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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 21/00905 – N° Portalis DBVH-V-B7F-H66R
EB/LR
CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION DE DEPARTAGE D’AVIGNON
12 février 2021
RG :18/00416
[X]
C/
S.A.R.L. ACC
Grosse délivrée le 23 MAI 2023 à :
– Me MOURET
– Me PERICCHI
COUR D’APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
5ème chambre sociale PH
ARRÊT DU 30 MAI 2023
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation de départage d’AVIGNON en date du 12 Février 2021, N°18/00416
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Madame Leila REMILI, Conseillère, a entendu les plaidoiries, en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président
M. Michel SORIANO, Conseiller
Madame Leila REMILI, Conseillère
GREFFIER :
Monsieur Julian LAUNAY-BESTOSO, Greffier lors des débats et Madame Emmanuelle BERGERAS, Greffière lors du prononcé de la décision.
DÉBATS :
A l’audience publique du 02 Mars 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 23 Mai 2023 prorogé à ce jour
Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.
APPELANT :
Monsieur [W] [X]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représenté par Me Philippe MOURET, avocat au barreau d’AVIGNON
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Partielle numéro 2021/003958 du 21/04/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Nîmes)
INTIMÉE :
S.A.R.L. ACC
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée par Me Philippe PERICCHI de la SELARL AVOUEPERICCHI, avocat au barreau de NIMES
Représentée par Me Cyril KUJAWA, avocat au barreau de MARSEILLE
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 30 Mai 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour.
FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS
M. [W] [X] a été engagé par la société ACC, qui exploite une activité de vente au détail de vêtements sous l’enseigne « Le Blé en herbe », initialement suivant contrat de travail à durée déterminée saisonnier à temps complet du 10 avril 2015 au 31 octobre 2015, puis à compter du 7 décembre 2015 suivant contrat de travail à durée indéterminée, en qualité de vendeur, employé, échelon B de la convention collective N°3065 ‘ habillement, maisons à succursale de vente au détail ‘.
À compter du 11 octobre 2016, M. [X] a fait l’objet de plusieurs arrêts de travail successifs jusqu’à la date du 26 mars 2017.
Il a été placé de nouveau en arrêt de travail pour la période du 31 mai au 15 septembre 2017.
Les parties ont régularisé un formulaire de rupture conventionnelle ainsi que la convention correspondante le 27 juillet 2017, pour une date envisagée de rupture le 5 septembre 2017.
La rupture a fait l’objet d’une homologation par courrier de la Direccte du 28 août 2017 après avoir été refusée une première fois.
Soutenant que l’employeur avait manqué à ses obligations contractuelles, et estimant ne pas avoir été rempli de ses droits, le 13 août 2018, M. [X] a saisi le conseil de prud’hommes d’Avignon afin de solliciter la nullité de la rupture conventionnelle, ainsi que la condamnation de la société ACC à lui verser diverses sommes.
Par jugement de départage du 12 février 2021, le conseil de prud’hommes d’Avignon a :
– débouté M. [W] [X] de l’ensemble de ses demandes,
– jugé que l’employeur devra procéder en tant que de besoin à la rectification des documents de sortie : certificat de travail (erreur sur la date d’embauche) et attestation destinée à Pôle Emploi (erreur sur la date d’embauche),
– condamné M. [W] [X] aux entiers dépens qui seront recouvrés comme en matière d’aide juridictionnelle,
– rejeté les demandes plus amples ou contraires.
Par acte du 4 mars 2021, M. [W] [X] a régulièrement interjeté appel de cette décision.
Aux termes de ses dernières conclusions du 6 février 2023, M. [W] [X] demande à la cour de :
– infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes d’Avignon, audience de départage, du 12 février 2021, en toutes ses dispositions.
Statuant à nouveau,
– lui reconnaître le statut cadre responsable régional
– condamner la SARL ACC, prise en la personne de son représentant légal en exercice, d’avoir à lui régler à titre de :
* rappels de salaires pour le statut cadre responsable régional, brut : 46 590 euros,
* congés payés afférents : 4659 euros
– condamner la SARL ACC, prise en la personne de son représentant légal en exercice, d’avoir à lui régler à titre de :
* frais kilométriques : 18 906,53 euros
* indemnités repas : 676,29 euros
* remboursement de frais d’autoroute : 1834,20 euros
* rappels de salaires travail du dimanche, brut : 8656,98 euros
* congés payés afférents, brut : 865,69 euros
* heures supplémentaires : 40 912,83 euros
* congés payés sur heures supplémentaires : 4091,28 euros
* dommages et intérêts pour travail dissimulé : 15 414 euros
* dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de santé et de sécurité : 20 000 euros
– annuler la rupture conventionnelle,
– en conséquence, dire et juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– condamner la SARL ACC, prise en la personne de son représentant légal en exercice, d’avoir à lui régler à titre de :
* dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 25 000 euros
* indemnité compensatrice de préavis : 7 707 euros
* congés payés sur préavis : 770 euros
– dire et juger que ces sommes produiront intérêts à compter de la demande en justice
– ordonner la capitalisation des intérêts
– débouter la SARL ACC de toutes ses demandes, fins et conclusions.
