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N° RG 21/02448 – N° Portalis DBVX-V-B7F-NQAN
Décision du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de BOURG EN BRESSE au fond
du 25 février 2021
RG : 20/02874
[Y]
C/
S.A.R.L. MOMA [Localité 4] CONSEIL
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE LYON
8ème chambre
ARRÊT DU 06 Septembre 2023
APPELANT :
M. [Z] [Y]
né le 24 Décembre 1984 à [Localité 4]
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représenté par Me Eric DUMOULIN de la SCP DUMOULIN – ADAM, avocat au barreau de LYON, toque : 1411
INTIMÉE :
La société MOMA [Localité 4] CONSEIL, SARL au capital de 100 000 €, immatriculée au RCS de Lyon sous le numéro 492 965 157, ayant son siege social [Adresse 3], prise en la personne de son gérant en exercice, domicilié ès-qualités audit siege
Représentée par Me Cyril LAURENT, avocat au barreau de LYON, toque : 829
* * * * * *
Date de clôture de l’instruction : 11 Janvier 2022
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 24 Mai 2023
Date de mise à disposition : 06 Septembre 2023
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
– Bénédicte BOISSELET, président
– Karen STELLA, conseiller
– Véronique MASSON-BESSOU, conseiller
assistés pendant les débats de William BOUKADIA, greffier
A l’audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l’article 804 du code de procédure civile.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Bénédicte BOISSELET, président, et par William BOUKADIA, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * *
Exposé du litige
[Z] [Y] a été victime le 25 mars 2012 d’un grave accident de la circulation à la suite duquel il présente désormais une tétraplégie.
Dans le cadre de la procédure sur intérêts civils diligentée devant le Tribunal correctionnel de Lyon, une expertise judiciaire a été ordonnée aux fins d’évaluer le préjudice corporel de [Z] [Y], l’expert désigné ayant notamment pour mission de déterminer l’adaptation du logement du blessé à son handicap et d’en déterminer le coût.
Dans ce contexte, une lettre de mission a été signée le 21 juillet 2016, confiant notamment à la société MOMA Architecture & Design, désormais MOMA [Localité 4] Conseil (ci-après société MOMA) la mission d’assister [Z] [Y] dans le cadre des opérations d’expertise, d’évaluer les adaptations de son logement qu’il était nécessaire d’opérer et de déterminer les coûts afférents.
La mission confiée à la société MOMA se déclinait en deux phases, dont seule la première a été retenue :
La phase 1 consistant en la réalisation d’un avant-projet sommaire, stade de dépôt de permis ;
La phase 2 aurait fait l’objet d’un contrat de maîtrise d”uvre, consistant en la réalisation du projet, avec assistance marché travaux et contrôle général des travaux jusqu’à la réception.
Concernant la rémunération de la phase 1, il était convenu que serait facturé 7 % du montant estimé des travaux à réaliser, et qu’une avance de 5 000 € TTC serait facturée à la signature de la lettre de mission.
Un premier acompte de 5 000 € a été facturé le 11 août 2016 et réglé entièrement.
Le 28 février 2017, une deuxième facture a été établie, d’un montant de 25 252,23 € TTC, soit 3,5 % du montant estimé travaux, soit 601 243,80 euros TTC. Un chèque de règlement 5 000 € a été remis à la société MOMA le 20 novembre 2017.
Le 14 juin 2017, la société MOMA a établi un rapport d’expertise architecturale.
Par la suite, aucun réglement n’est intervenu, alors que la société MOMA avait achevé sa prestation.
Dans ce contexte, la société Moma, en date du 12 octobre 2020, a assigné [Z] [Y], représenté par sa s’ur [X] [Y], et cette dernière en sa qualité de représentant de son frère, devant le Tribunal judiciaire de Bourg en Bresse, aux fins de voir au principal condamner [Z] [Y] à lui payer la somme de 46 565,02 € en réglement du solde de ses honoraires, au visa des articles 1103, 1104, 1231-6 et 1353 du Code civil.
[Z] et [X] [Y] n’ont pas constitué avocat.
