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Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 4 – Chambre 9 – A
ARRÊT DU 31 AOÛT 2022
(n° , 2 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/19814 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CA353
Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 juillet 2019 – Tribunal d’Instance de PARIS – RG n° 11-18-218253
APPELANTE
La société [R] [N] et [F] [H], Huissiers de justice associés, société civile professionnelle prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
N° SIRET : 383 020 732 00020
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Fabien BODIN de la SELARL Ideo société d’avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : T10
INTIMÉE
La société LEXISNEXIS SA, société anonyme agissant poursuites et diligences de son directeur général domicilié en cette qualité audit siège
N° SIRET : 552 029 431 00095
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Jean-Didier MEYNARD de la SCP BRODU – CICUREL – MEYNARD – GAUTHIER – MARIE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0240
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 8 juin 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Fabienne TROUILLER, Conseillère, chargée du rapport
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Christophe BACONNIER, Président de chambre
Mme Fabienne TROUILLER, Conseillère
Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère
Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE
ARRÊT :
– CONTRADICTOIRE
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par M. Christophe BACONNIER, Président et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Le 24 septembre 2009, la SCP [R] [N] [F] [H], huissiers de justice Associés (« la SCP d’huissiers ») a souscrit avec la société LexisNexis un abonnement service internet « LexisNexis Jurisclasseur – Huissier de Justice ».
Par courrier du 15 novembre 2015 la SCP d’huissiers s’est vue informée des tarifs 2016 afférents à son abonnement.
Par courrier du 5 janvier 2016, la SCP d’huissiers a fait part à la société LexisNexis de son souhait de résilier son abonnement.
Saisi le 12 avril 2018 par la société LexisNexis d’une demande tendant principalement à la condamnation de la SCP Dominique Margolle Jérôme Barbet au paiement d’une somme de 5 094 euros outre les pénalités au titre de l’abonnement souscrit du 1er janvier au 31 décembre 2016, le tribunal d’instance de Paris, par un jugement contradictoire du 12 juillet 2019, auquel il convient de se reporter, a :
– condamné la SCP [R] [N] [F] [H], à payer à la société LexisNexis la somme de 5 094 euros outre les intérêts au taux légal à compter du 26 juillet 2017,
– débouté la SCP LexisNexis de sa demande au titre de l’indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement et au montant de l’intérêt légal majoré,
– condamné la SCP Margolle et Barbet à payer à la société LexisNexis la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Le tribunal a principalement retenu que la SCP d’huissiers a signé le contrat comportant une mention sur les conditions générales, qu’elle est donc engagée au titre de l’année 2016, son courrier de résiliation étant tardif.
Néanmoins, concernant la demande au titre de l’article L. 411-6 du code de commerce et l’indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement, le tribunal a estimé qu’il n’était pas justifié de conditions générales de vente dûment portées à la connaissance de la SCP d’huissiers, stipulant le taux d’intérêt et le montant de l’indemnité forfaitaire.
Par une déclaration en date du 23 octobre 2019, la SCP Dominique Margolle Jérôme Barbet a relevé appel de cette décision.
Aux termes de conclusions remises le 15 mai 2020, l’appelante demande à la cour :
– d’infirmer le jugement sauf en ce que la société LexisNexis a été déboutée de sa demande au titre de l’indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement et au montant de l’intérêt légal majoré,
– de débouter la société LexisNexis de l’intégralité de ses prétentions,
– de condamner la société LexisNexis à lui verser la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
L’appelante soutient que les conditions de résiliation de l’abonnement ont été intégrées dans l’offre d’abonnement adressée au consommateur par télécopie, dans un encart en bas de page, entre l’information légale du droit d’accès et à la rectification et les mentions légales relatives à la société LexisNexis, de plus, la mention apparaît dans une police inférieure au corps 8 (2,82 millimètres) recommandée par la commission des clauses abusives, afin d’éviter que le cocontractant ne la remarque. Elle affirme ainsi que la clause de résiliation est illisible et donc doit être réputée non écrite.
L’appelante rappelle qu’elle a procédé à la résiliation de l’abonnement par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 5 janvier 2016, ainsi elle ne saurait être débitrice de l’abonnement dû au titre de l’année 2016.
L’appelante soutient que la société LexisNexis ne lui a fait signer aucun contrat, ni remis les conditions générales de vente au moment de la souscription de l’abonnement inclus dans un document publicitaire transmis par télécopie par la société LexisNexis.
Elle affirme que sa signature au bas et à droite de l’offre d’abonnement qui lui a été soumise par télécopie, ne formalise son accord que pour la souscription de l’offre et non pour les conditions de résiliation. Elle rappelle que l’offre d’abonnement ne comporte pas les conditions générales de vente. La clause étant abusive, l’appelante est légitime à résilier son abonnement à tout moment.
