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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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COUR D’APPEL DE NANCY
DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT N° /23 DU 22 JUIN 2023
Numéro d’inscription au répertoire général :
N° RG 22/01572 – N° Portalis DBVR-V-B7G-FAGX
Décision déférée à la Cour :
Jugement du juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de NANCY, R.G. n° 20/00959, en date du 23 mai 2022,
APPELANTS :
Monsieur [T] [V]
né le 22 Mai 1979 à [Localité 5], responsable administratif, domicilié [Adresse 1]
Représenté par Me Anne-isabelle FLECK, avocat au barreau de NANCY
Madame [X] [F]
née le 20 Mars 1978 à [Localité 6], secrétaire, domiciliéet [Adresse 2]
Représentée par Me Anne-isabelle FLECK, avocat au barreau de NANCY
INTIMÉES :
ALLIANCE FRANCAISE DE L’ENERGIE
Société par action simplifiée à associé unique au capital de 20.000 €, immatriculée au RCS de Bobigny sous le n° 529 904 377 ayant son siège social [Adresse 4], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
Représentée par Me Christian OLSZOWIAK de la SCP ORIENS AVOCATS, avocat au barreau de NANCY
S.A. FRANFINANCE
Société anonyme au capital de 31 357 776,00 €, immatriculée au RCS de NANTERRE sous le n° B 719 807 406 dont le siège social est [Adresse 3], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
Représentée par Me Sandrine AUBRY de la SCP AUBRUN-FRANCOIS AUBRY, avocat au barreau de NANCY
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 25 Mai 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Francis MARTIN, président et Madame Fabienne GIRARDOT, conseiller.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Francis MARTIN, président de chambre,
Madame Nathalie ABEL, conseiller,
Madame Fabienne GIRARDOT, conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Christelle CLABAUX- DUWIQUET .
A l’issue des débats, le président a annoncé que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 22 Juin 2023, en application du deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
ARRÊT : contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 22 Juin 2023, par Mme Christelle CLABAUX- DUWIQUET, greffier, conformément à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;
signé par Monsieur Francis MARTIN, président de chambre, et par Madame Christelle CLABAUX- DUWIQUET, greffier ;
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Copie exécutoire délivrée le à
Copie délivrée le à
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EXPOSE DU LITIGE
Suivant bon de commande signé le 8 mai 2019, M. [T] [V] et Mme [X] [F] (ci-après les consorts [V] [F]) ont sollicité auprès de la société Alliance Française de l’Energie ( ci-après la SAS AFE), dans le cadre d’un démarchage à domicile, la fourniture et l’installation avec mise en service d’un module eau chaude sanitaire composé d’une pompe à chaleur air/eau pour un montant de 19 000 euros TTC, financé au moyen d’un contrat de prêt consenti par la SA Franfinance suivant offre préalable signée le même jour, prévoyant un remboursement au taux de 3,83 % l’an sur une durée de 125 mois, après un différé de paiement de cinq mois.
Le 31 mai 2019, M. [T] [V] a signé une fiche de réception de travaux mentionnant que le matériel installé a été ‘ réceptionné sans restriction ni réserve (…) [et est] conforme au bon de commande ‘.
Par courrier du 20 juin 2019, la SA Franfinance a confirmé à M. [T] [V] les modalités du crédit consenti pour un montant total dû de 26 354,40 euros et l’a informé de la fixation de la date du premier prélèvement au 20 décembre 2019 pour se terminer le 20 novembre 2029.
Le 20 juin 2019, la SA Franfinance a libéré les fonds au profit de la SAS AFE qui a émis une facture le 1er juillet 2019.
Par courriers recommandés avec demande d’avis de réception des 1er et 29 octobre 2019, les consorts [V] [F] ont alerté la SAS AFE de problèmes rencontrés lors de l’installation de la pompe à chaleur (coupure de l’installation du chauffe-eau, nécessité d’augmenter la puissance du compteur, absence de mise à niveau du module), et ont sollicité la communication de son assurance décennale ainsi que d’un certificat de garantie, ajoutant que le prix du matériel facturé avait été surévalué par rapport à son prix réel (non détaillé concernant le prix unitaire du matériel et de la pose), que le coût total du crédit ne leur avait pas été indiqué et qu’ils n’avaient pas bénéficié de la prime EDF de 3 500 euros en raison du caractère incomplet de l’attestation sur l’honneur du vendeur.
-o0o-
Par actes d’huissier du 17 juillet 2020, les consorts [V] [F] ont fait assigner la SAS AFE et la SA Franfinance devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Nancy afin de voir, avant dire-droit, ordonner la suspension du contrat de crédit et ordonner une mesure d’expertise afin d’examiner la conformité de l’installation, et sur le fond, à titre principal, prononcer l’annulation du contrat de vente et du contrat de crédit affecté, en les dispensant de la restitution du capital emprunté à la SA Franfinance, et subsidiairement, condamner la SAS AFE au paiement de dommages et intérêts à hauteur de 18 295,54 euros, et ordonner la déchéance du droit aux intérêts du prêteur et la production d’un tableau d’amortissement déduisant les intérêts perçus, avec poursuite de l’amortissement au taux légal à compter du 23 novembre 2015 et remboursement par la SA Franfinance des intérêts perçus indûment.
La SAS AFE a conclu au débouté des demandes des consorts [V] [F] et a sollicité l’allocation de dommages et intérêts pour procédure abusive.
La SA Franfinance a conclu au débouté des demandes des consorts [V] [F], et subsidiairement, au remboursement du capital emprunté déduction faite des remboursements effectués. Plus subsidiairement, elle a conclu au remboursement des échéances versées à la condition de restitution du matériel par les consorts [V] [F] et a sollicité la condamnation de la SAS AFE à lui verser la somme de 23 266,80 euros correspondant à la perte financière liée à la résolution du crédit et à la garantir de toute condamnation.
