Droit de rétractation : 29 juin 2023 Cour d’appel de Lyon RG n° 19/08766

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Droit de rétractation : 29 juin 2023 Cour d’appel de Lyon RG n° 19/08766
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N° RG 19/08766 – N° Portalis DBVX-V-B7D-MYKE

Décision du Tribunal de Commerce de SAINT ETIENNE du 22 octobre 2019

RG : 2019j924

S.A.S. NGV FINANCE

C/

S.A.S. LOCAM

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE LYON

3ème chambre A

ARRET DU 29 Juin 2023

APPELANTE :

S.A.S. NGV FINANCE immatriculée au RCS de PONTOISE sous le numéro 811 185 388 prise en la personne de son représentant légal,

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, toque : 475, postulant et ayant pour avocat plaidant Me Frédéric HOUSSAIS, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE :

S.A.S. LOCAM au capital de 11 520 000 €, immatriculée au RCS de SAINT-ETIENNE sous le numéro B 310 880 315, agissant poursuites et diligences par dirigeant domicilié ès qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Michel TROMBETTA de la SELARL LEXI, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

* * * * * *

Date de clôture de l’instruction : 19 Décembre 2019

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 10 Mai 2023

Date de mise à disposition : 29 Juin 2023

Audience présidée par Raphaële FAIVRE, magistrate rapporteur, sans opposition des parties dûment avisées, qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Clémence RUILLAT, greffière.

Composition de la Cour lors du délibéré :

– Patricia GONZALEZ, présidente

– Marianne LA-MESTA, conseillère

– Raphaële FAIVRE, vice-présidente placée

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties présentes ou représentées en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Patricia GONZALEZ, présidente, et par Clémence RUILLAT, greffière, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 18 janvier 2018, la SAS NGV Finance a conclu électroniquement avec la SAS Location Automobiles Matériels (ci-après « la société Locam ») un contrat de location portant sur du matériel téléphonique fourni par la SAS Wetel, moyennant le règlement de 63 loyers mensuels de 170 euros HT.

Le même jour, un procès-verbal de livraison et de conformité portant sur « 1 PBX, 2 modems, 1 poste filaire et 2 postes sans-fils » a été signé électroniquement entre les parties.

Par courrier recommandé délivré le 7 juin 2019, la société Locam a mis en demeure la société NGV Finance de lui régler les échéances impayées.

Cette mise en demeure étant demeurée sans effet, par acte d’huissier du 24 juillet 2019, la société Locam a assigné la société NGV Finance devant le tribunal de commerce de Saint-Étienne aux fins d’obtenir la somme principale de 11.760,10 euros.

Par jugement réputé contradictoire du 22 octobre 2019, le tribunal de commerce de Saint-Étienne a :

– condamné la société NGV Finance à payer à la société Locam la somme de 11.760,10 euros, y incluse la clause pénale de 10%, outre intérêts au taux légal à la date de l’assignation,

– condamné la société NGV Finance à payer à la société Locam la somme de 100 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– dit que les dépens seront payés par la société NGV Finance à la société Locam,

– ordonné l’exécution provisoire du jugement nonobstant toutes voies de recours et sans caution.

La société NGV Finance a interjeté appel par acte du 19 décembre 2019.

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 16 mars 2020 fondées sur les articles L.111-1, L.221-1 et suivants et L.242-1 du code de la consommation et les articles 1130 et suivants, 1174 et suivants, 1178, 1352 et suivants et 1366 du code civil, la société NGV Finance demande à la cour de :

– infirmer le jugement déféré,

statuant à nouveau,

– constater que le contrat litigieux du 18 janvier 2018 conclu avec la société Locam méconnaît les dispositions d’ordre public relatives aux contrats conclus hors établissement,

– constater que le contrat litigieux du 18 janvier 2018 conclu avec la société Locam ne répond pas aux conditions requises pour la validité des contrats conclus par voie électronique,

– constater que son consentement a, en tout état de cause, était vicié par les man’uvres dolosives de la société Locam à son égard,

en conséquence,

– prononcer la nullité dudit contrat,

– condamner la société Locam à lui rembourser l’ensemble des sommes indûment perçues de sa part depuis la conclusion du contrat litigieux jusqu’à la date du prononcé du jugement à intervenir,

– condamner la société Locam à l’indemniser du préjudice occasionné par ses man’uvres dolosives à hauteur de 12.260,10 euros,

– condamner la société Locam à lui payer une somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la société Locam aux entiers dépens.

