Droit de rétractation : 6 juin 2023 Cour d’appel d’Agen RG n° 22/00210

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Droit de rétractation : 6 juin 2023 Cour d’appel d’Agen RG n° 22/00210
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ARRÊT DU

06 JUIN 2023

NE/CO*

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N° RG 22/00210 –

N° Portalis DBVO-V-B7G-C7JY

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[Z] [M]

C/

SARL L’HERBIER DE GASCOGNE

———————–

Grosse délivrée

le :

à

ARRÊT n° 93 /2023

COUR D’APPEL D’AGEN

Chambre Sociale

Prononcé par mise à disposition au greffe de la cour d’appel d’Agen conformément au second alinéa des articles 450 et 453 du code de procédure civile le six juin deux mille vingt trois par Nelly EMIN, conseiller faisant fonction de président de chambre assistée de Chloé ORRIERE, greffier

La COUR d’APPEL D’AGEN, CHAMBRE SOCIALE, dans l’affaire

ENTRE :

[Z] [M]

demeurant [Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Pierre THERSIQUEL, avocat inscrit au barreau du GERS

APPELANTE d’un jugement du Conseil de Prud’hommes – formation paritaire d’AUCH en date du 09 mars 2022 dans une affaire enregistrée au rôle sous le n° R.G. 21/00044

d’une part,

ET :

LA SARL L’HERBIER DE GASCOGNE prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège social :

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Marie-Laure SOULA, avocat inscrit au barreau du GERS

INTIMÉE

d’autre part,

A rendu l’arrêt contradictoire suivant après que la cause a été débattue et plaidée en audience publique le 2 mai 2023 sans opposition des parties devant Nelly EMIN, conseiller faisant fonction de président de chambre et Pascale FOUQUET, conseiller, assistés de Chloé ORRIERE, greffier. Les magistrats en ont, dans leur délibéré rendu compte à la cour composée, outre eux-mêmes, de Benjamin FAURE, conseiller, en application des dispositions des articles 945-1 et 805 du code de procédure civile et il en a été délibéré par les magistrats ci-dessus nommés, les parties ayant été avisées de la date à laquelle l’arrêt serait rendu.

* *

*

FAITS ET PROCÉDURE

La SARL L’HERBIER DE GASCOGNE est une entreprise spécialisée dans l’herboristerie traditionnelle, commercialisant des plantes et compléments alimentaires.

Madame [Z] [M] a été embauchée par la SARL HERBIER DE GASCOGNE par contrat de travail à durée indéterminée à temps plein, à compter du 2 janvier 2020, en qualité de manutentionnaire (niveau I échelon 1).

Sa rémunération brute mensuelle brute était fixée à 1529,42 €.

La convention collective applicable est celle du commerce de gros du 23 juin 1970.

Le 26 juin 2020, Madame [Z] [M] était placée en arrêt de travail pour maladie non

professionnelle, jusqu’au 26 septembre 2020.

Le 2 septembre 2020, les parties ont signé un formulaire de rupture conventionnelle que la DIRECCTE refusait d’homologuer.

Un nouveau formulaire de rupture était signé entre les parties et adressé à la DIRECCTE, laquelle refusait une nouvelle fois l’homologation.

Une troisième convention de rupture signée le 29 octobre 2020 entre la SARL HERBIER DE GASCOGNE et Madame [Z] [M] était homologué par la DIRECCTE le 30 octobre 2020.

Le 5 mai 2021, Madame [Z] [M] a saisi le conseil de prud’hommes d’Auch en rappel de salaire aux motifs qu’elle n’aurait pas perçu le salaire minimum conventionnel qui lui était dû, en demande de dommages et intérêts aux motifs de manquements de l’employeur à son obligation de sécurité de résultat, au regard de l’absence d’inscription à la médecine du travail et de visite médicale, ainsi que de l’altération de son santé mentale et en nullité de la rupture conventionnelle.

Par jugement du 9 mars 2022, le conseil de prud’hommes d’Auch a :

– déclaré les demandes de Madame [M] irrecevables,

– débouté Madame [M] de l’ensemble de ses demandes,

– débouté la SARL HERBIER DE GASCOGNE de sa demande reconventionnelle,

– condamné le demandeur aux entiers dépens.