– condamner la SARL ACC, prise en la personne de son représentant légal en exercice, d’avoir à lui régler une somme de 3000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour frais irrépétibles en cause d’appel,
– la condamner en tous les dépens.
L’appelant soutient que :
-il relève bien, au regard de la réalité des fonctions qu’il exerçait (gestion des magasins et du personnel) du statut de responsable régional, statut cadre, contrairement à ce qu’a retenu le conseil et a droit aux rappels de salaires afférents
-les frais kilométriques et de repas ne lui ont pas été payés, l’employeur n’en justifiant pas et lui ayant uniquement remboursé les frais d’essence
-il demande des rappels de salaires pour le travail de 87 dimanches, l’employeur ne contestant pas mais précisant que sur cette période le total des dimanches et jours fériés ne dépasse pas 64
-sur les heures supplémentaires : il verse au débat les éléments permettant d’établir la réalité des heures supplémentaires effectuées et non payées
-il s’agit de travail dissimulé, en raison d’un système organisé pour éviter de payer les heures supplémentaires mais également du paiement de certains frais par virement sur le compte bancaire mais qui n’apparaissent pas sur les bulletins de paie
-les éléments médicaux permettent de justifier le manquement à l’obligation de sécurité de résultat, en raison d’une surcharge de travail
-sur la nullité de la rupture conventionnelle : son consentement a été vicié dans la mesure où son statut n’a pas été reconnu, il effectuait de nombreuses heures supplémentaires non rémunérées et il s’est épuisé au travail, son calvaire l’ayant amené à une tentative de suicide, la rupture ayant été signée alors qu’il était en arrêt maladie et qu’il n’était pas en possession de tous ses moyens
-l’annulation de la rupture conventionnelle a les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
En l’état de ses dernières écritures du 15 février 2023, la SARL ACC demande à la cour de :
– confirmer le jugement du 12 février 2021 (RG F18/00416) en toutes ses dispositions,
En conséquence,
– débouter M. [W] [X] de sa demande relative à la remise en cause de la rupture conventionnelle de son contrat de travail à raison d’un prétendu vice du consentement ;
– débouter en conséquence M. [W] [X] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions relatives à la prétendue requalification de la rupture conventionnelle en licenciement sans cause réelle et sérieuses ;
– débouter M. [W] [X] de l’intégralité de ses demandes relatives à son prétendu statut de cadre ;
– débouter M. [W] [X] de ses demandes relatives à de prétendus frais impayés;
– débouter M. [W] [X] de l’intégralité de ses demandes relatives à l’accomplissement de prétendues heures supplémentaires ;
– débouter M. [W] [X] de l’intégralité de ses demandes relatives à un prétendu travail les jours fériés et les dimanches ;
– débouter M. [W] [X] de sa demande indemnitaire au titre du travail dissimulé;
En tout état de cause,
– débouter M. [W] [X] de toutes ses demandes indemnitaires et de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions en cause d’appel.
– condamner M. [W] [X] au paiement d’une somme de 2400 euros au visa de l’article 700 du code de procédure civile.
L’intimée fait valoir que :
-c’est le salarié qui a sollicité la rupture conventionnelle et rien ne pouvait permettre à l’employeur de connaître la prétendue affection dont il aurait souffert,
-sur le prétendu statut de cadre : ses fonctions n’ont pas excédé celles d’un vendeur polyvalent, M. [X] produit des documents qu’il ne devait pas détenir et il ne justifie nullement des tâches prétendues de gestion dans l’entreprise
-l’ensemble des frais kilométriques et de repas ont été réglés
-elle conteste les demandes au titre des heures supplémentaires et de travail les dimanches et jours fériés, qui ne sont pas étayées et incohérentes
-s’agissant du manquement à l’obligation de sécurité, le prétendu harcèlement n’est nullement justifié.
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures.
Par ordonnance en date du 28 novembre 2022, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 16 février 2023. L’affaire a été fixée à l’audience du 2 mars 2023.
MOTIFS
Sur la demande de reconnaissance du statut de responsable régional, statut cadre et de rappels de salaires afférents
Lorsqu’il est saisi d’une contestation sur la qualification attribuée à un salarié, le juge doit se prononcer au vu des fonctions réellement exercées et doit les comparer à la grille de la convention collective pour vérifier dans quelle catégorie se place l’emploi.
La preuve est à la charge du salarié qui revendique une autre classification que celle qui lui est reconnue par l’employeur.
Suivant le contrat à durée indéterminée conclu le 7 décembre 2015, M. [W] [X] a été embauché en qualité de vendeur catégorie B, soit selon la convention collective applicable la catégorie employé échelon B.
Il prétend qu’en réalité il remplissait les conditions d’application de l’avenant cadre de 1972, catégorie C, niveau 2.