Par jugement en date du 3 mai 2022, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Nancy a :
– prononcé la nullité du contrat conclu le 8 mai 2019 entre les consorts [V] [F] d’une part et la SAS AFE d’autre part,
– constaté la nullité de plein droit du contrat de crédit affecté conclu le 8 mai 2019 entre les consorts [V] [F] d’une part et la SA Franfinance d’autre part,
– condamné la SA Franfinance à restituer aux consorts [V] [F] les mensualités versées au titre de ce contrat,
– condamné solidairement les consorts [V] [F] à payer à la SA Franfinance la somme de 19 000 euros au titre du capital emprunté au titre de ce contrat,
– dit qu’il pourra s’opérer une compensation entre les créances réciproques des parties résultant des condamnations ci-dessus,
– dit que la SAS AFE sera admise, si elle entend le faire, à reprendre le matériel objet du contrat de vente au domicile des acheteurs dans un délai de 3 mois à compter de la signification du présent jugement,
– condamné la SAS AFE et la SA Franfinance à payer aux consorts [V] [F] la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouté les parties du surplus de leurs demandes,
– condamné in solidum la SAS AFE et la SA Franfinance aux dépens de l’instance.
Le premier juge a retenu que la demande de suspension de l’exécution du crédit devenait sans objet et qu’une mesure d’expertise n’apparaissait pas nécessaire à la solution du litige.
Il a jugé que l’absence des coordonnées de l’assureur et de la couverture géographique du contrat ou de l’engagement suffisait à justifier l’annulation du contrat de vente, soulignant que la preuve de la remise d’une fiche descriptive technique en annexe du bon de commande n’était pas rapportée. Il a retenu que les consorts [V] [F] n’avaient pas connaissance du vice affectant le bon de commande ni l’intention de le réparer.
Le premier juge a retenu que le contrat de vente et l’attestation de livraison ne souffraient d’aucune irrégularité manifeste, seule opposable au prêteur, et que les consorts [V] [F] ne sauraient reprocher au prêteur d’avoir débloqué les fonds dès lors qu’ils avaient réceptionné le matériel sans réserve, quand bien même le matériel n’aurait pas été monté de manière conforme et aurait subi des pannes.
-o0o-
Le 7 juillet 2022, les consorts [V] [F] ont formé appel du jugement tendant à son annulation, sinon son information en ce qu’ils ont été déboutés du surplus de leurs demandes tendant notamment à :
– les voir dispensés de restituer le capital emprunté à la SA Franfinance et, à défaut, ordonner que la SAS AFE garantisse le capital emprunté,
– condamner la SAS AFE au paiement de la somme de 18 925,54 euros à titre de dommages et intérêts,
– limiter à trois mois le délai dans lequel la SAS AFE pourra venir récupérer le matériel.
Dans leurs dernières conclusions transmises le 19 janvier 2023, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé de leurs prétentions et moyens, les consorts [V] [F], appelants, demandent à la cour sur le fondement des dispositions des articles L. 111-1 et suivants, L. 221-9 et suivants, L. 312-1 et suivants, L. 312-55 et suivants, L. 341-1, L. 616-1, R. 111-2 du code de la consommation, 1104, 1178 et 1182 et suivants du code civil, 334 et suivants et 566 du code de procédure civile :
– de faire droit à leur appel,
-de rejeter les appels incidents de la SAS AFE et la SA Franfinance,
– de débouter la SAS AFE et la SA Franfinance de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
A titre principal,
– de confirmer le jugement entrepris sauf en ce qu’il les a déboutés de leur demande tendant à disposer librement du matériel faute pour la SAS AFE d’être venue le récupérer dans un délai de 3 mois suivant la signification du jugement,
Y ajoutant,
– de condamner la SAS AFE à leur rembourser la somme de 19 000 euros,
Et statuant à nouveau,
– de les autoriser à disposer librement du matériel, objet du contrat, à l’issue d’un délai de 3 mois suivant la signification de l’arrêt à intervenir, faute pour la SAS AFE de venir le récupérer et, à défaut, de condamner la SAS AFE à venir récupérer le matériel sous astreinte de 100 euros par jour passé ce dit délai de 3 mois,
A titre accessoire et subsidiaire,
– d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il les a déboutés du surplus de leurs demandes et notamment les suivantes :
* de dispenser M. [V] de restituer le capital emprunté à la SA Franfinance et, à défaut, d’ordonner que la SAS AFE garantisse le capital emprunté,
* de condamner la SAS AFE au paiement de la somme de 18 925,54 euros à titre de dommages et intérêts,
* de limiter à trois mois le délai dans lequel la SAS AFE pourra venir récupérer le matériel,
Et statuant à nouveau,
– de les dispenser de restituer le capital emprunté à la SAS AFE et, à défaut, d’ordonner que la SAS AFE garantisse le capital emprunté et autres sommes auxquelles ils pourraient être condamnés,
– de les autoriser à disposer librement du matériel, objet du contrat, à l’issue d’un délai de 3 mois suivant la signification de l’arrêt à intervenir, faute pour la SAS AFE de venir le récupérer et, à défaut, de condamner la SAS AFE à venir récupérer le matériel sous astreinte de 100 euros par jour passé ce dit délai de 3 mois,
– de confirmer le jugement pour le surplus,
En tout état de cause,
– de condamner la SAS AFE et la SA Franfinance à leur payer la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Au soutien de leurs demandes, les consorts [V] [F] font valoir en substance :
– qu’ils ont attendu de longs mois (deux ans) avant que la SAS AFE leur communique le certificat de garantie du matériel et son assurance décennale et que le module soit mis à niveau ; qu’ils ont constaté après l’installation une coupure d’électricité dûe à la mauvaise installation du ballon d’eau chaude ; que l’intervention de différents professionnels leur a révélé que l’installation n’était pas conforme ;
– que si le premier juge a retenu que le contrat principal était nul, en revanche, il a omis de condamner la SAS AFE à leur rembourser le prix perçu au moment de la vente et les a empêchés de disposer librement du matériel ; qu’une requête en omission de statuer a été transmise au tribunal judiciaire le 25 mai 2022 et suite à la signification du jugement le 8 juin 2022, ils ont interjeté appel le 7 juillet 2022 dans le but de sauvegarder leurs droits ; qu’il convient d’ajouter cette condamnation au dispositif du jugement déféré ;