Par déclaration enregistrée au greffe de la cour le 18 mars 2022, Madame [Z] [M] a relevé appel du jugement ,visant expressément les chefs de jugements critiqués.

La procédure de mise en état a été clôturée par ordonnance du 2 février 2023 et fixé pour plaidoiries à l’audience du 2 mai 2023.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

I. Moyens et prétentions de Madame [Z] [M], appelante principale

Selon ses écritures enregistrées au greffe de la cour le 31 mars 2022, expressément visées pour plus ample exposé des moyens et prétentions de l’appelante, Madame [Z] [M] demande à la cour de :

– constater tant recevable que bien-fondée son action,

– infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes le 9 mars 2022 des chefs critiqués,

En statuant sur les chefs infirmés,

– constater qu’elle n’a pas perçu le salaire minimum conventionnel qui lui était dû en tant qu’emballeur-empaqueteur ; que l’ensemble des heures supplémentaires ne lui a pas été rémunéré ;

En conséquence :

– condamner la SARL HERBIER DE GASCOGNE au paiement d’une somme 204.01€ si elle était considérée comme étant manutentionnaire ; 406.29€ si elle est considérée comme emballeur-empaqueteur au titre du paiement des heures supplémentaires,

– constater que la SARL HERBIER DE GASCOGNE a manqué à son obligation de sécurité de résultat, au regard de l’absence d’inscription à la médecine du travail et de visite médicale, ainsi que de l’altération de sa santé mentale ;

En conséquence :

– condamner la SARL HERBIER DE GASCOGNE au paiement d’une somme de 3 985,02 euros à titre de dommages-intérêts quant au préjudice causé par l’absence d’inscription à la médecine du travail et de visite médicale ;

– condamner la SARL HERBIER DE GASCOGNE au paiement d’une somme de 3 985,02 euros à titre de dommages-intérêts quant au préjudice causé par l’altération de sa santé mentale ;

– constater que la SARL HERBIER DE GASCOGNE n’a pas remis d’exemplaire de la convention de rupture ;

En conséquence :

– prononcer la nullité de la rupture conventionnelle conclue entre elle et la SARL HERBIER DE GASCOGNE ;

– condamner la SARL HERBIER DE GASCOGNE au paiement d’une somme de 1 328,34 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et 132,83 euros au titre des congés payés afférents ;

– condamner la SARL HERBIER DE GASCOGNE au paiement d’une somme de 1 328,34 euros au titre de l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– condamner la SARL HERBIER DE GASCOGNE au paiement d’une somme de 3058.84 euros au titre du préjudice subi suite à l’arrêt du versement du salaire depuis le 27 septembre 2020 ;

– condamner la SARL HERBIER DE GASCOGNE au paiement d’une somme de 2 000,00 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner la SARL HERBIER DE GASCOGNE en tous les dépens ;

– prononcer l’exécution provisoire sur l’intégralité du jugement à intervenir, la capitalisation des intérêts à compter de la demande.

Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir :

– au titre de l’exécution du contrat de travail

* sur la qualification et le rappel des salaires dus au titre du minimum conventionnel

– si elle a été engagée en tant que manutentionnaire niveau 1 échelon1, le travail qui lui était demandé en réalité était un travail technique et non pas de simple manutentionnaire, qui correspondait à un poste d’emballeur-empaqueteur qui est un poste de niveau 2,

– elle était chargée par la gérante de la préparation de l’ensemble des commandes hors celle de pharmacie Lafayette,

– l’employeur dans ses propres écritures indique qu’il s’agissait d’anticiper le départ à la retraite d’une autre salariée présente dans l’entreprise depuis 15 ans et qui occupait un poste clé, que ce poste nécessitait par ailleurs une formation minimale de 2 mois, formation qualifiée de «pointue»,

– son salaire de base est resté à 1 539,45 euros depuis le début de son contrat de travail. Si l’on considère qu’elle était sur un poste-clé d’emballeur-empaqueteur, elle devait bénéficier du niveau 2.1 soit 1560.76 euros du 1er janvier 2020 au 30 avril 2020 puis 1582.61 euros,

