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8ème Ch Prud’homale
ARRÊT N°262
N° RG 20/03025 –
N° Portalis DBVL-V-B7E-QXOE
Mme [L] [R]
C/
S.A.S. ALIKY venant aux droits de la S.A.R.L. CONTRE VENTS
Infirmation partielle
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Stéphanie LARCHE
Me Marc DUMONT
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 26 JUIN 2023
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Rémy LE DONGE L’HENORET, Président de chambre,
Monsieur Philippe BELLOIR, Conseiller,
Madame Gaëlle DEJOIE, Conseillère,
GREFFIER :
Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l’audience publique du 23 Mars 2023
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 26 Juin 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats
****
APPELANTE :
Madame [L] [R]
née le 09 Novembre 1970 à [Localité 4] (93)
demeurant [Adresse 1]
[Localité 3]
Comparante à l’audience et représentée par Me Stéphanie LARCHE, Avocat au Barreau de VANNES
(bénéficiaire d’une aide juridictionnelle totale numéro 2020/005705 du 15/07/2020 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de RENNES)
INTIMÉE :
La S.A.S. ALIKY venant aux droits de la S.A.R.L. CONTRE VENTS prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège social :
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 2]
Représentée par Me Marc DUMONT de la SELARL GUITARD & ASSOCIES, Avocat au Barreau de VANNES
Mme [L] [R] a été embauchée le 2 novembre 2005 par la SARL CONTRE VENTS aux droits de laquelle vient la SAS ALIKI dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée à temps partiel à hauteur de 21 heures par semaine en qualité de vendeuse coefficient 3 de la Convention collective nationale du commerce de l’habillement et du textile .
Au terme d’un avenant du 31 octobre 2012, Mme [L] [R] a été promue responsable de la boutique IKKS Junior, coefficient 8 avec une durée de travail portée à 151h67 par mois.
Le 13 mai 2015, Mme [L] [R] a fait l’objet d’un avertissement qu’elle a contesté par courrier du 19 mai 2015.
Par avenant du 1er mars 2016, le temps de travail de Mme [L] [R] a été annualisé à 1.607 heures par an dans le cadre d’une modulation du temps de travail.
Le 22 juin 2016, Mme [R] a déposé une main courante mettant en cause son employeur et faisant état de ‘coups et blessures’.
Mme [L] [R] a été placée en arrêt de travail du 24 juin au 9 juillet 2016 ainsi que le 29 juillet 2016.
Le 30 novembre 2016, la société CONTRE VENTS a adressé à Mme [R] deux avertissements qu’elle n’a pas contestés.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 8 décembre 2016 adressée à son employeur, Mme [R] a dénoncé le harcèlement dont elle estime avoir été victime, tout en informant par courrier le médecin du travail et la CPAM des mêmes faits.
Le 6 décembre 2016, Mme [R] a fait l’objet d’une convocation à un entretien préalable fixé au 16 décembre 2016 au cours duquel elle était assistée et à l’issue duquel elle a signé une rupture conventionnelle de son contrat de travail.
Après deux refus, la convention de rupture a été validée et a été homologuée par la DIRECCTE, avec effet au 8 février 2017.
Le 17 octobre 2017 (première requête) et le 31 janvier 2018 (seconde requête), Mme [R] a saisi le Conseil de prud’hommes de Vannes aux fins de voir :
‘ Dire et juger que Mme [R] a été victime de harcèlement moral,
‘ Condamner la société CONTRE VENTS à lui verser la somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi,
‘ Dire et juger qu’elle n’a pas été rémunérée selon le minimum prévu par la convention collective applicable dans l’entreprise en qualité de responsable de magasin,
‘ Condamner la société CONTRE VENTS à lui verser :
– 14.502,83 € à titre de rappel de salaire pour la période du 8 février 2014 au 8 février 2017,
– 1.450,28 € au titre des congés payés sur le rappel de salaire,
‘ Dire et juger que la rupture conventionnelle intervenue le 16 décembre 2016 est nulle et non avenue, son consentement ayant été vicié du fait du harcèlement moral dont elle a été victime,
‘ Condamner la société CONTRE VENTS à lui verser les sommes suivantes :
– 4.528 € brut au titre du préavis,
– 436,80 € brut au titre des congés payés sur préavis,
– 27.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 226,40 € à titre de rappel de salaire pour les 3 jours de formation,
– 200 € à titre de dommages et intérêts du fait du retard de paiement du salaire de novembre 2016,
– 2.500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– Condamner la même aux entiers dépens.
