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ARRÊT DU
31 Mai 2023
DB / NC
———————
N° RG 21/00515
N° Portalis DBVO-V-B7F -C4OK
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[H] [P]
C/
SAS NJCE
SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE
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GROSSES le
aux avocats
ARRÊT n° 237-23
COUR D’APPEL D’AGEN
Chambre Civile
LA COUR D’APPEL D’AGEN, 1ère chambre dans l’affaire,
ENTRE :
Monsieur [H] [P]
né le 12 avril 1950 à [Localité 6]
de nationalité française, retraité
domicilié : [Adresse 8]
[Localité 3]
représenté par Me Nezha FROMENTEZE, membre de la SELARL FROMENTEZE, avocate au barreau du LOT
APPELANT d’un jugement du tribunal judiciaire de CAHORS en date du 02 mars 2021, RG 11-19-000132
D’une part,
ET :
SAS NJCE exerçant sous l’enseigne SIBEL ENERGIE, pris en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège RCS BOBIGNY 522 317 551
[Adresse 2]
[Localité 5]
représentée par Me Erwan VIMONT, substitué à l’audience par Me Florence COULANGES, membres de la SCP LEX ALLIANCE, avocat postulant au barreau d’AGEN
et Me Cécile HUNAULT-CHEDRU, SELARL POINTEL ET ASSOCIES, avocate plaidante au barreau de ROUEN
SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE pris en la personne de son représentant légal actuellement en fonctions domicilié en cette qualité au siège
RCS PARIS 542 097 902
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me François DELMOULY, membre de la SELARL AD-LEX, avocat postulant au barreau d’AGEN
et Me Laure REINHARD, SCP RD Avocats & Associés, avocate plaidante au barreau de NÎMES
INTIMÉES
D’autre part,
COMPOSITION DE LA COUR :
l’affaire a été débattue et plaidée en audience publique le 13 Mars 2023 devant la cour composée de :
Président : André BEAUCLAIR, Président de chambre
Assesseurs : Dominique BENON, Conseiller qui a fait un rapport oral à l’audience
Cyril VIDALIE, Conseiller
Greffière : Nathalie CAILHETON
ARRÊT : prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile
‘ ‘
‘
FAITS :
Selon bon de commande signé le 21 juin 2017 dans le cadre d’un démarchage à domicile, [H] [P] a passé commande auprès de la SARL NJCE, exerçant sous le nom commercial Sibel Energie, de la fourniture et de l’installation, sur une maison dont il est propriétaire à [Localité 7] (46), d’une centrale solaire aérovoltaïque d’une puissance totale de 6 000 w composée de 20 panneaux et d’un chauffe-eau thermodynamique de marque Thermor de 270 litres, pour un prix total de 35 900 Euros TTC.
L’électricité produite par la centrale était destinée à être auto-consommée et revendue pour le surplus.
Le contrat mettait à la charge de la SARL NJCE : l’obtention du contrat avec EDF, les démarches administratives (mairie, ERDF, ‘Consuel’) et la prise en charge du coût du raccordement au réseau de distribution public de l’électricité.
Pour financer cette installation, le même jour, [H] [P] a souscrit un emprunt affecté d’une somme de 35 900 Euros auprès de la SA BNP Paribas Personal Finance, remboursable après différé d’amortissement, en 120 mensualités de 382,94 Euros au taux débiteur annuel fixe de 4,70 %.
La déclaration de travaux en mairie a été effectuée le 10 juillet 2017.
La centrale a été livrée et installée et a fait l’objet, le 11 juillet 2017, d’un procès-verbal de réception sans réserve.
Le 11 juillet 2017, M. [P] a signé une ‘demande de financement’ indiquant reconnaître ‘que la livraison du bien et/ou la fourniture de la prestation de service ci-dessus désignée a été pleinement effectuée conformément au contrat principal de vente préalablement conclu avec le vendeur ou prestataire de service ; que cette livraison ou fourniture est intervenue le 11 juillet 2017″.