– qu’ils doivent être autorisés à disposer du matériel si la SAS AFE ne venait pas le récupérer dans le délai de 3 mois ; qu’ils réitèrent leur volonté de ne pas garder le matériel dont le propriétaire est la SAS AFE ;
– que si la SA Franfinance a délivré les fonds à la SAS AFE, ce qu’il convient de démontrer, elle ne s’est pas assurée que le bon de commande était régulier (en l’absence des coordonnées de l’assureur et de la couverture géographique du contrat) et que l’installation n’est pas conforme aux normes techniques, ce qui leur a causé un préjudice certain caractérisé par la perte de la propriété de l’installation ; que leurs obligations à l’égard de la SA Franfinance n’ont pas commencé à courir et qu’ils ne sauraient être condamnés à rembourser une somme à la SA Franfinance ;
– que le bon de commande produit par la SA Franfinance comporte des ajouts et ratures ne figurant pas à celui des emprunteurs, qui ne contient pas le prix au détail de chaque bien et service vendu (prix global TTC non détaillé ni taux de TVA), ni le taux nominal du crédit et le TAEG, ni les coordonnées de l’assureur et de la couverture géographique du contrat, ni les dispositions relatives au médiateur, ni la période de disposition des pièces détachées sur le marché, et mentionne un délai maximal de 4 mois pour la livraison sans préciser les modalités d’exécution du contrat ; qu’aucune fiche technique descriptive ne leur a été remise ;
– que la preuve n’est pas rapportée qu’ils avaient connaissance des vices affectant leur bon de commande, qui ne saurait résulter de la simple reproduction des dispositions du code de la consommation, ni leur intention de les réparer, qui ne saurait résulter du seul paiement des mensualités de crédit ;
– que le contrat conclu avec la SAS AFE n’a pas été négocié, formé et exécuté de bonne foi ; qu’ils ne pouvaient comparer les prix (ayant été floués sur la valeur de la pompte à chaleur) et que le dossier de crédit a été accepté après la fin du délai de rétractation ; qu’ils ont découvert le coût du crédit le 20 juin 2019 (7 354,40 euros) ;
– que la SA Franfinance doit être déchue de son droit aux intérêts en ce que l’offre de crédit ne fait pas mention du coût total du crédit, du bien ou service qu’il sert à financer ;
– que la SA Franfinance ne peut conditionner le remboursement des échéances versées à la restitution du matériel à la SAS AFE.
Dans ses dernières conclusions transmises le 2 janvier 2023, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la SAS AFE, intimée et appelante à titre incident, demande à la cour sur le fondement des articles L.111-1 et suivants et L. 221-5 et suivants, L.242-1 et L.312-56 du code de la consommation, 1104, 1136, 1168 et 1182 du code civil, et de l’article 9 du code de procédure civile :
– de déclarer son appel incident recevable et bien fondé,
– d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il juge nul le contrat du 8 mai 2019 entre la SAS AFE et les consorts [V] [F],
– d’infirmer le jugement en ce qu’il l’a condamnée au paiement de la somme de 1 500 euros solidairement avec la SA Franfinance, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance,
– de rejeter toutes les prétentions et demandes formulées par les consorts [V] [F] à son encontre,
– de rejeter toutes les prétentions et demandes formulées par la SA Franfinance à son encontre,
Jugeant de nouveau,
A titre principal, sur la demande de nullité du contrat conclu entre les consorts [V] [F] et la SAS AFE,
– de déclarer que les consorts [V] [F] succombent totalement dans l’administration de la preuve de la violation des dispositions qu’ils invoquent,
– de déclarer que les dispositions prescrites par l’article L.111-1 du code de la consommation ont été respectées, et que les documents contractuels soumis aux consorts [V] [F] sont conformes à ces dispositions,
– de déclarer qu’en signant le bon de commande aux termes duquel étaient indiquées les
conditions de forme des contrats conclus à distance imposées par le code de la consommation, en ayant lu et approuvé le bon de commande (conditions générales de vente incluses), les consorts [V] [F] ne pouvaient ignorer les prétendus vices de forme affectant le bon de commande souscrit,
– de déclarer que par l’acceptation sans réserve des travaux effectués par la SAS AFE au bénéfice des consorts [V] [F], ces derniers ont manifesté leur volonté de confirmer l’acte prétendument nul,
– de déclarer qu’en donnant accès à leur domicile pour la réalisation des travaux, et en procédant au remboursement des échéances du prêt souscrit auprès de la banque Franfinance, les consorts [V] [F] ont clairement manifesté leur volonté de confirmer l’acte prétendument nul,
En conséquence,
– de juger que le contrat conclu le 8 mai 2019 avec les consorts [V] [F] est valide,
A titre subsidiaire, sur la demande de dommages et intérêts fondée sur sa prétendue mauvaise foi,
– de déclarer que les consorts [V] [F] succombent totalement dans l’administration de la preuve d’une mauvaise foi de sa part,
– de déclarer que les consorts [V] [F] avaient connaissance du prix de l’opération,
En conséquence,
– de juger qu’elle n’est débitrice d’aucune créance de dommages et intérêts envers les consorts [V] [F],
A titre très subsidiaire, sur les demandes indemnitaires formulées par la SA Franfinance à son encontre,
-de déclarer qu’elle n’a commis aucune faute dans l’exécution du contrat conclu,
– de déclarer que la SA Franfinance a commis des fautes dans la vérification du bon de commande et la libération des fonds, notamment au regard de sa qualité de professionnel du crédit ,
– de déclarer qu’elle ne sera pas tenue de restituer à la SA Franfinance les fonds empruntés par les consorts [V] [F],
– de déclarer qu’elle ne sera pas tenue de verser à la SA Franfinance le montant des intérêts,
– de déclarer qu’elle ne sera pas tenue de garantir la SA Franfinance,
En conséquence,
– de débouter la SA Franfinance de toutes ses demandes formulées à son encontre,
En tout état de cause,
– de condamner les consorts [V] [F] à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en raison du caractère parfaitement abusif de l’action initiée par ces derniers,
– de condamner les consorts [V] [F] à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– de condamner les consorts [V] [F] aux entiers dépens.