La cour est saisie de l’appel régulièrement formé le 6 juillet 2020 par Mme [R] contre le jugement du 16 décembre 2019, par lequel le Conseil de prud’hommes de Vannes a :
‘ Ordonné la jonction des deux instances présentées par Mme [R] à l’encontre de la société CONTRE VENTS, enregistrées au Répertoire Général sous les numéros 17/00151 et 18/00010,
‘ Débouté Mme [R] de l’ensemble de ses demandes,
‘ Débouté la société CONTRE VENTS de sa demande en application de l’article 700 du code de procédure civile,
‘ Condamné Mme [R] aux éventuels dépens de l’instance.
Vu les écritures notifiées par voie électronique le 7 mars 2023, suivant lesquelles Mme [R] demande à la cour de :
‘ Confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a ordonné la jonction des deux instances présentées par Mme [R] à l’encontre de la société CONTRE VENTS, enregistrées au Répertoire Général sous les numéros 17/00151 et 18/00010,
‘ Réformer le jugement pour le surplus,
‘ Juger que Mme [R] a été victime de harcèlement moral,
‘ Condamner la société CONTRE VENTS à lui verser les sommes suivantes :
– 5.000 € à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi,
– 5.000 € à titre de dommages et intérêts pour non-respect de l’obligation de sécurité et de prévention de l’employeur,
‘ Juger que Mme [R] n’a pas été rémunérée selon le minimum prévu par la convention collective applicable dans l’entreprise en qualité de responsable de magasin,
‘ Condamner la société CONTRE VENTS à lui verser les sommes suivantes :
– 14.502,83 € brut à titre de rappel de salaire pour la période du 8 février 2014 au 10 février 2017,
– 1.450,28 € au titre des congés payés sur le rappel de salaire,
‘ Juger que la rupture conventionnelle intervenue le 16 décembre 2016 est nulle et non avenue, le consentement de Mme [R] ayant été vicié du fait du harcèlement moral dont elle a été victime,
‘ Condamner la société CONTRE VENTS à verser à Mme [R] les sommes suivantes :
– 4.528 € brut au titre du préavis,
– 436,80 € brut au titre des congés payés sur préavis,
– 27.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 226,40 € brut à titre de rappel de salaire pour les 3 jours de formation,
– 200 € à titre de dommages et intérêts du fait du retard de paiement du salaire de novembre 2016,
– 4.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
‘ Condamner la même aux entiers dépens.
Vu les écritures notifiées par voie électronique le 3 mars 2023, suivant lesquelles CONTRE VENTS demande à la cour de :
‘ Confirmer le jugement rendu par le Conseil de prud’hommes de Vannes en ce qu’il a débouté Mme [R] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
‘ Condamner Mme [R] à verser à la société CONTRE VENTS la somme de 4.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
‘ Condamner la même aux dépens.
La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 9 mars 2023.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties la cour, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions notifiées via le RPVA.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Il convient de rappeler à titre liminaire que par application de l’article 954, alinéa 3 du code de procédure civile, la cour ne statuera que sur les prétentions énoncées au dispositif des écritures des parties en cause d’appel, ce que ne sont pas au sens de ces dispositions des demandes visant seulement à ‘dire’ ou ‘constater’ un principe de droit ou une situation de fait, voire ‘juger’ quand ce verbe, utilisé comme synonyme des deux premiers, n’a pour effet que d’insérer dans le dispositif des écritures, des éléments qui en réalité constituent un rappel des moyens développés dans le corps de la discussion.
Sur la demande de confirmation de la jonction :
Il doit être souligné que la jonction évoquée par les parties a été prononcée par les premiers juges, que par conséquent la cour n’a été saisie que d’un appel contre une seule décision, de sorte que la demande formulée à ce titre est dénuée d’objet. Il y a lieu par conséquent de débouter les parties de la demande formulée à ce titre.
Sur l’exécution du contrat de travail :
– Quant au harcèlement moral :
Pour infirmation et bien fondé de ses prétentions à ce titre, Mme [R] soutient qu’elle a été victime de harcèlement moral tant de la part de M. [Y] que de son épouse, arguant essentiellement du fait que dès le départ M. [Y] avait à son égard un comportement ‘très lunatique’, que les gérants étaient constamment sur son dos, qu’elle a fait l’objet d’avertissements injustifiés et de reproches concernant la baisse du chiffre d’affaires, qu’elle a fait l’objet d’une mise au placard, de changements de planning sans respect du délai de prévenance dont attestent plusieurs anciennes salariées, de modification de dates de congé à son insu, de crispation et tension dès qu’ont été évoqués des problèmes de santé, mais surtout d’un comportement violent de M. [Y] à son encontre le 21 juin 2016.
