Droit de rétractation : 8 juin 2023 Cour d’appel de Montpellier RG n° 20/03879

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Droit de rétractation : 8 juin 2023 Cour d’appel de Montpellier RG n° 20/03879
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COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

4e chambre civile

ARRET DU 08 JUIN 2023

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 20/03879 – N° Portalis DBVK-V-B7E-OV5O

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 26 août 2020 – juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Béziers –

N° RG 1119001146

APPELANTE :

S.A. BNP Paribas Personal Finance

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentée par Me Arnaud DUBOIS substituant Me Sandy RAMAHANDRIARIVELO de la SCP RAMAHANDRIARIVELO – DUBOIS, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant

INTIMES :

Monsieur [P] [J]

ès qualité de mandataire à la liquidation judiciare de la SA RL Alliance France Developpement

inscrite au RCS de MARSEILLE sous le n°809192081, dont le siège social est [Adresse 7]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 2]

assigné le 17 novembre 2020 par acte remis à domicile

Monsieur [T] [O]

né le 09 Décembre 1954 à [Localité 4]

de nationalité Française

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représenté par Me Marie CHAREAU substituant Me Karine LEBOUCHER de la SELARL LEBOUCHER AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 03 AVRIL 2023,en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Marianne FEBVRE, Conseillère, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre

Mme Cécile YOUL-PAILHES, Conseillère

Madame Marianne FEBVRE, Conseillère

Greffier lors des débats : Mme Henriane MILOT

L’affaire a été mise en délibéré au 1er juin 2023. A ladite date, le délibéré a été prorogé au 08 juin 2023.

ARRET :

– par défaut ;

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

– signé par M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre, et par Mme Henriane MILOT, Greffier.

*

* *

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Le 24 mars 2015, alors qu’il faisait l’objet d’un démarchage à son domicile, M. [T] [O] a signé un contrat concernant l’installation de panneaux photovoltaïques, d’un ballon thermodynamique et la reprise de garantie de son installation photovoltaïque déjà existante pour un prix de 14.000 € avec la société Languedocienne pour les Energies Renouvelables (la société SOLER, ci-après).

Afin de financer ces travaux, M. [O] a conclu le même jour auprès de la société BNP Paribas Personal Finance (la BNP PPF, ci-après) agissant à l’enseigne Cetelem, un contrat de crédit affecté de 14.400 €, au taux annuel effectif global de 5, 80 % d’une durée de 180 mois.

La prestation a été réalisée le 9 avril 2015.

Par acte du 18 juin 2018, M. [O] a fait assigner la société Alliance France Developpement (AFD, ci-après) venant aux droits de la société SOLER ainsi que la BNP PPF en nullité des contrats. La société AFD ayant été placée en liquidation judiciaire, par acte du 14 février 2020, le demandeur a mis en cause Me [P] [J] ès qualité de liquidateur judiciaire de cette dernière, lequel n’a pas constitué d’avocat.

Vu le jugement réputé contradictoire du 26 août 2020, expressément assorti de l’exécution provisoire, par lequel le tribunal judiciaire de Béziers a :

– prononcé la nullité du contrat de vente conclu le 24 mars 2015 entre la société AFD et M. [O],

– dit que ce dernier devra laisser Me [J] ès qualités récupérer les équipements fournis au titre de ce contrat pendant un délai de trois mois à compter du jugement sous réserve d’être prévenu quinze jours à l’avance de l’intervention, précisé que la reprise des équipements devait s’accompagner d’une remise à l’état antérieur du bien immobilier de M. [O] et dit que si les opérations de reprise n’avaient pas été effectuées à l’issue du délai de trois mois, M. [O] pourra disposer des équipements,

– prononcé la nullité du contrat affecté conclu avec la BNP PPF,

– condamné cette dernière à payer à M. [O] la somme de 18.793,20 € en remboursement des sommes versées au titre du prêt annulé et dit qu’elle était privée de son droit à remboursement contre M. [O] s’agissant du capital, des frais et accessoires versés entre les mains de la société AFD,