M. [P] y a reconnu ‘que conformément à l’article L. 312-48 du code de la consommation ses obligations au titre du contrat de ‘crédit accessoire à la vente’ ci-dessus référencé prennent effet à compter de la livraison du bien ou de la fourniture de la prestation de service’ et a demandé ‘au prêteur, par la signature de la présente attestation et en sa qualité d’emprunteur, de procéder à la mise à disposition des fonds au titre du contrat de crédit accessoire à une vente’.
Le ‘Consuel’ a été établi le 18 juillet 2017.
Le 25 août 2017, un arrêté municipal de non-opposition aux travaux a été pris.
Par lettre du 8 novembre 2017, M. [P] s’est plaint d’avoir été induit en erreur lors de la signature du bon de commande et contraint de laisser des ouvriers poser la centrale.
Le 13 novembre 2017, le raccordement de l’installation au réseau public de distribution de l’électricité a été effectif.
M. [P] s’étant abstenu de rembourser le crédit, le 12 mars 2019, la SA BNP Paribas Personal Finance l’a mis en demeure de régler un arriéré de 2 266,49 Euros dans un délai de 10 jours et, faute de régularisation, a prononcé la déchéance du terme de l’emprunt.
Par actes délivrés les 1er et 2 avril 2019, M. [P] a fait assigner la SARL NJCE et la SA BNP Paribas Personal Finance devant le tribunal d’instance de Cahors afin de voir prononcer l’annulation du bon de commande et du contrat de crédit affecté, au motif que le premier n’est pas conforme au code de la consommation et que la centrale ne fonctionne pas.
Par jugement rendu le 2 mars 2021, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Cahors a :
– débouté [H] [P] de sa demande de nullité du contrat principal conclu avec la société NJCE exerçant sous l’enseigne “Sibel Energie”,
– débouté [H] [P] de sa demande de nullité du contrat de prêt conclu avec la SA BNP Paribas Personal Finance,
– prononcé la déchéance du prêteur du droit aux intérêts,
– débouté [H] [P] de sa demande de résolution du contrat principal conclu avec la société NJCE exerçant sous l’enseigne “Sibel Energie”,
– débouté [H] [P] de sa demande de résolution du contrat de prêt conclu avec la SA BNP Paribas Personal Finance,
– débouté [H] [P] de ses demandes relatives à la restitution des éléments de panneaux Aérovoltaïques, du ballon thermodynamique, et des sommes versées au titre du crédit,
– débouté [H] [P] de sa demande de dommages et intérêts,
– condamné [H] [P] à payer à la SA BNP Paribas Personal Finance la somme de 35 900 Euros avec intérêts au taux légal à compter du 8 avril 2019,
– dit n’y avoir lieu à l’application de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné [H] [P] aux dépens,
– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire.
Le juge des contentieux de la protection a estimé que le contrat était conforme aux dispositions du code de la consommation ; que M. [P] ne justifiait d’aucun vice du consentement ; que le contrat de crédit n’était pas conforme à l’article R. 212-10 du code de la consommation qui impose des caractères dont la hauteur ne peut être inférieure à celle du corps 8 ; qu’il n’était pas justifié de l’absence de fonctionnement de l’installation, laquelle avait fait l’objet d’un procès-verbal de réception et pouvant produire de l’électricité pour la partie auto-consommation ; que la SARL NJCE avait adressé à M. [P] les documents lui permettant de signer le contrat avec EDF ; et qu’il devait être condamné à rembourser le capital dû compte tenu de la déchéance du droit aux intérêts.
Par acte du 7 mai 2021, [H] [P] a déclaré former appel du jugement en désignant la SARL NJCE et la SA BNP Paribas Personal Finance en qualité de parties intimées et en indiquant que l’appel porte sur la totalité du dispositif du jugement, à l’exception du prononcé de la déchéance du droit aux intérêts.
Par ordonnance du 26 octobre 2022, le conseiller de la mise en état a déclaré les conclusions déposées le 5 mars 2022 par [H] [P] irrecevables en ce qu’il n’a pas respecté le délai qui lui était imparti par l’article 910 du code de procédure civile pour répondre à l’appel incident formé par la banque sur la déchéance de son droit aux intérêts contractuels.
La clôture a été prononcée le 25 janvier 2023 et l’affaire fixée à l’audience de la Cour du 13 mars 2023.
