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République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE DOUAI
TROISIEME CHAMBRE
ARRÊT DU 25/05/2023
****
N° de MINUTE : 23/183
N° RG 21/05854 – N° Portalis DBVT-V-B7F-T62K
Jugement (N° 18/09779) rendu le 07 Septembre 2021 par le Tribunal Judiciaire de Lille
APPELANTS
Monsieur [S] [U]
né le [Date naissance 7] 1973 à [Localité 24]
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 12]
Madame [E] [Z] épouse [U]
née le [Date naissance 4] 1945 à [Localité 17]
de nationalité Française
[Adresse 8]
[Localité 11]
Monsieur [T] [U]
né le [Date naissance 5] 1946 à [Localité 17]
de nationalité Française
[Adresse 8]
[Localité 11]
Madame [D] [C]
née le [Date naissance 9] 1973 à [Localité 20] (Belgique) (89300)
de nationalité Française
[Adresse 23]
[Adresse 23]
[Localité 12]
Madame [G] [U]
née le [Date naissance 1] 2006 à [Localité 24]
de nationalité Française
[Adresse 23]
[Adresse 23]
[Localité 12]
Représentés par Me Nicolas Pelletier, avocat au barreau de Lille, avocat constitué
INTIMÉES
S.A. ACM IARD
[Adresse 10]
[Localité 14]
Représentée par Me Daniel Zimmermann, avocat au barreau de Lille, avocat constitué
Agent Judiciaire de l’Etat
[Adresse 13]
[Localité 16]
Représentée par Me Dimitri Deregnaucourt, avocat au barreau de Lille, avocat constitué
SA Neeria
[Adresse 22]
[Localité 6]
Défaillante, à qui la déclaration d’appel a été signifiée le 31 janvier 2022 à personne habilitée
Mutuelle Generale de Police
[Adresse 2]
[Localité 15]
Défaillante, à qui la déclaration d’appel a été signifiée le 31 janvier 2022 à l’étude
DÉBATS à l’audience publique du 09 Mars 2023, tenue par Claire Bertin magistrat chargé d’instruire le dossier qui, après rapport oral de l’affaire, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS :Fabienne Dufossé
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Guillaume Salomon, président de chambre
Claire Bertin, conseiller
Yasmina Belkaid, conseiller
ARRÊT RENDU PAR DEFAUT prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 25 mai 2023 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Guillaume Salomon, président et Fabienne Dufossé, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 27 février 2023
****
EXPOSE DU LITIGE
1. Les faits et la procédure antérieure :
M. [S] [U], fonctionnaire de police en service, a été victime d’un accident de la circulation impliquant un véhicule assuré par la société d’assurances du Crédit mutuel nord iard (le Crédit mutuel) survenu le 16 septembre 2014.
Une expertise amiable a été organisée par l’assureur et Mme [K] a constaté dans son rapport du 13 avril 2015 que la consolidation n’était pas acquise.
M. [S] [U] a sollicité et obtenu l’organisation d’une expertise médicale judiciaire, par ordonnance du 6 septembre 2016 du juge des référés du tribunal de grande instance de Lille. Cette décision lui a également alloué une provision d’un montant de 25 000 euros à valoir sur la réparation définitive des conséquences de l’accident.
L’expert judiciaire, M. [B], a achevé son rapport le 29 juin 2017.
Par actes d’huissier des 29, 30 novembre et 7 décembre 2018, M. [S] [U], sa mère, Mme [E] [Z] épouse [U], son père, M. [T] [U], son ex-compagne, Mme [D] [C], et sa fille mineure [G] [U], représentée par Mme [D] [C] et M. [S] [U], ont fait assigner le Crédit mutuel, l’agent judiciaire de l’État, la société DS services devenue Neeria, et la Mutuelle générale de la police (MGP – Almerys) devant le tribunal de grande instance de Lille afin de faire liquider leurs préjudices.
Par ordonnance du 30 août 2019, le juge de la mise en état a notamment condamné le Crédit mutuel à verser à M. [S] [U] une provision complémentaire de 30 000 euros à valoir sur la liquidation future de son préjudice.
2. Le jugement dont appel :
Par jugement rendu le 7 septembre 2021, le tribunal judiciaire de Lille a notamment :
condamné le Crédit mutuel à payer à M. [S] [U] les sommes suivantes en réparation du préjudice subi à la suite de l’accident survenu le 16 septembre 2014 :
a. 350 euros au titre des dépenses de santé restées à charge ;
b. 520 euros au titre des frais divers ;
c. 5 024,57 euros au titre de l’assistance par tierce personne temporaire ;
d. 9 563,84 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire ;
e. 25 000 euros au titre des souffrances endurées ;
f. 4 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire ;
g. 3 000 euros au titre au préjudice d’agrément ;
h. 4 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent ;
dit que l’incidence professionnelle évaluée à 15 000 euros et le déficit fonctionnel permanent évalué à 18 000 euros sont entièrement absorbés après imputation de la créance de l’agent judiciaire de l’État au titre de l’allocation d’invalidité ;
condamné le Crédit mutuel à payer à M. [S] [U] les intérêts au double du taux légal sur la somme de 31 220,98 euros du 14 mai 2015 au 21 septembre 2017 ;
dit que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produiront intérêt avec pour point de départ le 29 novembre 2018 ;
dit que le paiement de ces sommes interviendra sous déduction des provisions déjà versées à hauteur de 55 000 euros ;
rejeté le surplus des demandes indemnitaires de M. [S] [U] ;
condamné le Crédit mutuel à payer à l’agent judiciaire de l’État les sommes de :
i. 103 830,78 euros au titre des dépenses de santé antérieures à la consolidation ;
j. 81 850,72 euros au titre des rémunérations ;
k. 65 493 euros au titre des charges patronales ;
l. 272,62 euros au titre des dépenses de santé postérieures à la consolidation ;
m. 47 941,01 euros au titre de l’allocation temporaire d’invalidité ;
n. 4 100 euros au titre du préjudice matériel ;
dit que le paiement des sommes précitées interviendra sous déduction des provisions déjà versées à hauteur de 253 310,74 euros ;
dit que le solde de 50 177,39 euros produira intérêt au taux légal à compter de ce jour et dit que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produiront intérêt ;
rejeté le surplus des demandes indemnitaires de l’agent judiciaire de l’État ;
condamné le Crédit mutuel à payer au titre de leur préjudice d’affection à :
– Mme [E] [Z] épouse [U] la somme de 3 500 euros ;
– M. [T] [U] la somme de 3 500 euros ;
– Mme [D] [C] la somme de 3 500 euros ;
– [G] [U] représentée par ses parents M. [S] [U] et Mme [D] [C] la somme de 3 500 euros ;
rejeté le surplus des demandes indemnitaires des consorts [U]-[C] ;
dit que ces sommes produiront intérêt au taux légal à compter du jugement et dit que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produiront intérêt ;
rejeté la demande d’imputation prioritaire des paiements sur les intérêts ;
condamné le Crédit mutuel à supporter les dépens de la présente partie de l’instance au fond ;
condamné le Crédit mutuel à payer, au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la présente partie de l’instance au fond à :
– M. [S] [U] la somme de 3 000 euros ;
– l’agent judiciaire de l’État la somme de 1 000 euros ;
dit n’y avoir lieu à aucune autre condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
précisé que le tribunal ne modifiait pas la condamnation aux dépens et aux frais de l’instance en référé ayant donné lieu à l’ordonnance RG n°16-00762 du 6 septembre 2016 ;
précisé que le tribunal ne modifiait pas la condamnation aux dépens et aux frais de l’incident ayant donné lieu à l’ordonnance du 30 août 2019 ;
ordonné l’exécution provisoire de toutes les dispositions ci-dessus ;
avant dire droit, ordonné une expertise médicale judiciaire, et désigné M. [O] [B] pour y procéder, notamment afin de décrire l’évolution de l’état de santé de la victime depuis la précédente expertise et se prononcer sur l’aggravation invoquée, et d’indiquer si l’état présent de la victime justifiait une modification des précédentes conclusions d’expertise sur un ou plusieurs chefs de préjudice retenus ou écartés ;
dit que l’instance se poursuivra à la diligence des parties par la notification de conclusions en ouverture du rapport.
3. La déclaration d’appel :
Par déclaration du 20 novembre 2021, les consorts [U]-[C] ont formé appel, dans des conditions de forme et de délai non contestées, de ce jugement en limitant la contestation du jugement critiqué aux chefs du dispositif numérotés de 1 à 20 ci-dessus.