– il convient également de revaloriser les heures supplémentaires effectuées essentiellement sur les mois de mars et avril 2020,

– elle a effectué un grand nombre d’heures supplémentaires mais, pour éviter d’en assumer le surcoût, l’employeur a pris la décision de faire passer ces heures en primes,

– elle sollicite la requalification des sommes mentionnées « prime exceptionnelle » et « prime salissure » en heures supplémentaires,

– elle sollicite des heures supplémentaires pour un volume de 95 heures réalisées du 16 mars au 31 mars 2020. Elle propose d’affecter 8 heures par semaine à 25% soit 16 heures et le reste à 50% (79 heures),

* sur le manquement à l’obligation de sécurité de résultat

– par application de l’article R.1221-2 du code du travail, l’employeur doit lors de la

déclaration préalable à l’embauche, demander l’adhésion du salarié à un service de santé au travail, or elle n’a pas été déclarée à la médecine du travail, et de ce fait n’a jamais bénéficié d’une visite d’information et de prévention imposée par la loi,

– au vu de sa situation, un suivi médical aurait pu permettre à la médecine du travail de déceler ses troubles, voire d’engager une procédure en reconnaissance de l’inaptitude,

– en effet, selon les dires de sa psychiatre, le Dr [K] [P], son état de santé mentale ne lui permettait plus de reprendre son emploi,

– même pendant le confinement, les visites pouvaient être réalisées soit par télé consultation, soit sur site, dans le respect des gestes barrière,

– sa santé mentale s’est dégradée depuis janvier 2020, soit exactement sa date d’entrée au sein de la SARL HERBIER DE GASCOGNE, elle présentait une décompensation anxio dépressive évoluant depuis janvier 2020 et se trouvait, entre le 2 juillet et le 11 septembre 2020, en « état de détresse émotionnelle intense » avec « tristesse, pleurs tous les jours depuis janvier, des troubles du sommeil, des angoisses fréquentes »

– au titre de la rupture du contrat de travail

* sur la nullité de la convention de rupture

– en application des articles L.1237-11 du code du travail et 1375 du code civil, la Cour de cassation considère que la remise au salarié d’un exemplaire de la convention de rupture est indispensable, à peine de nullité, et la preuve de cette remise incombe à l’employeur ;

– or, la SARL L’HERBIER DE GASCOGNE lorsqu’elle a demandé l’homologation de la troisième convention de rupture, le 30 octobre 2020, ne lui a pas remis d’exemplaire original signé par elle ; elle n’était donc pas en mesure d’analyser cette convention en vue d’exercer son droit de rétractation en pleine connaissance de cause ;

– en conséquence, la rupture du contrat de travail de Madame [M] devra produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– la convention de rupture encourt également la nullité quant à la méconnaissance de ces conditions de fond : en effet, son état de santé ne lui permettait pas, au moment de la conclusion de la rupture conventionnelle, de consentir de manière libre et éclairée ;

– elle était placée en arrêt de travail, elle n’avait aucune intention de conclure une rupture conventionnelle et à plusieurs reprises, elle a écrit à son employeur en ce sens ;

* sur les conséquences financières de la nullité de la convention de rupture

– elle avait 9 mois et 30 jours d’ancienneté et un salaire moyen de 1328,34 euros sur les 12 derniers mois,

– elle a subi de nombreux préjudices consécutifs aux manquements de son employeur ;

– depuis le 27 septembre 2020, date de son retour d’arrêt de travail pour maladie, et ce malgré les refus d’homologation des deux premières conventions de rupture, la SARL HERBIER DE GASCOGNE a refusé de la laisser travailler et de la rémunérer ;

– depuis cet incident, elle est fichée par son établissement de crédit, n’ayant pas pu honorer le paiement de ses mensualités, elle a également fait l’objet de nombreux frais bancaires causés par les rejets de prélèvement.