Selon l’avenant Cadres, Annexe I de la convention collective nationale des maisons à succursales de vente au détail d’habillement du 30 juin 1972, la catégorie C (position I ou II) correspond à un poste de « cadre de direction.- cadres commerciaux, techniques ou administratifs sous les ordres directs des cadres supérieurs de la direction générale ayant à diriger ou coordonner les travaux d’un groupe de magasins ou d’un service dont ils ont l’entière responsabilité pour mettre en oeuvre la politique de l’entreprise ».
Le statut cadre niveau 2 est ainsi défini par l’accord du 20 juin 2016 relatif aux classifications professionnelles :
« L’emploi requiert les connaissances acquises lors d’une formation initiale ou continue de niveau bac +3 (ou un titre à finalité professionnelle de niveau équivalent) dans la filière concernée ou une expérience professionnelle confirmée dans l’emploi validé ou non par une VAE ou une certification professionnelle.
L’emploi nécessite la maîtrise de compétences techniques et sociales et la capacité à résoudre des problèmes variés et complexes ayant la plupart du temps des interactions avec d’autres périmètres de la société.
L’emploi comprend une mission d’organisation et de gestion d’unité de travail importante ou de plusieurs unités de travail et/ou une contribution individuelle d’expert. Il nécessite une responsabilité de l’atteinte d’objectifs pour un périmètre large ou exigeant une expérience importante en utilisant ou en sollicitant les moyens adéquats et en élaborant les plans d’action nécessaires.
L’exercice de l’emploi peut avoir des conséquences directes sur la performance de l’activité concernée au sein de l’entreprise.
L’emploi nécessite la prise individuelle de décisions relevant de son périmètre.
Le contrôle s’opère sur les objectifs donnés.
L’emploi nécessité des capacités éprouvées de management et de transmission du savoir-faire ».
– Sur l’expérience requise :
M. [W] [X] fait valoir qu’avant de travailler pour la SARL ACC, il était responsable de chargement dans une société de transport, avec la qualification d’agent de maîtrise et que, par la suite, il a exercé, à son compte, en qualité d’employeur et gérait l’Eurl General Market à [Localité 5] et [Localité 6].
Il ressort cependant du bulletin de salaire de l’entreprise Transports Chabas de janvier 2009 que M. [W] [X] était « responsable chargement », catégorie ouvrier sédentaire. Quant à l’extrait Kbis de l’Eurl General Market, il mentionne simplement que M. [W] [X] a géré un commerce d’alimentation générale entre novembre 2013 et mai 2014.
Il ne justifie donc ni de la formation requise, ni de l’expérience professionnelle confirmée dans l’emploi précédemment décrit.
Ce premier critère n’est donc pas rempli.
– Sur les fonctions réellement exercées
M. [W] [X] explique que si, dans un premier temps, il a été embauché en 2015 en contrat à durée déterminée en qualité de vendeur à [Localité 8], il a, deux mois après, été muté à [Localité 12], où il avait la responsabilité de la gestion de deux magasins ainsi que de quatre salariés, effectuant en outre les plannings et pour un nombre important d’heures. Il indique que si le contrat à durée indéterminée signé le 7 décembre 2015 mentionne des fonctions de vendeur, la réalité était toute autre puisqu’il gérait l’ensemble des magasins du sud de la France (gestion du matériel, notamment achat de mannequins auprès de la société Retif, contrôle de l’état des magasins, annonces, publicités ainsi que les travaux à effectuer). Il ajoute qu’il s’occupait de la comptabilité, de l’ouverture, de la fermeture et des dépôts des recettes des magasins ainsi que du recrutement, de la gestion et la formation du personnel.
S’agissant de l’ouverture et de la fermeture des magasins en début et fin de saison, dont M. [W] [X] prétend qu’il avait la responsabilité, il ressort du courriel du 20 septembre 2016 que s’il pouvait participer à la planification, la liste des boutiques avec les dates de fermeture était établie par Mme [P] [Y], gérante de la société.
Quant aux dépôts des recettes des magasins, ils entrent manifestement dans les missions du vendeur comme mentionnés en détail dans la fiche de poste. S’il ressort des courriels produits que M. [W] [X] dont il n’est pas contestable qu’il était amené à se déplacer dans les magasins, a également été amené à effectuer des relances à ces derniers quant aux dépôts d’argent à faire, il n’est pas justifié, ni non plus à la lecture des courriels émanant du service de comptabilité, que les tâches effectuées nécessitaient la maîtrise de compétences techniques et sociales et la capacité à résoudre des problèmes variés et complexes.