4. Les prétentions et moyens des parties :
Aux termes de leurs conclusions n°3 notifiées le 9 décembre 2022, les consorts [U]-[C] demandent à la cour, au visa de la loi du 5 juillet 1985, des articles 1343-2, 1231-6, 1231-7 du code civil, L. 211-16, R. 211-40, L. 211-9, L. 211-13 du code des assurances, L. 313-3 du code monétaire et financier, 700 du code de procédure civile, de :
=> confirmer le jugement dont appel notamment en ce qu’il a :
– ordonné, avant dire droit, une expertise médicale judiciaire, et désigné M. [O] [B] pour y procéder, notamment afin de décrire l’évolution de l’état de santé de la victime depuis la précédente expertises et se prononcer sur l’aggravation invoquée, et d’indiquer si l’état présent de la victime justifiait une modification des précédentes conclusions d’expertise sur un ou plusieurs chefs de préjudice retenus ou écartés,
– dit que l’instance se poursuivra à la diligence des parties par la notification de conclusions en ouverture du rapport ;
– condamné le Crédit mutuel à payer au titre de leur préjudice d’affection à :
– Mme [E] [Z] épouse [U] la somme de 3 500 euros ;
– M. [T] [U] la somme de 3 500 euros ;
– Mme [D] [C] la somme de 3 500 euros ;
– [G] [U] représentée par ses parents M. [S] [U] et Mme [D] [C] la somme de 3 500 euros ;
– dit que ces sommes produiront intérêt au taux légal à compter du jugement et dit que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produiront intérêt ;
=> réformer le jugement dont appel en ce qu’il a :
– condamné le Crédit mutuel à payer à M. [S] [U] les sommes suivantes en réparation du préjudice subi à la suite de l’accident survenu le 16 septembre 2014 :
350 euros au titre des dépenses de santé restées à charge ;
520 euros au titre des frais divers ;
5 024,57 euros au titre de l’assistance par tierce personne temporaire ;
9 563,84 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire ;
25 000 euros au titre des souffrances endurées ;
4 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire ;
3 000 euros au titre au préjudice d’agrément ;
4 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent ;
dit que l’incidence professionnelle évaluée à 15 000 euros et le déficit fonctionnel permanent évalué à 18 000 euros sont entièrement absorbés après imputation de la créance de l’agent judiciaire de l’État au titre de l’allocation d’invalidité ;
condamné le Crédit mutuel à payer à M. [S] [U] les intérêts au double du taux légal sur la somme de 31 220,98 euros du 14 mai 2015 au 21 septembre 2017 ;
dit que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produiront intérêt avec pour point de départ le 29 novembre 2018 ;
dit que le paiement de ces sommes interviendra sous déduction des provisions déjà versées à hauteur de 55 000 euros ;
– rejeté le surplus des demandes indemnitaires de M. [S] [U] ;
– rejeté le surplus de leurs demandes indemnitaires ;
– rejeté la demande d’imputation prioritaire des paiements sur les intérêts ;
– condamné le Crédit mutuel à payer, au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la présente partie de l’instance au fond, la somme de 3 000 euros à M. [S] [U] ;
– dit n’y avoir lieu à aucune autre condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
=> statuant à nouveau,
– condamner le Crédit mutuel à communiquer toutes les notes et rapports concernant le dossier médical de M. [S] [U] tenus par son médecin-conseil, Mme [K], cette condamnation étant assortie d’une astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la signification de l’arrêt ;
– juger que M. [S] [U], M. [T] [U], Mme [E] [Z] épouse [U], Mme [D] [C] sont recevables et bien fondés à agir contre le Crédit mutuel dans le cadre de leur action directe ;
– évaluer comme suit le préjudice subi par M. [S] [U] :
Poste de préjudice
Montant en euros
Quote-part à la charge du responsable
100%
Part revenant à la victime
Solde revenant à la CPAM
Préjudices patrimoniaux
Préjudices patrimoniaux avant consolidation
Dépenses de santé actuelles
110270,19
110270,19
350
109920,19
Frais divers
9098,3
9098,3
9098,3
0
Perte de gains professionnels actuels
0
0
0
0
Total
119368,49
119368,49
9448,3
109920,19
Préjudices patrimoniaux après consolidation
Dépenses de santé futures
mémoire
mémoire
mémoire
0
Perte de gains professionnels futurs
mémoire
mémoire
mémoire
0
Incidence professionnelle
150000
150000
150000
0
Assistance permanente par une tierce personne
38731,84
38731,84
38731,84
0
Total
188731,84
188731,84
188731,84
0
Total des préjudices patrimoniaux
308100,33
308100,33
198180,14
109920,19
Préjudices extra-patrimoniaux
Préjudices extra-patrimoniaux avant consolidation
Déficit fonctionnel temporaire
11116,89
11116,89
11116,89
0
Souffrances endurées
25000
25000
25000
0
Préjudice esthétique temporaire
10000
10000
10000
0
Total
46116,89
46116,89
46116,89
0
Préjudices extra-patrimoniaux après consolidation
Déficit fonctionnel permanent
50000
50000
50000
0
Préjudice d’agrément
10000
10000
10000
0
Préjudice esthétique permanent
20000
20000
20000
0
Préjudice sexuel
10000
10000
10000
0
Total
90000
90000
90000
0
Total des préjudices extra-patrimoniaux
136116,89
136116,89
136116,89
0
Total des préjudices patrimoniaux et extra-patrimoniaux
444217,22
444217,22
334297,03
109920
en tous cas,
– condamner le Crédit mutuel au paiement de la somme 334 297,03 euros au profit de M. [S] [U] ;
– condamner le Crédit mutuel au paiement de la somme de 5 000 euros chacun au bénéfice de M. [T] [U] et Mme [E] [Z] épouse [U] au titre du trouble de leurs conditions d’existence ;
– condamner le Crédit mutuel au paiement de la somme de 5 000 euros au bénéfice de Mme [D] [C] au titre du trouble dans les conditions d’existence ;
– condamner le Crédit mutuel en cas d’exécution forcée à supporter tous les frais d’exécution y compris ceux de l’article A. 444-32 du code du commerce ou à garantir les créanciers du paiement des sommes sollicitées au titre de l’article A. 444-32 du code de commerce ;
– prononcer le doublement des intérêts au taux légal sur la totalité des condamnations, y compris la créance des tiers payeurs, sans déduction des provisions à compter du 16 mai 2015 (date d’expiration du délai de 8 mois à compter de l’accident) jusqu’au paiement effectif des condamnations au bénéfice de M. [S] [U] ou jusqu’à l’arrêt ;
– condamner le Crédit mutuel au paiement des sommes dues au titre du taux d’intérêt légal courant sur toutes les condamnations prononcées au bénéfice de Mme [E] [Z] épouse [U], de M. [T] [U], de Mme [D] [C] à compter de l’accident du 16 septembre 2014, ou à compter de la délivrance de l’assignation du 26 novembre 2018, jusqu’au paiement effectif ou jusqu’au présent arrêt ;
– dire que les intérêts échus pour une année entière seront capitalisés en application de l’article 1343-2 du code civil pour toutes les condamnations à compter de la décision de première instance pour les intérêts légaux, et à compter de l’accident du 16 septembre 2014 ou à compter de la délivrance de l’assignation le 29 novembre 2018 pour les intérêts au double du taux légal ;
– juger que les versements s’imputeront d’abord sur les intérêts ;
– juger que le Crédit mutuel sera condamné à payer les sommes dues au titre de l’article A. 444-32 “du code des assurances”, en cas d’exécution forcée entreprise par les titulaires de la créance indemnitaire ;
– condamner le Crédit mutuel à payer à la somme 15 000 euros HT au titre de l’article 700 du code de procédure civile au bénéfice de M. [S] [U], M. [T] [U], Mme [E] [Z] épouse [U], Mme [D] [C] pour la procédure de première instance, et à hauteur de 7 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile au bénéfice de M. [S] [U] pour la procédure d’appel ;
– dire l’arrêt à intervenir opposable à l’agent judiciaire de l’État et à la Mutuelle générale de la police (Almerys).
A l’appui de leurs prétentions, les consorts [U]-[C] font valoir que :
– alors que policier en service, M. [S] [U] circulait au volant d’un véhicule administratif le 16 septembre 2014 sur la voie de gauche de l’autoroute A25, il n’a pu éviter le choc frontal avec un véhicule qui est arrivé en face de lui à contre-sens ;
– [I] [H], conducteur adverse assuré auprès du Crédit mutuel, est décédé dans la collision, tandis que M. [S] [U], blessé dans l’accident, a été désincarcéré et conduit aux urgences du centre hospitalier de [Localité 18], où il lui a été diagnostiqué une fracture-luxation du pilon tibial droit, une fracture du pilon tibial gauche, une fracture de l’aile iliaque droite, une fracture de cinq côtes à gauche, une fracture de quatre métatarsiens à gauche, une contusion splénique avec hématome mésentérique sans fuite active, et un hématome sous-péritonéal droit ;
– hospitalisé du 16 au 26 septembre 2014, il a bénéficié d’une ostéosynthèse à foyer ouvert de la fracture-luxation du pilon tibial droit avec souffrance cutanée antéro-médicale, et d’une ostéosynthèse de la fracture du pilon tibial gauche non déplacée sur antécédent de fracture du pilon tibial ;
– il a été hospitalisé au centre de rééducation fonctionnelle l’Espoir à temps complet du 26 septembre 2014 au 2 février 2015, puis en hôpital de jour du 12 février au 24 avril, 11 au 22 mai, 14 au 30 septembre, et 7 au 23 décembre 2015, et du 5 janvier au 8 février 2016 ;
– le retrait du matériel d’ostéosynthèse des deux membres inférieurs le 27 et 28 août 2015 à la clinique du Croisé Laroche s’est compliqué d’une infection nosocomiale au niveau de la cheville droite qui a nécessité une réintervention pour nécrose sur cicatrice d’ablation de matériel avec hospitalisation du 1er au 13 octobre 2015 ;
– le retentissement psychologique de l’accident a été important puisqu’il a développé un eczéma atopique réactionnel au polytraumatisme ; il a bénéficié d’un suivi psychologique, ainsi que de séances de sophrologie et d’hypnose ;
– l’appel est limité à la quantification du dommage originel, et ne porte pas sur la question de l’aggravation de l’état séquellaire de la victime telle qu’elle résulte du rapport d’expertise en aggravation de l’expert [B] du 21 septembre 2022 ;
– M. [S] [U] produit l’expertise en aggravation dans le seul but d’étayer certains postes du dommage initial ;
– s’agissant de l’augmentation du montant de ses demandes, ses prétentions ne sont pas nouvelles en appel au sens des articles 564 et 565 du code de procédure civile, dès lors qu’elles tendent à la même fin d’indemnisation du préjudice subi, et que les nouveaux chefs de demandes constituent le complément des demandes formulées en première instance ;
– le principe de réparation intégrale du préjudice implique pour le juge de tenir compte de la dépréciation monétaire pour quantifier les dommages corporels ; les postes doivent être revalorisés en fonction de la dépréciation monétaire si cette actualisation est réclamée ;
– le principe de réparation intégrale écarte toute obligation pour la victime de limiter son préjudice dans l’intérêt du responsable.