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 16 juillet 2020 fondées sur les articles 1103 et 1231-1 du code civil et l’article L. 221-2 4° du code de la consommation, la société Locam demande à la cour de :

– dire non fondé l’appel de la société NGV Finance,

– la débouter de toutes ses demandes,

– confirmer le jugement entrepris,

– condamner la société NGV Finance à lui régler une nouvelle indemnité de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– la condamner en tous les dépens d’instance et d’appel.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 10 mars 2021, les débats étant fixés au 10 mai 2023.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la nullité du contrat de location financière

Au soutien de sa demande, l’appelante fait valoir que :

-aucun bordereau type de rétractation n’est annexé au contrat qui ne mentionne pas cette faculté de rétractation dans ses conditions générales et particulières et ce en violation de l’article L. 221-9 du code de la consommation qui est applicable aux contrats de location financière, de sorte que celui-ci est entaché de nullité conformément à l’article L.242-1 du code de la consommation,

-la force probante du procès-verbal de livraison n’est pas démontrée, alors d’une part qu’il porte la même date que le contrat et qu’il est impossible que les matériels aient été livrés le même jour que la conclusion du contrat par voie électronique et alors d’autre part que ce procès-verbal ne comporte pas les mêmes mentions du matériel que le contrat de sorte que l’on ne sait pas s’il se rapporte à celui-ci,

-la conclusion du contrat résulte de man’uvres dolosives de la société Locam et de la société Wetel alors qu’elle disposait déjà d’un matériel de téléphonie selon contrat conclu le 18 janvier 2018 et qu’elle était parfaitement satisfaite de cette prestation de sorte qu’il est impossible qu’elle ait voulu de son plein gré et en connaissance de cause conclure le contrat litigieux,

-le dol résulte également de ce que ces dernières ont d’abord proposé le contrat à la SAS NGV Finance puis pour la tromper l’ont proposé à la Sarl GV Finances, de sorte que la société Locam a ainsi, sous un prétexte fallacieux et sans lui adresser préalablement des informations de nature à l’éclairer dans sa décision, lui a forcé la main pour l’amener à conclure le contrat litigieux.

La société Locam soutient quant à elle que les dispositions du code de la consommation invoquées par l’appelante ne s’appliquent pas aux opérations de banque, de sorte qu’elles ne lui sont pas applicables en sa qualité de société de financement soumise au code monétaire et financier.

Elle fait également valoir que :

-la société NVG Finance a expressément reconnu dans le contrat de location financière que celui-ci est en relation directe avec son activité professionnelle, ce qui exclut le bénéfice des dispositions de l’article L221-3 du code de la consommation,

-le fait que le contrat et le procès-verbal de livraison et de conformité soient signés le même jour n’est pas de nature à remettre en cause la validité de l’engagement alors qu’il ne lui appartient pas de vérifier la réalité des prestations offertes par ses partenaires.

Sur ce :

Selon les dispositions de l’article L 221-1 a) du code de la consommation, dans sa version applicable à la date de conclusion du contrat, est considéré comme contrat hors établissement tout contrat conclu entre un professionnel et un consommateur, dans le cadre d’un système organisé de vente ou de prestation de services à distance, dans un lieu qui n’est pas celui où le professionnel exerce son activité en permanence ou de manière habituelle, en la présence physique simultanée des parties y compris à la suite d’une sollicitation ou d’une offre faite par le consommateur.

Ce même texte définit le contrat de fourniture de services comme celui par lequel le professionnel s’engage à fournir un service au consommateur en contrepartie duquel le consommateur en paie ou s’engage à en payer le prix.

L’article L 221-3 étend l’application des dispositions précitées aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l’objet des contrats n’entre pas dans le champ de l’activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq.