PRÉTENTIONS ET MOYENS :
Par dernières conclusions notifiées le 23 janvier 2023, auxquelles il est renvoyé pour le détail de l’argumentation, [H] [P] présente l’argumentation suivante :
– Le contrat principal est nul :
* il mentionne que le délai de rétractation court à compter de la commande alors que l’article L. 221-18 du code de la consommation dispose que, s’agissant de la livraison d’un bien, il court à compter de la livraison, le privant ainsi de son droit de rétractation.
* la numérotation de l’article applicable est incorrecte.
* en conséquence, la SARL NJCE devra lui restituer la somme de 35 900 Euros et doit retirer l’installation.
* la SA BNP Paribas Personal Finance a versé le capital au vu de documents imprécis sans avoir l’assurance que la prestation avait été effectuée et que l’installation fonctionnait.
– Subsidiairement, il peut exercer son droit de rétractation :
* il a exercé ce droit par lettre du 8 novembre 2017.
* il ne s’agit pas d’une demande nouvelle en appel, mais d’une demande tendant à la même fin que l’annulation du contrat.
– Très subsidiairement, le contrat doit être résolu :
* postérieurement au jugement, il a fait examiner l’installation par M. [L], expert, qui a constaté qu’elle n’est pas fonctionnelle, hors service à cause d’un défaut majeur, et que le caisson de récupération de chaleur, situé dans les combles, est tombé.
* les prestations à la charge de la SARL NJCE n’ont pas été réalisées : elle n’a accomplit les démarches d’obtention du contrat de revente de l’électricité qu’avec deux ans de retard, après avoir été assignée en justice.
* il a justement refusé de signer l’attestation qui lui a été présentée le 27 juin 2019.
– La déchéance du droit aux intérêts prononcée par le jugement doit être confirmée.
Au terme de ses conclusions, il demande à la Cour de :
– réformer le jugement sur les points de son appel,
– prononcer la nullité du contrat principal et du contrat de prêt,
– rejeter les demandes en paiement de la SA BNP Paribas Personal Finance et la condamner à lui restituer les sommes déjà versées,
– ordonner le retrait de l’installation aux frais de la SAS NJCE et la condamner à lui payer la somme de 35 900 Euros au titre des restitutions, outre 5 000 Euros au titre des frais de remise en état de la toiture et 5 000 Euros en réparation d’un préjudice moral,
– subsidiairement :
– constater sa renonciation au contrat,
– rejeter les demandes de paiement présentées par la SA BNP Paribas Personal Finance et la condamner à lui restituer les sommes déjà versées,
– ordonner le retrait de l’installation aux frais de la SAS NJCE et la condamner à lui payer la somme de 35 900 Euros au titre des restitutions, outre 5 000 Euros au titre des frais de remise en état de la toiture et 5 000 Euros en réparation d’un préjudice moral,
– très subsidiairement :
– prononcer la résolution du contrat principal et du contrat de prêt,
– rejeter les demandes en paiement de la SA BNP Paribas Personal Finance et la condamner à lui restituer les sommes déjà versées,
– ordonner le retrait de l’installation aux frais de la SAS NJCE et la condamner à lui payer la somme de 35 900 Euros au titre des restitutions, outre 5 000 Euros au titre des frais de remise en état de la toiture et 5 000 Euros en réparation d’un préjudice moral,
– en tout état de cause :
– condamner la SAS NJCE et la SA BNP Paribas Personal Finance à lui payer, chacune, la somme de 5 000 Euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.
*
* *
Par dernières conclusions notifiées le 23 janvier 2023, auxquelles il est renvoyé pour le détail de l’argumentation, la SAS NJCE (anciennement SARL NJCE) présente l’argumentation suivante :
– Le bon de commande est régulier :
* M. [P] a réduit ses moyens en appel et se limite désormais à discuter le point de départ du délai de rétractation.
* les conditions générales du contrat mentionnent ce point de départ et toute erreur en cette matière est sanctionnée, non par la nullité du contrat mais, en vertu de l’article L. 221-20 du code de la consommation, par une prorogation de 12 mois du délai.
* M. [P] n’a jamais entendu se rétracter.
* il a accepté la livraison sans réserve et autorisé le versement du capital emprunté, confirmant ainsi toute éventuelle nullité du bon de commande.