II. Moyens et prétentions de la SARL HERBIER DE GASCOGNE, intimée sur appel principal

Selon ses écritures enregistrées au greffe de la cour le 7 juin 2022, expressément visées pour plus ample exposé des moyens et prétentions de l’intimée, la SARL HERBIER DE GASCOGNE demande à la cour de confirmer le jugement conseil de prud’hommes d’Auch du 9 mars 2022 et de condamner Madame [M] au paiement de la somme de 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir que :

– sur les demandes au titre de l’exécution du contrat de travail

* sur la demande de rappel de salaire au titre de la classification professionnelle et des heures supplémentaires

– compte tenu de ses fonctions, comme du fait qu’elle débutait et n’avait jamais occupé un tel poste, la classification appliquée, correspondait parfaitement aux fonctions exercées par Madame [M],

– lorsqu’elle a indiqué qu’il s’agissait d’un poste clé, c’était pour préciser qu’il fallait à ce poste des salariés sérieux, concentrés pour ne pas se tromper sur les gélules, leur nombre etc’et ne pas commettre d’erreurs alors que le nombre de références était important, pour autant, le poste en lui-même ne nécessitait pas de technicité particulière ou de diplôme,

– en application des dispositions conventionnelles, le Niveau I échelon 1 correspond à des « exécutions de tâches simples suivant des consignes précises » alors que le Niveau II, correspond à des emplois supposant « un savoir-faire acquis par expérience ou formation professionnelle de base »,

– Madame [M] n’a travaillé que six mois avant d’être en arrêt de travail, elle n’avait donc ni l’expérience ni la « poly aptitude » pour bénéficier d’un Niveau II échelon 1 mais elle exécutait des tâches simples suivant des consignes précises,

– les autres salariés qui exerçaient des fonctions similaires notamment de préparateurs de commandes étaient également employés comme manutentionnaires et classés au Niveau I échelon 1,

– les décomptes fournis par Madame [M] sont au surplus erronés, l’avenant portant augmentation des minimas conventionnels en date du 26 février 2020 n’a été étendu que par arrêté du 12 août 2020,

– Madame [M] ne fournit aucun décompte ni aucun élément qui fonderait ses demandes au titre des heures supplémentaires,

-or, pour le mois de mars il a été payé 5 heures supplémentaires à 25% et au mois d’avril il a été payée 32 heures supplémentaires à 25% et 38 heures à 50%, Madame [M] a donc été intégralement payée des heures supplémentaires,

– la prime de salissure correspondait à une véritable prime due à Madame [M] qui avait effectivement pris l’initiative pendant le confinement de ranger et de nettoyer le local des plantes Bio. L’employeur avait donc voulu la récompenser ;

– quant à la prime exceptionnelle, il s’agissait de la prime COVID qui était en réalité exonérée de charges, raison pour laquelle le cabinet comptable a refait un second bulletin de paie en mentionnant cette prime au bas du bulletin ;

* sur les prétendus manquements à l’obligation de sécurité de résultat

– Madame [M] a été engagée le 2 janvier 2020, or à compter du 17 mars 2020, le pays a été confiné et plus aucune visite médicale ne pouvait être passée,

– elle s’est attachée, dans les premières semaines d’activité, à former Madame [M] alors que l’entreprise était désorganisée, puis Madame [M] a été en arrêt de travail à compter du 26 juin et n’a par la suite pas repris son travail, aucune visite médicale n’a pu être organisée ;

– par ailleurs Madame [M] est défaillante à établir la preuve de son préjudice,

– les problèmes de santé rencontrés par Madame [M] n’avaient en réalité aucun rapport avec l’exécution de son contrat de travail mais uniquement avec ses problèmes conjugaux, l’engagement d’une procédure de divorce dans un contexte houleux et la visite d’embauche, qui a pour objet d’apprécier la capacité physique du salarié à occuper le poste, n’aurait eu aucune incidence sur cette situation ;

– si comme elle le prétend de façon mensongère « dès le mois de janvier elle était en état de détresse émotionnelle intense » Madame [M] pouvait mettre fin à sa période d’essai ;

