Droit de rétractation : 25 mai 2023 Cour d’appel de Dijon RG n° 21/01013

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Droit de rétractation : 25 mai 2023 Cour d’appel de Dijon RG n° 21/01013
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SD/LL

[L] [P] [X]

C/

[Y] [J]

expédition et copie exécutoire

délivrées aux avocats le

COUR D’APPEL DE DIJON

2ème Chambre Civile

ARRÊT DU 25 MAI 2023

N° RG 21/01013 – N° Portalis DBVF-V-B7F-FYEP

MINUTE N°

Décision déférée à la Cour : au fond du 09 avril 2021,

rendue par le tribunal judiciaire de Chalon sur Saône – RG : 20-00237

APPELANT :

Monsieur [L] [P] [X]

né le 30 Décembre 1943 à [Localité 5] (73)

domicilié :

[Adresse 1]

[Localité 4]

représenté par Me Géraldine GRAS-COMTET, avocat au barreau de MACON

INTIMÉE :

Madame [Y] [J]

domiciliée :

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Nadine THUREL, membre de la SCP GALLAND & ASSOCIES, avocat au barreau de CHALON-SUR-SAONE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 23 mars 2023 en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Viviane CAULLIREAU-FOREL, Président de Chambre, et Sophie DUMURGIER, Conseiller, chargé du rapport. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la cour étant alors composée de :

Viviane CAULLIREAU-FOREL, Président de Chambre, Président,

Sophie DUMURGIER, Conseiller,

Sophie BAILLY, Conseiller,

qui en ont délibéré.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Maud DETANG,

DÉBATS : l’affaire a été mise en délibéré au 25 Mai 2023,

ARRÊT : rendu contradictoirement,

PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ : par Viviane CAULLIREAU-FOREL, Président de Chambre, et par Maud DETANG, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Au début du mois de mai 2019, M. [L] [X] s’est rendu au salon des antiquaires de [Localité 7] où il a repéré un tableau du peintre [Z] [V] sur le stand de Mme [Y] [J].

Fin mai 2019, à l’occasion du salon des antiquaires de [Localité 6], il a revu le tableau, toujours disponible à la vente.

Il a ensuite contacté Mme [J] par téléphone et les parties se sont accordées sur un prix de vente.

Le tableau a été livré au domicile de l’acheteur par Mme [J] le lendemain.

Constatant que le bien acquis avait été ré-entoilé et qu’il présentait des traces de rouille, M. [X] a informé Mme [J] qu’il entendait faire usage de son droit de rétractation, par lettre recommandée avec accusé de réception du 6 juin 2019.

Par courrier du 15 juin 2019, Mme [J] a opposé un refus à cette demande.

Par exploit du 26 février 2020, M. [X] a assigné Mme [J] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Chalon-sur-Saône aux fins, à, titre principal, de voir prononcer la résolution de la vente, et, à titre subsidiaire, son annulation.

A l’audience du 16 février 2021, M. [X] a demandé au tribunal de :

– in limine litis, déclarer ses demandes recevables,

– à titre principal, prononcer la résolution de la vente à distance et à titre subsidiaire son annulation,

– en conséquence, condamner Mme [J] à lui rembourser la somme de 3 800 euros assortie des intérêts au taux légal,

– condamner Mme [J] à lui verser la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,

– en tout état de cause, la condamner au paiement de la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Il faisait valoir que, la vente ayant été conclue à distance au sens de l’article L 221-1 du code de la consommation, il disposait d’un délai de 14 jours pour exercer son droit de rétractation, dont il a fait usage.

A titre subsidiaire, il soutenait que l’état défectueux de l’oeuvre et son réentoilage constituaient un vice du consentement.

Mme [J] a conclu, à titre principal, à l’irrecevabilité des demandes de M. [X] au visa de l’article 750-1 du code de procédure civile et, à titre subsidiaire, à leur rejet, aux motifs que la vente n’est pas intervenue à distance, le processus de vente et la négociation du prix ayant débuté lors des salons des antiquaires, et que l’acheteur avait pu examiner le tableau avec précaution avant de l’acheter, ce qui excluait tout dol ou erreur.

Elle a sollicité l’allocation d’une indemnité de procédure de 1 500 euros.

Par jugement rendu le 9 avril 2021, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Chalon-sur-Saône a :

– déclaré les demandes de M. [X] recevables,

– débouté M. [X] de sa demande en résolution de la vente,

– débouté M. [X] de sa demande en annulation de la vente,

– débouté M. [X] de sa demande en paiement de dommages et intérêts,

– condamné M. [X] à payer à Mme [J] la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté M. [X] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné M. [X] aux dépens de l’instance,

– rappelé que l’exécution provisoire est de droit.

M. [X] a relevé appel de cette décision par déclaration reçue au greffe le 28 juillet 2021, appel limité aux chefs de dispositif du jugement l’ayant débouté de l’ensemble de ses demandes et l’ayant condamné aux dépens et au paiement d’une indemnité de procédure.

Au terme de ses conclusions récapitulatives notifiées le 5 avril 2022, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens au soutien de ses prétentions, l’appelant demande à la cour de :

Vu les dispositions des articles 750-1 et 40 du code de procédure civile,

– déclarer recevable et bien fondé son appel,

Rejetant toutes conclusions contraires,

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a déclaré recevables ses demandes,

– réformer la décision entreprise en ce qu’elle l’a débouté de sa demande en résolution de la vente et de sa demande en annulation de la vente,

Statuant à nouveau,

Vu les articles L 211-1, L 211-5, L 221-9 et L 242-1 du code de la consommation,

A titre principal,

– prononcer la résolution de la vente eu égard au droit de rétractation qui lui bénéficiait,

A titre subsidiaire,

– prononcer l’annulation de la vente sur le fondement de l’article L 240-1 du code de la consommation pour non-respect des informations précontractuelles,

A titre infiniment subsidiaire,

– prononcer la nullité de la vente pour erreur sur le fondement des articles 1132 et suivants du code civil,

– condamner Mme [J] à lui restituer la somme de 3 800 euros outre intérêts au taux légal,

– condamner Mme [J] à lui payer la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,

– condamner Mme [J] à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner Mme [J] aux entiers dépens de l’instance dont distraction au profit de Me Géraldine Gras-Comtet, sur son affirmation de droit.

Au terme de conclusions d’intimée notifiées le 11 janvier 2022, Mme [J] demande à la cour de :

Vu l’article 750-1 du code de procédure civile,

Vu les articles 1113 du code civil et L 221-1 du code de la consommation,

– déclarer l’appel interjeté par M. [X] recevable mais non fondé,

– déclarer son appel incident recevable et fondé,

En conséquence,

– réformer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Chalon-sur-Saône en date du 9 avril 2021 en ce qu’il a déclaré les demandes de M. [X] recevables,

En conséquence,

In limine litis, à titre principal,

– déclarer les demandes de M. [X] irrecevables en l’absence de tentative de conciliation, de médiation ou de procédure participative justifiées dans son acte introductif d’instance,

A titre subsidiaire,

– confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Chalon-sur-Saône en date du 9 avril 2021,

– débouter M. [X] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

En toutes hypothèses,

– condamner M. [X] à lui payer la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner M. [X] aux entiers dépens de première instance et d’appel.

La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 7 février 2023.

SUR CE

– Sur la recevabilité des demandes

Mme [J], appelante incidente du jugement en ce qu’il a déclaré recevables les demandes de M. [X], fait valoir que ce dernier n’a fait mention d’aucune tentative de conciliation, de médiation ou de procédure participative dans son acte introductif d’instance alors que cette démarche est obligatoire en application de l’article 750-1 du code de procédure civile, dès lors que sa demande n’excède pas la somme de 4 800 euros.

Aux termes de l’article 750-1 du code de procédure civile, ‘à peine d’irrecevabilité que le juge peut prononcer d’office, la demande en justice doit être précédée, au choix des parties, d’une tentative de conciliation menée par un conciliateur de justice, d’une tentative de médiation, ou d’une tentative de procédure participative lorsqu’elle tend au paiement d’une somme n’excédant pas 5 000 euros ou lorsqu’elle est relative à l’une des actions mentionnées aux articles R 211-3-4 et R 211-3-8 du code de l’organisation judiciaire’.

Or, ainsi que l’a exactement retenu le tribunal, en présence d’une demande de résolution ou d’annulation de la vente, les dispositions de l’article 750-1 du code de procédure civile ne sont pas applicables.

En outre, comme l’a relevé le premier juge, il ressort des nombreux courriers échangés par les parties que celles-ci ont vainement tenté de trouver un accord amiable avant que M. [X] ne saisisse le tribunal, cette circonstance de l’espèce révélant l’impossibilité d’une tentative de résolution amiable du litige.

– Sur la résolution de la vente

L’appelant fonde sa demande de résolution de la vente litigieuse sur les dispositions de l’article L 221-1 du code de la consommation qui définit le contrat à distance comme tout contrat conclu entre un professionnel et un consommateur, dans le cadre d’un système organisé de vente ou de prestation de services à distance, sans la présence physique simultanée du professionnel et du consommateur, par le recours exclusif à une ou plusieurs techniques de communication à distance jusqu’à la conclusion du contrat.

Il prétend que la seule présence physique simultanée de lui même et de la venderesse au salon des antiquaires n’exclut pas une vente à distance car la vente n’a pas été négociée en face à face présentiel des deux parties, la rencontre de celles-ci n’ayant eu lieu qu’au moment du paiement du prix et de la remise de l’objet.

Il précise avoir vu le tableau sur le stand mais ne pas l’avoir examiné et ne pas avoir demandé d’informations à Mme [J] qui était absente de son stand.

Il considère que le contrat peut être qualifié de contrat à distance car il a été conclu par téléphone.

Il précise que, selon la directive européenne 2002/65/CE du 23 septembre 2002, la définition de contrat à distance couvre également les situations dans lesquelles les consommateurs visitent l’établissement commercial uniquement pour collecter des informations sur les biens ou services, puis négocient et concluent le contrat à distance.

Cependant, la mise en présence de l’acquéreur et de l’acheteur au domicile de ce dernier, le 2 juin 2019, exclut la qualification de vente à distance, étant observé que la vente litigieuse n’est pas intervenue dans le cadre d’un système organisé de vente et que la circonstance que le prix a été fixé par téléphone ne suffit pas pour retenir cette qualification, en l’absence de recours exclusif à des techniques de communication à distance jusqu’à la conclusion du contrat.

A titre subsidiaire, M. [X] se prévaut des dispositions de l’article L 221-1 2° a) du code de la consommation qui définit le contrat hors établissement comme tout contrat conclu entre un professionnel et un consommateur dans un lieu qui n’est pas celui où le professionnel exerce son activité en permanence ou de manière habituelle, en la présence physique simultanée des parties, y compris à la suite d’une sollicitation ou d’une offre faite par le consommateur.

La vente litigieuse ayant été conclue en présence physique des parties, hors du lieu où Mme [J] exerce son activité de manière habituelle,, après sollicitation de cette dernière par téléphone à l’initiative de M. [X], elle peut recevoir la qualification de contrat conclu hors établissement entre un professionnel et un consommateur.

L’article L 221-18 du code de la consommation prévoit que le consommateur dispose d’un délai de quatorze jours pour exercer son droit de rétractation d’un contrat conclu hors établissement, sans avoir à motiver sa décision ni à supporter d’autres coûts que ceux prévus aux articles L 221-23 à L 221-25.

L’appelant a fait usage de son droit de rétractation par courrier recommandé avec accusé de réception du 6 juin 2019, dans le délai de 14 jours suivant la conclusion de la vente.

Infirmant le jugement en ce qu’il a débouté M. [X] de l’ensemble de ses demandes, il convient de prononcer la résolution de la vente et de condamner Mme [J] à restituer à l’appelant la somme de 3 800 euros, avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation du 26 février 2020.

Même si Mme [J] ne forme aucune demande en ce sens, la cour rappelle que du fait de la résolution du contrat, le tableau doit lui être restitué.

M. [X] sollicite également la condamnation de Mme [J] au paiement d’une somme de 1 000 euros en raison de la résistance abusive et injustifiée opposée par cette dernière.

Il ne justifie toutefois d’aucun préjudice distinct de celui résultant du retard dans la restitution du prix de vente, qui sera réparé par les intérêts moratoires.

Le jugement sera ainsi confirmé en ce qu’il a débouté le requérant de sa demande de dommages-intérêts.

– Sur les demandes accessoires

L’intimée qui succombe supportera la charge des dépens de première instance et d’appel.

Il est par ailleurs équitable de mettre à sa charge une partie des frais de procédure exposés par l’appelant et non compris dans les dépens.

Elle sera ainsi condamnée à lui verser la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement rendu le 9 avril 2021 par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Chalon sur Saône en ce qu’il a :

– déclaré les demandes de M. [X] recevables,

– débouté M. [X] de sa demande d’annulation de la vente,

– débouté M. [X] de sa demande de dommages et intérêts,

L’infirme pour le surplus et, statuant à nouveau,

Prononce la résolution de la vente de tableau conclue entre Mme [Y] [J] et M. [L] [X],

Condamne Mme [J] à restituer à M. [X] la somme de 3 800 euros avec intérêts au taux légal à compter du 26 février 2020,

Rappelle que M. [X] est tenu de restituer le tableau à Mme [J],

Condamne Mme [J] à payer à M. [X] la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme [J] aux dépens de première instance et d’appel et dit que les dépens d’appel pourront être recouvrés directement, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile, par Maître Gras-Comtet, pour ceux dont elle a fait l’avance sans avoir reçu provision.

Le Greffier, Le Président,

 


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