Aucune pièce ne justifie que M. [W] [X] aurait été responsable de l’ensemble des magasins du sud de la France, ce qui ne saurait ressortir de la simple référence aux codes d’immatriculation de ceux-ci pas plus que du courriel du 22 juin 2016 émanant de la gérante, Mme [P] [Y] qui lui indiquait : « Bonjour [W]. En ce moment j’ai beaucoup de contrôles de l’inspection du travail, de l’Urssaf et de la répression des fraudes. Je sais que tu n’as pas eu le temps de distribuer à tout le monde les registres, je te demande de me les ramener (quand tu auras le temps) je m’occuperai de les envoyer. De plus, quand tu vas dans les différents magasins, vérifie si les horaires d’ouverture des magasins sont affichés dans la vitrine, si les étiquettes de prix sont bien visibles que ce soit sur les mannequins ou sur les portants. Verifie aussi les emplois du temps, parce que l’Urssaf vérifie surtout ça et explique aux vendeurs de ne pas avoir peur, je te dirai ce qu’ils doivent dire. Pour les registres, si tu les as dans ta voiture, peux-tu donner la clé à M. [Z], je viens d’apprendre que vous vous voyez demain. »
S’il en ressort certes que M. [W] [X] n’accomplissait pas seulement des fonctions de vendeur et si l’employeur faisait état encore dans le courrier adressé au syndicat Cfdt, le 8 septembre 2017, de l’augmentation de salaire intervenue en début de saison 2016 à titre de promotion pour faire le lien entre les magasins et le siège, s’occuper des problèmes que les vendeurs pouvaient rencontrer, il n’est cependant pas établi que le salarié a exercé des fonctions de direction ou de coordination d’un groupe de magasins ou d’un service dont il aurait eu l’entière responsabilité pour mettre en oeuvre la politique de l’entreprise.
Par ailleurs, le fait que M. [W] [X] soit destinataire d’un courriel concernant les factures de la société Retif ne signifie pas qu’il devait gérer les problèmes avec cette société pas plus que la production du journal des ventes mentionnant son nom, ne signifie qu’il assurait la tenue de celui-ci ou encore les courriels relatifs à des questions de matériel et de stocks, qu’il gérait la répartition du matériel pour l’ensemble des magasins, comme il l’affirme.
Enfin, si, à la lecture des courriels produits et des attestations de M. [M], Mme [V] [U] et Mme [O], M. [W] [X] a bien participé au recrutement de salariés ainsi qu’à l’élaboration de plannings (comme cela ressort du courriel du 27 juillet 2016 émanant de la gérante), a pu expliquer aux nouveaux venus les techniques de vente mises en place par l’employeur, ou encore a pu servir d’intermédiaire entre certains d’entre eux (Mme [H] [A] par exemple) et la gérante, il n’en ressort pas pour autant qu’il aurait eu une quelconque responsabilité de l’atteinte d’objectifs pour un périmètre large. Si l’employeur reconnaissait dans son courrier adressé à la Cfdt, le 8 septembre 2017, que le salarié avait pris l’initiative d’établir des plannings pour les salariés, il n’en ressort pas pour autant que son emploi impliquait la prise individuelle de décisions. M. [W] [X] ne démontre pas non plus des capacités éprouvées de management et de transmission du savoir-faire, sachant qu’il avait peu d’ancienneté dans l’entreprise.
Il convient donc par ces motifs et ceux non contraires du premier juge, de confirmer le jugement en ce qu’il a considéré que M. [W] [X] n’établissait pas que ses fonctions réellement exercées correspondaient au statut revendiqué, l’a débouté de sa demande de reconnaissance du statut de cadre et des rappels de salaire correspondants.
Sur les frais kilométriques et repas non payés
Les frais exposés par le salarié pour les besoins de son activité professionnelle et dans l’intérêt de l’employeur doivent lui être remboursés par ce dernier.
La charge de la preuve pèse sur le salarié.
Or, la cour constate que le premier juge a pu justement considérer, au regard des pièces fournies par M. [W] [X] et de celles produites par l’employeur qui justifie avoir réglé à ce titre une somme de 15 628,98 euros, que le salarié ne justifiait pas avoir exposé des frais de déplacement autres que ceux qui lui avaient déjà été remboursés.
Le jugement déféré sera en conséquence confirmé.
Sur les heures supplémentaires
Aux termes de l’article L. 3171-4 du code du travail, « en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable. »
En cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires.
Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
À défaut d’éléments probants fournis par l’employeur, le juge se détermine au vu des seules pièces fournies par le salarié.
M. [W] [X] verse aux débats devant la présente cour :
-un décompte d’heures supplémentaires pour les années 2015, 2016 et 2017 mentionnant le nombre d’heures effectuées par mois et à l’année, soit 1117 en 2015, 1339 en 2016 et 245,5 en 2017
-des calendriers pour chaque année mentionnant les heures effectuées mois par mois sur chacun des lieux de vente avec l’indication de l’horaire journalier et des jours de repos
-des calendriers mensuels mentionnant les heures effectuées par jour
-les journaux des ventes mentionnant les horaires de chacune des ventes effectuées et le nom des vendeurs.