Par jugement du 25 février 2021, le Tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse a :
Condamné [Z] [Y] à payer à la société MOMA la somme de 41 565,02 € TTC outre intérêts au taux légal à compter du 19 novembre 2019,
Condamné [Z] [Y] à payer à la société MOMA la somme de 700 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
Condamné [Z] [Y] aux entiers dépens,
Débouté la société MOMA de sa demande au titre des dépens d’exécution,
Rejeté toutes autres demandes.
Le Tribunal a notamment retenu :
Que la demanderesse a omis de déduire la somme de 5 000 € lui ayant également été réglée par chèque le 20 novembre 2017, et que le montant dû s’élève en réalité à la somme de 41 565,02 € ;
Que sous réserve de l’omission de la déduction de ce versement, la demande est conforme à la lettre de mission conclue avec [Z] [Y] et justifiée, la société MOMA ayant rédigé une analyse architecturale ainsi qu’un rapport d’expertise architecturale ;
Que seul [Z] [Y] sera condamné au paiement sollicité puisqu’il n’est pas établi qu’il fasse l’objet d’une mesure de protection confiée à sa s’ur [X] [Y].
Par déclaration régularisée par RPVA le 2 avril 2021, [Z] [Y] a interjeté appel partiel sur les chefs du jugement l’ayant condamné.
Aux termes de ses dernières conclusions régularisées par voie électronique le 26 juillet 2021, [Z] [Y] demande à la Cour de :
Vu les dispositions des articles 1103 et 1104 du Code civil, Vu les dispositions de l’article 1137 du Code civil, Vu les dispositions de l’article 1304-2 du Code civil ;
Vu les dispositions des articles L. 111-1, L. 111-2 et R. 111-2 du Code de la consommation ;
Vu les dispositions des articles L. 211-1 du Code de la consommation, Vu les dispositions des articles L. 221-1 et suivants du Code de la consommation ;
Recevant comme régulier et bien fondé son appel,
Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il l’a condamné à payer à la société MOMA la somme de 41 565,02 € TTC, outre intérêts au taux légal à compter du 19 novembre 2019, ainsi qu’à la somme de 700 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.
Et, statuant de nouveau :
– A titre principal,
Dire que la lettre de mission dont l’exécution est poursuivie est nulle et, en toute hypothèse, lui est inopposable ;
Débouter la société MOMA de l’intégralité de ses demandes.
– A titre subsidiaire,
Retenir la responsabilité délictuelle de la société MOMA pour ne pas avoir satisfait à son obligation précontractuelle d’information et la condamner à lui restituer la somme de 4 118,09 €.
– A titre très subsidiaire,
Fixer le solde de la rémunération restant due à la société MOMA à la somme de 19 409,56 €.
– En tout état de cause, y ajoutant,
Débouter la société MOMA de toutes demandes plus amples ou contraires ;
Condamner la société MOMA à lui payer la somme de 3 000 € en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;
Condamner la même, partie qui succombe, aux entiers dépens de l’instance qui seront recouvrés par le conseil de [Z] [Y], conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile.
[Z] [Y] soutient en premier lieu que la lettre de mission lui est inopposable, aux motifs :
qu’il n’a jamais signé la lettre de mission datée du 21 juillet 2016 et ne peut l’avoir signé puisqu’il est tétraplégique, qu’il n’est donc pas engagé contractuellement ;
que contrairement à ce que soutient la société Moma, il ne peut être retenu que sa soeur a agi en son nom en qualité de mandataire, selon la théorie du mandat apparent ou au titre d’une gestion d’affaire, qui n’est justifiée par aucun élément, leur seul lien de parenté ne pouvant suffire à caractériser l’existence d’un quelconque mandat, étant observé qu’il n’est pas sous protection judiciaire ;
L’appelant oppose en second lieu la nullité de la lettre de mission.