Mme [L] [R] conteste les attestations que l’employeur lui oppose, soit qu’elles émanent de salariés qui n’indiquent pas leur lien de subordination, soit d’anciennes salariées avec lesquelles elle n’a pas travaillé ou auxquelles elle a succédé, en particulier concernant le caractère qui lui est attribué, ou tout simplement qui n’étaient pas présentes au moment des faits dont elles témoignent, en contradiction avec sa promotion au poste de responsable du magasin.
La société CONTRE VENTS rétorque que M. [Y] n’a pas usé de violence à l’égard de Mme [R] le 21 juin 2016, que le certificat médical produit ne fait état d’aucun signe clinique de coups et blessures, que le médecin du travail n’a pas relevé l’existence d’une situation de harcèlement, que Mme [R] n’a pas contesté les avertissements qui lui ont été adressés, que les attestations produites par la salariée émanent d’une employée dont le contrat à durée déterminée n’a pas été reconduit et d’une apprentie placée sous l’autorité hiérarchique de Mme [R].
Aux termes de l’article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Selon l’article L.1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral et pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.
En application des articles L1152-1 et L1154-1 du code du travail, pour se prononcer sur l’existence d’un harcèlement moral, il appartient au juge d’examiner l’ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d’apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L.1152-1 du code du travail.
Dans l’affirmative, il revient au juge d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Sous réserve d’exercer son office dans les conditions qui précèdent, le juge apprécie souverainement si le salarié établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement et si l’employeur prouve que les agissements invoqués sont étrangers à tout harcèlement.
En application de l’article L.1152-3 du code du travail, un licenciement intervenu dans ce contexte est nul.
A l’appui de ses prétentions, Mme [R] produit au débat les attestations de Mme [N] et de Mme [I], présentes au moment des faits du 21 juin 2016 dont elle fait état et les attestations d’anciennes salariées relatant les circonstances dans lesquelles elles avaient dû quitter la société en raison du comportement de leur employeur, mais également les échanges électroniques avec Mme [Y] épouse du gérant, mettant en cause son investissement professionnel, au regard d’absences liées à l’état de santé de son fils ou remettant en cause le bien fondé d’arrêts de travail, outre les certificats médicaux établis à la suite des faits du 21 juin 2016 ou contemporains de la rupture conventionnelle, concernant un syndrome anxio-dépressif.
Mme [L] [R] met également en cause le comportement de M. [Y] à son égard, lui imputant la baisse du chiffre d’affaires du magasin pourtant corrélé à une baisse de sa fréquentation, le comportement particulier des époux [Y] lors de l’entretien préalable à son égard.
Ceci étant, ces faits tels que ci-dessus rappelés et rapportés par la salariée, y compris les avertissements qu’elle n’a pas contestés, même pris dans leur ensemble y compris en les articulant en lien avec ceux du 21 juin 2016 et nonobstant les attestations opposées à la salariée par la société CONTRE VENTS, ne permettent pas de présumer l’existence d’un harcèlement moral à son encontre mais tout au plus une exécution déloyale de son contrat de travail par l’employeur, au titre de laquelle il n’est formulé aucune demande.
Il y a lieu par conséquent de confirmer le jugement entrepris de ce chef et de débouter Mme [L] [R] de la demande indemnitaire formulée à ce titre.
– Quant au non respect de l’obligation de sécurité et de prévention de l’employeur :
Mme [R] soutient que la société CONTRE VENTS a manqué à son obligation de sécurité de résultat et sollicite la condamnation de la société à lui verser la somme de 5.000 € aux motifs que l’employeur n’a rien fait pour mettre en place des actions de prévention pour lutter contre le harcèlement moral et qu’au contraire, Mme et M. [Y] sont responsables tant par le harcèlement moral que par l’ambiance délétère au sein de la boutique.
La société CONTRE VENTS indique que cette demande fait double emploi avec la demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral et qu’elle est injustifiée au motif que Mme [R] ne démontre pas avoir été victime de harcèlement moral au sein de l’entreprise.