– La demande d’exercice du droit de rétractation ne peut être admise :
* il s’agit d’une demande nouvelle qui n’a été présentée ni devant le premier juge ni dans les premières conclusions de l’appelant devant la Cour.
* la demande d’exercice d’un droit de rétractation ne peut être assimilée à une demande d’annulation.
* elle n’a pas été formulée dans le délai d’un an, et le courrier évoqué n’a pas été reçu.
– La demande de résolution du contrat n’est pas fondée :
* pour justifier des malfaçons invoquées, M. [P] produit un simple rapport de visite qui n’a aucun caractère contradictoire à son égard et qui ne peut servir, seul, de base aux demandes de l’appelant, qui n’a pas sollicité l’organisation d’une expertise judiciaire à laquelle elle aurait participé.
* ce rapport mentionne que l’installation est raccordée et produit de l’électricité sans expliquer clairement la raison pour laquelle l’installation serait hors service.
* si elle avait été avertie d’un problème de fonctionnement, elle serait intervenue pour y remédier.
* dès la signature du bon de commande, elle a présenté une demande de raccordement, et payé la facture de son coût qui lui a été adressée par Enedis.
* elle n’a eu connaissance que tardivement qu’EDF avait estimé qu’il manquait des mentions sur les documents du dossier permettant la signature du contrat de vente de l’électricité et a alors établi les attestations correspondantes, mais M. [P] a refusé de signer l’attestation producteur, ce qui fait obstacle à la signature du contrat de vente de l’électricité avec EDF.
* la partie auto-consommation est en état de fonctionner.
– Aucune demande pour non-conformité ne peut être présentée : le délai de 2 ans de l’article L. 217-4 du code de la consommation est écoulé.
Au terme de ses conclusions, elle demande à la Cour de :
– confirmer le jugement,
– déclarer la demande subsidiaire de constat de la renonciation au contrat irrecevable,
– rejeter les demandes présentées par M. [P] et par conséquent les demandes présentées à son encontre par la SA BNP Paribas Personal Finance,
– condamner M. [P] à lui payer la somme de 3 000 Euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens avec distraction.
*
* *
Par dernières conclusions notifiées le 3 janvier 2023, auxquelles il est renvoyé pour le détail de l’argumentation, la SA BNP Paribas Personal Finance présente l’argumentation suivante :
– Le bordereau de rétractation est régulier :
* le délai indiqué est régulier.
* en tout état de cause, la sanction encourue est la prolongation du délai de rétractation et non la nullité du contrat.
* en acceptant la livraison du matériel sans réserve et en raccordant l’installation, alors que les conditions générales rappelaient les dispositions du code de la consommation, M. [P] a confirmé toute éventuelle nullité.
– M. [P] ne peut prétendre se rétracter :
* cette demande est nouvelle en appel et ne figurait pas dans ses conclusions d’appelant du 12 juillet 2021.
* le courrier invoqué n’indique pas de façon non équivoque qu’il notifie l’exercice du droit de rétractation.
– La résolution du contrat ne peut être prononcée :
* initialement, M. [P] prétendait faussement que la centrale n’était pas raccordée au réseau public de distribution de l’électricité.
* il produit un rapport établi de façon non contradictoire dont il résulte, en outre, que l’installation produit de l’électricité et qui n’analyse ni les causes des dysfonctionnements ni les moyens d’y remédier.
* ce n’est qu’en août 2018 qu’EDF a indiqué que les attestations produites n’étaient pas conformes, et des documents conformes ont ensuite été établis, permettant la vente d’électricité à effet rétroactif du raccordement.
– La déchéance du droit aux intérêts ne peut être prononcée : la hauteur des lettres est conforme à l’article R. 312-10 du code de la consommation par référence au point Pica.
– Subsidiairement, M. [P] devra restituer le capital emprunté :
* le capital emprunté a été versé sur ordre de M. [P], après réception sans réserve, et elle a attendu de disposer du ‘Consuel’ avant de libérer les fonds.
* la livraison est un fait juridique qui n’est soumis à aucune forme particulière.