A ce titre, il soutient tout d’abord que la lettre de mission en question est nulle pour réticence dolosive, en ce que :
la société MOMA se devait de respecter son obligation pré-contractuelle d’information, en application des dispositions des articles L. 111-1 et suivants du Code de la consommation ;
elle devait donc donner des informations claires et compréhensibles sur la prestation réalisée et son prix, obligation d’autant plus nécessaire qu’il était profane et qu’elle était professionnelle ;
en l’espèce, la lettre de mission est peu compréhensible et manque de lisibilité tant sur la nature de la mission de la société MOMA que sur les modalités de calcul de sa rémunération et que de ce fait son consentement a été vicié et ne lui a pas permis de consentir de façon éclairée au contrat qui lui était soumis ;
en outre, cette lettre de mission, conclue hors établissement, ne mentionne pas les conditions, le délai et les modalités d’exercice par de son droit de rétractation, en contravention avec les dispositions des articles L. 221-1 et suivants du Code de la consommation, dispositions d’ordre public.
Il ajoute que la société MOMA n’est pas fondée comme elle le fait à lui opposer ‘l’interdiction de se contredire au détriment d’autrui ‘ tirée de la théorie de l’Estoppel puisqu’il n’a effectué que des réglements partiels, ce qui ne peut être assimilé à une exécution du contrat valant confirmation de la lettre de mission et couvrant, ainsi, son inopposabilité et sa nullité.
L’appelant fait par ailleurs état d’une nullité de la lettre de mission résultant de la potestativité, faisant valoir :
que l’article 1304-2 du Code civil sanctionne de nullité l’obligation contractée sous une condition dont la réalisation dépend de la seule volonté du débiteur ;
qu’en l’espèce la lettre de mission n’opère aucune précision sur l’auteur de l’évaluation qui servira d’assiette au calcul de la rémunération de la société MOMA ;
que celle-ci a calculé ses honoraires sur la base de sa propre évaluation (673 393,05 € TTC) et non sur celle résultant des opérations d’expertise architecturale contradictoire auxquelles elle a participé, étant observé que le sapiteur architecte a retenu un budget global TTC pour l’opération de construction de 499 908,50 €.
A titre subsidiaire, [Z] [Y] soutient que la responsabilité délictuelle de la société MOMA est engagée pour avoir manqué à son obligation précontractuelle d’information, de sorte qu’elle est est tenue de lui rembourser la somme de 4 118,09 €, dès lors :
que le préjudice résultant de ce manquement consiste en une perte de chance de ne pas conclure le contrat avec la société MOMA, qui peut être évaluée à 80 % ;
qu’en retenant la véritable assiette de calcul,c’est la société MOMA qui est sa débitrice.
Enfin, à titre très subsidiaire, il retient que le solde des honoraires restant dus à la société MOMA s’élève à la somme de 19 409,56 €, en se basant sur le chiffrage le plus optimiste résultant du rapport d’expertise architecturale contradictoire et sur un montant hors taxes à défaut de précision sur ce point.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées par voie électronique le 22 juillet 2021, la société MOMA demande à la Cour d’appel de :
Vu les articles 1101 et 1134 du Code civil, Vu les articles 1338 et 1984 et suivants du Code civil,
Confirmer le jugement déféré en ce qu’il a retenu la condamnation de [Z] [Y] à payer à la société MOMA un solde au titre des relations contractuelles ;
Juger que ce solde est de 46 565,02 € TTC et condamner en conséquence [Z] [Y] à son paiement, avec intérêts au taux légal à compter du 19 novembre 2019, date de première mise en demeure adressée ;
Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné [M] [Y] au paiement d’une indemnité de procédure ainsi qu’aux entiers dépens de première instance.
À titre incident, condamner [Z] [Y] à lui payer une somme de 3 000 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu’aux entiers dépens,
Débouter [Z] [Y] de toutes demandes, fins et prétentions contraires.
La société MOMA expose :
que les conventions doivent être exécutées de bonne foi et qu’il est rattaché à ce devoir de loyauté un devoir de cohérence, et notamment l’obligation pour les parties de ne pas se contredire au détriment d’autrui, et qu’ainsi une partie ne peut se contredire au détriment de son co-contractant pour échapper à ses propres obligations ;
qu’à ce titre, une partie ne peut, après avoir exécuté ses obligations contractuelles, évoquer leur nullité ;
que par ailleurs, celui qui a laissé créer à l’égard des tiers une apparence de mandat est tenu, comme le mandant d’exécuter les engagement contractés ;
qu’enfin, une personne peut intervenir pour assister ou représenter un membre de sa famille, en agissant soit dans le cadre d’un mandat apparent, soit dans le cadre de la gestion d’affaire, prévue par l’article 1372 du Code civil.