L’article L.1152-4 du même code oblige l’employeur à prendre toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral ;
L’article 26 de la Charte sociale européenne dispose que :
« En vue d’assurer l’exercice effectif du droit de tous les travailleurs à la protection de leur dignité au travail, les Parties s’engagent, en consultation avec les organisations d’employeurs et de travailleurs :
[…]
2. à promouvoir la sensibilisation, l’information et la prévention en matière d’actes condamnables ou explicitement hostiles et offensifs de façon répétée contre tout salarié sur le lieu de travail ou en relation avec le travail, et à prendre toute mesure appropriée pour protéger les travailleurs contre de tels comportements ».
Il suit de ces dispositions que l’employeur est tenu envers ses salariés d’une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l’entreprise, notamment de harcèlement moral ; l’absence de faute de sa part ou le comportement fautif d’un autre salarié de l’entreprise ne peuvent l’exonérer de sa responsabilité à ce titre ; les méthodes de gestion mises en oeuvre par un supérieur hiérarchique ne peuvent caractériser un harcèlement moral que si elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d’entraîner une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
En l’espèce, sans que soit caractérisé un harcèlement moral de Mme [L] [R] au sens des dispositions des articles L.1152-1 et L.1152-2 du code du travail, il n’en demeure pas moins que les employeurs n’ont non seulement pas mis en place de mesures destinées à prévenir toute forme de harcèlement mais ont adopté à l’égard de leurs salariés et de Mme [L] [R] en particulier un comportement délétère concernant notamment le non respect du délai de prévenance des changements de plannings, ou l’expression de récriminations à l’encontre de Mme [L] [R] devant les salariés placés sous son autorité, allant jusqu’à la bousculer pour la contraindre à se déplacer dans la réserve, antinomique avec leur obligation de prévention du harcèlement moral, peu important que celui-ci n’ait pas été retenu dans le cadre de la présente instance.
Il y a lieu en conséquence d’infirmer le jugement entrepris de ce chef et d’évaluer le préjudice subi par Mme [L] [R] à ce titre, à la somme de 3.500 € net.
– Quant au retard de salaire :
Mme [R] sollicite le versement d’une somme de 200 € à titre de dommages et intérêts en raison du retard de paiement de son salaire au motif qu’elle n’a perçu son salaire de novembre 2016 que le 9 décembre 2016 et que ce retard lui cause ‘nécessairement un préjudice’.
La société CONTRE VENTS explique que le délai d’un mois n’a rien de déraisonnable et qu’il ne justifie pas une indemnisation à hauteur de 200 €.
Selon l’article 1315 devenu 1353 du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.
En cas de retard dans le versement du salaire, l’employeur n’est tenu que de verser des intérêts moratoires, sauf justification d’un préjudice distinct de celui résultant du retard dans le versement du salaire et de mauvaise foi de l’employeur, indemnisable sur le fondement de l’article 1231-6 du Code Civil.
En l’espèce, il est établi que le salaire du mois de novembre 2016 n’a été versé à la salariée que le 9 décembre 2016 alors qu’il avait été versé à bonne date aux autres salariées, cependant la salariée n’explicite pas en quoi consiste le préjudice qu’elle qualifie de certain, dont elle demande réparation, sans toutefois solliciter le versement des intérêts moratoires qui pourraient lui être dus, de sorte que nonobstant l’éventuelle mauvaise foi de la SARL CONTRE VENTS, il ne peut être fait droit à la demande formulée à ce titre, le jugement entrepris étant confirmé de ce chef.
– Quant au rappel de salaire en raison de la reclassification :
Mme [R] sollicite un rappel de salaire pour la période du 8 février 2014 au 8 février 2017 au titre de sa reclassification à la catégorie B au lieu de la catégorie A1 chef de magasin qui lui était appliquée dès lors qu’elle était responsable de magasin et qu’elle assurait la bonne marche commerciale du magasin, suivait l’état des stocks et en informait quotidiennement le franchiseur IKKS.
La société CONTRE VENTS soutient que Mme [R] ne relève pas de la catégorie B aux motifs qu’elle n’était pas chargée de gérer les achats, qu’elle n’effectuait aucun achat de stock ni aucune gestion au niveau de l’assortiment.
En droit, il appartient au salarié qui se prévaut d’une classification conventionnelle différente de celle dont il bénéficie au titre de son contrat de travail, de démontrer qu’il assure de façon permanente, dans le cadre de ses fonctions, des tâches et responsabilités relevant de la classification qu’il revendique.