* il ne justifie d’aucun préjudice, le prêteur n’étant pas garant du bon fonctionnement de la centrale, et il pourra obtenir restitution du prix auprès de la SARL NJCE.
Au terme de ses conclusions, elle demande à la Cour de :
– confirmer le jugement,
– déclarer la demande visant à dire que M. [P] s’est rétracté irrecevable ou la rejeter,
– réformer le jugement en ce qu’il a prononcé la déchéance de son droit aux intérêts conventionnels et rejeter cette demande,
– condamner M. [P] à lui payer la somme de 41 727,09 Euros avec intérêts au taux de 4,70 % l’an à compter du 8 avril 2019,
– subsidiairement, en cas d’anéantissement des contrats :
– condamner M. [P] à lui restituer le capital prêté de 35 900 Euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise à disposition des fonds,
– dire qu’il devra justifier de la résolution du contrat souscrit avec EDF, de la restitution des achats d’électricité et des crédits d’impôts,
– condamner la SAS NJCE à lui payer la somme de 35 900 Euros à titre de garantie,
– condamner toute partie succombante à lui payer la somme de 2 500 Euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.
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MOTIFS :
1) Sur la nullité du contrat conclu entre M. [P] et la SARL NJCE :
Selon les articles L. 221-8 et L. 221-5 du code de la consommation, applicables au contrat signé le 21 juin 2017, préalablement à la conclusion d’un contrat de vente ou de fourniture de services, dans le cas d’un contrat conclu hors établissement, le professionnel fournit au consommateur, sur papier ou, sous réserve de l’accord du consommateur, sur un autre support durable, rédigés de manière lisible et compréhensible, notamment, lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d’exercice de ce droit ainsi que le formulaire type de rétractation, dont les conditions de présentation et les mentions qu’il contient sont fixées par décret en Conseil d’Etat ;
L’article L. 221-18 du code de la consommation dispose que le consommateur dispose d’un délai de 14 jours pour exercer son droit de rétractation ; que le délai part de la conclusion du contrat pour les contrats de prestations de services ; et que le délai ne court qu’à compter de la livraison du bien lorsque le contrat ne porte que sur la livraison d’un bien dans le cadre d’un contrat de vente et non sur un bien faisant l’objet d’une prestation de services.
En l’espèce, le bon de commande contient un bordereau de rétractation qui indique, conformément à ce texte et indépendamment du fait que la numération de l’article du code de la consommation visée est erronée, que ‘dans les 14 jours, jours fériés compris, à compter de la commande ou de l’engagement d’achat, le client a la faculté d’y renoncer par lettre recommandée avec accusé de réception adressé à Sibel Energie (…)’.
Les conditions générales du contrat indiquent également :
‘INFORMATIONS CONCERNANT L’EXERCICE DU DROIT DE RÉTRACTATION :
Vous avez le droit de vous rétracter du présent contrat sans donner de motif dans un délai de 14 jours. Conformément à l’article L. 121-21 du code de la consommation, ce délai de rétractation expire :
– 14 jours après le jour de la conclusion du contrat pour les contrats de prestation de services,
– 14 jours après le jour de la réception du bien par le consommateur ou un tiers, autre que le transporteur’.
M. [P] a ainsi été informé que la commande du 21 juin 2017, qui porte sur une prestation de services et non sur la simple livraison d’un bien, pouvait faire l’objet d’une rétractation à compter de cette date.
Aucune nullité du bon de commande n’est donc encourue.
Le jugement doit être confirmé sur ce point.
La rétractation, par courrier du 8 novembre 2017, hors délai, est sans effet.
2) Sur la résolution du contrat principal :
Vu l’article 1124 du code civil,
Le bon de commande du 21 juin 2017 met à la charge de la SARL NJCE la prestation suivante : ‘obtention du contrat (de) EDF garanti 20 ans’, permettant à M. [P] de vendre l’électricité produite non consommée.
Par lettre du 9 août 2018, EDF a écrit à M. [P] en lui indiquant :
‘Nous vous retournons les deux exemplaires de l’attestation sur l’honneur de conformité du producteur et de l’installateur.
