causant ainsi un préjudice.
Par jugement réputé contradictoire rendu le 25 juin 2020 le tribunal de proximité d’Étampes a :
– ordonné la jonction des procédures n° 11-19-10 et n° 11-19-316,
– ordonné le rejet de la pièce introduite par M. [T] le jour de l’audience pour tardiveté,
– condamné solidairement M. et Mme [T] à payer à M. et Mme [R] la somme de 7 600 euros au titre de la clause pénale avec intérêts au taux légal à compter du 26 décembre 2018,
– condamné M. et Mme [T] à payer à la société Caisse d’épargne et de prévoyance d’Île-de-France la somme 100 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné M. et Mme [T] aux dépens,
– débouté les parties de leurs autres demandes,
– ordonné l’exécution provisoire.
Le tribunal a fondé la condamnation de M. et Mme [T] à payer la clause pénale sur leur absence de production d’une décision d’obtention ou de refus de prêt et a considéré qu’aucune faute n’était imputable aux défendeurs et que les demandeurs avaient concouru à leur propre préjudice en concluant un avenant à un compromis de vente potentiellement invalide, de sorte qu’il n’était pas dû de dommages et intérêts.
Par déclaration effectuée par voie électronique le 25 août 2020, M. et Mme [T] ont relevé un appel limité de cette décision aux seules condamnations prononcées à leur encontre.
Aux termes de leurs dernières conclusions remises par voie électronique le 19 mars 2021, ils demandent à la cour’d’infirmer le jugement en toutes ses dispositions, de débouter M. et Mme [R] de leurs demandes, fins et conclusions et de les condamner à leur payer la somme de 4 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Les appelants soutiennent que le compromis est caduc puisqu’ils ont fait usage de leur droit de rétractation et que de ce fait il n’y a plus de clause pénale en vigueur. Ils précisent que cette faculté était prévue par l’avenant mais qu’il mentionnait un délai de 7 jours et non de 10 jours tel que prévu par l’article L. 271-1 du code de la construction et de l’habitation. Ils expliquent avoir exercé leur droit dans le délai prévu par la loi, l’agence leur ayant envoyé l’avenant le 24 octobre et leur rétractation étant intervenue le 28 octobre 2021.
Subsidiairement ils exposent avoir déposé une demande de permis de construire le 13 juillet 2017 soit dans le délai prévu par le compromis, rappellent que leur demande a été refusée et que le contrat prévoyait que si une seule des conditions suspensives n’était pas remplie, le contrat était rompu sans la moindre indemnité. Ils indiquent que le refus de leur demande de permis n’est pas imputable à un défaut de diligence mais à l’avis défavorable de l’architecte des bâtiments de France. Ils relèvent enfin que le préjudice moral dont les intimés demandent réparation n’est aucunement établi.
Par conclusions remises le 11 janvier 2021, M. et Mme [R] demandent à la cour :
– de confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a condamné M. et Mme [T] à leur payer la somme de 7 600 euros au titre de la clause pénale, avec intérêts au taux légal à compter du 26 décembre 2018,
– d’infirmer ledit jugement en ce qu’il les a déboutés de leurs demandes de dommages et intérêt et leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– de condamner solidairement M. et Mme [T] à leur payer la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice moral,
– de condamner solidairement M. et Mme [T] à leur payer la somme de 1 200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles de première instance,
– de condamner solidairement M. et Mme [T] à leur payer la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais d’appel.
Les intimés soutiennent que les acquéreurs n’ont pas respecté leurs obligations contractuelles puisqu’ils n’établissent pas avoir sollicité un prêt répondant aux caractéristiques convenues, notamment concernant le taux maximum de 2 % et que les dernières propositions de financement de la Caisse d’épargne et de la banque BNP Paribas ont été sollicitées hors délais, ce qui constitue une négligence caractérisée dans les démarches des acquéreurs.
S’agissant de l’obtention d’un permis de construire, ils indiquent que les acquéreurs ont encore manqué de diligences en ne fournissant pas à la Mairie les pièces complémentaires réclamées après leur seconde demande.
Ils en déduisent que les conditions suspensives doivent être réputées accomplies, les acquéreurs en ayant empêché la réalisation.