– Madame [M] produit l’attestation de Madame [E], ancienne salariée de l’entreprise devenue une amie de Madame [M]. Madame [E] rencontrait des problèmes personnels, notamment de poids, qui l’avaient amenée à se faire poser un anneau gastrique en plein confinement. Cette situation a incontestablement eu un impact sur sa santé physique et psychologique. Madame [E] n’a donc pas quitté l’entreprise du fait du comportement de l’employeur mais elle a démissionné sans aucune réserve ;

– elle produit aux débats des attestations qui démentent les propos de Madame [E],

– si Madame [M] a été en arrêt de travail, ou si elle a présenté un « état de détresse émotionnelle intense » c’est en réalité parce que forte de son engagement en contrat de travail à durée indéterminée et de la stabilité de sa situation, elle a décidé de divorcer,

– elle produit un SMS adressé par Madame [M] qui montre que ce sont bien ses problèmes personnels et sa bataille pour ses enfants qui ont impacté sa santé mentale et qui l’ont empêchée de reprendre son travail mais sûrement pas ses conditions de travail ;

– le certificat médical produit par Madame [M] ne précise nullement que sa détresse psychologique serait en lien avec son travail ;

– sur les demandes relatives à la rupture du contrat de travail

* sur la parfaite validité de la rupture conventionnelle

– Madame [M] produit elle-même les formulaires de rupture, elle ne peut sérieusement soutenir qu’elle n’aurait pas eu un exemplaire de la rupture conventionnelle ;

– si comme elle le prétend son consentement avait été réellement vicié, Madame [M] en aurait alors informé l’inspecteur du travail ;

– Madame [M] n’a pas signé un mais trois formulaires de rupture, elle ne peut faire croire qu’elle aurait été contrainte à trois reprises alors que par ailleurs elle se déplaçait exprès pour signer puisqu’elle était en arrêt de travail ;

– la lecture des SMS comme des courriels ou des lettres adressées par Madame [M] attestent de son caractère combatif et il est évident que c’est en toute connaissance de cause qu’elle a accepté de signer les ruptures conventionnelles,

– Madame [M] se plait de même à indiquer qu’elle voulait reprendre le travail à la fin du mois de septembre et que c’est l’employeur qui l’ en aurait empêché. Or, il est rappelé que par SMS du 29 août 2020 Madame [M] indiquait qu’elle ne savait pas quand elle allait reprendre compte tenu des épreuves qu’elle traversait,

– Madame [M] a été en arrêt de travail au cours du mois de septembre et a perçu des indemnités journalières jusqu’au 26 septembre pour un montant de 3.152,70 euros ;

– comme en atteste le bulletin du mois d’octobre 2020, Madame [M] a bien perçu la somme de 2.447,80 euros correspondant : à son salaire complet du mois d’octobre au cours duquel elle n’a pourtant pas travaillé, au salaire du 27 au 30 septembre 2020 pour un montant de 215,23 euros, à l’indemnité compensatrice de congés payés pour un montant de 944,54 euros,

– Madame [M] ne peut sérieusement soutenir que le non-paiement de la somme de 165 euros ( 215,23 euros bruts) à la fin du mois de septembre aurait entraîné les incidents de paiement ou les difficultés financières qu’elle invoque ;

MOTIVATION

I. SUR L’EXECUTION DU CONTRAT DE TRAVAIL

Sur la classification

En cas de différend sur la catégorie professionnelle d’une convention collective ou sur le coefficient appliqué, il convient de rechercher la nature de l’emploi effectivement occupé par le salarié et la qualification qu’il requiert.

C’est au salarié qui revendique un coefficient différent de celui figurant sur son contrat de travail ou son bulletin de salaire de démontrer qu’il assure de façon permanente, dans le cadre de ses fonctions, des tâches et responsabilités relevant de la classification qu’il estime être la sienne.

En l’espèce, Madame [M] revendique le bénéfice de la classification à un poste d’emballeur-empaqueteur qui est un poste de niveau II échelon I en application de la Convention collective du commerce de gros du 23 juin 1970, alors qu’elle était rémunérée sur la base d’un poste de niveau I.