L’article L 221-5 prévoit que préalablement à la conclusion d’un contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations qu’il énumère dont celles relatives au droit de rétraction lorsqu’il existe, ainsi qu’un formulaire type de rétractation.

Enfin, en vertu de l’article L 221-8, les mêmes informations doivent être remises dans le cas d’un contrat conclu hors établissement. Un tel contrat, pour lequel un droit de rétractation existe, doit en outre être accompagné du formulaire type de rétractation prévu à l’article L 221-5.

En l’espèce, il est certes exact, comme le souligne la société Locam, que l’article L 221-2 4°) du code de la consommation exclut du champ d’application des dispositions précitées les contrats portant sur les services financiers.

Le code de la consommation n’apporte pas de définition précise de ce qui doit être considéré comme étant un contrat portant sur un service financier.

La directive 2011/83/UE du 25 octobre 2011 relative aux droits des consommateurs, transposée en droit interne par la loi n°2014-344 du 17 mars 2014, indique toutefois dans son article 2 point 12) qu’il faut entendre par «service financier», tout service ayant trait à la banque, au crédit, à l’assurance, aux pensions individuelles, aux investissements ou aux paiements.

Il est constant que le contrat de location longue durée en cause, qui prévoit la mise à disposition de la société NGV Finance d’une solution de téléphonie par la société Wetel en contrepartie du paiement de loyers, n’est pas assimilable à une opération de crédit faute d’option d’achat à son terme et qu’il s’agit d’une location simple de matériel entre un professionnel et une société de financement.

La location simple d’un bien mobilier ne peut être considérée comme un service ayant trait à la banque, au crédit, à l’assurance, aux pensions individuelles, aux investissements ou aux paiements, quand bien même une société de financement a la possibilité d’effectuer ce type d’opération connexe à son activité.

Il convient en outre de relever que la société Locam procède à tort à une assimilation entre les services financiers stricto sensu et les opérations de banque, alors que le code monétaire et financier les différencie en les traitant par des dispositions spécifiques insérées :

– au Titre 1 du Livre III, articles L 311-1 à L 318-5, pour les opérations de banque,

– au Titre IV du Livre III, articles L 341-1 à L 343-6, pour les services financiers.

Or, les locations simples de biens sont définies par l’article L. 311-2 6°) du code monétaire et financier comme des opérations connexes aux opérations de banque.

Il y a dès lors lieu de considérer que l’exclusion de l’article L 221-2 ne vise que les services

financiers au sens des articles L. 341-1 à L. 343-6 du livre III du Titre IV du code monétaire et financier et que le contrat litigieux doit s’analyser en un contrat de fourniture de services relevant de l’article L 221-1 susvisé.

La cour relève également que la société Locam ne conteste ni le fait que le contrat de location financière litigieux a été conclu hors établissement entre deux professionnels, ni la circonstance selon laquelle l’appelante employait moins de 5 salariés lors de la signature de la convention.

Il doit encore être noté que contrairement à ce que prétend la société Locam, la solution de téléphonie, objet du contrat litigieux, même si elle contribue à faciliter l’exécution des tâches administratives de la société NGV Finance, n’entre pas dans le champ de son activité principale dans la mesure où celle-ci, exerçant une activité de courtage en opérations de banque et services de paiement, reste profane en matière de contrats de location longue durée d’une solution de téléphonie. Ce matériel et son mode de financement sont en effet manifestement étrangers aux qualifications professionnelles de la société NGV Finance, dont l’activité consiste à accompagner ses clients pendant toute leur recherche de financement et dans le montage du dossier de prêt.

La mention contractuelle préimprimée du contrat de location financière selon laquelle la société NGV Finance « atteste que le contrat est en rapport direct avec son activité professionnelle et souscrit pour les besoins de cette dernière » ne saurait faire échec à cette analyse puisque le seul critère applicable issu de la loi n°2014-344 du 17 mars 2014 est celui de l’objet du contrat n’entrant pas dans le champ de l’activité principale du professionnel qui impose de se référer à la nature de l’opération financée en considération de l’activité professionnelle du client concerné, et non seulement à l’utilité de l’opération pour l’exercice de ladite activité.