Ils contestent en outre la validité de la rétractation dont se prévalent les appelants en soulignant que la reprise des démarches et le dépôt le 9 novembre 2017 soit 10 jours après la rétractation invoquée, d’une nouvelle demande de permis de construire emportaient renonciation à leur rétractation. Ils visent l’article 1231-5 du code civil pour obtenir le paiement de la clause pénale stipulée avant d’indiquer que cette situation et les démarches engagées pour régler ce litige leur ont causé un préjudice moral dont ils réclament réparation.
Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 31 mai 2022 et l’affaire a été appelée à l’audience le 5 octobre 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1- Sur la demande fondée sur la clause pénale
La clause pénale dont les époux [R] entendent obtenir application figure dans le contrat initial. Celui-ci a fait l’objet d’un avenant le 6 octobre 2017 bien après le refus du premier permis de construire. À cette date, les délais des conditions suspensives étaient déjà expirés. En signant cet avenant, les parties ont toutes accepté de considérer que le premier contrat n’était pas résolu en dépit du non accomplissement des conditions suspensives. Cet avenant ne porte pourtant que sur le prix, toutes les autres clauses étant inchangées, y compris les délais des conditions suspensives alors même que toutes les parties savaient qu’au moins celle du permis de construire n’était pas remplie.
Il a expressément ouvert un nouveau délai de rétractation aux époux [T] que ces derniers ont fait jouer dans les délais légaux.
Dès lors le compromis de vente avec lequel il fait corps est devenu caduc et les époux [R] ne peuvent plus se prévaloir de la clause pénale qu’il contient.
Il est évident que les tractations entre les parties se sont poursuivies faute de quoi les époux [T] n’auraient pas déposé une nouvelle demande de permis et poursuivi leurs discussions avec la banque et notamment la Caisse d’épargne qu’ils avaient attraite en la cause devant le premier juge. Pour autant elles se sont poursuivies en dehors de tout cadre contractuel, manifestement sous l’égide de l’agence immobilière, pour finalement aboutir à un échec matérialisé par le dernier courrier des époux [T] du 18 juin 2018 dont la teneur, qui démontre qu’ils ne sont pas des professionnels du droit, ne suffit pas à considérer qu’ils étaient revenus sur cette renonciation et s’étaient volontairement replacés sous le régime du contrat et de sa clause pénale.
Dès lors la demande en paiement d’une somme au titre de la clause pénale d’un contrat devenu caduc ne peut qu’être rejetée, le jugement étant infirmé sur ce point.
2- Sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral présentée par les époux [R]
Les époux [R] ont accepté de signer un avenant alors que les conditions suspensives du compromis n’étaient manifestement pas remplies et ont manifestement accepté ensuite de poursuivre les tractations avec les époux [T] en dehors de tout contrat. Ces derniers ne démontrent pas avoir fait preuve de diligence en ce qui concerne les demandes de la mairie quant à leur seconde demande de permis ni surtout avoir tenu les époux [R] au courant de l’avancement de leur dossier alors que ce permis leur a été refusé le 13 février 2018’comme ils le reconnaissent dans leur propre courrier. Ce faisant ils leur ont fait perdre du temps et les ont laissés dans l’incertitude qu’ils n’ont levée que par leur courrier du 18 juin 2018. De leur côté les époux [R] ne les ont pas non plus mis en demeure avant le 16 avril 2018.
Dès lors, le préjudice moral causé par l’attitude négligente des époux [T] sera justement réparé par l’allocation d’une somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts qu’ils sont donc condamnés solidairement à payer aux époux [R].
3- Sur les autres demandes
Il résulte de ce qui précède que les époux [T] doivent supporter la charge des dépens de première instance et d’appel et il apparaît équitable de leur faire supporter outre les frais irrépétibles des époux [R] à hauteur d’une somme de 1 500 euros, toutes les autres demandes étant rejetées.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant publiquement par arrêt contradictoire en dernier ressort,
Infirme le jugement dans les limites de l’appel ;
Et statuant à nouveau,
Déboute M. [G] [R] et Mme [I] [J] épouse [R] de leur demande en paiement au titre de la clause pénale du contrat du 4 mai 2017 ;
Condamne M. [Z] [T] et Mme [V] [P] épouse [T] in solidum à payer à M. [G] [R] et Mme [I] [R] une somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice moral ;
Condamne M. [Z] [T] et Mme [V] [P] épouse [T] in solidum à payer à M. [G] [R] et Mme [I] [J] épouse [R] une somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. [Z] [T] et Mme [V] [P] épouse [T] aux dépens de première instance et d’appel ;
Rejette toute autre demande.
La greffière La présidente