La société MOMA soutient qu’en l’espèce :
[Z] [Y] ne peut, après avoir procédé au paiement des premières factures au titre des relations contractuelles, contester son engagement en en invoquant la nullité ou en le déclarant inopposable, ce qui caractérise le fait de se contredire au détriment de son cocontractant ;
que Monsieur [O], intervenant pour la société MOMA, a rencontré [Z] [Y] et sa soeur à leur domicile et que par la suite une lettre de mission a été régularisée le 21 juillet 2016 entre les parties, alors qu’une première réunion d’expertise était programmée par l’expert judiciaire et qu’il lui a été demandé expressément, via le conseil de [Z] [Y], d’assister ce dernier dans le cadre de ces opérations ;
si [Z] [Y] ne peut effectivement avoir signé la lettre de mission, sa soeur qui suit ses affaires, l’a régularisée en son nom et pour son compte et a par ailleurs établi les chèques qui ont été remis en réglement des premières factures, qu’il est donc contractuellement tenu par les engagements pris.
L’intimée ajoute :
qu’en l’absence d’une mention spécifique au titre des 7 % du montant estimé des travaux à réaliser, c’est un montant TTC qui doit être pris en considération dans la mesure où [Z] [Y] devait percevoir une somme TTC ;
qu’en février 2017, au stade de l’analyse architecturale, le budget travaux était évalué à 601 243,80 € TTC et que les honoraires ont été calculés initialement sur cette base ;
que d’après certaines informations recueillies, c’est une somme de 673 393,05 € qui aurait été allouée à [Z] [Y] pour ce poste de préjudice, raison pour laquelle elle a procédé à un nouveau calcul des sommes dues, aboutissant à ce titre à une somme global de 56 565,02 € TTC ;
que si une somme de 10 000 € a déjà été payée, le solde est bien de 46 565,02 € TTC.
Il convient de se référer aux écritures des parties pour plus ample exposé, par application des dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
I : Sur la nullité de la lettre de mission du 21 juillet 2016
[Z] [Y] soutient à titre principal que la lettre de mission du 21 juillet 2016 est nulle, qu’en conséquence la demande en paiement de la société MOMA doit être rejetée et développe différents moyens à ce titre.
La société MOMA oppose à cette demande de nullité, et plus globalement à l’ensemble des moyens développés par [Z] [Y], la théorie de l’Estoppel aux termes de laquelle il est interdit de se contredire au détriment d’autrui, concluant à l’irrecevabilité des demandes de [Z] [Y].
Elle soutient en substance qu’ayant volontairement exécuté le contrat, [Z] [Y] ne peut se prévaloir ultérieurement de sa nullité.
La Cour rappelle que la théorie de l’Estoppel sanctionne l’attitude procédurale d’une partie consistant à adopter au cours d’une même instance des positions contraires ou incompatibles entre elles.
Or en l’espèce, outre qu’il n’est pas contesté que la lettre de mission n’a pas été signée par [Z] [Y], il ressort des pièces versées aux débats :
qu’un acompte de 5 000 €, correspondant au montant indiqué dans la lettre de mission, laquelle précisait qu’un acompte de 5 000 € devait être versé d’avance à la signature, à été versé dans les suites de la signature ;
qu’en revanche, aucun paiement n’est intervenu dans les suites de la réception de la seconde facture d’acompte, d’un montant de 25 252,23 €, établie le 28 février 2017, qui faisait référence pour la première fois à un montant calculé en pourcentage du montant estimé des travaux (étant observé que la lettre de mission ne faisait aucunement référence à des versements d’acomptes intermédiaires), dans un contexte où la société MOMA n’avait pas encore établi son rapport d’expertise ;
que ce n’est qu’à la suite de nombreuses relances que [Z] [Y] a procédé le 19 novembre 2019 à un réglement de 5 000 €, loin de correspondre au montant qui lui était demandé et sans valider la facture par la mention ‘bon pour accord’ avec signature, ce qui ne peut être interprété, comme le soutient la société MOMA, comme une exécution sans réserves par [Z] [Y] du contrat.