Il sera au demeurant retenu que cette clause dactylographiée ne peut valablement être opposée à la société NGV Finance, dès lors qu’elle conduit à écarter de manière systématique toute application des textes consuméristes, alors que le législateur a précisément entendu renforcer la protection de l’entrepreneur de moins de cinq salariés qui doit pouvoir bénéficier des dispositions protectrices du droit de la consommation lorsqu’il contracte dans un champ de compétence qui n’est pas le sien.

Il découle de l’ensemble de ces observations que le contrat de location financière régularisé le 18 janvier 2018 par la société NGV Finance est soumis aux dispositions des articles L 221-5 et L 221-8 du code de la consommation.

Or, il n’est pas discuté par la société Locam que le contrat ne comporte pas les informations relatives au droit à rétractation (conditions, modalités, délais) et ne comprend pas non plus de formulaire type de rétractation.

Ces dispositions d’ordre public n’ayant pas été respectées, il y a lieu de prononcer la nullité du contrat et en conséquence, par infirmation du jugement entrepris, de débouter la société Locam de toutes ses demandes en paiement fondées sur l’application dudit contrat.

La nullité du contrat, qui emporte son anéantissement rétroactif, a pour effet de replacer les parties dans la situation qui était la leur avant la signature de la convention. Pour autant, la demande de la société NGV Finance de condamnation de la société Locam à lui rembourser l’ensemble des sommes perçues de sa part depuis la conclusion du contrat litigieux jusqu’à la date du prononcé du jugement à intervenir, qui n’est pas chiffrée et qui est donc indéterminée, ne peut en conséquence prospérer.

Sur la demande de dommages et intérêts

Au soutien de sa demande de dommages et intérêts, la société NGV Finance fait valoir que :

-la société Locam a usé de man’uvres dolosives à son encontre pour obtenir sa signature d’un contrat ne respectant aucune des formes requises en vue de sa validité,

-la société Locam, bien qu’ayant eu connaissance des coordonnées de son conseil avant de l’assigner en paiement en date du 24 juillet 2019, ne l’a pas mis en meure de présenter sa défense, préférant agir par surprise,

-la société Locam a agi en violation des dispositions d’ordre public applicables aux contrats conclus hors établissement à son égard.

La société Locam ne conclue pas sur ce point.

Sur ce :

Outre que la méconnaissance des règles d’ordre public tenant au droit de rétractation est sanctionnée par la nullité du contrat, la cour relève que l’appelante, procède par simple affirmation de l’existence d’un préjudice dont elle ne précise pas la nature et dont l’existence n’est étayée par aucune offre de preuve. Enfin, les allégations tenant à l’existence de man’uvres dolosives et à l’irrégularité de son assignation en justice ne sont pas davantage assorties d’offre de preuve, de sorte qu’aucun des manquements ainsi reprochés à la société Locam n’est démontré. Il convient en conséquence de débouter la société NGV Finance de sa demande de dommages et intérêts.

Sur l’article 700 du Code de procédure civile et sur les dépens

La société Locam, partie succombante principalement, doit supporter les dépens de première instance et d’appel comme la totalité des frais irrépétibles exposés et verser à l’appelante une indemnité de procédure ce qui conduit à l’infirmation des condamnations prononcées à ces titres par le tribunal de commerce et aux décisions précisées dans le dispositif. Il convient enfin de débouter la société Locam de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Infirme le jugement en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau et ajoutant,

Prononce la nullité du contrat de location conclu le 18 janvier 2018 avec la société Locam,

Déboute la société NGV Finance de sa demande de condamnation de la société Locam à lui rembourser l’ensemble des sommes indûment perçues depuis la date de conclusion du contrat jusqu’à la date du prononcé de la présente décision,

Déboute la société NGV Finance de sa demande de dommages et intérêts,

Condamne la société Locam à payer à la société NGV Finance la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance et de l’instance d’appel,

Déboute la société Locam de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Condamne la société Locam aux dépens de première instance et d’appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

 


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