L’appelante soutient au visa des articles 1116 et 1304 anciens du code civil, que la mention relative à la résiliation apparaît en caractères d’une police d’à peine un millimètre et est parfaitement illisible, qu’il s’agit d’une man’uvre délibérée dans le but de dissimuler les conditions restrictives de résiliation du contrat d’abonnement et obtenir une souscription à son abonnement de façon déloyale. Elle soutient que le contrat d’abonnement est nul.
Par des conclusions remises le 17 avril 2020, la société LexisNexis demande à la cour :
– de rejeter toute prétention de l’appelante, non reprise dans le dispositif de ses premières conclusions,
– de débouter la SCP Dominique Margolle Jérôme Barbet de l’ensemble de ses demandes, fins, moyens et prétentions,
– de confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la SCP Dominique Margolle Jérôme Barbet,
– d’infirmer le jugement en ce qu’il l’a déboutée de ses demandes d’indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement et de pénalités de retard, conformément aux dispositions de l’article L.441-6 du code de commerce,
– de condamner la SCP Dominique Margolle Jérôme Barbet à lui payer des pénalités de retard au taux de 3 fois le taux d’intérêt légal à compter de la date d’exigibilité de la facture et sur son montant jusqu’à parfait paiement, conformément aux dispositions de l’article L. 441-10 du code de commerce,
– de condamner la SCP Dominique Margolle Jérôme Barbet à lui payer la somme de 40 euros à titre de l’indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement,
– de confirmer le jugement rendu par le tribunal d’instance de Paris pour le surplus,
– de condamner la SCP Dominique Margolle Jérôme Barbet à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.
L’intimée soutient que l’appelante a souscrit l’abonnement au bénéfice de son activité professionnelle, ainsi les dispositions du code de la consommation ne lui sont pas applicables, puisqu’elle ne peut être qualifiée de consommateur ou de non professionnelle, elle ne peut donc se prévaloir de l’article L. 133-2 du code de la consommation afin de voir qualifier d’abusive la clause relative aux conditions de résiliation de l’abonnement.
De plus l’intimée soutient que la SCP d’huissiers, a eu connaissance des conditions de résiliation de l’abonnement litigieux puisqu’elles figurent expressément sur l’offre qu’elle a acceptée le 24 septembre 2009. L’intimée rappelle que les conditions générales de vente et d’abonnement figurent au dos de l’ensemble des factures émises par la concluante.
Elle affirme enfin que la SCP d’huissiers n’apporte pas la preuve de l’existence de dol ni de man’uvres frauduleuses l’ayant conduite à souscrire l’abonnement litigieux ni qu’en l’absence de telles man’uvres elle n’aurait pas contracté.
Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 19 avril 2022 et l’affaire a été appelée à l’audience le 8 juin 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Il y a lieu au préalable de rappeler qu’aux termes de l’article 954 al.2 du code de procédure civile, les prétentions sont récapitulées sous forme de dispositif et que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif. En l’espèce, comme le relève à juste titre l’intimée, la SCP d’huissiers n’a pas mentionné dans son dispositif sa demande de nullité du contrat d’abonnement pour dol, qui ne saurait être qualifiée de moyen nouveau pour faire échec aux prétentions de l’intimée. Il n’y a donc pas lieu de statuer sur cette demande.
Aux termes de l’article 564 du code de procédure civile, à peine d’irrecevabilité soulevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter des prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait. En l’espèce, si l’appelante soulève à hauteur d’appel de nouveaux moyens, elle ne formule aucune prétention nouvelle et continue de réclamer le débouté des demandes adverses. Elle n’encourt donc aucune irrecevabilité.
Sur l’opposabilité des conditions de résiliation de l’abonnement à l’appelante
Il est constant que les parties étaient liées par un contrat d’abonnement Service internet « LexisNexis Jurisclasseur – Huissier de Justice ».
L’appelante soutient qu’elle doit être considérée comme une non-professionnelle, que la clause de résiliation est abusive et que les conditions générales de vente lui sont inopposables puisqu’elle ne les a jamais acceptées.
En premier lieu il convient de souligner que l’appelante ne peut invoquer l’application de l’article L. 221-3 du code de la consommation issu de la loi Hamon du 13 juin 2014, inapplicable à la date du contrat.
Il convient par conséquent de rechercher s’il existe un rapport direct entre la souscription du contrat et l’activité professionnelle de la personne morale.
En l’espèce, bien qu’elle s’en défende, il ne peut être contesté que la SCP d’huissiers a bien signé le contrat d’abonnement à des fins entrant dans le cadre de son activité professionnelle d’huissier puisque l’objet même du contrat portait sur l’accès au JurisClasseur Huissier de justice et que la souscription de l’abonnement litigieux devait profiter à son activité professionnelle.