Pour confirmer le jugement entrepris en ses dispositions rejetant la reclassification de Madame [M] au niveau II et la demande de rappel de salaire fondée sur cette reclassification, il suffira de relever que :

– selon la classification de la Convention collective du commerce de gros, les emplois de niveau I correspondent à l’exécution en application de consignes précises, de tâches simples ne demandant aucune formation spécifique alors que les emplois de niveau II correspondent à une pratique encadrée d’un savoir faire acquis par l’expérience ou une formation professionnelle de base,

– la description du poste de travail, telle qu’énoncée par Madame [M] elle même, à savoir, vérifier le bon de commande, régler la geluleuse sur le nombre de gelules par pot, lancer les étiquettes et les positionner sur les pots, empaqueter les pots et les placer sur la palette, correspond à un emploi de niveau I,

– Madame [M] ne démontre en rien en quoi le poste décrit ci-dessus correspondrait à des travaux d’emballage spécialisé nécessités par certains modes de livraison ou d’expédition qui définissent la fonction revendiquée d’emballeur-empaqueteur,

– Madame [M] ne peut revendiquer aucun savoir faire acquis par l’expérience n’ayant occupé l’emploi que 5 mois avant d’être en arrêt de travail, ni aucune formation de professionnelle de base.

Sur les heures supplémentaires

Aux termes de l’article L.3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l’employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.

Selon l’article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’ heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

En l’espèce, Madame [M] ne produit aucune pièce au soutien de sa demande.

Elle se contente d’alléguer que les primes de salissure et prime exceptionnelle mentionnées sur ses bulletins de salaire de mars et avril correspondent à des heures supplémentaires et ‘propose un calcul’ pour obtenir le nombre d’heures réalisées.

Ainsi Madame [M] qui propose un calcul théorique pour déterminer le nombre d’heures supplémentaires qu’elle prétend avoir affectué, sans aucune indication factuelle à l’appui de sa prétention, ne présente pas d’ éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’elle prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

La cour confirme en conséquence la décision du conseil des prud’hommes ayant débouté Madame [M] de cette demande.

Sur le manquement à l’obligation de sécurité

Selon les dispositions de l’article L.4121-1 du code du travail, « L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels ;

2° Des actions d’information et de formation ;

3° La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.

L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes ».

L’article L.4121’2 dudit code précise que « L’employeur met en ‘uvre les mesures prévues à l’article L.4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :

1° Eviter les risques ;

2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;

3° Combattre les risques à la source ;

4° Adapter le travail à l’homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;

5° Tenir compte de l’état d’évolution de la technique ;

6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n’est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;

7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l’organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l’influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral, tel qu’il est défini à l’article L.1152-1 ;

8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;

9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs ».

* sur l’absence d’inscription à la médecine du travail et de visite médicale

En application de l’article R.4624-10 du code du travail, la visite d’information et de prévention est réalisée après l’ embauche, dans un délai qui n’excède pas 3 mois à compter de la prise effective du poste de travail.

En l’absence de visite médicale d’embauche, le salarié qui se prévaut d’un préjudice indemnisable doit en caractériser la réalité et l’ampleur.

Madame [M] ayant été embauchée le 2 janvier 2020, l’employeur disposait d’un délai s’achevant au 2 avril 2020 pour organiser la visite.

Les premiers juges ont estimé que, même si Madame [M] se prévalait de l’absence de visite médicale d’embauche, elle ne démontrait pas la réalité et l’ampleur du préjudice dont elle sollicitait l’indemnisation à hauteur de 3985,02 euros.

Madame [M] critique ces motifs en rappelant que cette visite aurait pu permettre à la médecine du travail de déceler ses troubles, voire d’engager une procédure en reconnaissance d’inaptitude et produit un certificat médical . Elle produit un certificat médical du Docteur [P], psychiatre, attestant qu’elle est venue en consultation à quatre reprises en juillet et septembre 2020 pour un état de détresse émotionnelle intense, que la patiente décrivait une décompensation anxio dépressive évoluant depuis janvier 2020 avec tristesse, pleurs tous les jours depuis janvier, des troubles du sommeil, des angoisses fréquentes.

Toutefois rien ne permet de rattacher ces constations médicales avec l’exécution du contrat de travail alors que le médecin ne fait aucun lien et que par ailleurs, Madame [M] ne conteste pas qu’elle rencontrait à cette époque des difficultés dans sa vie privée.

