Droit de rétractation : 7 septembre 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 21/01003

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Droit de rétractation : 7 septembre 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 21/01003
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République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 8 SECTION 1

ARRÊT DU 07/09/2023

N° de MINUTE : 23/739

N° RG 21/01003 – N° Portalis DBVT-V-B7F-TOND

Jugement (N° 20/000731) rendu le 18 Janvier 2021 par le Juge des contentieux de la protection de Douai

APPELANTE

SA Créatis agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 7]

[Localité 5]

Représentée par Me Francis Deffrennes, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

INTIMÉS

Monsieur [S] [L]

né le [Date naissance 2] 1975 à [Localité 6] – de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 4]

Madame [U] [M] épouse [L]

née le [Date naissance 1] 1981 à [Localité 6] – de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 4]

Défaillants, à qui la déclaration d’appel a été signifiée par actes du 13 avril 2021 remis à étude

DÉBATS à l’audience publique du 10 mai 2023 tenue par Catherine Ménegaire magistrat chargé d’instruire le dossier qui a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS :Gaëlle Przedlacki

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Yves Benhamou, président de chambre

Catherine Ménegaire, conseiller

Catherine Convain, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

ARRÊT RENDU PAR DEFAUT prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 07 septembre 2023 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Yves Benhamou, président et Gaëlle Przedlacki, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 12 avril 2023

****

EXPOSE DU LITIGE

Selon offre préalable acceptée le 3 juin 2016, la société Creatis a consenti à M. [T] [L] et Mme [U] [M] épouse [L] un regroupement de crédits d’un montant de 47’000 euros, remboursable en 144 mensualités de 454,28, incluant les intérêts au taux nominal annuel de 5,82 %.

Les emprunteurs étant défaillants dans le remboursement de l’emprunt, la société Creatis a prononcé la déchéance du terme du contrat de crédit par lettre recommandée avec accusé de réception du 25 juin 2020.

Par acte d’huissier en date du 8 octobre 2020, la banque a assigné M. [S] [L] et Mme [U] [M] en justice aux fins de les voir condamner au paiement du solde du crédit.

Par jugement réputé contradictoire en date du 18 janvier 2021, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Douai a :

– déclaré recevable l’action de la société Creatis à l’encontre de M. [S] [L] et Mme [U] [M],

– déchu la société Creatis de son droit aux intérêts à l’encontre de M. [S] [L] et Mme [U] [M],

– condamné solidairement M. [S] [L] et Mme [U] [M] à payer à la société Creatis la somme de 29’194,28 euros pour solde du crédit,

– dit que cette somme ne portera aucun intérêt, même au taux légal,

– débouté la société Creatis du surplus de ses prétentions,

– dit n’y avoir lieu exécution provisoire,

– dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné M. [S] [L] et Mme [U] [M] aux entiers dépens de l’instance.

Par déclaration reçue par le greffe de la cour le 12 février 2021, et signifiée à M. [S] [L] et Mme [U] [M] par exploit d’huissier délivré le 13 avril 2021 à étude, la société Creatis a relevé appel de l’ensemble des chefs de ce jugement à l’exception de la condamnation des époux [L] au paiement des dépens.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 10 mai 2021, et signifiées à M. [S] [L] et Mme [U] [M] par exploit d’huissier délivré le 11 mai 2021 à étude, la société Creatis demande à la cour de :

– la recevoir en son appel, la déclarer bien fondée,

– réformer le jugement du juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Douai du 18 janvier 2021 en ce qu’il a déchu la société Creatis de son droit aux intérêts à l’encontre de M. [S] [L] et Mme [U] [M], condamné solidairement M. [S] [L] et Mme [U] [M] à payer uniquement la somme de 29’194,28 euros pour solde du crédit, dit que cette somme ne portera aucun intérêt, même au taux légal, débouté la société Creatis du surplus de ses prétentions, dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau,

vu les anciens articles L.311-1 et suivants du code de la consommation et 1134 du code civil dans sa version applicable la cause,

– débouter M. [S] [L] et Mme [U] [M] de l’intégralité leurs prétentions,

– constater, dire et juger que l’offre préalable de crédit acceptée par M. [S] [L] et Mme [U] [M] le 3 juin 2016 est rédigée dans une taille de caractères faisant apparaître de manière claire et lisible l’ensemble des stipulations y figurant et qu’elle n’est entâchée d’aucune irrégularité,