Aux termes de ses conclusions d’intimé n°3 notifiées le 10 janvier 2023, le Crédit mutuel, intimé et appelant incident, demande à la cour de :
– rejeter l’appel, vu ses limites ;
– confirmer le jugement critiqué en toutes ses dispositions ;
– écarter toute demande nouvelle ou contraire liée à l’aggravation relevant de l’instance en cours devant le tribunal ;
– en conséquence, débouter les appelants de leur demande d’indemnité de procédure d’appel sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– les condamner à lui payer une indemnité de procédure de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– les condamner aux dépens de l’appel.
A l’appui de ses prétentions, le Crédit mutuel fait valoir que :
– M. [S] [U], fonctionnaire de police qui a été maintenu dans ses fonctions après l’accident, ne subit aucun préjudice économique significatif ;
– le jugement attaqué liquide le préjudice corporel de M. [S] [U] tel qu’il a été évalué par l’expert [B] dans son rapport du 29 juin 2017, ordonne une nouvelle expertises sur l’invocation par la victime d’une aggravation postérieure de son état de santé, et suspend l’instance dans l’attente de sa reprise éventuelle par la victime en fonction des conclusions de cette nouvelle expertise ;
– la cour n’est pas saisie des conséquences de l’aggravation sur lesquelles le tribunal n’a pas encore statué ;
– apprécier les préjudices à l’aune du rapport d’expertise en aggravation déposé le 21 septembre 2022 conduit à introduire dans le débat d’appel un élément d’appréciation qui n’appartient qu’au tribunal qui en demeure saisi, et s’analyse à l’évidence comme une demande nouvelle interdite par les dispositions des articles 564 et 565 du code de procédure civile.
L’agent judiciaire de l’État, intimé, a constitué avocat devant la cour le 6 décembre 2021, mais n’a pas conclu en cause d’appel.
Régulièrement intimées en appel, la société Neeria et la Mutuelle générale de la police, intimées, n’ont pas constitué avocat devant la cour.
Pour un plus ample exposé des moyens de chacune des parties, il y a lieu de se référer aux conclusions précitées en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
L’instruction du dossier a été clôturée par ordonnance du 27 février 2023.
Suivant note en délibéré du 10 mars 2023, le conseil des consorts [U]-[C] a précisé qu’à la suite d’un revirement jurisprudentiel opéré par deux arrêts de l’assemblée plénière de la Cour de cassation rendus le 20 janvier 2023, la rente accident du travail n’indemnisait pas le déficit fonctionnel permanent, et ne pouvait donc s’imputer sur ce poste.
MOTIFS DE LA DECISION
A titre liminaire, en application de l’article 954 du code de procédure civile, la cour rappelle, en premier lieu, qu’elle n’est pas tenue de statuer sur les « dire et juger » et les « constater » qui ne sont pas des prétentions en ce qu’ils ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert dès lors qu’ils s’analysent en réalité comme le rappel des moyens invoqués, ou en ce qu’ils formulent exclusivement des réserves alors que la partie qui les exprime n’est pas privée de la possibilité d’exercer ultérieurement les droits en faisant l’objet.
En deuxième lieu, s’agissant de la recevabilité des demandes nouvelles en cause d’appel, aux termes des articles 564, 565 et 566 du code de procédure civile, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.
Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent.
Les parties peuvent expliciter les prétentions qui étaient virtuellement comprises dans les demandes et défenses soumises au premier juge, et ajouter à celles-ci toutes les demandes qui en sont l’accessoire, la conséquence ou le complément.
La cour observe que les consorts [U]-[C], contrairement à ce qu’ils allèguent, ne limitent pas leur appel à la quantification du dommage initial, mais formulent des demandes d’indemnisation incluant l’aggravation de l’état de santé de la victime, alors que le premier juge en reste saisi.
S’ils produisent les rapports d’expertise initial du 29 juin 2017 et en aggravation du 21 septembre 2022 afin d’appuyer leurs prétentions, ils sont seulement fondés à solliciter l’indemnisation de nouveaux postes de préjudice et l’augmentation d’autres, dès lors que ceux-ci constituent exclusivement le complément de leurs demandes de première instance.
En troisième et dernier lieu, la lecture du dispositif des dernières conclusions enseigne que le jugement attaqué n’est pas critiqué par les parties en ce qu’il a :
– condamné le Crédit mutuel à payer à l’agent judiciaire de l’État les sommes de :
103 830,78 euros au titre des dépenses de santé antérieures à la consolidation ;
81 850,72 euros au titre des rémunérations ;
65 493 euros au titre des charges patronales ;
272,62 euros au titre des dépenses de santé postérieures à la consolidation ;
47 941,01 euros au titre de l’allocation temporaire d’invalidité ;
4 100 euros au titre du préjudice matériel ;
– dit que le paiement des sommes précitées interviendra sous déduction des provisions déjà versées à hauteur de 253 310,74 euros ;
– dit que le solde de 50 177,39 euros produira intérêt au taux légal à compter de ce jour et dit que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produiront intérêt ;
– rejeté le surplus des demandes indemnitaires de l’agent judiciaire de l’État ;
– condamné le Crédit mutuel à payer au titre de leur préjudice d’affection à :
– Mme [E] [Z] épouse [U] la somme de 3 500 euros ;
– M. [T] [U] la somme de 3 500 euros ;
– Mme [D] [C] la somme de 3 500 euros ;
– [G] [U] représentée par ses parents M. [S] [U] et Mme [D] [C] la somme de 3 500 euros ;
– dit que ces sommes produiront intérêt au taux légal à compter du jugement et dit que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produiront intérêt ;
– condamné le Crédit mutuel à supporter les dépens de la présente partie de l’instance au fond ;
– condamné le Crédit mutuel à payer, au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la présente partie de l’instance au fond à l’agent judiciaire de l’État la somme de 1 000 euros ;
– précisé que le tribunal ne modifiait pas la condamnation aux dépens et aux frais de l’instance en référé ayant donné lieu à l’ordonnance RG n°16-00762 du 6 septembre 2016 ;
– précisé que le tribunal ne modifiait pas la condamnation aux dépens et aux frais de l’incident ayant donné lieu à l’ordonnance du 30 août 2019 ;
– ordonné l’exécution provisoire de toutes les dispositions ci-dessus ;
– avant dire droit, ordonné une expertise médicale judiciaire, et désigné M. [O] [B] pour y procéder, notamment afin de décrire l’évolution de l’état de santé de la victime depuis la précédente expertises et se prononcer sur l’aggravation invoquée, et d’indiquer si l’état présent de la victime justifiait une modification des précédentes conclusions d’expertise sur un ou plusieurs chefs de préjudice retenus ou écartés ;
– dit que l’instance se poursuivra à la diligence des parties par la notification de conclusions en ouverture du rapport.
I – Sur l’action directe des consorts [U]-[C] contre l’assureur du responsable
S’agissant d’un accident du travail, aux termes de l’article L. 454-1 du code de la sécurité sociale, si la lésion dont est atteint l’assuré social est imputable à une personne autre que l’employeur ou ses préposés, la victime conserve contre l’auteur de l’accident le droit de demander la réparation du préjudice causé, conformément aux règles du droit commun.
En l’espèce, dès lors que l’accident de la circulation survenu le 16 septembre 2014 implique le véhicule d’un tiers pendant l’exécution du travail et que la responsabilité de l’employeur ou d’un autre préposé n’est pas en cause, les règles d’indemnisation applicables sont celles du droit commun, notamment le régime d’indemnisation des accidents de la circulation régi par la loi n°85-677 du 5 juillet 1985.
En outre, en application de l’article L. 124-3 du code des assurances, le tiers lésé dispose d’un droit d’action directe à l’encontre de l’assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable.
L’action directe de la victime est une action autonome qui procède du droit propre dont elle dispose contre l’assureur de responsabilité du conducteur, auteur du dommage ; il en résulte que l’action en garantie exercée par les consorts [U]-[C] directement à l’encontre du Crédit mutuel, assureur du responsable, est recevable.
S’agissant du bien-fondé de l’action directe, la victime doit se prévaloir contre l’assuré d’une créance née de la responsabilité de celui-ci et prouver l’obligation à garantie de l’assureur par tous moyens.
En l’espèce, le Crédit mutuel ne conteste ni la responsabilité pleine et entière du conducteur assuré dans la survenance du fait dommageable, ni l’existence et les conditions de sa garantie.
Par conséquent, les consorts [U]-[C] sont recevables et bien fondés à agir contre le Crédit mutuel dans le cadre de leur action directe.
II – Sur la demande de communication de pièces sous astreinte
Les appelants demandent à la cour de condamner le Crédit mutuel à communiquer toutes les notes et rapports concernant le dossier médical de M. [S] [U] tenus par son médecin-conseil, et d’assortir cette condamnation d’une astreinte.
Le Crédit mutuel a accepté de satisfaire à la demande adverse, produisant la copie d’une lettre du 25 avril 2022 (sa pièce 4) par laquelle son médecin-conseil, Mme [K], a adressé au conseil des appelants la copie de sa note technique rédigée le 1er avril 2015.