En application de la convention collective le coefficient A1 correspondant aux fonctions de chef de magasin correspond aux missions suivantes :
– Assurer de manière permanente la gestion courante du magasin.
– Animer, coordonner et contrôler une équipe de vendeuses.
– Continuer à effectuer des ventes.
– Dynamiser les ventes de son équipe.
– Appliquer et faire appliquer les consignes et décisions de la Direction relatives notamment aux procédures de vente et à la politique commerciale ou aux règles d’implantation du produit dans le magasin et en vitrine, aux réassorts, au suivi de l’état de stocks.
Le chef de magasin doit par ailleurs être apte à régler toutes les difficultés pouvant se présenter à l’occasion des ventes en fonction des directives reçues.
Le responsable de magasin ou de rayon relevant de la catégorie B assure, outre la gestion courante du magasin ou du rayon, la bonne marche commerciale du magasin, suit l’état des stocks et procède au réapprovisionnement et à l’achat des nouveaux articles.
En l’espèce, l’avenant au contrat de travail de Mme [L] [R] du 31 octobre 2012 précise que son nouveau statut est ‘responsable de la boutique Ikks Junior au coefficient 8 pour un taux horaire de 11,50 € avec les fonctions suivantes : management de l’équipe de vente, merchandising, tenue de la caisse, gestion du stock et toutes autres missions qui lui seront précisées au fur et à mesure des besoins et il n’est rapporté aucun élément ayant remis en cause cette fonction et ses attributions avant le terme de la période probatoire au 30 avril 2012 mais sans référence au coefficient applicable.
L’employeur produit un avenant au contrat de travail de Mme [L] [R] du 4 août 2013 indiquant qu’à compter du 1er juin 2013, elle sera chef de magasin, coefficient A1 que la salariée ne remet pas en cause, tout en indiquant ne pas se souvenir l’avoir signé, que ses attributions n’avaient pas pour autant été modifiées, étant relevé que l’avenant du 1er mars 2016 soumettant le temps de travail de Mme [L] [R] au régime de la modulation, fait référence à la modification de l’avenant du 1er décembre 2012 et sans la moindre référence à sa classification.
Ceci étant, les parties s’accordent pour considérer que la distinction entre la classification de chef de magasin et celle de responsable de magasin tient au réapprovisionnement et à l’achat des nouveaux articles. Il doit être observé que la salariée reconnaît page 54 de ses conclusions, non sans contradiction avec des développements précédents que le réassort est automatique grâce au logiciel utilisé par IKKS Retails et ne soutient pas qu’elle procède aux achats, précisant que ce ne pouvait être le cas dans ce dispositif de franchise.
Dans ces conditions et dès lors que le suivi des stocks et par conséquent la remontée d’information ou l’expression de besoins en direction du franchiseur, ne peut constituer un critère permettant de distinguer la classification de chef de magasin de celle de responsable de magasin, Mme [L] [R] échoue à démontrer qu’elle occupait effectivement des fonctions de responsable de magasin au sens des dispositions conventionnelles, la circonstance qu’elle n’ait pas le souvenir d’avoir signé l’avenant établissant sa classification en cette qualité, étant indifférente.
Il y a lieu en conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté la salariée de la demande de rappel de salaire formulée à ce titre.
Sur les congés payés des trois jours de séminaire :
Mme [R] fonde sa demande de condamnation de la société CONTRE VENTS à lui verser un rappel de salaire correspondant aux trois jours de congés payés décomptés au mois d’octobre 2014 sur sa participation à trois jours de séminaire imposés par la société CONTRE VENTS du 7 au 9 octobre 2014 qui doivent être assimilés à du temps de travail, peu importe qu’il ne soit pas obligatoire.
La société CONTRE VENTS indique que les salariés étaient libres de participer au séminaire à condition de poser trois jours de congés au motif qu’il s’agissait d’un déplacement dans un ‘cadre festif’.
Selon l’article 1315 devenu 1353 du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.
Aux termes de l’article L. 3121-1 du code du travail dans sa version applicable en l’espèce, ‘La durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles.’
La notion de travail effectif suppose donc la réunion de trois conditions, la possibilité ou non, pour le salarié de vaquer à des obligations personnelles, sans être à la disposition permanente et immédiate de l’employeur permettant la distinction entre ces deux temps. Le degré de sujétion auquel est soumis le salarié est à ce titre significatif.