Au soutien de ses demandes, la SAS AFE fait valoir en substance :
– que le bon de commande est régulier en ce que la mention du prix au détail hors taxes n’est pas prescrite à peine de nullité (la ventilation étant opérée entre le coût du matériel et le forfait d’installation) ; que le coût et le taux de TVA, de même que le TAEG, ainsi que le taux nominal, apparaissent au bon de commande (conditions générales de vente) ; que les caractéristiques essentielles de l’installation sont détaillées au bon de commande et qu’une fiche descriptive technique des installations a été remise aux consorts [V] [F] au moment de la commande dont ils ont confirmé avoir pris connaissance, ajoutant qu’ils ont accepté sans réserve les travaux et n’ont pas exercé leur droit de rétractation ; que le délai de livraison est indiqué au bon de commande conformément aux dispositions du code de la consommation et qu’il a été respecté ; que la fiche technique descriptive a renseigné les consorts [V] [F] sur la possibilité de recourir à un médiateur en cas de litige de même que sur les informations relatives à l’existence et aux modalités de mise en oeuvre des garanties et autres conditions contractuelles, et que les consorts [V] [F] n’ont jamais sollicité la communication des coordonnées de son assureur garantie décennale ; que les consorts [V] [F] ne rapportent pas la preuve de la volonté du fabricant de fournir les pièces détachées de ses équipements, s’agissant d’une simple faculté, ni de la date du décret d’application de l’article L. 111-4 du code de la consommation ;
– que subsidiairement, les causes de nullité ont été confirmées par les consorts [V] [F] en ce que la connaissance des vices résulte de la reproduction intégrale des différents articles du code de la consommation aux conditions générales de vente (sous leur ancienne numérotation) dont ils reconnaissent avoir pris connaissance, et qu’ils ont laissé le contrat se poursuivre et ont réitéré leur consentement postérieurement à la signature par plusieurs actes d’exécution, renonçant à exercer leur droit de rétractation, laissant libre accès à leur domicile aux techniciens de la SAS AFE et signant une réception des travaux sans réserves ;
– qu’elle n’a pas fait preuve de mauvaise foi à l’égard des consorts [V] [F] qui étaient informés des caractéristiques essentielles de la prestation ainsi que de son coût ;
– que la SA Franfinance ne peut se prévaloir d’aucune faute à son encontre sur le fondement de l’article L. 312-56 du code de la consommation, et que le prêteur est tenu d’une obligation de vigilance dans le déblocage des fonds ; que la SA Franfinance a commis des fautes dans le déblocage des fonds et la vérification du bon de commande ; qu’il appartient en outre à la SA Franfinance qui se prévaut de sa responsabilité délictuelle de rapporter la preuve d’une faute, négligence ou imprudence du vendeur responsable du dommage qu’elle invoque, et ne peut déduire cette faute de l’inexécution du contrat principal auquel elle est tiers.
Dans ses dernières conclusions transmises le 27 octobre 2022, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la SA Franfinance, intimée et appelante à titre incident, demande à la cour sur le fondement des articles12 du code de procédure civile, 122 et 125 du code de procédure civile, L. 121-23 ancien devenu L. 111-1 du code de procédure civile, 1109 du code civil applicable au litige, L. 311-33 du code de la consommation, 1103 et 1231-1 du code civil, ainsi que des articles 1902 et 2224 du code civil :
– de déclarer les consorts [V] [F] mal fondés en leur appel concernant les demandes formulées à son encontre et de les en débouter,
– de déclarer son appel recevable et bien fondé en toutes ses demandes,
Y faire droit,
– de faire droit à son appel incident,
– d’infirmer le jugement rendu par le juge des contentieux de la protection près le tribunal judiciaire de Nancy le 3 mai 2022 dans la mesure utile,
Statuant à nouveau,
A titre principal,
– de débouter les consorts [V] [F] de l’intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,
– de débouter la SAS AFE de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
– de juger que les consorts [V] [F], en exécutant volontairement les contrats pendant plus de 4 ans, ont manifesté leur volonté de confirmer le bon de commande et le contrat de crédit,
– de juger que tant le bon de commande que le contrat de crédit signés entre les parties sont réguliers et conformes aux dispositions du code de la consommation,
– de juger qu’elle n’a commis aucun dol, aucune erreur et/ou aucun manquement envers les consorts [V] [F],
En conséquence,
– d’infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,
– de juger n’y avoir lieu à prononcer la nullité ou la résolution du contrat de crédit signé avec les consorts [V] [F],
– de condamner solidairement les consorts [V] [F] à lui payer une somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– de condamner solidairement les consorts [V] [F] aux dépens de première instance et d’appel,
A titre subsidiaire, si la cour prononce la résolution ou la nullité du contrat principal et donc du contrat de crédit,
– de juger que les consorts [V] [F] ne formulent aucune demande à son encontre,
En tout état de cause,
– de débouter les consorts [V] [F] de l’intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,
– de débouter la SAS AFE de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
– de juger qu’elle n’a commis aucun manquement dans la libération des fonds,
– de confirmer le jugement de première instance en ce qu’il a dit qu’elle peut prétendre au remboursement des sommes prêtées conformément aux dispositions de l’article L. 311-33 du code de la consommation,
En conséquence,
– de condamner solidairement les consorts [V] [F] à lui payer une somme de 19 000 euros au titre de l’obligation pour l’emprunteur de rembourser le capital prêté déduction faite des remboursements effectués,
– d’infirmer le jugement rendu en ce qu’il l’a déboutée de ses demandes formulées à l’encontre de la SAS AFE,
– de condamner la SAS AFE à lui payer une somme de 4 266,80 euros à titre de dommages intérêts correspondant aux intérêts que la banque aurait dû percevoir si le contrat de crédit avait été normalement exécuté,
– de condamner la SAS AFE à la garantir de toutes les sommes en principal, intérêts, frais et accessoires, débours qui pourraient être mises à sa charge,
– d’infirmer sa condamnation à payer solidairement avec la SAS AFE une somme de 1 500 euros aux consorts [V] [F] ainsi qu’aux dépens de première instance,
– de condamner solidairement les consorts [V] [F] à lui payer une somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– de condamner solidairement les consorts [V] [F] aux dépens de première instance et d’appel,
A titre infiniment subsidiaire, si la cour estime que les consorts [V] [F] n’ont pas l’obligation de lui restituer le montant du capital prêté,
– de débouter la SAS AFE de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
– de débouter les consorts [V] [F] de l’intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,
– de juger qu’elle n’aura l’obligation de rembourser aux consorts [V] [F] le montant des échéances versées qu’à la condition que ces derniers aient restitué le matériel installé,
– de condamner la SAS AFE à lui payer la somme de 19 000 euros correspondant à la perte financière liée à la résolution du contrat de crédit,
– d’infirmer sa condamnation à payer solidairement avec la SAS AFE une somme de 1 500 euros aux consorts [V] [F] ainsi qu’aux dépens de première instance,
– de condamner solidairement les consorts [V] [F] à lui payer une somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– de condamner les consorts [V] [F] solidairement aux dépens de première instance et d’appel.
Au soutien de ses demandes, la SA Franfinance fait valoir en substance :
– que ce n’est qu’à titre subsidiaire que les consorts [V] [F] demandent à être dispensés de restituer le capital emprunté ; qu’elle demande à titre principal la confirmation du jugement rendu ;
– que les deux irrégularités du bon de commande retenues par le premier juge étaient détectables par les consorts [V] [F] et qu’ils ne peuvent se prévaloir de leur propre manquement en ce qu’ils ont attesté avoir pris connaissance des dispositions protectrices du code de la consommation prescrivant le formalisme particulier et qu’ils ont laissé le contrat se poursuivre et ont réitéré leur consentement postérieurement à la signature par plusieurs actes positifs d’exécution, de sorte que l’action en nullité n’est pas recevable ; que les autres mentions figurent aux conditions générales de vente, et qu’aucune obligation légale n’exige que le prêteur vérifie les conditions de validité du contrat principal ou contrôle la conformité des livraisons et prestations effectuées ;
– que les consorts [V] [F] ne justifient pas que l’installation n’a jamais fonctionné ou ne fonctionne pas ;
– que les consorts [V] [F] ont l’obligation de rembourser le capital prêté sous déduction des sommes déjà versées à défaut de faute ou d’erreur commise ; que les consorts [V] [F] ont signé une attestation de livraison avec demande de financement totale ;
– que les emprunteurs doivent préalablement remettre les choses dans leur état initial et restituer le matériel livré et installé, et que le remboursement des échéances versées ne peut donc intervenir que dans cette hypothèse ;
– que le contrat de prêt est conforme aux dispositions légales et qu’elle n’encourt aucune déchéance du droit aux intérêts ; que le crédit n’a été accordé aux consorts [V] [F] qu’après analyse de leur situation financière, telle que déclarée et corroborée par les documents communiqués ;
– que l’irrégularité du bon de commande incombe à la SAS AFE qui doit garantir le remboursement par les consorts [V] [F] du capital emprunté et réparer le préjudice subi correspondant à la perte des intérêts prévus au crédit.
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La clôture de l’instruction a été prononcée le 8 mars 2023.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la régularité du bon de commande
La SAS AFE et la SA Franfinance ont conclu à titre principal à la régularité du contrat de vente.
L’article L. 221-9 du code de la consommation, dans sa version applicable au jour du contrat, dispose que le professionnel fournit au consommateur un exemplaire daté du contrat conclu hors établissement, sur papier signé par les parties ou, avec l’accord du consommateur, sur un autre support durable, confirmant l’engagement exprès des parties. Ce contrat comprend toutes les informations prévues à l’article L. 221-5.
L’article L. 242-1 du code de la consommation prévoit que les dispositions de l’article L. 221-9 du code de la consommation sont prévues à peine de nullité du contrat conclu hors établissement.
Par suite, l’article L. 221-5 du code de la consommation prévoit que préalablement à la conclusion d’un contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes : 1° Les informations prévues aux articles L. 111-1 et L. 111-2 (…).