Dans ces conditions, la Cour en déduit qu’il ne peut être considéré que [Z] [Y] a exécuté volontairement et sans réserves ses engagements contractuels et qu’il serait de ce fait irrecevable à se prévaloir de leur nullité en application de la théroie de l’Estoppel.
[Z] [Y] soutient quant à lui que la lettre de mission litigieuse est nulle, dès lors que la société MOMA se devait respecter l’obligation pré-contractuelle d’information énoncée à l’article L 111-1 et suivants du Code de la consommation, notamment en lui communiquant de manière compréhensible le prix du service, observant que la nature de la mission et ses modalités de calcul de sa rémunération n’était pas clairs et qu’il n’a pu consentir de façon éclairée, outre que le contrat ne mentionne aucunement les conditions, modalités et délais de son droit de rétractation.
En l’espèce, il n’est pas contesté que la société MOMA est intervenue pour fournir à [Z] [Y] une prestation d’assistance dans le cadre de la procédure d’indemnisation du préjudice qu’il avait subi du fait de l’accident dont il a été victime, prestation consistant à déterminer par une étude de faisabilité ses besoins en terme d’adaptation de son logement à son handicap et à en évaluer le coût.
Elle proposait donc incontestablement à [Z] [Y] une prestation de service et était de ce fait soumise, en sa qualité de professionnel, aux obligations énoncées aux articles L 221-5 et L 111-1 et suivants du Code de la consommation.
Or, l’article L221-5 du Code de la consommation, en sa version applicable à l’espèce, dispose notamment :
Préalablement à la conclusion d’un contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :
1° Les informations prévues aux articles L. 111-1 et L. 111-2 ;
2° Lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d’exercice de ce droit ainsi que le formulaire type de rétractation, dont les conditions de présentation et les mentions qu’il contient sont fixées par décret en Conseil d’Etat ;
L’article L 111-1 du Code de la consommation, dans sa version applicable à l’espèce disposait notamment quant à lui :
« Avant que le consommateur ne soit lié par un contrat de vente de biens ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :
1° Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, compte tenu du support de
communication utilisé et du bien ou service concerné ;
2° Le prix du bien ou du service, en application des articles L. 112-1 à L. 112-4 ;
(‘) ;
En vertu de ces dispositions, il appartenait à la société MOMA de fournir à [Z] [Y] une information pré-contractuelle complète et surtout claire et précise lui permettant de déterminer les contours de son engagement, notamment concernant le prix de la prestation, qui constituait un élément déterminant du contrat, afin de lui permettre de donner son consentement de façon éclairée.
Or, le contenu même de la lettre de mission démontre que la société MOMA n’a pas satisfait à son obligation pré-contractuelle d’information.
Il était ainsi indiqué pour la phase 1 qui consistait en une étude de faisabilité, qu’il serait facturé 7 % du montant estimé des travaux à réaliser sur les champs de l’architecture, du paysage et d’ l’urbanisme sur le site d’intervention.
La Cour observe qu’aucun élément ne permettait à [Z] [Y] de savoir ce qu’il fallait entendre par ‘montant estimé des travaux’, notamment s’il s’agissait de l’estimation faite par l’architecte, ou celle faite dans le cadre de l’expertise judiciaire.
Cette précision était d’autant plus importante qu’elle revenait à aligner le coût de la prestation non sur son coût réel, appelé à être déterminer par le tribunal, comme il est d’usage, mais sur la seule estimation d’un professionnel. Il n’était pas plus précisé si le montant retenu était ‘toute taxes comprises’ ou ‘hors taxes’, ce qui avait également une incidence réelle sur le coût de la prestation dont le montant était appelé à être important.
De même, la lettre de mission faisait référence aux travaux à réaliser ‘sur les champs de l’architecture, du paysage et de l’urbanisme sur le site d’intervention’, ce qui conférait à la prestation un contour extrèmement large sans autre précision et laissait l’architecte libre d’étendre sa prestation à son gré, avec des répercussions sur le coût qui pouvaient être importantes.