Si finalement, M. [W] [X] prétend essentiellement avoir travaillé sur l’intégralité des heures d’ouverture des magasins au sein desquels il exerçait (par exemple [Localité 8] de 9h à 20h, [Localité 7] de 9h à 19h, [Localité 12] de 9h à 19h ou 8h à 19h…), soit entre 10 et 12 heures par jour, les éléments qu’il produit sont suffisamment précis pour permettre à l’employeur d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
La SARL ACC fait valoir que :
-compte tenu de la forte amplitude d’ouverture des magasins en période estivale, elle affecte à chacun d’eux plusieurs vendeurs à même de se relayer, au sujet desquels M. [W] [X] expose lui-même de manière contradictoire dans ses écritures qu’il avait à établir des plannings pour permettre le respect du temps de travail
-cette situation résulte à l’évidence des journaux de ventes qui sont produits par l’appelant lui-même
-ainsi, à titre d’exemple :
-pour la période d’avril à mai 2015, M. [W] [X] était à [Localité 8] sous la responsabilité de M. [L] [C] qui venait de le recruter avec Mme [T] : il résulte du journal des ventes qu’aucun des salariés n’a fait d’heures supplémentaires, aucune heure supplémentaire n’ayant été revendiquée auprès de l’employeur
-pour le mois de juin 2015, M. [X] était à [Localité 8] avec une autre vendeuse prénommée [I] : la lecture du journal des ventes ne caractérise l’existence d’aucune heure supplémentaire ou amplitude anormale de travail
-de même, 191 heures supplémentaires sont revendiquées en juillet 2015, période pendant laquelle M. [X] se trouvait à [Localité 12] avec deux autres vendeurs ([WZ] et [RB]) : le journal des ventes contredit là encore sa prétention
-au mois d’août 2015, M. [X] prétend même avoir réalisé 203 heures supplémentaires dans le même contexte à [Localité 12] et avec la même équipe, le journal des ventes contredisant ici également cette prétention extravagante
-pour la période de juillet 2016, pendant laquelle M. [X] travaillait à [Localité 11] et à [Localité 10], et pour laquelle il prétend avoir effectué 172 heures supplémentaires la lecture du journal des ventes permet de constater qu’étaient affectés :
-au magasin de [Localité 11], trois salariés ([EN], [F] [R] et [W] [X]), tandis qu’à aucun moment il ne résulte de l’enregistrement des ventes que M. [X] ait accompli d’heures supplémentaires et commence systématiquement après dix heures avec une pause à l’heure du déjeuner ainsi que le prévoit l’employeur
-au magasin de [Localité 10], deux salariés ([W] [X] et [G] [B]), la présence de M. [X] étant plus que résiduelle, le journal des ventes venant en contradiction totale avec les mentions unilatéralement portées dans ses tableaux d’heures
-il en est de même pour la période d’août 2016, avec trois personnes affectées au magasin de [Localité 9] ([N] [K], [E] [O], et M. [X]), aucune des mentions du journal des ventes n’attestant là encore des prétendues 146 heures supplémentaires revendiquées ; ainsi pour la journée du 28 août pour laquelle M. [X] revendique 10 heures travaillées, il justifie de sa présence de 12h03 à 18h54
-en septembre 2017, M. [X] a fait sa seule demande en matière d’heures supplémentaires qui auraient été effectuées avant son départ en mai 2017, lesquelles lui ont réglées sur son bulletin de salaire du 1er au 14 septembre 2017 (date de sortie de l’entreprise) avant de se lancer dans des demandes extravagantes
-de fait, la lecture de l’ensemble des journaux de ventes communiqués en dernier lieu par M. [X] pour les saisons, 2015, 2016 et 2017 révèle une parfaite incohérence entre les tableaux d’heures supplémentaires unilatéralement établis par lui plusieurs années après l’introduction de la procédure et l’organisation des magasins avec plusieurs vendeurs à même de se relayer ainsi et surtout qu’avec les relevés nominatifs des ventes, aucune heure supplémentaire n’ayant été dans un même temps revendiquée auprès de l’employeur.
Toutefois, le fait que le salarié n’ait pas réclamé le paiement d’heures supplémentaires durant la relation contractuelle ne démontre pas qu’il n’en aurait pas réalisées.
Par ailleurs, si effectivement la lecture des journaux de vente ne permet pas de confirmer la réalité de l’accomplissement quotidien de l’intégralité des heures supplémentaires prétendues et sans aucune pause, il est manifeste que le salarié n’a pas travaillé seulement 39 heures par semaine.
Ainsi, par exemple, la cour relève que le journal des ventes pour la journée du 14 août 2016 à [Localité 10] montre que M. [W] [X] était tout seul et a réalisé des ventes à 10h35, 10h51, 13h13, 14h45, 15h24, 15h51, 16h13, 16h55, 18h02, 18h19, 18h20, 19h28, sachant que le magasin est ouvert sans interruption et que manifestement il a commencé avant 10h35. De même, le 15 août 2016, il était encore tout seul et des ventes sont enregistrées à 10h21, 10h24, 10h30, 11h13, 11h30, 12h08, 13h05, 14h, 14h16, 14h42, 15h, 15h40, 19h48. Il en est de même le 16 août, le journal des ventes mentionnant des opérations à 9h51, 10h36, 10h50, 11h05, 11h21, 11h22, 11h45, 12h23, 12h24, 12h27, 12h35, 14h52, 15h07, 15h37, 15h50, 16h51, 17h09, 17h37, 18h12, 18h40. Il est manifeste que sur ces trois jours le salarié a pu accomplir 10 heures de travail comme il le prétend.