L’appelante ne peut par conséquent invoquer l’application des dispositions du code de la consommation et notamment de l’article L. 133-2 dans sa version applicable au contrat, imposant la présentation et la rédaction des clauses contractuelles de façon claire et compréhensible.
L’appelante soutient également, au visa de l’article 1134 du code civil, que les conditions générales de vente n’ont jamais été portées à sa connaissance ni acceptées et qu’elles ne lui sont donc pas opposables.
En l’espèce, la société LexisNexis produit le contrat dénommé offre spéciale signé par la SCP d’huissiers le 24 septembre 2009. Ce contrat ne fait aucune allusion aux conditions générales de vente, au demeurant absentes du contrat.
Il ressort de l’examen, à l’aide d’une loupe, de cette offre spéciale, qu’une mention « Conformément à la législation, vous disposez d’un droit d’accès et de rectification pour toute information vous concernant. Sauf avis contraire de votre part, nos abonnements se renouvellent chaque année par tacite reconduction sauf avis contraire de votre part avant le 1er décembre » apparaît en bas de page au-dessous de l’encart comportant la signature et un cachet de l’Étude.
La société LexisNexis indique que la taille des caractères apparaît plus petite puisqu’il s’agit de la copie d’un fax et que l’original de l’offre, non produite, est rédigé avec une taille plus importante.
Force est de constater que la société LexisNexis ne justifie pas avoir soumis à la signature de l’appelante les clauses contractuelles du contrat d’abonnement et ne justifie pas avoir remis les conditions générales de vente au moment de la souscription de l’abonnement inclus dans un document publicitaire transmis par télécopie.
Comme l’a relevé à juste titre le premier juge, les conditions générales de vente ne sont opposables au cocontractant que si elles ont été portées à sa connaissance et qu’il les a acceptées.
S’il n’est pas contestable que la seule clause contractuelle dont il est rapporté la preuve qu’elle a été portée à la connaissance de la SCP d’huissiers concerne les conditions de résiliation avant le 1er décembre, il est manifeste que le manque total de lisibilité de cette clause partiellement recouverte d’un cachet, rédigée en caractère de un millimètre et intégrée dans un paragraphe comportant l’information du droit d’accès et les mentions légales afférentes à la SA LexisNexis, ne permet pas d’en déduire que la SCP d’huissiers a été mise en mesure d’en prendre connaissance et de l’accepter.
De surcroît, le libellé de la clause « Sauf avis contraire de votre part, » suivi de la mention « sauf avis contraire de votre part avant le 1er décembre » recèle une contradiction et engendre une confusion dont il est impossible de vérifier si les conditions générales apportaient une clarification. Rien n’établit donc l’acception des conditions de résiliation.
La société LexisNexis soutient que ces conditions générales sont disponibles au verso de chaque facture mais, curieusement, ne les produit toujours pas. La cour ne peut donc en vérifier le contenu. À cet égard, la société LexisNexis ne saurait, non sans une certaine mauvaise foi, se retrancher derrière la prétendue disponibilité des conditions générales de vente sur le site internet, qui ne peut être assimilée à une remise et à une acceptation.
De surcroît, la cour constate que le courrier d’information sur les conditions tarifaires 2016 est daté du 15 novembre, ce qui ne laissait que quinze jours à la SCP d’huissiers pour apprécier l’opportunité de poursuivre ou de résilier le contrat. La cour constate que les conditions de résiliation ne sont pas rappelées sur ledit courrier, ce qui caractérise un manque de loyauté, pourtant indispensable à la relation contractuelle.
Au final, la cour retient que la société LexisNexis ne rapporte pas la preuve de la remise et de l’acceptation des conditions générales et notamment des conditions d’application de la clause de tacite reconduction et de la clause de résiliation du contrat qui n’est par conséquent pas opposable à la SCP d’huissiers.
Dès lors, la SCP d’huissiers a pu légitimement, par courrier recommandé avec accusé réception du 5 janvier 2016, se prévaloir pour l’année 2016 de la résiliation unilatérale du contrat à exécution successive à durée indéterminée.
Partant, le jugement est infirmé en toutes ses dispositions et la société LexisNexis est déboutée de sa demande au titre de la facture 116021340 et de ses demandes subséquentes.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Infirme le jugement en toutes ses dispositions ;
Statuant de nouveau et y ajoutant,
Déboute la société LexisNexis de toutes ses demandes ;
Condamne la société LexisNexis aux entiers dépens de première instance et d’appel ;
Condamne la société LexisNexis payer à SCP Dominique Margolle Jérôme Barbet, huissiers de justice Associés la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La greffièreLe président