Il s’observe que les consorts [U]-[C] produisent la fiche médico-légale d’évaluation du dommage imputable rédigée par Mme [K] à la suite de son examen médical du 1er avril 2015, ainsi que l’entier rapport d’expertise médicale que celle-ci a envoyé à l’assureur le 13 avril 2015 (leur pièce 30).
Faute pour les appelants d’établir l’existence, la nature et la date d’éventuels autres rapports et notes dont ils réclament communication, ils seront déboutés de leur demande de communication de pièces sous astreinte.
III – Sur l’indemnisation du préjudice de la victime directe
Dans son rapport d’expertise médicale du 29 juin 2017, l’expert [B] a retenu un déficit fonctionnel permanent de 10%, et fixé au 31 octobre 2016 la date de consolidation de M. [S] [U], né le [Date naissance 7] 1973.
A – Sur l’évaluation des préjudices
1 – Sur l’évaluation des préjudices patrimoniaux
a – Sur les préjudices patrimoniaux temporaires
1° – Sur les dépenses de santé actuelles
Les appelants et l’assureur ne contestent pas le jugement dont appel en ce qu’il a fixé à la somme de 350 euros les dépenses de santé actuelles restées à la charge de la victime, lesquelles correspondent à des factures de psychologue (pièce 32).
Le jugement attaqué sera confirmé sur ce point.
La cour rappelle pour mémoire que le premier juge a fixé la créance de l’agent judiciaire de l’État au titre des dépenses de santé actuelles à la somme de 103 830,78 euros.
2° – Sur les pertes de gains professionnels actuels
La cour n’est saisie d’aucune demande au titre des pertes de gains professionnels actuels dans le dispositif des conclusions de la victime.
La cour rappelle que le premier juge a fixé la créance de l’agent judiciaire de l’État au titre du remboursement de la rémunération du fonctionnaire à la somme de 81 850,72 euros, et au titre des charges patronales à la somme de 65 493 euros.
3 ° – Sur les frais divers
Les frais divers hors tierce personne temporaire
Il s’agit notamment d’indemniser les frais exposés par la victime avant la date de consolidation de ses blessures, tels que les frais liés à l’hospitalisation, les frais de transport survenus durant la maladie traumatique, dont le coût et le surcoût sont imputables à l’accident, les frais d’assistance par un médecin-conseil, ou les frais de copie des dossiers médicaux.
=> Sur les frais de médecin-conseil
Les appelants et l’assureur ne contestent pas le jugement dont appel en ce qu’il a fixé à la somme de 520 euros le remboursement des honoraires du médecin-conseil (pièce 60 de la victime).
Le jugement attaqué sera confirmé sur ce point.
=> Sur les frais de déplacement
Aucune demande n’a été présentée au premier juge de ce chef.
M. [S] [U] réclame une indemnisation de 2 998,50 euros en remboursement de ses frais de déplacement pour se rendre en cure ; il rappelle à cet égard qu’il souffre d’une arthrose post-traumatique des deux chevilles, que l’expert avait noté la nécessité de cures pour le traitement de son eczéma réactionnel imputable à l’accident, qu’il s’est déplacé entre 2016 et 2021 à 270 reprises de son domicile à [Localité 19] jusqu’à la piscine de [Localité 24] les bains, parcourant à chaque aller-retour une distance de 16,8 kilomètres.
Le Crédit mutuel considère qu’en application de l’article 564 du code de procédure civile, cette demande est irrecevable comme nouvelle en appel et, sur le fond, que l’expert ne retient pas la nécessité de ces cures postérieures à la consolidation, outre que ces 270 déplacements ne peuvent être indemnisés sur la base du barème fiscal 2022.
Sur ce, M. [S] [U] a interjeté appel principal du jugement du 7 septembre 2021, et forme pour la première fois en cause d’appel une demande de réparation liée à ses frais de déplacement en cure.
En effet, il résulte de la décision attaquée que M. [S] [U] n’avait formulé aucune demande à ce titre devant le tribunal judiciaire de Lille, ce point étant relevé par l’assureur.
Cependant, la demande en appel au titre des frais de déplacement imputables, si elle n’a pas été formulée devant le premier juge, a le même fondement que les demandes initiales en réparation du préjudice corporel résultant de l’accident survenu le 16 septembre 2014 et poursuit la même fin d’indemnisation de ce préjudice, de sorte qu’elle en constitue le complément.
La demande est recevable sur le fondement des articles 564 à 566 du code de procédure civile.
Sur le fond, l’expert [B] expose dans son rapport du 29 juin 2017 que M. [S] [U] a présenté une poussée d’eczéma qui a nécessité une consultation en dermatologie et une cure de trois semaines après le 12 septembre 2016, date à laquelle celui-ci a repris son travail ; il retient une date de consolidation au 31 octobre 2016 correspondant « à la fin de la cure thermale pour la poussée d’eczéma ».
Dans ces conditions, la victime est bien fondée à obtenir le remboursement de ses frais de déplacement pour se rendre en cure ou balnéothérapie jusqu’à sa consolidation au 31 octobre 2016, ce qui correspond à 54 entrées à la piscine de [Localité 24] les bains entre le 3 février et le 11 juillet 2016 (sa pièce 74), la poursuite ultérieure des séances de
balnéothérapie d’entretien relevant le cas échéant de l’aggravation de son état de santé, dont la cour n’est pas saisie.
Faute de produire sa carte grise justifiant de la puissance fiscale du véhicule automobile, la victime sera indemnisée suivant le barème kilométrique fiscal 2016 pour un véhicule automobile de 4 CV (chevaux fiscaux) :
18,6 kilomètres x 54 déplacements x 0,493 = 495,17 euros.
Ce poste sera exactement évalué avant consolidation à la somme de 495,17 euros.
L’assistance temporaire par une tierce personne
Le premier juge a fixé ce poste à la somme de 5 024,57 euros.
M. [S] [U] réclame une indemnisation de 5 580 euros sur la base d’un taux horaire de 20 euros.
Le Crédit mutuel demande la confirmation du jugement dont appel sur la base du taux horaire de 18 euros retenu par le premier juge.
Sur ce, il s’agit d’indemniser les dépenses liées à la réduction d’autonomie, qui peuvent être temporaires entre le dommage et la consolidation ; l’évaluation doit se faire au regard de l’expertise médicale et de la justification des besoins, et non au regard de la justification de la dépense, afin d’indemniser la solidarité familiale.
Dans son rapport d’expertise du 29 juin 2017, l’expert [B] retient que la victime a eu besoin de l’assistance d’une tierce personne pour assurer ses déplacements, préparer ses repas, et gérer ses besoins naturels à raison de :
trois heures par jour tous les week-ends du 4 octobre au 11 février 2015, soit 40 jours ;
1 heure 30 par jour du 12 février au 22 mai 2015 (100 jours) ;
aucune aide du 23 mai au 17 juin 2015 ;
4 heures par semaine du 29 août au 14 septembre 2015 (17 jours);
aucune aide du 13 octobre 2015 au 31 octobre 2016.
Conformément à la demande, il convient d’évaluer ce poste de préjudice pour une aide active sur une base horaire de 20 euros incluant les charges sociales et congés payés, conforme à la jurisprudence de la cour, et de calculer ainsi le besoin en aide humaine :
3 x 40 x 20 = 2 400 euros
1,5 x 100 x 20 = 3 000 euros
4 x 17/7 x 20 =194,29
soit un total de 5 594,29 euros.
Statuant dans les limites de la demande, la cour fixe le préjudice de M. [S] [U] à la somme de 5 580 euros réparant son besoin temporaire en aide humaine.
b – Sur les préjudices patrimoniaux permanents
1° – Sur les dépenses de santé futures
La cour considère qu’elle n’est saisie d’aucune demande au titre des dépenses de santé futures lesquelles ne sont mentionnées que « pour mémoire » dans le dispositif des conclusions de la victime.
La cour rappelle que le premier juge a fixé la créance de l’agent judiciaire de l’État au titre des dépenses de santé futures à la somme de 272,62 euros.
2° – Sur les pertes de gains professionnels futurs
La cour considère qu’elle n’est saisie d’aucune demande au titre des pertes de gains professionnels futurs lesquels ne sont mentionnés que « pour mémoire » dans le dispositif des conclusions de la victime.
La cour rappelle que le premier juge a fixé la créance de l’agent judiciaire de l’État au titre de l’allocation temporaire d’invalidité à la somme de 47 941,01 euros.
3° – Sur l’incidence professionnelle
Le premier juge a accordé à M. [S] [U] une indemnisation de 15 000 euros réparant l’incidence professionnelle, retenant qu’il avait repris ses fonctions professionnelles dans le même service au même grade et sans restriction.
La victime réclame une indemnisation de 150 000 euros à ce titre, faisant valoir que :
– l’incidence professionnelle comporte une dimension objective qui se caractérise par une dévalorisation sur le marché du travail, une perte de chance d’évolution professionnelle, une augmentation de la pénibilité de l’emploi, l’abandon ou le changement de l’activité professionnelle antérieure, la perte de droits à la retraite ;
– la dimension subjective de l’incidence professionnelle est caractérisée par le regard d’autrui, les efforts accomplis pour retrouver sa capacité de travail, le dés’uvrement temporaire ou définitif, la perte d’identité sociale, la perte d’estime de soi, et l’exclusion du corps social ;
– alors qu’il avait réussi à intégrer la police nationale, la brigade anti-criminalité (BAC), puis la brigade de recherche et d’intervention (BRI) de [Localité 18] de 2005 à 2020, il a été contraint de s’éloigner du terrain et d’intégrer en 2020 la cellule de soutien opérationnel, laquelle est un service purement administratif ;
– à la suite de sa reprise d’activité professionnelle sans restriction le 12 septembre 2016, sa hiérarchie a rapidement constaté que ses séquelles s’avéraient incompatibles avec le rythme et l’intensité de l’engagement d’un opérateur de la BRI ; il a donc successivement bénéficié d’un aménagement puis d’un changement de poste ;
– il a perdu la possibilité de voir évoluer favorablement sa carrière, et connaît un accroissement de la pénibilité au travail en raison de l’arthrose post-traumatique subie au niveau de ses chevilles, ainsi qu’une dévalorisation sociale en raison des nouvelles fonctions qui lui sont confiées.