L’article 2, point 1 de la directive 2003/88 définit la notion de ‘temps de travail’ comme ‘toute période durant laquelle le travailleur est au travail, à la disposition de l’employeur, et dans l’exercice de son activité ou de ses fonctions, conformément aux législations et/ou pratiques nationales.’, tandis qu’il est mentionné au point 2 de ce même article que la notion de ‘période de repos’ s’entend de toute période qui n’est pas du temps de travail.
En l’espèce, il est établi que la salariée a participé à un séminaire professionnel organisé par son employeur pendant trois jours en octobre 2014, comportant des moments festifs et il n’est pas discuté que la participation à ce séminaire n’était pas obligatoire.
Cependant cette circonstance ne suffit pas à considérer qu’au sens des dispositions ci-dessus rappelées, la participation même volontaire à une telle opération, corresponde à du temps pendant lequel le salarié pouvait librement vaquer à ses occupations dès lors qu’il y participait, ainsi que le démontre l’organisation d’une réunion plénière dans ce cadre le 8 octobre 2014, le fait que ledit séminaire comporte des moments festifs étant à cet égard dénué de portée.
Dans ces conditions, l’employeur ne pouvait déduire trois journées de congés sur le bulletin de salaire de Mme [L] [R].
Il y a lieu d’infirmer le jugement entrepris de ce chef et de condamner la SARL CONTRE VENTS à verser à Mme [L] [R] la somme de 226,40 € à ce titre.
Sur la rupture du contrat de travail :
Sur la nullité de la rupture conventionnelle :
Mme [R] soutient que la rupture conventionnelle est nulle et non avenue aux motifs qu’elle a été victime de harcèlement moral et que son consentement a été vicié puisqu’il n’était ni libre, ni éclairé. Elle verse aux débats le compte rendu l’entretien préalable et une attestation de Mme [S].
La société CONTRE VENTS rétorque que Mme [R] n’a pas été victime de harcèlement moral et que le consentement de la salariée n’a pas été vicié dès lors qu’elle a signé la rupture conventionnelle après s’être entretenue avec Mme [S], conseiller du salarié. Par ailleurs, la société rappelle que Mme [R] a réitéré son consentement, la première procédure ayant été invalidée et que la salariée a attendu plus de 10 mois avant de saisir le Conseil de prud’hommes de Vannes.
Aux termes de l’article L.1237-11 du code du travail :
‘L’employeur et le salarié peuvent convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie.
La rupture conventionnelle, exclusive du licenciement ou de la démission, ne peut être imposée par l’une ou l’autre des parties.
Elle résulte d’une convention signée par les parties au contrat. Elle est soumise aux dispositions de la présente section destinées à garantir la liberté du consentement des parties.’
Aux termes de l’article L.1237-12 :
‘Les parties au contrat conviennent du principe d’une rupture conventionnelle lors d’un ou plusieurs entretiens au cours desquels le salarié peut se faire assister :
1° Soit par une personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise, qu’il s’agisse d’un salarié titulaire d’un mandat syndical ou d’un salarié membre d’une institution représentative du personnel ou tout autre salarié ;
2° Soit, en l’absence d’institution représentative du personnel dans l’entreprise, par un conseiller du salarié choisi sur une liste dressée par l’autorité administrative.
Lors du ou des entretiens, l’employeur a la faculté de se faire assister quand le salarié en fait lui-même usage. Le salarié en informe l’employeur auparavant ; si l’employeur souhaite également se faire assister, il en informe à son tour le salarié.
L’employeur peut se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise ou, dans les entreprises de moins de cinquante salariés, par une personne appartenant à son organisation syndicale d’employeurs ou par un autre employeur relevant de la même branche.’
Aux termes de l’article L.1237-13 :
‘La convention de rupture définit les conditions de celle-ci, notamment le montant de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle qui ne peut pas être inférieur à celui de l’indemnité prévue à l’article L. 1234-9.
Elle fixe la date de rupture du contrat de travail, qui ne peut intervenir avant le lendemain du jour de l’homologation.
A compter de la date de sa signature par les deux parties, chacune d’entre elles dispose d’un délai de quinze jours calendaires pour exercer son droit de rétractation. Ce droit est exercé sous la forme d’une lettre adressée par tout moyen attestant de sa date de réception par l’autre partie.’