Par ailleurs, Madame [M] reproche à la société HERBIER DE GASCOGNE de ne pas l’avoir inscrite auprès des services de la médecine du travail, affirmation qu’aucune pièce ne dément. Cependant la salariée ne prouve par aucun élément qu’elle aurait concrètement subi un préjudice du fait d’un suivi médical insuffisant au cours de la relation de travail.

En conséquence la cour confirme le débouté prononcé.

* sur l’altération de la santé mentale

Madame [M] soutient que sa santé mentale s’est dégradée depuis janvier 2020 et produit au soutien de son affirmation le courrier du docteur [P] précité.

La cour rappelle qu’aucun élément de ce courrier ne permet de relier l’état de santé mentale de Madame [M] avec les conditions dans lesquelles elle exerçait son travail et ajoute que s’agissant de la période d’activité professionnelle, le médecin ne fait que rapporter les dires de Madame [M] qui n’est allée consulter qu’au mois de juillet 2020 soit postérieurement à son arrêt de travail.

En conséquence la cour confirme le débouté prononcé.

II. SUR LA RUPTURE DU CONTRAT DE TRAVAIL

Madame [M] poursuit la nullité de la rupture conventionnelle en se prévalant de deux moyens :

– aucun exemplaire de la convention de rupture ne lui a été remis

– son consentement aurait été extorqué par violence morale.

La remise d’un exemplaire de la convention de rupture au salarié étant nécessaire à la fois pour que chacune des parties puisse demander l’homologation de la convention, dans les conditions prévues par l’article L.1237-14 du code du travail, et pour garantir le libre consentement du salarié, en lui permettant d’exercer ensuite son droit de rétractation en connaissance de cause, il s’ensuit qu’à défaut d’une telle remise, la convention de rupture est nulle. En cas de contestation, il appartient à celui qui invoque cette remise d’en rapporter la preuve.

En l’espèce, la SARL HERBIER DE GASCOGNE soutient qu’un exemplaire de la convention de rupture du 26 octobre 2020 a été remis à Madame [M] et fait valoir que celle-ci produit elle-même les formulaires de rupture, des SMS échangés entre les parties desquels s’évincent qu’elle était parfaitement informée et suivait avec attention l’avancée de son dossier.

La cour observe que :

– l’employeur ne produit pas de récépissé de remise de l’imprimé CERFA de la convention de rupture, ni aucune autre pièce probante de cette remise,

– force est de constater que Madame [M] n’a produit que les imprimés des conventions de rupture des 2 et 19 septembre 2020 qui n’ont pas été homologuées par la DIRECCTE mais aucunement celui du 21 octobre 2020 qui n’a été versé aux débats que par l’employeur,

– si Madame [M] était informée et suivait avec attention l’avancée de son dossier, cela ne permet pas de présumer qu’un exemplaire de la convention de rupture lui a été remis.

La preuve de la remise d’un exemplaire de la convention de rupture à la salariée n’étant donc pas rapportée par l’employeur, il convient d’annuler la rupture conventionnelle signée par les parties le 26 octobre 2020, le jugement entrepris étant infirmé en ce qu’il a jugé valide la rupture conventionnelle de son contrat de travail et débouté Madame [M] de la totalité de ses demandes.

Sur les conséquences financières de la rupture du contrat de travail

La nullité de la rupture du contrat de travail produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

C’est dès lors à bon droit que Madame [M] sollicite la condamnation de son ex-employeur à lui payer une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que l’indemnité de préavis majorée des congés payés afférents et l’indemnité légale de licenciement.

Il n’est pas discuté que le salaire de référence de Madame [M] s’élève à la somme de 1328,34 euros, la cour retient donc ce montant.

* l’indemnité de préavis :

En application de l’article 35 de la convention collective du commerce de gros, l’indemnité de préavis est de 1 mois pour les employés ou ouvriers. En cas de rupture du contrat de travail du fait de l’employeur, sauf en cas de faute grave ou lourde, cette durée est portée à 2 mois après 2 ans d’ancienneté.