Or, outre les imprécisions déterminantes révélées par le contenu de la lettre de mission, la société MOMA ne rapporte aucunement la preuve qu’elle avait, préalablement à la conclusion du contrat, fourni à [Z] [Y] les éléments nécessaires pour qu’il appréhende de façon précise et claire les contours de sa mission et surtout son coût, le fait qu’elle se soit rendue sur site au mois d’avril 2015, soit plus d’un an avant la signature de la lettre de mission, pour rencontrer [Z] [Y] étant bien insuffisant pour qu’il en soit déduit qu’elle lui avait délivré à cette occasion les informations qu’elle lui devait concernant les aspects financiers de sa prestation, dans le respect du Code de la consommation.
La Cour en déduit que [Z] [Y] n’a pas été en mesure avant la conclusion du contrat de connaître de façon claire et compréhensible d’une part les caractéristiques précises de la prestation, d’autre part et surtout, son prix, et que la société MOMA ne justifie pas avoir rempli son obligation pré-contractuelle d’information, contrevenant ainsi aux dispositions de l’article L 111-1 du Code de la consommation.
Par ailleurs, il n’est pas contestable que le contrat a été conclu hors établissement puisqu’il n’a pas été conclu au lieu où la société MOMA exerce son activité et que la lettre de mission a été envoyée par voie postale à [Z] [Y], étant rappelé que la lettre de mission a été envoyée plus d’un an après que le représentant de la société MOMA se soit entretenu avec [Z] [Y] à son domicile.
Il n’est pas plus contestable que le contrat, en contravention avec les dispositions du code de la consommation, ne faisait aucunement mention du droit à rétractation.
Or, il ressort de l’article L 242-1 du Code de la consommation que le non respect des dispositions de l’article L 221-5 du Code de la consommation (dans leur version applicables à l’espèce) sont prévues à peine de nullité du contrat conclu hors établissement.
La Cour ne peut en conséquence que constater que la lettre de mission du 26 juillet 2016 est nulle, qu’elle ne peut avoir d’effet et qu’en conséquence la société MOMA doit être déboutée de l’ensemble de ses demandes.
Dès lors, la Cour infirme la décision déférée en ce qu’elle a condamné [Z] [Y] à payer à la société MOMA la somme de 41 565,02 € TTC outre intérêts au taux légal à compter du 19 novembre 2019, et statuant à nouveau :
Constate la nullité de la lettre de mission du 26 juillet 2016 et rejette l’intégralité des demandes en paiement de la société MOMA.
2) Sur les demandes accessoires
La société MOMA succombant, la Cour infirme la décision déférée en ce qu’elle a condamné [Z] [Y] aux dépens de la procédure de première instance et à payer à la société MOMA la somme de 700 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, et, statuant à nouveau :
Condamne la société MOMA aux dépens de la procédure de première instance et rejette la demande qu’elle a présentée en première instance sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
La Cour condamne la société MOMA, partie perdante, aux dépens à hauteur d’appel.
La Cour condamne la société MOMA à payer à [Z] [Y] la somme de 3 000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile à hauteur d’appel, justifiée en équité.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Infirme la décision déférée en ce qu’elle a condamné [Z] [Y] à payer à la société MOMA la somme de 41 565,02 € TTC outre intérêts au taux légal à compter du 19 novembre 2019, et,
Statuant à nouveau :
Constate la nullité de la lettre de mission du 26 juillet 2016 ;
Rejette l’intégralité des demandes en paiement de la société MOMA ;
Infirme la décision déférée en ce qu’elle a condamné [Z] [Y] aux dépens de la procédure de première instance et à payer à la société MOMA la somme de 700 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, et,
Statuant à nouveau :
Condamne la société MOMA aux dépens de la procédure de première instance et rejette la demande qu’elle a présentée en première instance sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
Condamne la société MOMA aux dépens à hauteur d’appel ;
Condamne la société MOMA à payer à [Z] [Y] la somme de 3 000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile à hauteur d’appel ;
Rejette toute autre demande plus ample ou contraire.
LE GREFFIER LE PRESIDENT