Il en est de même encore pour la journée du 31 mai 2015 pour laquelle M. [W] [X] indique qu’il a effectué à [Localité 8] 11 heures de travail, le journal des ventes montrant qu’il se trouve seul et enregistrant des opérations à 10h15, 10h40, 10h48, 10h53, 11h29, 11h38, 11h44, 13h15, 13h17, 13h57, 14h10, 14h19, 14h22, 14h46, 14h57, 14h58, 15h10, 15h12, 15h19, 15h21, 15h22, 15h23, 15h44, 15h57, 15h59, 16h, 16h02, 16h13, 16h31, 16h38, 16h42, 16h49, 16h59, 17h10, 17h16, 17h17, 17h18, 17h20, 17h41, 17h45, 18h07, 18h13, 19h35, 19h43.
L’employeur pour sa part se contente de contester les éléments produits par le salarié sans ne produire lui-même aucun élément permettant de connaître les horaires de travail de celui-ci ou de ceux qui travaillaient en équipe avec lui.
S’il peut être admis que l’entreprise affecte à ses magasins, toutefois pas systématiquement comme cela vient d’être vu, plusieurs vendeurs à même de se relayer ainsi que cela ressort des plannings produits par M. [W] [X] lui-même (ainsi par exemple pour le 14 septembre 2015 sur [Localité 12], [RB] est présente de 9 heures à 14 heures et [D] de 14 heures à 18 heures), aucun planning n’est produit pour M. [X] lui-même permettant de comprendre son horaire de travail lorsque par exemple il travaille le 8 juillet 2015 avec [WZ] et [RB] mais qu’il commence à faire de ventes à 9h42 puis à différentes heures tout au long de la journée jusqu’à 20h42.
Par ailleurs, la cour peut effectivement constater que, sur certaines périodes, M. [W] [X] a travaillé 7 jours sur 7, sans aucun jour de repos, ainsi en est-il à la lecture des journaux de ventes pour la période du 10 août au 30 septembre 2015, sachant qu’il était seul en magasin et que ce dernier fermait à 22h30 au mois d’août (des ventes étant enregistrées effectivement entre 20 heures et 22 heures).
Enfin, les bulletins de salaire ne mentionnent aucune prise de congés payés pendant la relation contractuelle.
Il convient donc, au regard des éléments produits par M. [W] [X], de faire droit à sa demande de paiement des heures supplémentaires mais à hauteur de :
-1024 heures en 2015
-1156 heures en 2016
– 205,50 heures en 2017
soit, selon les taux correspondants, un total de 36’036,42 euros, outre 3603,64 euros de congés payés afférents.
Le jugement sera en conséquence infirmé.
Sur le travail du dimanche
M. [W] [X] indique solliciter des rappels de salaires pour le travail de 87 dimanches (il ne sollicite en réalité qu’un paiement pour 80 dimanches).
La SARL ACC conteste cette demande et relève qu’il n’y a en réalité que 64 dimanches sur la période de décembre 2015 à mai 2017.
La demande de M. [W] [X] concerne en réalité la période du mois d’avril 2015 à mai 2017.
Au-delà d’une simple référence au calendrier comme le fait l’employeur, il suffit de se référer aux journaux de ventes pour constater que M. [W] [X] a effectivement travaillé le dimanche au cours de la relation contractuelle.
Par ailleurs, certains justificatifs de frais pris en charge par l’employeur démontrent un travail le dimanche (par exemple :13 mars 2016, 27 mars 2016, 19 juin 2016).
Or, aucun bulletin de salaire n’en fait mention alors que la convention collective prévoit en son article 1-4 notamment un doublement de la rémunération en cas de travail dominical.
Il sera donc fait droit à la demande mais à hauteur de :
-En 2015, 32 dimanches X 10 heures, soit 320 heures au taux de 9,61 euros = 3075,20 euros
-En 2016, 41 dimanches X 10 heures, soit 410 heures au taux de 9,67 euros = 3964,70 euros
-En 2017, 7 dimanches X 10 heures, soit 70 heures au taux de 14,6235 euros = 1023,64 euros
soit un total de 8063,54 euros, outre celle de 806,35 euros au titre des congés payés afférents.
Le jugement sera en conséquence infirmé.
Sur l’indemnité pour travail dissimulé
Selon l’article L. 8221-5, 2° du code du travail, est notamment réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur de ‘mentionner sur le bulletin de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre 1er de la troisième partie’.
En application de l’article L.8223-1 du code du travail, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours en commettant les faits prévus à l’article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
Compte tenu de l’importance du nombre des heures supplémentaires réalisées alors que l’amplitude horaire d’ouverture des magasins lorsque le salarié se trouvait seul pour la journée de même que le travail du dimanche impliquent nécessairement la réalisation d’heures supplémentaires que l’employeur ne rémunérait pas, l’élément intentionnel est manifeste.
Il sera fait droit à la demande de dommages et intérêts correspondant à six mois de salaire, soit la somme réclamée de 15 414 euros.