Le Crédit mutuel sollicite la confirmation du jugement critiqué, arguant que :
– la victime n’a subi ni perte de chance professionnelle, ni dévalorisation sur le marché du travail, et n’a pas été contrainte de changer de profession ; elle a même bénéficié d’une promotion de brigadier à major ;
– M. [S] [U] a repris ses fonctions opérationnelles à la BRI de la police nationale à compter du 12 septembre 2016, la seule restriction à l’emploi étant qu’il ne pouvait plus porter de chaussures montantes ni le bouclier d’assaut ; ;
– l’aménagement de poste dont il a dû bénéficier à partir de septembre 2020 relevant de l’aggravation de son état de santé.
Sur ce, l’incidence professionnelle correspond aux conséquences patrimoniales de l’incapacité ou de l’invalidité permanente subie par la victime dans la sphère professionnelle du fait des séquelles dont elle demeure atteinte après consolidation, autres que celles directement liées à une perte ou diminution de revenus. Ce poste tend, notamment, à réparer les difficultés futures d’insertion ou de réinsertion professionnelle de la victime résultant d’une dévalorisation sur le marché du travail, d’une perte de chance professionnelle, de l’augmentation de la pénibilité de l’emploi ou du changement d’emploi ou de poste, même en, l’absence de perte immédiate de revenus. Il comprend également la perte de droits à la retraite, ou encore les frais de reclassement professionnel, de formation ou de changement de poste. Il inclut enfin le préjudice résultant de la dévalorisation sociale ressentie par la victime du fait de son exclusion définitive du monde du travail.
La cour apprécie l’indemnisation de ce poste au regard des éléments établis par la victime, et prend en compte la situation réelle de la victime pour réparer spécifiquement et intégralement le préjudice initial subi dans une appréciation concrète des éléments de preuve.
L’expert [B], dans son rapport du 29 juin 2017, considère que M. [S] [U] présente une perte de la flexion dorsale, une limitation de la flexion plantaire d’un tiers surtout à gauche avec une diminution de la mobilité au niveau de l’articulation sous talienne entre l’astragale et le calcanéum associé à des douleurs fréquentes, ainsi qu’une arthrose post-traumatique des chevilles ; il retient un état antérieur à gauche aggravé par l’accident.
Il indique que l’intéressé a repris le travail sans restriction au même poste, avec un grade de major de police selon la notification de la préfecture du Nord du 20 juin 2016, celui-ci disant ne plus supporter les chaussures montantes de travail, utiliser des baskets souples, et ne plus porter le bouclier en intervention.
Dans un certificat du 21 août 2020, le médecin inspecteur régional du secrétariat général pour l’administration du ministère de l’intérieur (SGAMI) de [Localité 18] atteste que M. [S] [U], qui appartenait à une unité opérationnelle de la BRI, a dû se réorienter professionnellement en raison des séquelles de l’accident de service survenu le 16 septembre 2014, et ne peut plus occuper ses fonctions opérationnelles antérieures, notamment les interventions (sa pièce 81).
Son supérieur hiérarchique, M. [X] [A], atteste que M. [S] [U] a été ré-affecté en septembre 2016 dans son groupe opérationnel d’origine, mais qu’en dépit de ses efforts, ses capacités physiques ne lui ont pas permis de soutenir le rythme de travail, et de participer aux opérations de terrain, lesquelles exigeaient des horaires très variables, outre le port de charges lourdes ; il ajoute que l’engagement de ce dernier a d’abord été aménagé en septembre 2019, puis il a été affecté en septembre 2020 à un poste logistique au sein de la BRI (sa pièce 86).
Si M. [S] [U] a pu, après l’accident de service, conserver son emploi, son ancienneté, et son grade dans la police nationale, et ne subit par conséquent ni perte de chance d’évolution professionnelle, ni dévalorisation sur le marché du travail, ni perte de droits à la retraite, ni exclusion du corps social, il reste pour autant que ses séquelles physiques, qui demeurent modérées dans le premier rapport d’expertise, induisent une plus grande fatigabilité et pénibilité dans l’exercice de son métier, puisque le port de charges lourdes et la station debout prolongée sont difficiles, qu’il a dû progressivement renoncer à ses fonctions opérationnelles, pour lesquelles il avait une réelle appétence, et finalement accepter un emploi administratif plus sédentaire qu’il juge de moindre intérêt.
En conséquence, compte tenu de l’âge de la victime (43 ans à la consolidation le 31 octobre 2016), de l’âge prévisible de départ à la retraite (65 ans), des séquelles relevées initialement par l’expert, et de l’ensemble des considérations sus-énoncées, le préjudice de M. [S] [U] au titre de l’incidence professionnelle sera exactement fixé à la somme de 30 000 euros.
Le premier juge ayant fixé la créance de l’agent judiciaire de l’État au titre de l’allocation temporaire d’invalidité à la somme de 47 941,01 euros, celle-ci s’impute, en l’absence de perte de gains professionnels futurs, sur l’incidence professionnelle et l’absorbe totalement, de sorte qu’aucune créance ne reste due à la victime de ce chef.
4° – Sur l’assistance permanente par une tierce personne
Le premier juge a rejeté la demande de M. [S] [U] au titre de l’assistance permanente par une tierce personne.
M. [S] [U] demande une indemnisation de 38 731,84 euros à ce titre, et expose que :
– l’aide humaine permet de le restaurer dans sa dignité, sa liberté, son autonomie et sa sécurité ;
– le besoin en aide humaine relève de l’appréciation souveraine du juge qui n’est pas lié par l’analyse de l’expert ;
– la symptomatologie de ses deux chevilles avec perte de flexion dorsale et et limitation de flexion plantaire et les douleurs ressenties limitent la marche, l’empêchent de porter des charges lourdes, de s’accroupir, ce qui met en évidence un besoin viager en aide humaine pour les tâches ménagères, les courses et l’entretien du jardin ;
– il évalue au minimum à une heure par semaine son besoin en assistance tierce personne pour le ménage à compter du 31 octobre 2016.
Le Crédit mutuel objecte que l’expert [B] a, dans son rapport initial, exclu tout besoin viager en aide humaine, dans la mesure où M. [S] [U] avait été déclaré apte à la reprise du service sans restriction, après avis de la commission de réforme et suivant arrêté du préfet de police du 20 juin 2016 ; l’intimé considère que la cour n’est pas saisie de l’aggravation de l’état de santé de la victime, et que sa demande est abusive à ce stade.
Sur ce, le poste assistance tierce personne comprend les dépenses liées à la réduction d’autonomie de la victime, laquelle rend nécessaire, de manière définitive, l’assistance d’une tierce personne pour aider la victime à effectuer les démarches et les actes de la vie quotidienne.
L’indemnisation au titre de l’assistance tierce personne doit se faire en fonction des besoins et non en fonction de la dépense justifiée, de sorte que l’indemnité allouée au titre de ce poste de préjudice ne doit pas être réduite en cas d’assistance bénévole par un proche de la victime.
Dans son rapport d’expertise médicale du 29 juin 2017, l’expert [B] a estimé que la victime n’avait pas besoin dans le futur de recourir à l’assistance d’une personne, dès lors qu’elle menait une activité quasi normale, montait et descendait normalement les escaliers, et avait repris le travail sans restriction au même poste.
Rien ne permet d’établir à la lecture du rapport initial le besoin de la victime en aide humaine après sa consolidation le 31 octobre 2016, l’apparition d’un besoin viager en assistance par une tierce personne relevant le cas échéant de l’aggravation de son état de santé dont la cour n’est pas saisie.
Le jugement dont appel sera confirmé sur ce point.
2 – Sur l’évaluation des préjudices extra patrimoniaux
a – Sur les préjudices extra-patrimoniaux temporaires
1° – Sur le déficit fonctionnel temporaire
Le premier juge a accordé une indemnisation de 9 563,84 euros sur la base de 28 euros par jour de déficit partiel, à pondérer selon les taux retenus, et de 30 euros par jour d’hospitalisation.
M. [S] [U] réclame une indemnisation de 11 116,89 euros considérant qu’il a subi des crises d’eczéma réactionnelles et une infection nosocomiale, qu’il est fondé à obtenir une indemnisation journalière de 33,33 euros par jour de déficit fonctionnel temporaire total, que se déplacer en fauteuil roulant a constitué une altération des joies usuelles de la vie quotidienne.
Le Crédit mutuel sollicite la confirmation de ce chef, exposant que le taux journalier de 33,33 euros correspond au handicap lourd, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.
Sur ce, le déficit fonctionnel temporaire inclut pour la période antérieure à la consolidation la perte de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante, en ce compris le préjudice d’agrément temporaire et le préjudice sexuel temporaire ; le déficit fonctionnel temporaire peut être total ou partiel.
Les moyens soutenus par les parties ne font que réitérer, sans justification complémentaire utile, ceux dont le premier juges ont connu et auxquels ils ont répondu par des motifs pertinents et exacts que la cour adopte, sans qu’il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail d’une discussion se situant au niveau d’une simple argumentation.