En effet, les exemplaires de l’attestation ne sont pas conformes pour les motifs suivants :
– la date d’achèvement est absente,
– le nom du producteur ou mandataire est absent du corps du texte,
– la date de signature du producteur est absente,
– la signature du producteur est absente,
– le nom de l’installateur et/ou du siège social est/sont absents,
– les caractéristiques des panneaux ne sont pas renseignés ou incomplets,
– la date de signature de l’installateur est absente,
– la signature de l’installateur est absente,
– l’attestation producteur a été signée par l’installateur,
– le mandat pour la délégation de signature doit être fourni,
– la qualité du signataire et/ou cachet de l’entreprise est/sont absents.
Nous vous rappelons que l’attestation sur l’honneur de conformité du producteur et de l’installateur est une annexe du contrat d’achat. Ces deux documents sont indissociables et conditionnent la signature du contrat d’achat.
Par conséquent, les deux exemplaires de l’attestation sur l’honneur dûment complétés et signés, sont à conserver et sont à nous retourner avec les exemplaires du contrat lorsque vous les aurez signés.’
Ce document atteste de la défaillance de la SARL NJCE à accomplir correctement cette formalité indispensable pour que M. [P] puisse vendre l’électricité produite non consommée.
M. [P] en a averti la SARL NJCE, comme en atteste un courriel que cette société lui a envoyé le 5 octobre 2018 lui indiquant notamment ‘Nous nous engageons à mettre à jour auprès d’EDF votre dossier’.
Pourtant, la SARL NJCE s’est abstenue de mettre immédiatement à jour le dossier permettant la signature du contrat de vente de l’électricité.
Si elle pouvait, comme elle l’a fait dans ce courriel, proposer un accord de dédommagement et subordonner l’indemnisation proposée à la signature de cet accord, elle ne pouvait pas différer la régularisation du dossier de vente de l’électricité, dès lors que l’obtention du contrat de vente de l’électricité constituait une obligation mise à sa charge par le contrat du 21 juin 2017 et qu’elle avait été intégralement payée de sa prestation.
Ce n’est finalement que tardivement, après avoir été assignée en justice, que la SARL NJCE a complété le dossier.
Cette attitude constitue, pour la SARL NJCE, un manquement à ses obligations suffisamment grave pour prononcer la résolution du contrat principal, malgré la proposition de régularisation désormais présentée.
La résolution du contrat sera prononcée et le jugement infirmé sur ce point.
2) Sur les conséquences de la résolution :
En premier lieu, en conséquence de la résolution du contrat principal, la SAS NJCE doit être condamnée à restituer le prix perçu et pourra procéder à la reprise de l’ensemble du matériel avec remise en état de la maison de M. [P].
Toutefois, il ne peut être question d’allouer à l’appelant ni la somme de 5 000 Euros au titre de la remise en état de sa toiture qu’il réclame, alors que la SAS NJCE devra y procéder, et que la somme réclamée n’est basée sur aucun élément objectif, ni l’indemnisation d’un préjudice moral dont il est difficile de saisir en quoi il pourrait être justifié s’agissant d’un litige aux conséquences seulement matérielles et financières.
En second lieu, selon l’article L. 312-55 du code de la consommation, le contrat de crédit affecté est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé.
Il en résulte que le contrat de crédit affecté conclu par M. [P] avec la SA BNP Paribas Personal Finance doit également être résolu en conséquence de la résolution du contrat souscrit avec la SARL NJCE.
Ensuite, la résolution d’un contrat de crédit affecté, en conséquence de celle d’un contrat de vente, emporte pour l’emprunteur, l’obligation de rembourser à la banque le capital emprunté, sauf en cas d’absence de livraison du bien vendu ou de faute de la banque dans la remise des fonds prêtés.
Toutefois, l’emprunteur demeure tenu de restituer ce capital dès lors qu’il n’a subi aucun préjudice causé par la faute de la banque.
En l’espèce, la SA BNP Paribas Personal Finance a versé le capital emprunté à la SARL NJCE au vu d’un procès-verbal de réception de l’installation signé sans réserve par M. [P] et sur instruction expresse de celui-ci qui a certifié ‘que la livraison du bien et/ou la fourniture de la prestation de service ci-dessus désignée a été pleinement effectuée conformément au contrat principal de vente préalablement conclu avec le vendeur ou prestataire de service ; que cette livraison ou fourniture est intervenue le 11 juillet 2017″.