Or, les dispositions de l’article L. 111-1 du code de la consommation disposent que, ‘ avant que le consommateur ne soit lié par un contrat de vente de biens ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :
1° Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, compte tenu du support de communication utilisé et du bien ou service concerné ;
2° Le prix du bien ou du service, en application des articles L. 112-1 à L. 112-4 ;
3° En l’absence d’exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s’engage à livrer le bien ou à exécuter le service, (…)
4° Les informations relatives à son identité, à ses coordonnées postales, téléphoniques et électroniques et à ses activités, pour autant qu’elles ne ressortent pas du contexte (…),
6° La possibilité de recourir à un médiateur de la consommation dans les conditions prévues au titre Ier du livre VI. ‘
L’article R. 111-1 du code de la consommation prévoit que ‘ pour l’application des 4°, 5° et 6° de l’article L. 111-1, le professionnel communique au consommateur les informations suivantes :
1° Son nom ou sa dénomination sociale, l’adresse géographique de son établissement et, si elle est différente, celle du siège social, son numéro de téléphone et son adresse électronique ;
2° Les modalités de paiement, de livraison et d’exécution du contrat ainsi que celles prévues par le professionnel pour le traitement des réclamations ;
3° S’il y a lieu, l’existence et les modalités d’exercice de la garantie légale de conformité mentionnée aux articles L. 217-4 à L. 217-13 et de celle des défauts de la chose vendue dans les conditions prévues aux articles 1641 à 1648 et 2232 du code civil ainsi que, le cas échéant, de la garantie commerciale et du service après-vente mentionnés respectivement aux articles L. 217-15 et L. 217-17 ;
4° S’il y a lieu, la durée du contrat ou, s’il s’agit d’un contrat à durée indéterminée ou à tacite reconduction, les conditions de sa résiliation (…),
6° Les coordonnées du ou des médiateurs de la consommation compétents dont il relève en application de l’article L. 616-1. ‘
De même, l’article L. 111-2 dudit code dispose que ‘ outre les mentions prévues à l’article L. 111-1, tout professionnel, avant la conclusion d’un contrat de fourniture de services et, lorsqu’il n’y a pas de contrat écrit, avant l’exécution de la prestation de services, met à la disposition du consommateur ou lui communique, de manière lisible et compréhensible, les informations complémentaires relatives à ses coordonnées, à son activité de prestation de services et aux autres conditions contractuelles, dont la liste et le contenu sont fixés par décret en Conseil d’Etat. Les informations complémentaires qui ne sont communiquées qu’à la demande du consommateur sont également précisées par décret en Conseil d’Etat.’
Or, l’article R. 111-2 dudit prévoit que ‘ pour l’application des dispositions de l’article L. 111-2, outre les informations prévues à l’article R. 111-1, le professionnel communique au consommateur ou met à sa disposition les informations suivantes :
1° Le statut et la forme juridique de l’entreprise ;
2° Les coordonnées permettant d’entrer en contact rapidement et de communiquer directement avec lui ;
3° Le cas échéant, le numéro d’inscription au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers ;
4° Si son activité est soumise à un régime d’autorisation, le nom et l’adresse de l’autorité ayant délivré l’autorisation ;
5° S’il est assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée et identifié par un numéro individuel en application de l’article 286 ter du code général des impôts, son numéro individuel d’identification ;
6° S’il est membre d’une profession réglementée, son titre professionnel, l’Etat membre de l’Union européenne dans lequel il a été octroyé ainsi que, le cas échéant, le nom de l’ordre ou de l’organisme professionnel auprès duquel il est inscrit ;
7° Les conditions générales, s’il en utilise ;
8° Le cas échéant, les clauses contractuelles relatives à la législation applicable et la juridiction compétente ;
9° L’éventuelle garantie financière ou assurance de responsabilité professionnelle souscrite par lui, les coordonnées de l’assureur ou du garant ainsi que la couverture géographique du contrat ou de l’engagement.
Par ailleurs, l’article L. 111-3 du code de la consommation, dans sa version en vigueur à la date du contrat, dispose que ‘ le fabricant ou l’importateur de biens meubles informe le vendeur professionnel de la période pendant laquelle ou de la date jusqu’à laquelle les pièces détachées indispensables à l’utilisation des biens sont disponibles sur le marché. Cette information est délivrée obligatoirement au consommateur par le vendeur de manière lisible avant la conclusion du contrat et confirmée par écrit lors de l’achat du bien.’
L’article L. 221-7 du code de la consommation dispose que ‘ la charge de la preuve du respect des obligations d’information mentionnées à la présente section pèse sur le professionnel.’
En l’espèce, il y a lieu de constater au préalable que l’exemplaire du bon de commande signé le 8 mai 2019 produit par la SA Franfinance comporte des mentions ajoutées par comparaison avec celui produit par les consorts [V] [F].
En effet, il figure en outre sur l’exemplaire de la SA Franfinance la ventilation du prix des prestations commandées entre un forfait d’installation (25 000 euros TTC) et le coût du matériel (16 500 euros TTC), de même que le taux de TVA (5,5%), ainsi que, concernant les conditions de règlement, le montant hors taxes des prestations financées par crédit (18 009,48 euros), le taux de TVA (5,5%), le montant de la TVA (990,52 euros) correspondant au total financé (19 000 euros TTC).
Or, il y a lieu de constater que l’exemplaire produit par les consorts [V] [F] correspond à une copie ‘ carbone ‘ établie à partir du document original en ce que les mentions similaires y figurant sont grisées et moins apparentes par comparaison avec l’exemplaire du bon de commande produit en copie par la SA Franfinance.
En outre, les consorts [V] [F] ont dénoncé au vendeur dès octobre 2019 l’absence sur le bon de commande de mention du prix unitaire du matériel et de la pose, tel que ressortant de leur exemplaire, et l’indication d’un coût total du crédit de 19 000 euros correspondant en réalité au prix des prestations commandées.
Pour autant, la SA Franfinance qui se prévaut des mentions supplémentaires figurant à son exemplaire du bon de commande ne produit pas le document en original.
Aussi, il y a lieu de considérer que le bon de commande produit par les consorts [V] [F] manifeste l’accord des parties.
Il ressort des mentions du bon de commande signé entre les parties le 8 mai 2019, tel que ressortant de l’exemplaire produit par les consorts [V] [F], que le contrat de fourniture et de prestation de services a pour objet la livraison et l’installation d’une pompe à chaleur air/eau de marque Atlantic et d’une puissance de 16 kilowatts, monophasé et comportant un module eau chaude sanitaire, et mentionne les dimensions de l’unité et son poids, le volume d’eau et les raccordements hydrauliques et électriques nécessaires (en marge), avec formation de l’utilisateur, essai et mise en service.
Il en résulte que le bon de commande comporte les caractéristiques essentielles de l’installation.
De même, le bon de commande prévoit que la somme totale de 19 000 euros TTC, correspondant au prix global des prestations commandées, sera payée au moyen d’un crédit sollicité auprès de la SA Franfinance, remboursable en 120 échéances de 193,89 euros après un différé de paiement de 6 mois.
Il en résulte que le bon de commande mentionne à la fois le prix global à payer ainsi que son financement par crédit, sans qu’il soit nécessaire d’indiquer au bon de commande le coût du crédit ni les prix unitaires des éléments et de leur pose.
En outre, il est mentionné un délai de livraison maximum de 4 mois, étant ajouté aux conditions générales de vente qu’en l’absence de réserves sur le bon de livraison, le vendeur procède à l’installation au jour de la livraison.
Il en résulte que le bon de commande mentionne les modalités d’exécution du contrat, correspondant à des opérations matérielles de livraison et d’installation du matériel commandé, à l’exclusion de toutes démarches administratives.
Pour autant, force est de constater que ne figurent pas au bon de commande le taux de TVA appliqué au prix des prestations commandées (ni leur prix hors taxes) déterminant le prix global, ni le taux effectif global du crédit consenti déterminant les modalités de paiement, ni les coordonnées de l’assureur ou du garant du vendeur-prestataire de service ainsi que la couverture géographique du contrat ou de l’engagement, ni les coordonnées du ou des médiateurs de la consommation compétent(s) dont il relève, ni la période pendant laquelle ou la date jusqu’à laquelle les pièces détachées indispensables à l’utilisation des matériels sont disponibles.
En outre, la SAS AFE ne produit aucune fiche descriptive technique des prestations commandées qui aurait été remises aux consorts [V] [F] et sur laquelle apparaitraient les informations concernées.
Dans ces conditions, l’omission desdites informations constitue une irrégularité qui affecte la validité du bon de commande.
Dès lors, le jugement sera confirmé sur ce point.
Sur la confirmation de la nullité
La confirmation tacite par exécution de l’acte irrégulier suppose que le contractant ait eu connaissance des vices affectant l’acte litigieux et qu’il ait entendu, sans équivoque, les purger.
En l’espèce, il est constant que les conditions générales figurant au verso du bon de commande mentionnent les dispositions des articles L. 111-1 et L. 111-2 du code de la consommation, ainsi que les articles L. 121-16, L. 121-18, L. 121-18-1, L. 121-17 prescrivant le formalisme applicable au contrat (dans une version non applicable à la date du bon de commande), de même que les articles traitant du droit de rétractation et l’article L. 612-1 portant sur le droit de recourir à un médiateur de la consommation.
Pour autant, il y a lieu de retenir que par courriers des 1er et 29 octobre 2019, les consorts [V] [F] ont dénoncé au vendeur les irrégularités du bon de commande concernant notamment l’information sur le prix et le coût du crédit.
Aussi, il en résulte que la preuve n’est pas rapportée de la volonté des consorts [V] [F] de ratifier le contrat irrégulier en toute connaissance de cause.
Dans ces conditions, il convient de prononcer l’annulation du bon de commande.
Dès lors, le jugement déféré sera confirmé sur ce point.
Sur la nullité du contrat de crédit de plein droit
En application des dispositions de l’article L. 312-55 du code de la consommation, dans sa version applicable à la date du contrat, l’annulation du bon de commande a pour effet l’annulation de plein droit du crédit destiné à son financement.
Dès lors, le jugement déféré sera confirmé sur ce point.
Sur les conséquences de l’annulation des contrats
Il convient de constater que les consorts [V] [F] ont conclu à titre principal à la confirmation du jugement déféré en ce qu’il les a condamnés solidairement à payer à la SA Franfinance la somme de 19 000 euros au titre du capital emprunté, et ont sollicité en outre la condamnation de la SAS AFE à leur verser la somme de 19 000 euros dans le cadre des restitutions réciproques résultant de l’annulation du contrat de vente.
En effet, il ressort du dispositif du jugement déféré qu’aucune condamnation n’a été prononcée à l’égard de la SAS AFE tendant au remboursement aux consorts [V] [F] du prix versé par la SA Franfinance en vertu du crédit affecté.
Or, les dispositions de l’article 1178 du code civil prévoient qu’en cas d’annulation du contrat, les prestations exécutées donnent lieu à restitution dans les conditions prévues aux articles 1352 à 1352-9.
Aussi, compte tenu de l’annulation du contrat de vente, la SAS AFE doit être tenue de rembourser aux consorts [V] [F] la somme versée en paiement du prix.
Dès lors, la SAS AFE sera condamnée à rembourser aux consorts [V] [F] la somme de 19 000 euros correspondant au prix du bien et des prestations commandées qu’elle a perçu.
Par ailleurs, les consorts [V] [F] ont sollicité à titre principal l’autorisation de disposer librement du matériel, objet du contrat, à l’issue d’un délai de 3 mois suivant la signification de l’arrêt à intervenir, faute pour la SAS AFE de venir le récupérer et, à défaut, de condamner la SAS AFE à venir récupérer le matériel sous astreinte de 100 euros par jour passé ce dit délai de 3 mois.
En l’espèce, il ressort du dispositif du jugement déféré que ‘la SAS AFE sera admise, si elle entend le faire, à reprendre le matériel objet du contrat de vente au domicile des acheteurs dans un délai de 3 mois à compter de la signification du présent jugement.’
Or, il en résulte qu’à l’issue du délai de trois mois courant à compter de la signification du jugement déféré, les consorts [V] [F] pouvaient disposer librement de l’installation litigieuse, ce qui correspond à la prétention qu’ils ont émise à hauteur de cour.
Cependant, le premier juge a débouté les consorts [V] [F] de leur demande supplémentaire ayant pour objet d’être autorisés à disposer librement dudit matériel passé le délai de trois mois suivant la signification du jugement.
Dès lors, le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a dit que la SAS AFE était admise à reprendre le matériel au domicile des consorts [V] [F] dans un délai de trois mois à compter de la signification du jugement, et infirmé en ce qu’il a débouté les consorts [V] [F] de leur demande tendant à être autorisés à en disposer librement passé ce délai, et statuant à nouveau, conformément à la demande des consorts [V] [F], ils seront autorisés à disposer librement du matériel, objet du contrat, à l’issue d’un délai de trois mois suivant la signification de l’arrêt à intervenir, faute de reprise par la SAS AFE.
Sur la demande de dommages intérêts de la SA Franfinance correspondant à la perte des intérêts
La SA Franfinance sollicite la condamnation de la SAS AFE à lui payer la somme de 4 266,80 euros correspondant aux intérêts qu’elle aurait dû percevoir si le contrat de crédit avait été normalement exécuté.
En effet, le tiers qui, par sa faute, a entraîné l’annulation du contrat de vente et, en conséquence, l’annulation du contrat de prêt, engage sa responsabilité envers le prêteur.
Or, il ressort des précédents développements que la faute de la SAS AFE (tiers au contrat de prêt) dans l’établissement d’un bon de commande régulier a eu pour effet l’annulation du contrat de vente, et que suite à l’annulation de plein droit du contrat de prêt, la SA Franfinance a été privée du paiement des intérêts conventionnels prévus au contrat, ce qui caractérise un manque à gagner à ce titre.
Il y a lieu de préciser en effet que, même en l’absence de faute du prêteur préalable au déblocage des fonds, l’annulation du contrat de prêt consécutive à l’annulation du contrat de vente ne peut lui permettre de bénéficier du paiement des intérêts contractuels.
Aussi, il y a lieu de considérer que la faute de la SAS AFE a eu pour effet une perte de chance pour la SA Franfinance de percevoir la totalité des intérêts contractuels qu’il convient d’évaluer à 75%.
Dans ces conditions, la SA Franfinance peut prétendre à l’allocation de dommages et intérêts par la SAS AFE à hauteur de 3 200 euros.
Dès lors, le jugement déféré sera infirmé sur ce point.
Sur la demande de dommages et intérêts de la SAS AFE dirigée à l’encontre des consorts [V] [F] pour procédure abusive
La SAS AFE qui succombe en ses prétentions à hauteur de cour n’est pas fondée à se prévaloir du caractère abusif de l’action engagée par les consorts [V] [F] à son encontre.
Dès lors, le jugement déféré sera confirmé sur ce point.
Sur les demandes accessoires
Le jugement déféré sera infirmé en ses dispositions relatives aux dépens.
La SAS AFE qui succombe à hauteur de cour sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel, et sera déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles.
De même, le jugement déféré sera infirmé en ce qu’il a condamné la SAS AFE et la SA Franfinance à payer aux consorts [V] [F] la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et statuant à nouveau, la SAS AFE supportera seule la charge de cette condamnation.
Les consorts [V] [F] ont dû engager des frais non compris dans les dépens afin de faire valoir leurs droits à hauteur de cour, de sorte qu’il convient de leur allouer à hauteur de cour la somme de 1 500 euros qui sera mise à la charge de la SAS AFE.
La SA Franfinance ayant engagé des frais non compris dans les dépens à hauteur de cour, il lui sera alloué la somme de 750 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile qui sera mise à la charge des consorts [V] [F].
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l’article 450 alinéa 2 du Code de procédure civile,
INFIRME partiellement le jugement déféré et, statuant à nouveau,
AUTORISE les consorts [V] [F] à disposer librement du matériel, objet du bon de commande, à l’issue d’un délai de trois mois suivant la signification de l’arrêt à intervenir, faute pour la SAS AFE de venir le récupérer à leur domicile,
CONDAMNE la SAS AFE à payer à la SA Franfinance la somme de 3 200 euros à titre de dommages et intérêts,
CONDAMNE la SAS AFE à payer à M. [T] [V] et Mme [X] [F] la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la SAS AFE aux dépens,
CONFIRME le jugement déféré pour le surplus en ce qu’il a prononcé la nullité du contrat de vente et du crédit affecté, condamné solidairement les consorts [V] [F] à payer à la SA Franfinance la somme de 19 000 euros en remboursement du capital emprunté déduction à faire des mensualités payées, admis la SAS AFE à reprendre le matériel au domicile des consorts [V] [F] dans un délai de trois mois à compter de la signification du jugement, et débouté la SAS AFE de sa demande en dommages et intérêts,
Y ajoutant,
CONDAMNE la SAS AFE à rembourser à M. [T] [V] et Mme [X] [F] la somme de 19 000 euros au titre de l’annulation du contrat de vente,
DEBOUTE la SAS AFE de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la SAS AFE à payer à M. [T] [V] et Mme [X] [F] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE M. [T] [V] et Mme [X] [F] in solidum à payer à la SA Franfinance la somme de 750 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la SAS AFE aux dépens.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Francis MARTIN, président de chambre à la cour d’Appel de NANCY, et par Madame Christelle CLABAUX- DUWIQUET, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Minute en vingt pages.