II convient seulement d’ajouter que l’indemnisation retenue par le premier juge sur la base de 28 euros par jour de déficit partiel, et de 30 euros par jour d’hospitalisation, outre qu’elle tient déjà compte des affections liées à l’eczéma et à l’infection nosocomiale contractée à l’occasion de l’ablation du matériel d’ostéosynthèse, est conforme au principe de réparation intégrale du préjudice.
Le déficit fonctionnel temporaire est exactement indemnisé par l’allocation d’une somme de 9 563,84 euros.
Le jugement critiqué sera confirmé sur ce point.
2° – Sur les souffrances endurées
Les parties ne contestent pas le jugement dont appel en ce qu’il a fixé le poste réparant les souffrances endurées à la somme de 25 000 euros.
3° – Sur le préjudice esthétique temporaire
Le premier juge a accordé à M. [S] [U] une indemnisation de 4 000 euros à ce titre.
M. [S] [U] réclame, photographies à l’appui, une indemnisation de 10 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire, arguant qu’il a été contraint de se déplacer en fauteuil roulant puis avec des cannes anglaises, qu’il a présenté une poussée d’eczéma bien visible au niveau du visage, des mains et du corps, que la phase traumatique a duré plus de deux années, que ses cicatrices au niveau des malléoles ont suinté, puis se sont aggravées lorsqu’il a contracté un staphylocoque doré.
Le Crédit mutuel sollicite la confirmation de ce chef.
Sur ce, il s’agit d’indemniser pendant la maladie traumatique, et notamment pendant les hospitalisations, une altération de l’apparence physique, même temporaire, justifiant une indemnisation.
L’expert [B] prévoit un préjudice esthétique temporaire qu’il qualifie de modéré (3 sur une échelle de 7) en raison de l’utilisation d’un fauteuil roulant, et de deux cannes anglaises, de la poussée de l’eczéma au niveau du visage, des mains et du corps.
Considérant les constatations de l’expert, les photographies des lésions et cicatrices des membres inférieurs versées au débat, la durée de la période de consolidation (deux ans), le montant du préjudice esthétique temporaire subi a été exactement évalué, en toutes ses composantes, à la somme de 4 000 euros.
Le jugement attaqué sera confirmé sur ce point.
b – Sur les préjudices extra-patrimoniaux permanents
1° – Sur le déficit fonctionnel permanent
Le premier juge a accordé en réparation du déficit fonctionnel permanent une somme de 18 000 euros, dont le Crédit mutuel sollicite confirmation, retenant un déficit fonctionnel permanent de 10% et une indemnisation à hauteur de 1 800 euros le point.
M. [S] [U] réclame une indemnisation de 50 000 euros à ce titre, indiquant que le déficit fonctionnel permanent doit être fixé à 20%, et considérant que l’expert [B] a tenu compte du retentissement somatique de l’accident, mais totalement omis de considérer le retentissement psychologique.
Sur ce, il s’agit d’indemniser le préjudice non économique lié à la réduction du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel de la victime, alors que son état n’est plus susceptible d’amélioration par un traitement médical adapté.
L’expert [B], dans son rapport initial du 29 juin 2017, évalue le déficit fonctionnel permanent à un taux de 10%, qui prend en compte une perte de la flexion dorsale, une limitation de la flexion plantaire d’un tiers surtout à gauche avec une diminution de la mobilité au niveau de l’articulation sous talienne entre l’astragale et le calcanéum associée à des douleurs fréquentes ; l’expert précise que ce taux tient compte du déficit fonctionnel mais également des souffrances post-consolidation, et des modifications de la qualité de sa vie de tous les jours.
Considérant que la majoration du taux de déficit fonctionnel permanent relève le cas échéant de l’aggravation de l’état de santé de la victime, dont la cour n’est pas saisie, il convient d’indemniser M. [S] [U], âgé de 43 ans à la date de consolidation pour être né le [Date naissance 7] 1973, atteint d’un déficit fonctionnel de 10%, en lui allouant une somme de 18 000 euros réparant son entier préjudice.
La cour juge que la rente accident du travail n’indemnise pas le déficit fonctionnel permanent, et ne peut donc s’imputer sur ce poste.
Le jugement dont appel sera réformé en ce qu’il a dit que le déficit fonctionnel permanent évalué à 18 000 euros était entièrement absorbé après imputation de la créance de l’agent judiciaire de l’État au titre de l’allocation d’invalidité.
Le Crédit mutuel sera condamné à payer à M. [S] [U] la somme de 18 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent initialement retenu.
2° – Sur le préjudice esthétique permanent
Le premier juge a fixé l’indemnisation de ce préjudice à la somme de 4 000 euros.
La victime réclame une somme de 20 000 euros pour réparer son préjudice esthétique définitif, considérant que l’expert avait initialement exclu les crises d’eczéma entraînant une altération de son apparence physique.
Le Crédit mutuel sollicite la confirmation sur ce point.
Sur ce, il s’agit d’indemniser l’altération définitive de l’apparence physique de la victime.
L’expert [B] prévoit un préjudice esthétique permanent qu’il qualifie de léger (2 sur une échelle de 7), retenant une cicatrice à droite, une cicatrice partiellement imputable à gauche compte tenu d’un état antérieur, un pied plat valgus davantage prononcé à droite avec une saillie de la malléole interne.
Considérant les constatations de l’expert, les cicatrices présentes au niveau des membres inférieurs, la déformation du pied et de la cheville, et l’âge à la consolidation, le montant du préjudice esthétique permanent a été exactement évalué à la somme de 4 000 euros, étant ici précisé que l’aggravation de ce poste en lien de causalité avec la maladie
atopique réactionnelle relève le cas échéant de l’aggravation de l’état de santé de la victime, dont la cour n’est pas saisie à ce stade.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
3° – Sur le préjudice d’agrément
Le premier juge a octroyé à la victime au titre du préjudice d’agrément une somme de 3 000 euros, dont le Crédit mutuel demande confirmation.
M. [S] [U] réclame une indemnisation de ce chef à hauteur de 10 000 euros, expliquant qu’il a dû cesser ses activités sportives, notamment les arts martiaux, le footing, la natation, et le ski.
Sur ce, le préjudice d’agrément vise exclusivement à réparer le préjudice lié à l’impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique, sportive ou de loisirs, étant rappelé que la réduction des capacités de la victime avec toutes les répercussions qu’elle a nécessairement sur sa vie quotidienne est par ailleurs réparée au titre du déficit fonctionnel. Ce préjudice concerne les activités sportives, ludiques ou culturelles devenues impossibles ou limitées en raison des séquelles de l’accident.
Il appartient à la victime de justifier de la pratique de ces activités, notamment par la production de licences sportives ou de bulletins d’adhésion à des associations, mais également par tout autre mode de preuve licite, tels des témoignages ou des clichés photographiques, l’administration de la preuve d’un tel fait étant libre. L’appréciation du préjudice s’effectue concrètement, en fonction de l’âge et du niveau d’activité antérieur. La preuve du préjudice d’agrément peut se faire par tout moyen.
En l’espèce, l’expert judiciaire retient un préjudice d’agrément en raison de l’arrêt du karaté et des arts martiaux, sports pratiqués sous licence, ainsi que du footing, du ski et de la natation.
La victime justifie de la réservation de deux séjours de vacances au ski à [Localité 21] avec sa fille en 2013 et 2014 (sa pièce 88), et de ses licences de karaté de 2010 à 2013 avec le grade de ceinture noire (sa pièce 98).
Les attestations des proches établissent que depuis l’accident, M. [S] [U] ne peut plus se promener, séjourner au ski, ou visiter des musées, la station debout prolongée lui étant pénible, ni pratiquer la course à pied et la chasse sous-marine.
Compte tenu de l’âge de la victime, des doléances exprimées, et des séquelles corporelles présentées, qui contre-indiquent la pratique des activités physiques et sportives antérieures, pour lesquelles il montrait une réelle appétence tant dans sa vie privée que dans sa vie professionnelle, le préjudice subi par M. [S] [U] sera évalué à la somme de 10 000 euros.
Le jugement attaqué sera réformé de ce chef.
4° – Sur le préjudice sexuel
Le premier juge a rejeté la demande indemnitaire au titre du préjudice sexuel.
La victime réclame une indemnisation de 10 000 euros, invoquant notamment l’impact sur sa libido de ses crises d’eczéma et de son état moral depuis l’accident.
Le Crédit mutuel conclut au rejet de la demande au titre du préjudice sexuel.
Sur ce, ce préjudice s’apprécie, en fonction de l’âge et de la situation de la victime, eu égard à l’atteinte à la morphologie des organes sexuels, à la libido et à la fonction
procréatrice.
Dans son rapport du 29 juin 2017, l’expert [B] n’évoque aucun préjudice sexuel pour la victime.
S’il n’existe pour M. [S] [U] d’atteinte ni à la morphologie de ses organes sexuels ni à sa fonction reproductrice, il allègue subir une baisse de sa libido du fait de ses crises d’eczéma et de son état de stress post-traumatique ; la cour considère toutefois que ce préjudice, apparu à la suite de l’eczéma réactionnel et des symptômes psychiatriques résiduels post-traumatiques, relève le cas échéant de l’aggravation de l’état de santé de la victime, dont la cour n’est pas saisie à ce stade.
Au regard de ces éléments, le jugement critiqué sera confirmé en ce qu’il a débouté la victime de sa demande.
B – Sur la liquidation du préjudice corporel de la victime directe
Au vu de l’ensemble des éléments énoncés, il revient à M. [S] [U] et à l’agent judiciaire de l’État, sauf à déduire les provisions d’un montant de 55 000 euros déjà allouées à la victime, les sommes suivantes :
104 180,78 euros au titre des dépenses de santé actuelles,
dont 350 euros revenant à la victime,
dont 103 830,78 euros revenant à l’agent judiciaire de l’État ;
147 343,72 euros au titre des perte de gains professionnels actuels ;
dont 147 343,72 euros revenant à l’agent judiciaire de l’État (81 850,72 euros au titre des rémunérations et 65 493 euros au titre des charges patronales),
dont aucune somme ne revenant à la victime ;
1 015,17 euros au titre des frais divers ;
5 580 euros au titre de l’assistance temporaire par une tierce personne ;
272,42 euros au titre des dépenses de santé futures,
dont 272,42 euros revenant à l’agent judiciaire de l’État,
aucune demande supplémentaire n’étant formulée par la victime ;
47 941,01 euros au titre des pertes de gains professionnels futurs,
dont la somme de 47 941,01 euros revenant à l’agent judiciaire de l’État,
aucune demande supplémentaire n’étant formulée par la victime ;
30 000 euros au titre de l’incidence professionnelle,
dont aucune somme ne revenant à la victime ;
débouté au titre de l’assistance permanente par une tierce personne ;
9 563,84 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire ;
25 000 euros au titre des souffrances endurées ;
4 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire ;
18 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent ;
4 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent ;
10 000 euros au titre du préjudice d’agrément ;
débouté au titre du préjudice sexuel.
IV – Sur l’indemnisation du préjudice des victimes indirectes : le préjudice pour trouble dans les conditions d’existence
Le premier juge a débouté les consorts [U]-[C] de leur demande de réparation d’un préjudice pour trouble dans leurs conditions d’existence.
Les parents, Mme [E] [Z] épouse [U] et M. [T] [U], réclament une indemnisation de 5 000 euros chacun, et l’ex-compagne, Mme [D] [C], de 10 000 euros à ce titre, faisant valoir que :
– les parents ont aidé leur fils dans l’accomplissement de ses tâches quotidiennes, ses déplacements en fauteuil roulant de septembre 2014 à janvier 2015, et ont assuré les
conduites pour les soins en alternance avec leur belle-fille ;
– la compagne s’est déplacée quotidiennement à son chevet du 16 septembre au 1er octobre 2014, a préparé des repas à domicile, et l’a aidé à se déplacer en fauteuil roulant.
Le Crédit mutuel conclut au débouté des demandes adverses, considérant que l’aide temporaire apportée à la victime principale avait déjà été indemnisée dans le cadre de l’assistance temporaire par une tierce personne.
Sur ce, le préjudice extra-patrimonial exceptionnel en cas de survie de la victime directe a pour objet de réparer le préjudice de changement dans les conditions de l’existence, dont sont victimes les proches de la victime directe pendant sa survie handicapée ; il s’ensuit que ce poste de préjudice a pour objet d’indemniser les bouleversements que la survie douloureuse de la victime directe entraîne sur le mode de vie de ses proches au quotidien.
En l’espèce, comme l’a exactement retenu le premier juge, les proches ont apporté à M. [S] [U] une aide temporaire pendant la période de consolidation pour les courses, les conduites et l’organisation des repas, laquelle a déjà été indemnisée au titre de l’assistance temporaire par une tierce personne.
Rien n’établit en revanche que les séquelles présentées par la victime directe les obligent à bouleverser leur mode de vie et leurs propres conditions d’existence pour assurer au quotidien la prise en charge de leur proche parent, étant d’ailleurs observé que les parents de M. [S] [U] ne résident pas à son domicile, et qu’il est désormais séparé de son ancienne compagne.
Le jugement dont appel sera confirmé en ce qu’il a débouté Mme [E] [Z] épouse [U], M. [T] [U], et Mme [D] [C] de leur demande de réparation d’un trouble dans leurs conditions d’existence.
En conséquence, il n’y a pas lieu de faire droit à leur demande tendant à dire que les condamnations prononcées à leur bénéfice porteront intérêts au taux légal à compter de l’accident du 16 septembre 2014, ou à défaut à compter de l’assignation du 26 novembre 2018.
V – Sur les autres demandes
A – Sur le doublement des intérêts au taux légal
Le premier juge a condamné le Crédit mutuel à payer à M. [S] [U] les intérêts au double du taux légal sur la somme de 31 220,98 euros du 14 mai 2015 au 21 septembre 2017.
M. [S] [U] demande à la cour de prononcer la sanction du doublement des intérêts au taux légal sur l’intégralité des condamnations, en ce compris la créance des tiers payeurs sans déduction des provisions, à compter du 16 mai 2015 jusqu’au paiement effectif des condamnations à son bénéfice ou jusqu’à la date de l’arrêt, et ce en application des articles L. 211-9 et L. 211-13 du code des assurances ; il expose que :
– aucune des offres produites ne contient la formule relative au délai de rétractation requis à l’article R. 211-40 du code des assurances, qui seule garantit l’intégrité du consentement des victimes ;
– ni les offres provisionnelles du 11 mai et 16 septembre 2016, ni l’offre définitive du 21 septembre 2017, qui présente en outre un caractère dérisoire, ne visent tous les postes de préjudice à indemniser ; par conséquent, elles sont nulles et réputées non écrites ;
– à défaut de comporter les mentions obligatoires prévues par le code des assurances, l’offre du 21 septembre 2017 est nulle ;
– s’agissant des postes réservés, il appartient à l’assureur de démontrer qu’il a bien adressé à la victime des courriers lui demandant de communiquer des pièces pour lui permettre de lui faire une proposition.
Le Crédit mutuel sollicite de ce chef la confirmation du jugement querellé, faisant valoir que :
– l’offre définitive a été faite le 21 septembre 2017 dans le délai imparti ;
– cette offre n’est pas nulle pour ne pas comporter la mention de sa rétractation, le code des assurances ne réputant nulle que la clause supprimant le droit de rétractation
– l’assiette retenue à hauteur de 31 220,98 euros par le premier juge est conforme ;
– le poste incidence professionnelle n’avait pas à être retenu dans son offre définitive, dès lors qu’il ne l’avait pas été par l’expert ;
– la réserve relative au préjudice d’agrément contenue dans l’offre ne requérait aucun autre initiative de sa part.
Sur ce, il résulte de l’article L. 211-9 du code des assurances :
– tout d’abord, que quelle que soit la nature du dommage, dans le cas où la responsabilité n’est pas contestée et où le dommage a été entièrement quantifié, l’assureur qui garantit la responsabilité civile du fait d’un véhicule terrestre à moteur est tenu de présenter à la victime une offre d’indemnité motivée dans le délai de trois mois à compter de la demande d’indemnisation qui lui est présentée ; lorsque la responsabilité est rejetée ou n’est pas clairement établie, ou lorsque le dommage n’a pas été entièrement quantifié, l’assureur doit, dans le même délai, donner une réponse motivée aux éléments invoqués dans la demande,
– ensuite, qu’une offre d’indemnité doit être faite à la victime qui a subi une atteinte à sa personne dans le délai maximum de huit mois à compter de l’accident ; en cas de décès de la victime, l’offre est faite à ses héritiers et, s’il y a lieu, à son conjoint ; l’offre comprend alors tous les éléments indemnisables du préjudice, y compris les éléments relatifs aux dommages aux biens lorsqu’ils n’ont pas fait l’objet d’un règlement préalable,
– enfin, que cette offre peut avoir un caractère provisionnel lorsque l’assureur n’a pas, dans les trois mois de l’accident, été informé de la consolidation de l’état de la victime ; l’offre définitive d’indemnisation doit alors être faite dans un délai de cinq mois suivant la date à laquelle l’assureur a été informé de cette consolidation.
Il résulte aussi de l’article L. 211-13 du code des assurances que lorsque l’offre n’a pas été faite dans les délais impartis à l’article L. 211-9, le montant de l’indemnité offerte par l’assureur ou allouée par le juge à la victime produit intérêt de plein droit au double du taux de l’intérêt légal à compter de l’expiration du délai et jusqu’au jour de l’offre ou du jugement devenu définitif ; cette pénalité peut être réduite par le juge en raison de circonstances non imputables à l’assureur.
Il ressort de la combinaison de ces textes que :
– la circonstance qu’une instance oppose la victime à la personne tenue à réparation et à son assureur n’exonère pas ce dernier de son obligation de présenter une offre d’indemnité dans le délai imparti par l’article L. 211-9 du code des assurances, sous la sanction prévue par l’article L. 211-13 du même code, de sorte que l’introduction d’une procédure à l’initiative de la victime ne dispense pas l’assureur de faire, dans le délai requis, l’offre imposée par l’article L. 211-9 ;
– le paiement d’une provision en exécution d’une décision de justice n’exonère pas l’assureur de son obligation de présenter une offre ;
– en cas de contestation de la responsabilité, l’assureur n’est pas dispensé de faire une offre dans les délais fixés par l’article L. 211-9 ;
– la sanction prévue par l’article L. 211-13 s’applique sans distinction, selon ce texte, en cas de non-respect des délais fixés par l’article L. 211-9.
=> Sur le point de départ des intérêts au double du taux légal
La victime produit au débat la copie de deux courriers du 11 mai et 16 septembre 2016, par lesquels l’assureur déclare lui verser deux provisions de 10 000 euros, puis de 15 000 euros à valoir sur l’indemnisation de son préjudice corporel suite à l’accident survenu le 16 septembre 2014.