– par conséquent, condamner solidairement M. [S] [L] et Mme [U] [M] à payer à la société Creatis la somme en principal de 40’067,38 euros se décomposant comme suit :

– total capital : 36’998,11 euros,

– agios dus : 117,99 euros,

– indemnité légale de 8 % : 2 987,62 euros

– frais : 36,34 euros,

– intérêts contentieux au taux de 5,82 % l’an courus et à courir à compter du 26 juin 2020 jusqu’au jour du complet règlement : mémoire,

– condamner solidairement M. [S] [L] et Mme [U] [M] à payer à la société Creatis la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner in solidum M. [S] [L] et Mme [U] [M] aux entiers frais et dépens, y compris ceux d’appel, dont distraction profit de Me Francis Deffrennes, avocat, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Les époux [L] n’ont pas constitué avocat.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux écritures de la société Creatis pour l’exposé de ses moyens.

La clôture de l’affaire a été rendue le 12 avril 2023, et l’affaire fixée pour être plaidée à l’audience du 10 mai 2023.

MOTIFS

A titre liminaire, la cour constate que le crédit litigieux a été conclu entre, d’une part, M. [T] [L] et Mme [U] [M], et d’autre part, la société Creatis, que les courriers de mise en demeure et de déchéance du terme ont été adressés à M. [T] [L] et Mme [U] [M], et que la consultation du FICP concerne M. [T] [L] et Mme [U] [M].

Il résulte de ces constatations que M. [S] [L] n’est pas signataire du contrat de crédit litigieux.

Il convient en conséquence de débouter la société Creatis de l’ensemble de ses demandes à son encontre.

Sur la déchéance du droit aux intérêts contractuels

Les textes du code de la consommation mentionnés dans l’arrêt sont ceux issus de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010, applicables à la date de conclusions du contrat de crédit.

Pour déchoir la société Creatis de son droit aux intérêts contractuels, le premier juge a relevé que le recto du contrat de crédit litigieux comprenant notamment le rappel du droit de rétractation est imprimé en caractères dont la mesure du haut d’un ‘b’ au bas d’un ‘g’ est d’une hauteur de 2,5 mm, soit très en-deçà de la norme établie à 3mm exigée par les prescriptions de l’article R.312-10 du code de la consommation.

La société Creatis fait valoir que le texte du contrat de crédit est rédigé dans une hauteur qui n’est pas inférieure au corps huit et que l’offre est parfaitement lisible. Elle ajoute qu’aucun texte du code de la consommation ne prévoit expressément la sanction de la déchéance du droit aux intérêts en cas de non-respect du corps huit.

Selon l’article L. 311-48 du code de la consommation, dans sa version issue de la loi n° 2010-237 du 1er juillet 2010, applicable au litige (devenu l’article L. 341-4), le prêteur est déchu du droit aux intérêts s’il accorde un crédit sans remettre à l’emprunteur un contrat satisfaisant aux conditions fixées par l’article L. 311-18, dans sa version applicable la date du contrat (devenu L. 312-28), qui dispose, notamment, que le contrat de crédit est établi par écrit ou sur un autre support durable, qu’un encadré inséré au début du contrat informe l’emprunteur des caractéristiques essentielles du crédit et prévoit qu’un décret en Conseil d’Etat fixe la liste des informations figurant dans le contrat et dans l’encadré.

L’article R. 311-5 (devenu R. 312-10), pris pour l’application de l’article L. 311-18, dispose que le contrat de crédit est rédigé en caractères dont la hauteur ne peut être inférieure à celle du corps huit.

En conséquence, le non-respect des dispositions des dispositions de l’article R.311-5 du code de la consommation relatives aux caractères de l’offre, auquel renvoi l’article L.311-18 du même code, est sanctionné par la déchéance du droit aux intérêts du prêteur.

Le ‘corps’ en typographie traditionnelle correspond à la hauteur de la pièce métallique sur laquelle apparaît en relief le caractère imprimé ; le corps d’une fonte est également l’unité de mesure en édition de textes informatiques modernes. Ainsi, le corps correspond à la hauteur mesurée du haut d’une lettre ascendante au bas d’une lettre descendante, augmentée des ‘talus’ de tête et de pied (espace au-dessus et en dessous des caractères). La taille d’un corps se mesure en points typographiques : si l’unité de référence traditionnelle est le point Didot (0,3759 millimètre, soit 3 millimètres de hauteur pour un corps huit), il est également couramment utilisé dans les logiciels de traitement de texte le point Pica (0,3513 millimètre, soit 2,81 millimètres de hauteur pour le corps huit), l’un ou l’autre pouvant être utilisé comme norme de référence en l’absence de définition légale ou réglementaire du corps huit. Dès lors, et comme le fait valoir l’appelante, il convient, pour déterminer la taille du corps utilisé, d’effectuer une mesure par paragraphe divisé par le nombre de lignes qu’il contient, et il doit être admis que l’offre répond aux exigences légales si elle est lisible et intelligible et si chaque ligne de l’acte occupe au moins 2,81 millimètres de hauteur.

En l’espèce, les mesures effectuées par la cour sur plusieurs paragraphes au recto et verso de l’offre communiquée en original, selon la méthode indiquée ci-dessus, font ressortir que les lignes occupent une hauteur de plus de 3mm millimètres, et qu’elle est aisément lisible. L’offre est donc conforme aux prescriptions légales.

Dès lors, réformant le jugement entrepris, il n’y a pas lieu de déchoir la société Creatis de son droit aux intérêts contractuels.

Sur la créance de la banque

En application des articles L. 311-24 et D. 311-6 du code de la consommation, en cas de défaillance de l’emprunteur dans le remboursement d’un crédit à la consommation, le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés ; jusqu’à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent les intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt ; le prêteur peut demander en outre une indemnité égale à 8 % du capital restant dû à la date de la défaillance, sans préjudice de l’application de l’article 1231-5 du code civil.

Au regard des pièces produites aux débats, notamment du décompte de créance arrêté au 22 septembre 2022, la créance de la société Creatis s’établit comme

suit :

– capital : 36 998,11 euros,

– intérêts : 117,99 euros,

– total : 37 116,10 euros.

Mme [M] sera en conséquence condamnée à payer à la société Creatis la somme de 37 116,10 euros, augmentée des intérêts contractuel de 5,82 % sur la somme de 36 998,11 euros à compter du 23 septembre 2022, au titre du solde du contrat de crédit.

Elle sera également condamnée à payer la somme de 2 987,62 euros au titre de l’indemnité légale de résiliation, augmentée des intérêts légaux à compter de l’exploit introductif d’instance.

Sur les demandes accessoires

Les motifs du premier juge méritant d’être adoptés, le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives à l’article 700 du code de procédure civile, et ce qu’il a condamné Mme [U] [M] aux dépens. Il sera en revanche réformé en ce qu’il a condamné M. [S] [L] au dépens.

Mme [U] [M], qui succombe, sera condamnée aux dépens d’appel, dont distraction au profit de Me Francis deffrennes, avocat, en application de l’article 699 du code de procédure civile.

En équité, il n’y pas lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt rendu par défaut, dans les limites de l’appel ;

Infirme le jugement entrepris sauf en ses disposition relatives à l’article 700 du code de procédure civile et en ce qu’il a condamné Mme [U] [M] aux dépens ;

Statuant à nouveau ;

Déboute la société Creatis de toutes ses demandes à l’encontre de M. [S] [L] ;

Condamne Mme [U] [M] à payer à la société Creatis la somme de

37 116,10 euros, augmentée des intérêts contractuel de 5,82 % sur la somme de

36 998,11 euros à compter du 23 septembre 2022, au titre du solde du contrat de crédit ;

Condamne Mme [U] [M] à payer à la société Creatis la somme de

2 987,62 euros au titre de l’indemnité légale de résiliation, augmentée des intérêts légaux à compter de l’exploit introductif d’instance ;

Dit n’y avoir à application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Mme [U] [M] aux dépens d’appel, dont distraction au profit de Me Francis Deffrennes, avocat, en application de l’article 699 du code de procédure civile.

Le greffier

Gaëlle PRZEDLACKI

Le président

Yves BENHAMOU

 


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