La SARL HERBIER DE GASCOGNE sera condamnée à verser à Madame [M] une somme de 1328,34 euros au titre de l’indemnité de préavis ainsi qu’une somme de 132,83 euros au titre des congés payés afférents.

* l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieusement

En application de l’article L.1235-3 du code du travail, si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse et si l’une ou l’autre des parties refuse la réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux exprimés en mois de salaire brut.

Lorsque le salarié a une ancienneté inférieure à un an, l’indemnité maximale pouvant être allouée est d’un mois de salaire brut.

Madame [M] bénéficiait d’une ancienneté de 10 mois.

Elle n’a produit aucun justificatif sur sa situation actuelle.

L’indemnité sera dès lors limitée à la somme de 664,17 euros.

* sur le préjudice subi suite à l’arrêt du versement de salaire depuis le 27 septembre 2020

Madame [M] ne conteste pas avoir perçu les sommes mentionnées sur son bulletin de salaire du 31 octobre 2020 soit 1554,46 euros bruts au titre du salaire du mois d’octobre, 215,23 euros bruts au titre du rappel de salaire du mois de septembre 2020 et 944,54 euros bruts au titre d’indemnité compensatrice de congés payés.

Dès lors, elle ne justifie pas que les difficultés financières qu’elle évoque résultent de l’absence de versement du salaire par l’employeur.

En conséquence le jugement du conseil de prud’homme ayant déboutée Madame [M] de sa demande de dommages et intérêts de ce chef de préjudice sera confirmé.

SUR LES DEMANDES ANNEXES, FRAIS NON RÉPÉTIBLES ET LES DÉPENS

Madame [M] demande d’ordonner l’ exécution provisoire de la décision à intervenir, cette demande est sans objet devant la cour par application des dispositions de l’article 579 du code de procédure civile selon lesquelles le recours par une voie extraordinaire tel le pourvoi en cassation n’est pas suspensif d’exécution sauf si la loi n’en dispose autrement.

La capitalisation des intérêts dus pour une année entière est ordonnée en application de l’article 1343-2 du code civil.

En considération de la solution du litige, il y a lieu de débouter les parties des demandes formées au titre des frais irrépétibles, de confirmer la décision des premiers juges sur ce chef de demande et de dire que les dépens de première instance et d’appel seront partagés par moitié entre les parties.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant contradictoirement, par arrêt prononcé par sa mise à disposition au greffe et en dernier ressort,

INFIRME le jugement entrepris en ses dispositions :

– déboutant Madame [Z] [M] de sa demande de nullité de la rupture conventionnelle,

– déboutant Madame [Z] [M] de sa demande au titre de l’indemnité de préavis et des congés payés afférents,

– déboutant Madame [Z] [M] de sa demande au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– condamnant Madame [Z] [M] aux dépens

CONFIRME le jugement entrepris en ses autres dispositions,

statuant à nouveau des chefs infirmés et ajoutant au jugement,

ANNULE la rupture conventionnelle signée le 26 octobre 2020 par les parties,

DIT en conséquence que la rupture du contrat de travail produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

En conséquence,

CONDAMNE la SARL HERBIER DE GASCOGNE à verser à Madame [Z] [M] une somme de 1328,34 euros au titre de l’indemnité de préavis ;

CONDAMNE la SARL HERBIER DE GASCOGNE à verser à Madame [Z] [M] une somme de 132,83 euros au titre des congés payés sur préavis ;

CONDAMNE la SARL HERBIER DE GASCOGNE à verser à Madame [Z] [M] une somme de 664,17 euros euros au titre de l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

ORDONNE la capitalisation des intérêts dûs pour une année entière,

DÉBOUTE Madame [Z] [M] de sa demande en paiement d’une indemnité de procédure,

DÉBOUTE la SARL HERBIER DE GASCOGNE de sa demande en paiement d’une indemnité de procédure,

DIT que les dépens de la procédure de première instance et d’appel seront partagé par moitié entre les parties.

Le présent arrêt a été signé par Nelly EMIN, conseiller faisant fonction de président de chambre et Chloé ORRIERE, greffier.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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