Si M. [S] [U] n’est pas resté sans provision, cela ne dispensait pas l’assureur, en l’absence de connaissance de la date de consolidation de la victime dans les trois mois de l’accident, de respecter son obligation de formuler une offre provisionnelle dans le délai de huit mois à compter de l’accident, soit avant le 16 mai 2015.
Suivant une première offre tardive du 11 mai 2016, l’assureur s’est exécuté en dehors du délai légal qui lui était imparti.
Il s’ensuit que l’accident de la circulation s’étant produit le 16 septembre 2014, l’indemnité allouée produira, conformément à la demande, intérêts au double du taux légal à compter du 16 mai 2015.
=> Sur le point d’arrivée des intérêts au double du taux légal
S’agissant du point d’arrivée des intérêts au double du taux légal, il ressort de la combinaison des articles L. 211-9 et L. 211-13 que, d’une part, une offre d’indemnisation définitive doit être formulée dans un délai de cinq mois suivant la date à laquelle l’assureur a été informé de la consolidation de la victime, d’autre part qu’une offre manifestement insuffisante équivaut à une absence d’offre et enfin, qu’une offre incomplète, qui ne comprend pas tous les éléments indemnisables du préjudice, équivaut à une absence d’offre.
En l’espèce, le Crédit mutuel ne conteste pas que le rapport d’expertise, qui a fixé la date de consolidation au 31 octobre 2016, porte la date du 29 juin 2017 à laquelle il en a eu connaissance.
Il s’ensuit que l’assureur devait formuler une offre dans le délai de 5 mois prévu par l’article L. 211-9, soit avant le 29 novembre 2017.
Il n’est pas contesté que le Crédit mutuel a présenté son offre d’indemnisation définitive à M. [S] [U] par lettre recommandée avec accusé de réception du 21 septembre 2017, laquelle a été réceptionnée dans le délai légal imparti.
Dès lors que la victime n’a pas accepté cette offre définitive de transaction proposée par l’assureur, les dispositions de l’article R. 211-40 du code des assurances, qui prévoient que l’offre doit contenir la formule relative au délai de rétractation, n’ont pas vocation à s’appliquer en l’espèce.
Cette offre d’indemnisation d’un montant global de 31 220,98 euros, avant déduction de la provision et hors créances du tiers payeur, proposée le 21 septembre 2017 sur les bases du rapport de l’expert [B] du 29 juin 2017, comprend certes des éléments indemnisables du préjudice tel que retenus par ce dernier, hormis les dépenses de santé actuelles, le déficit fonctionnel permanent, le préjudice d’agrément, qui sont « réservés [par l’assureur] en attente de justificatifs », mais s’avère manifestement insuffisante eu égard à l’indemnisation arbitrée par la cour à hauteur de 77 509,01 euros, hors créances de l’agent judiciaire de l’État.
Par conséquent, la cour juge que cette proposition manifestement insuffisante équivaut à une absence d’offre, et n’est pas de nature à interrompre le cours de la pénalité.
Il s’ensuit que la sanction du doublement de l’intérêt au taux légal s’appliquera à compter du 16 mai 2015 jusqu’au 25 mai 2023, date de l’arrêt.
=> Sur l’assiette du doublement de l’intérêt légal
En cas d’offre d’indemnisation de l’assureur, l’assiette des intérêts majorés porte en principe sur les sommes offertes par l’assureur, de sorte que la sanction prévue par l’article L. 211-13 a pour assiette l’indemnité offerte par l’assureur avant imputation des
créances des organismes sociaux déclarées à l’assureur et avant déduction des provisions éventuellement versées.
En conséquence, au vu de l’offre notifiée le 21 septembre 2017 et des débours définitifs de l’agent judiciaire de l’État retenus par le premier juge et non contestés, le doublement des intérêts au taux légal s’appliquera du 16 mai 2015 jusqu’au 25 mai 2023 sur la somme de 376 896,94 euros (soit 77 509,01 euros correspondant à l’indemnité totale allouée par la cour + 299 387,93 euros correspondant à la créance du tiers payeur).
Le jugement querellé sera donc infirmé en ce qu’il a condamné le Crédit mutuel à payer à M. [S] [U] les intérêts au double du taux légal sur la somme de 31 220,98 euros du 14 mai 2015 au 21 septembre 2017.
B – Sur la capitalisation des intérêts échus pour une année entière
L’article 1343-2 du code civil qui dispose que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l’a prévu ou si une décision de justice le précise, n’impose pas au créancier de formuler une demande d’anatocisme pour faire courir le délai d’un an.
Si la demande en justice n’est plus une condition d’application de l’anatocisme judiciaire, le cours des intérêts constitue toutefois la condition préalable d’une telle capitalisation annuelle.
En application de l’article 1231-7 alinéa 2 du code civil, dans sa rédaction postérieure à l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 10 février 2016 en cas de confirmation pure et simple par le juge d’appel d’une décision allouant une indemnité en réparation d’un dommage, celle-ci porte de plein droit intérêt au taux légal à compter du jugement de première instance. Dans les autres cas, l’indemnité allouée en appel porte intérêt à compter de la décision d’appel. Le juge d’appel peut toujours déroger aux dispositions du présent alinéa.
Il en résulte que la capitalisation annuelle des intérêts court à compter du jugement critiqué.
C – Sur la demande d’imputation prioritaire des paiements sur les intérêts
Le jugement querellé sera confirmé en ce qu’il a rejeté la demande d’imputation prioritaire des paiements sur les intérêts, considérant que celle-ci n’était motivée ni en fait ni en droit.
D – Sur les frais de recouvrement forcé
En application des articles A. 444-32, R. 444-3 et R. 444-55 du code de commerce, lorsque l’huissier est mandaté pour une prestation de recouvrement ou d’encaissement sur la base d’un titre exécutoire, le tarif réglementé lui permet de percevoir des émoluments sur les sommes recouvrées ou encaissées, qu’il s’agisse d’un recouvrement partiel ou total de la créance. A défaut de justifier de la nécessité de procéder à un recouvrement forcé de sa créance, les consorts [U]-[C] doivent être déboutés de leur demande tendant à ce que les dépens de première instance et d’appel comprennent les émoluments de recouvrement ou d’encaissement de l’huissier, s’agissant de frais purement hypothétiques.
E – Sur l’opposabilité de l’arrêt
La demande tendant à voir déclarer l’arrêt opposable à l’agent judiciaire de l’État et à la Mutuelle générale de la police (MGP – Almerys) est sans objet, dès lors qu’ils sont tous deux intimés en appel.
Les consorts [U]-[C] seront déboutés de leur demande sur ce point.
F – Sur les dépens et les frais irrépétibles
Le sens de l’arrêt conduit à confirmer le jugement dont appel sur les dépens et les frais irrépétibles de première instance.
Le Crédit mutuel qui succombe est condamné aux entiers dépens d’appel.
L’équité commande de condamner le Crédit mutuel à payer à M. [S] [U] la somme de 2 500 euros à titre d’indemnité de procédure d’appel sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, et de rejeter les autres prétentions des parties.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme en toutes ses dispositions critiquées le jugement rendu le 7 septembre 2021 par le tribunal judiciaire de Lille, sauf en ce qu’il a :
– condamné la société d’assurances Crédit mutuel nord iard à payer à M. [S] [U] les sommes suivantes en réparation du préjudice subi à la suite de l’accident survenu le 16 septembre 2014 :
5 024,57 euros au titre de l’assistance par tierce personne temporaire ;
3 000 euros au titre du préjudice d’agrément ;
– dit que l’incidence professionnelle évaluée à 15 000 euros et le déficit fonctionnel permanent évalué à 18 000 euros sont entièrement absorbés après imputation de la créance de l’agent judiciaire de l’État au titre de l’allocation d’invalidité ;
– condamné la société d’assurances Crédit mutuel nord iard à payer à M. [S] [U] les intérêts au double du taux légal sur la somme de 31 220,98 euros du 14 mai 2015 au 21 septembre 2017 ;
– dit que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produiront intérêt avec pour point de départ le 29 novembre 2018 ;
– rejeté le surplus des demandes indemnitaires de M. [S] [U] ;
L’infirme de ces chefs ;
Prononçant à nouveau des chefs infirmés, et y ajoutant,
Condamne la société d’assurances Crédit mutuel nord iard à payer à M. [S] [U] les sommes suivantes en réparation du préjudice subi à la suite de l’accident corporel survenu le 16 septembre 2014 :
495,17 euros au titre des frais de déplacement ;
5 580 au titre de l’assistance temporaire par une tierce personne ;
18 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent ;
10 000 euros au titre du préjudice d’agrément ;
Dit que M. [S] [U] n’a saisi la cour d’aucune demande au titre des dépenses de santé futures restées à sa charge, et des pertes de gains professionnels futurs ;
Dit que l’incidence professionnelle qu’elle évalue à la somme de 30 000 euros est entièrement absorbée après imputation de la créance de l’agent judiciaire de l’État au titre de l’allocation d’invalidité ;
Condamne la société d’assurances Crédit mutuel nord iard à payer à M. [S] [U] les intérêts au double du taux légal sur la somme de 376 896,94 euros du 16 mai 2015 au 25 mai 2023 ;
Dit que ces intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produiront intérêts à compter du jugement ;
Déboute les parties de leurs plus amples prétentions ;
Condamne la société d’assurances Crédit mutuel nord iard aux entiers dépens d’appel ;
La condamne en outre à payer à M. [S] [U] la somme de 2 500 euros à titre d’indemnité de procédure d’appel sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, la débitrice de cette somme étant elle-même déboutée de sa demande indemnitaire à cette fin.
Le Greffier
Fabienne Dufossé
Le Président
Guillaume Salomon