M. [P] a ainsi déclaré à la banque que la prestation contractuelle de la SARL NJCE avait été intégralement réalisée.
La SA BNP Paribas Personal Finance n’avait pas d’autre vérification à effectuer et n’avait pas à se préoccuper du raccordement effectif de l’installation au réseau public de distribution de l’électricité qui, en tout état de cause, a été effectué peu de temps après.
Elle ne peut être tenue pour responsable de la faute commise par la SARL NJCE qui, postérieurement à la livraison et l’installation de la centrale et au paiement du prix de vente, n’a pas régularisé les manquements du dossier permettant la signature du contrat de vente de l’électricité entre M. [P] et EDF.
En outre, M. [P] obtient, en vertu du présent arrêt, restitution du prix de vente à la charge de la SAS NJCE.
Il n’existe ainsi aucune faute de la banque ni de préjudice, pour M. [P], en relation avec les fautes qu’il impute à celle-ci.
M. [P] doit, en conséquence, être condamné à restituer le capital emprunté, avec intérêts au taux légal à compter de ce jour, c’est à dire à compter de la résolution du contrat de crédit emportant obligation de cette restitution, ce qui rend sans objet la demande de déchéance du droit aux intérêts contractuels, et sans que la banque, qui n’est pas concernée sur ce point, puisse opposer la nécessité, pour l’appelant de rembourser les éventuels crédits d’impôts obtenus.
Le jugement doit être réformé sur ce point.
Sur demande de la SA BNP Paribas Personal Finance et en application de l’article L. 312-56 du code de la consommation, la SAS NJCE sera condamnée à la garantir du remboursement du capital emprunté.
Enfin, l’équité permet de condamner la SAS NJCE à payer à M. [P] la somme de 3 000 Euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et les demandes formées à ce titre au profit ou à l’encontre d’autres parties seront rejetées.
PAR CES MOTIFS :
– la Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe et en dernier ressort,
– INFIRME le jugement SAUF en ce qu’il a :
– débouté [H] [P] de sa demande de nullité du contrat principal conclu avec la société NJCE exerçant sous l’enseigne “Sibel Energie”,
– débouté [H] [P] de sa demande de nullité du contrat de prêt conclu avec la SA BNP Paribas Personal Finance,
– débouté [H] [P] de sa demande de dommages et intérêts,
– STATUANT A NOUVEAU sur les points infirmés,
– PRONONCE la résolution du bon de commande signé le 21 juin 2017 entre [H] [P] et la SARL NJCE aux torts de cette dernière, ainsi que la résolution subséquente du contrat de crédit affecté conclu le même jour entre [H] [P] et la SA BNP Paribas Personal Finance ;
– CONDAMNE la SAS NJCE à payer à [H] [P] la somme de 35 900 Euros en restitution du prix de vente et dit que cette société peut reprendre, à ses frais, l’ensemble des matériels objets du bon de commande du 21 juin 2017 avec remise en état de la maison de [H] [P] ;
– CONDAMNE [H] [P] à payer à la SA BNP Paribas Personal Finance la somme de 35 900 Euros avec intérêts au taux légal à compter de ce jour, en restitution du capital emprunté et dit que la SAS NJCE doit garantir la SA BNP Paribas Personal Finance du paiement de cette somme ;
– DÉCLARE l’exercice du droit de rétractation de [H] [P] sans effet et sa demande de déchéance du droit aux intérêts contractuels sans objet ;
– CONDAMNE la SAS NJCE à payer à [H] [P] la somme de 3 000 Euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
– DIT n’y avoir lieu à l’application de ce texte à l’encontre ou au profit d’autres parties ;
– CONDAMNE la SAS NJCE aux dépens de 1ère instance et d’appel qui pourront être recouvrés directement par la SCP Lex Alliance pour ceux dont elle a fait l’avance sans avoir reçu provision, conformément à l’article 699 du code de procédure civile.
– Le présent arrêt a été signé par André Beauclair, président, et par Nathalie Cailheton, greffière, à laquelle la minute a été remise.
LA GREFFIÈRE, LE PRÉSIDENT,