Aux termes de l’article L.1237-14 :
‘A l’issue du délai de rétractation, la partie la plus diligente adresse une demande d’homologation à l’autorité administrative, avec un exemplaire de la convention de rupture. Un arrêté du ministre chargé du travail fixe le modèle de cette demande.
L’autorité administrative dispose d’un délai d’instruction de quinze jours ouvrables, à compter de la réception de la demande, pour s’assurer du respect des conditions prévues à la présente section et de la liberté de consentement des parties. A défaut de notification dans ce délai, l’homologation est réputée acquise et l’autorité administrative est dessaisie.
La validité de la convention est subordonnée à son homologation.
L’homologation ne peut faire l’objet d’un litige distinct de celui relatif à la convention. Tout litige concernant la convention, l’homologation ou le refus d’homologation relève de la compétence du conseil des prud’hommes, à l’exclusion de tout autre recours contentieux ou administratif. Le recours juridictionnel doit être formé, à peine d’irrecevabilité, avant l’expiration d’un délai de douze mois à compter de la date d’homologation de la convention.’
D’autre part, l’article 1109 du code civil, en sa rédaction applicable à la date de signature de la convention de rupture du contrat de travail de la salariée, dispose que :
‘Il n’y a point de consentement valable si le consentement n’a été donné que par erreur ou s’il a été extorqué par violence ou surpris par dol.’
En l’espèce, la chronologie des faits est bien établie au vu des pièces et écritures respectives des parties.
Il est constant que la procédure de convocation de Mme [L] [R] à l’entretien préalable a été respectée, qu’elle a été assisté au cours de l’entretien par Mme [S] Conseiller du salarié, que l’homologation de la rupture conventionnelle a été refusée à deux reprises par la DIRECCTE, que la salariée a été conduite à réitérer son consentement avant son homologation par la DIRECCTE, avec effet au 8 février 2017.
Il ressort certes du compte rendu de l’entretien préalable établi par Mme [S], ainsi que de son attestation également produite aux débats, qu’au cours de l’entretien conduit par les époux [Y], qu’elle qualifie de houleux, Mme [Y] demeurant debout, après avoir lu le courrier du médecin du travail préconisant de recourir à une rupture conventionnelle du contrat de Mme [L] [R], a énoncé les raisons dont divers reproches, motivant leur souhait de ne pas poursuivre la relation contractuelle, en particulier son indisponibilité, que les employeurs ne laissant pas la possibilité à la salariée de s’exprimer, Mme [S] a sollicité une suspension de séance au cours de laquelle elle a conseillé à la salariée d’accepter la rupture conventionnelle, à charge pour elle de la contester ultérieurement si elle n’était pas satisfaite des propositions qui lui étaient faites.
Nonobstant les conditions dans lesquelles a pu se dérouler ledit entretien préalable et le fait que les employeurs soient effectivement les initiateurs de la procédure de rupture conventionnelle, outre le fait que le harcèlement moral invoqué n’a pas été retenu, il ne peut être soutenu par la salariée que son consentement aurait été viciée, l’incitation par le Conseiller du salarié à l’accepter sous la réserve précitée, nonobstant le caractère houleux de l’entretien, n’étant pas de nature à caractériser un tel vice.
Il y a lieu en conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté la salariée des demandes formulées à ce titre.
Sur l’article 700 du Code de procédure civile :
Les éléments de la cause et la situation économique respective des parties justifient qu’il soit fait application de l’article 700 du code de procédure civile dans la mesure énoncée au dispositif ; la société intimée qui succombe partiellement en appel, doit être déboutée de la demande formulée à ce titre et condamnée à indemniser l’appelante des frais irrépétibles qu’elle a pu exposer pour assurer sa défense en cause d’appel.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Statuant en dernier ressort et par arrêt contradictoire mis à la disposition des parties au greffe,
INFIRME partiellement le jugement entrepris,
et statuant à nouveau,
CONDAMNE la SAS ALIKI venant aux droits de la SARL CONTRE VENTS à payer à Mme [L] [R] :
– 3.500 € net à titre de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité,
– 226,40 € brut à titre de rappel de salaire sur congés payés,
– 1.500 € net sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,
RAPPELLE que les sommes de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation, les autres sommes, à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter de la décision qui les alloue ;
DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes,
CONFIRME le jugement entrepris pour le surplus,
CONDAMNE la SAS ALIKI venant aux droits de la SARL CONTRE VENTS aux dépens d’appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.