Sur le manquement à l’obligation de sécurité
Aux termes de l’article L. 4121-1 du code du travail, dans sa version en vigueur:
« L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Ces mesures comprennent :
1° Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ;
2° Des actions d’information et de formation ;
3° La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.
L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes. »
L’article L. 4121-2 du même code dispose que :
« L’employeur met en oeuvre les mesures prévues à l’article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :
1° Eviter les risques ;
2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;
3° Combattre les risques à la source ;
4° Adapter le travail à l’homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;
5° Tenir compte de l’état d’évolution de la technique ;
6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n’est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;
7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l’organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l’influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu’ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1, ainsi que ceux liés aux agissements sexistes définis à l’article L. 1142-2-1 ;
8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;
9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs.
Il n’est pas contestable que M. [W] [X] a accompli un nombre très important d’heures supplémentaires, qu’il travaillait également le dimanche, que sur certaines périodes, il n’a bénéficié d’aucun jour de repos.
Le salarié a fait l’objet de plusieurs arrêts de travail pour maladie, du 11 octobre 2016 au 26 mars 2017 puis du 1er juin 2017 au 27 octobre 2017.
L’arrêt de travail du 31 mai 2017 mentionne une « aggravation d’un état anxio dépressif réactionnel sévère après une tentative de reprise du travail ». Il est indiqué également le 30 juin 2017 « forte anxiété réagissant à un conflit au travail avec une évolution vers l’aggravation sur plusieurs mois depuis fin septembre 2016. Insomnies, idées noires, pensées suicidaires. Suivi spécialisé hebdomadaire en cours ».
Le docteur [S] [J] écrivait le 31 mai 2017 au médecin du travail en ces termes « je vous adresse M. [X] [W], âgé de 31 ans, pour avis de la médecine du travail devant une souffrance au travail qui évolue depuis 1 an environ (surcharge de travail, 7 jours sur 7, heures supplémentaires non rémunérées) avec une mise en arrêt de travail en octobre 2016 devant des troubles anxio-dépressifs sévères, puis une aggravation des symptômes lors d’une tentative de reprise du travail le 27/03/2017. Une rupture conventionnelle semble devoir être envisagée. C’est ce que le médecin conseil a conseillé au patient (…) ».
Le médecin du travail répondait le 26 juin 2017 en ces termes :
« Je viens de recevoir en entretien M. [W] [X] en arrêt maladie pour dépression réactionnelle à une souffrance au travail et à des abus de la part de son employeur sur la législation du travail.
Je lui propose :
-de faire dans un premier temps une demande de rupture conventionnelle du contrat de travail par lettre recommandée avec accusé de réception
-de prolonger son arrêt de 1 mois dans l’attente d’une réponse de son employeur d’une part et d’autre part me donner le temps nécessaire à la réalisation d’une étude de son poste et de ses conditions de travail lors d’un entretien avec le chef d’entreprise.
Je le reverrai fin juillet pour réévaluer son dossier.
En l’absence de réponse positive de l’employeur à sa requête, vu l’importance du dossier, je partirai sur une inaptitude au poste ».
La surcharge de travail est établie et, de son côté, l’employeur ne démontre en rien qu’il a pris les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé de son salarié. Au contraire, le dossier révèle que cette surcharge de travail résulte de l’organisation du travail mise en place par lui.
L’employeur a donc manqué à son obligation d’assurer la sécurité et protéger la santé du salarié.
Il convient donc d’infirmer le jugement déféré et il sera fait droit à la demande de dommages et intérêts à hauteur de 5000 euros.
Sur les demandes liées à la rupture du contrat de travail
M. [W] [X] expose que son consentement a été vicié lors de la signature de la rupture conventionnelle.
Il rappelle que son statut n’a pas été reconnu, qu’il effectuait de nombreuses heures supplémentaires, qu’il s’est épuisé au travail, que la rupture a été signée pendant l’arrêt maladie, que son calvaire l’a orienté vers une tentative de suicide, qu’il a été interné au centre hospitalier spécialisé de Montfavet pour syndrome dépressif réactionnel à une souffrance au travail, qu’il n’était pas en possession de tous ses moyens et n’a pas signé librement.
La SARL ACC fait valoir que c’est bien M. [W] [X] qui a réclamé une rupture conventionnelle le 6 juillet 2017, qu’il a ensuite explicitement et spontanément renoncé à être assisté lors de l’entretien, par correspondance du 20 juillet 2017, remise en main propre, ce qui ne reflète pas l’attitude d’une personne craintive à l’égard de son employeur, qu’il était assisté par un représentant de la Cfdt durant la phase de mise en oeuvre de la rupture conventionnelle et en toute hypothèse au plus tard avant la fin de la période de rétractation, de sorte qu’il ne peut soutenir que son consentement aurait été vicié. L’intimée ajoute que les documents médicaux n’ont été établis que sur la seule foi des déclarations de M. [W] [X] et qu’elle n’a jamais été contactée par la médecine du travail.