– rejeté le surplus des demandes,

– condamné in solidum la BNP PPF et la société AFD à payer à M. [O] la somme de 1.200 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens,

Vu la déclaration d’appel de la BNP PPR en date du 18 septembre 2020,

Vu ses dernières conclusions remises par voie électronique le 13 mars 2023 aux fins de rabat de clôture au jour de l’audience de plaidoirie, infirmation du jugement et :

– rejet de l’intégralité des demandes de M. [O],

– condamnation de ce dernier à lui payer la somme de 14.000 € à titre de restitution sur remises en état entre les parties, avec déduction des échéances déjà réglées, outre une indemnité de 1.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens,

Vu les dernières conclusions remises par voie électronique le 10 mars 2023 pour le compte de M. [T] [O] qui demande à la cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions ou, à titre subsidiaire, de :

– ordonner résolution du contrat de vente ainsi que celle consécutive du contrat de prêt ;

– condamner la BNP PPF à lui restituer toutes les sommes d’ores et déjà versées au titre de l’emprunt souscrit, soit la somme de 18.793,20 €,

– priver cet organisme de crédit, du fait de sa faute, de tout droit à remboursement s’agissement du capital, des frais et accessoires versés entre les mains d’installateur,

– condamner solidairement Me [J], ès qualité de liquidateur judiciaire de la société AFD, et la BNP PPF à prendre en charge le coût des travaux des travaux de remises en état, à savoir la somme de 1.502,89 €,

– à titre très subsidiaire, si la faute du prêteur n’était pas retenue, fixer sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société AFD à la somme de 14.000 € et priver rétroactivement la BNP PPF de son droit aux intérêts,

– à titre infiniement subsidiaire, priver la BNP PPF de son droit aux intérêts et la condamner à garantir le remboursement des sommes dues par la société AFD,

– en tout état de cause, débouter la BNP PPF et Me [J] ès qualités de l’ensemble de leurs prétentions, et les condamner solidairement à lui payer une indemnité de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens,

Vu l’absence de constitution d’avocat pour le compte de Me [J] ès qualité de mandataire à la liquidation judiciaire de la société AFD malgré la signification de la déclaration d’appel par un acte du 17 novembre 2020 délivré à domicile, la signification des premières conclusions de l’appelante par acte du 6 janvier 2021 également délivré à domicile et la signification des premières conclusions de l’intimé par un acte du 15 mars 2021 délivré à personne habilitée,

Vu l’ordonnance de clôture en date du 13 mars 2023, ainsi que sa révocation par ordonnance du conseiller de la mise en état du 4 avril 2023 ordonnant une nouvelle clôture le jour même avant l’ouverture des débats, afin de permettre l’admission des dernières conclusions responsives et récapitulatives de l’appelante en réponse aux dernières conclusions tardives de M. [O] intimé, lequel s’était associé à la demande de l’appelante,

Pour un plus ample exposé des éléments de la cause, moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux écritures susvisées, conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

La déclaration d’appel et les premières conclusions de l’appelante ont régulièrement été signifiées au liquidateur judiciaire de la société AFD intimée suivant par deux actes délivrés à domicile, si bien que l’arrêt sera rendu par défaut conformément aux dispositions de l’article 473 du même code à défaut de constitution d’avocat pour le compte de ce mandataire liquidateur.

L’article 472 précise que si le défendeur ne comparaît pas, le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et fondée, au seul vu des pièces fournies par le demandeur.

En l’espèce, les demandes qui sont régulières en la forme et recevables, peuvent être examinées au fond.

A cet égard, il convient de rappeler qu’en vertu de l’article 1315 devenu 1353 du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver et réciproquement celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation, étant précisé que l’insuffisance de preuve est toujours retenue au détriment de celui qui a la charge de la preuve.

Sur la nullité du contrat de crédit affecté

Pour prononcer l’annulation du contrat principal et du contrat de crédit affecté, le tribunal de Béziers a retenu :

– que sur le bon de commande produit en original par M. [O], ne figure pas la marque des panneaux, le modèle et la puissance de l’ondulateur vendu, ni la marque du ballon thermodynamique, ni le prix unitaire de chacun des équipements vendus, ce qui interdisait à l’acquéreur de procéder à des comparaisons,

– que les informations relatives au droit de rétractation de 7 jours étaient erronées, le délai applicable étant de 14 jours en vertu de l’article R.121-1 du code de la consommation,

– que les conditions générales étaient difficilement lisibles, la police de caractère utilisée étant manifestement inférieure au corps 8 dès lors que les lettres dont la hauteur était la plus grande étaient inférieures à 2 millimètres,

– qu’il n’y avait eu aucune confirmation du contrat irrégulier de la part de M. [O],

– que le crédit affecté devait être annulé par voie de conséquence.

Au soutien de son appel, la BNP PPF fait valoir que la marque des panneaux solaires et des ondulateurs (‘Enphase’) apparait dans le contrat, ce qui est exact mais uniquement concernant l’ondulateur. En revanche, l’appelante ne conteste pas les autres lacunes relevées en première instance. Elle fonde son recours sur l’exécution volontaire du contrat par M. [O] durant 3 années avant l’assignation et elle fait état d’un usage continu de l’installation depuis presque 6 ans désormais, ce dont il convient de déduire l’existence d’une ratification de l’acte nul.

M. [O] réplique que les dispositions du code de la consommation relevant de l’ordre public de direction, la nullité encourue serait absolue et insusceptible de confirmation.

Ce faisant, il méconnaît la jurisprudence de la Cour de cassation selon laquelle :

– la confirmation d’un acte nul procède de son exécution volontaire en connaissance du vice qui l’affecte,

– les opérations de démarchage à domicile doivent faire l’objet d’un contrat dont un exemplaire qui doit être remis au client au moment de la conclusion de ce contrat et comporter, à peine de nullité, la désignation précise de la nature et des caractéristiques des biens offerts ou des services proposés et les conditions d’exécution du contrat, notamment les modalités et le délai de livraison des biens, ou d’exécution de la prestation de services,

– la reproduction lisible, dans un contrat conclu dans le cadre d’un démarchage, des dispositions relatives aux mentions du contrat, prévues à peine de nullité, permet au souscripteur de prendre connaissance du vice résultant de l’inobservation de cette disposition,

– une telle connaissance, jointe à l’exécution volontaire du contrat par l’intéressé, emporte la confirmation de l’acte nul.

Le cour constate cependant en l’espèce que – indépendamment de la taille des caractères utilisés, jugée insuffisante par le premier juge – le bon de commande du 24 mars 2015 reproduit les articles L.121-23 à L.121-26 du code de la consommation alors que ces dispositions avaient été abrogés par la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014.

Il s’en déduit que M. [O] n’a pas pu avoir l’intention, en exécutant un tel contrat, de réparer des vices dont il n’avait pas eu connaissance lorsqu’il l’avait signé.

A défaut de preuve d’un acte ultérieur révélant chez l’intéressé l’existence d’une « volonté univoque de ratifier le contrat en toute connaissance de cause », le jugement sera confirmé pour avoir prononcé la nullité du contrat principal et celle – subséquente – du contrat de crédit affecté, conformément à la régle permettant de regarder les deux contrats comme une « opération commerciale unique » et désormais par application de l’article L.312-55 du code de la consommation.

En l’état, il n’y a pas lieu d’examiner la demande subsidiaire présentée par l’intimé, relativement à la résolution des contrats.

Sur la privation du droit à restitution du capital

Le tribunal de Béziers a retenu l’existence d’une faute de la part de la BNP PPF qu’elle a réparée par la privation de toute créance de restitution des fonds prêtés (le capital versé), cela après avoir relevé :

– l’absence de vérification de l’opération financée alors que les carences du contrat principal étaient visibles à la simple lecture du bon de commande,

– un déblocage des fonds le 9 avril 2015 sans vérification de l’attestation de fin de travaux ni l’obtention de l’autorisation de travaux administrative requise, alors même que le délai de rétractation n’était pas expiré (sans attestation de livraison, de réception du matériel et de consuel et sans exiger l’accord à la déclaration préalable de travaux pourtant indispensable),

– que M. [O] se trouvait en situation d’avoir payé le prix d’une installation qu’il ne pourra faire fonctionner faute d’autorisation de travaux délivrée et sans perspective de se retourner utilement contre le fournisseur en déconfiture.

Dans le cadre de son appel, la banque soutient qu’aucune sanction ne peut être prononcée à son encontre dès lors que toutes les prestations ont été fournies et que la centrale photovoltaïque est fonctionnelle et productrice d’électricité, ce qui est bien le cas en l’espèce.

Pour autant, elle reconnaît ne pas être en mesure de produire une attestation de fin de travaux signée par l’emprunteur, seule susceptible de l’autoriser à débloquer les fonds. En effet, dans la logique de l’opération commerciale unique, l’emprunteur ne saurait être tenu d’un engagement financier sans la contrepartie de la livraison d’un bien ou de l’exécution de la prestation de service.

En revanche, la banque se prévaut à juste titre d’une absence de preuve de la part de M. [O] d’un préjudice en relation de causalité avec les fautes qui lui sont reprochées : en effet, la BNP PPF fait à juste titre ressortir que le bon de commande concerne une installation en autoconsommation et ne prévoit aucune revente totale ou partielle d’électricité puisqu’il vise un ‘kit autoconsommation directe Enphase’, qu’il n’y est pas prévu que les autorisations administratives étaient à la charge du prestataire, tandis que les travaux effectués sans autorisation administrative (non opposition à déclaration de travaux ou permis de construire) peuvent toujours faire l’objet d’une régularisation.

Or en l’occurrence, s’il justifie que la société SOLER n’a pas déposé de déclaration préalable auprès de la mairie compétente, M.[O] n’établit pas qu’il n’a pas été en mesure de régulariser la situation depuis. Quant à l’insuffisance de rentabilité ou l’insuffisance de production alléguée, la cour observe que l’emprunteur ne justifie pas que la rentabilité économique de l’installation faisait partie du champ contractuel.

L’emprunteur ne démontre pas davantage quelle faute contractuelle ou exception d’inexécution il n’a pas pu invoquer à l’encontre de la société Soler en liquidation judiciaire alors même qu’il ne prouve pas que l’installation ne fonctionne pas ou qu’elle répond pas à ce qui avait été convenu entre les parties.

En revanche, suite à la liquidation judiciaire de la société Soler, il est acquis que M. [O] restera en possession de l’installation litigieuse qui ne sera jamais déposée par le mandataire liquidateur qui n’a pas même constitué avocat dans le cadre de la présente procédure.

Par suite, la cour infirmera le jugement en ce qu’il a privé la BNP PPF de son droit à restitution du capital versé alors qu’en cas d’annulation des contrats, les parties au contrat de crédit sont rétablies dans leur état antérieur, ce qui impose en principe à l’emprunteur de restituer le capital emprunté, même lorsque les fonds ont été directement versés entre les mains du vendeur.

Partie perdante au sens de l’article 696 du code de procédure civile, M. [O] supportera les dépens d’appel et sera condamnée à payer à la BNP PPF une indemnité au titre des frais par elle exposés en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS

Statuant par arrêt rendu par défaut, mis à disposition au greffe;

– Confirme le jugement entrepris, sauf en ce qu’il a ordonné la remise à l’état antérieur, privé la BNP PPF de son droit à restitution du capital versé entre les mains de la société SOLER aux droits de laquelle se trouve la société AFD en liquidation judiciaire et condamné la banque à payer à M. [T] [O] la somme de 18.793,20 € en remboursement des sommes versées au titre du prêt annulé ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

– Déboute M. [T] [O] de ses demandes indemnitaires à l’encontre de la BNP PPF ;

– Condamne M. [T] [O] à payer à la société BNP PPF les sommes suivantes :

– 14.000 € correspondant au capital emprunté, sous déduction des échéances déjà réglées,

– 1.500 € par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Condamne l’intimé aux dépens d’appel

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 


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