Conformément à l’article L. 1237-11 du code du travail, l’employeur et le salarié peuvent convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie. Cette rupture conventionnelle, exclusive du licenciement ou de la démission, ne peut être imposée par l’une ou l’autre des parties. Elle résulte d’une convention signée par les parties au contrat. Elle est soumise aux articles L. 1237-11 à L. 1237-15, destinés à garantir la liberté du consentement des parties.
L’article L. 1237-12 du code du travail prévoit que les parties au contrat conviennent du principe de la rupture lors d’un ou plusieurs entretiens au cours desquels le salarié peut se faire assister, soit par une personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise, qu’il s’agisse d’un salarié titulaire d’un mandat syndical ou d’un salarié membre d’une institution représentative du personnel ou tout autre salarié, soit en l’absence d’institution représentative du personnel dans l’entreprise, par un conseiller du salarié choisi sur une liste dressée par l’autorité administrative.
L’article L. 1237-13 alinéa 3 du même code, dispose qu’à compter de la date de la signature de la convention de rupture par les deux parties, chacune d’entre elles dispose d’un délai de quinze jours calendaires pour exercer son droit de rétractation. Ce droit de rétractation est exercé sous forme d’une lettre adressée par tout moyen attestant de sa date de réception par l’autre partie.
La cour relève au préalable que l’appelant ne développe plus d’argumentation relative à un harcèlement moral.
En tout état de cause, les éléments invoqués par le salarié, pris dans leur ensemble, ne permettent pas de présumer l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L. 1152-1 du code du travail.
Il résulte de la convention de rupture que celle-ci a été signée par les parties le 27 juillet 2017, de même que le formulaire Cerfa de demande d’homologation par la Dirrecte, après un entretien qui s’est tenu le même jour, étant relevé que par courrier du 20 juillet 2017, remis en main propre, M. [W] [X] indiquait qu’il se présenterait à l’entretien et avait choisi de ne pas être assisté.
La convention mentionne bien le délai de rétractation de 15 jours et force est de constater également que la lettre du syndicat Cfdt du 3 août 2017, saisi du dossier du salarié, qui formalise les revendications de ce dernier concernant notamment la surcharge de travail, les heures supplémentaires et le travail du dimanche, ne fait état d’aucune difficulté quant à la signature de la rupture conventionnelle.
Il sera rappelé que, sauf en cas de fraude ou de vice du consentement, une rupture conventionnelle peut être valablement conclue au cours d’une période d’arrêt maladie du salarié.
S’il n’est pas contestable que M. [X] était épuisé et que son état de santé était dégradé et entraînera son hospitalisation en centre spécialisé le 19 septembre 2017, il n’est pour autant pas établi qu’il se trouvait, au moment de la signature de l’acte de rupture conventionnelle, dans l’incapacité de donner son consentement ou dans une situation de violence ou de contrainte morale viciant le consentement donné.
Il convient donc, par ces motifs substitués, de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a rejeté les demandes d’annulation de la convention de rupture et par suite concernant le licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Les dépens de première instance et d’appel seront mis à la charge de la SARL ACC.
L’équité commande de faire application de l’article 700 du code de procédure civile et d’accorder la somme de 3000 euros à ce titre.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Par arrêt contradictoire, rendu publiquement en dernier ressort
-Confirme le jugement rendu le 12 février 2021 par le conseil de prud’hommes d’Avignon en ce qu’il a débouté M. [W] [X] de sa demande de reconnaissance du statut cadre responsable régional, au titre des frais de déplacement, au titre de l’annulation de la rupture conventionnelle ainsi que de rectification de documents,
-L’infirme pour le surplus,
-Et statuant à nouveau,
-Condamne la SARL ACC à payer à M. [W] [X] :
– 36’036,42 euros au titre des heures supplémentaires
– 3603,64 euros de congés payés afférents aux heures supplémentaires
– 8063,54 euros de rappel de salaires pour travail du dimanche
– 806,35 euros de congés payés afférents
– 15 414 euros de dommages et intérêts pour travail dissimulé
– 5000 euros de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité
– Rappelle que les intérêts au taux légal courent sur les sommes à caractère salarial à compter de la réception par l’employeur de la convocation à comparaître devant le bureau de conciliation, et à défaut de demande initiale, à compter de la date à laquelle ces sommes ont été réclamées, que s’agissant des créances salariales à venir au moment de la demande, les intérêts moratoires courent à compter de chaque échéance devenue exigible, et qu’ils courent sur les sommes à caractère indemnitaire, à compter du jugement déféré sur le montant de la somme allouée par les premiers juges et à compter du présent arrêt pour le surplus,
-Ordonne la capitalisation des intérêts, laquelle prend effet à la date à laquelle les intérêts sont dus pour la première fois pour une année entière, conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil,
-Rejette le surplus des demandes,
-Condamne la SARL ACC à payer à M. [W] [X] la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
-Condamne la SARL ACC aux dépens de première instance et d’appel.
Arrêt signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, et par Madame Emmanuelle BERGERAS, Greffière.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT