Droit de rétractation : 21 juillet 2022 Cour d’appel de Lyon RG n° 19/04756

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Droit de rétractation : 21 juillet 2022 Cour d’appel de Lyon RG n° 19/04756
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N° RG 19/04756 – N° Portalis DBVX-V-B7D-MO54

Décision du Tribunal de Commerce de SAINT-ETIENNE

Au fond

du 17 mai 2019

RG : 2015j00343

SARL BOULANGERIE JEAN-MARC ET NELLY

C/

SAS LOCAM

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE LYON

3ème chambre A

ARRET DU 21 Juillet 2022

APPELANTE :

SARL BOULANGERIE JEAN-MARC ET NELLY

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Nathalie ROSE, avocat au barreau de LYON, toque: 1106

Assistée par la SELARL PELLETIER ET ASSOCIES avocat à la Cour de REIMS

INTIMEE :

SAS LOCAM

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Michel TROMBETTA de la SELARL LEXI, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

******

Date de clôture de l’instruction : 9 juillet 2020

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 11 Mai 2022

Date de mise à disposition : 7 juillet 2022 prorogé au 21 Juillet 2022

Audience présidée par Catherine CLERC, magistrat rapporteur, sans opposition des parties dûment avisées, qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Jessica LICTEVOUT, greffier.

Composition de la Cour lors du délibéré :

– Catherine CLERC, conseiller faisant fonction de président

– Raphaële FAIVRE, Vice Présidente placée

– Marie CHATELAIN, Vice Présidente placée

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties présentes ou représentées en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Catherine CLERC, conseiller faisant fonction de président, et par Tiffany JOUBARD, Directrice des Services de Greffe Judiciaire, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

*****

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 27 mai 2014, la SARL Boulangerie Jean-Marc et Nelly (ci-après désignée « La Boulangerie ») a conclu avec la SAS Location Automobiles Matériels (la société Locam) un contrat de location financière n° 1114546 portant sur un compensateur varmétrique «  Bx triphasé Legrand» fourni après étude technique par la SARL Alef , moyennant un loyer mensuel de 99 € HT (118,80 € TTC) payable pendant une période irrévocable de 63 mois.

Le même jour, La Boulangerie a signé le procès-verbal de livraison et de conformité du matériel.

Par courrier recommandé avec AR du 26 novembre 2014, La Boulangerie a informé société Locam qu’elle arrêtait le prélèvement des loyers, invoquant le dysfonctionnement du matériel depuis août 2014.

Par courrier recommandé avec AR du 19 décembre 2014, réceptionné le 20 décembre suivant, la société Locam a vainement mis en demeure La Boulangerie de régler trois loyers impayés en visant la clause résolutoire du contrat.

Par acte extrajudiciaire du 12 mars 2015, la société Locam a fait assigner La Boulangerie en paiement devant le tribunal de commerce de Saint-Étienne.

En cours d’instance, le tribunal de commerce de Melun a rendu le 14 octobre 2015 un jugement de conversion en liquidation judiciaire à l’égard de la société Alef, désignant la SCP Angel-Hazane pour exercer les fonctions de liquidateur judiciaire.

Par jugement du 17 mai 2019, le tribunal de commerce de Saint-Étienne a :

-dit que les dispositions du code de la consommation sont inapplicables au litige,

-rejeté la demande d’application du code de la consommation,

-dit que les griefs formulés par La Boulangerie à l’encontre de la société Alef, non présente dans la cause, sont inopposables à la société Locam,

-dit que les conditions de résiliation du contrat de location étaient conformes aux accords et que la résiliation a été prononcée de plein droit,

-rejeté la demande de résiliation du contrat de location avec effet au 31 juillet 2014 demandée par La Boulangerie,

-dit qu’il n’y a pas lieu au remboursement par la société Locam à La Boulangerie du loyer du mois d’août s’élevant à 118,80€,

-débouté La Boulangerie de toutes ses demandes,

-condamné La Boulangerie à payer à la société Locam la somme de 6 534€ outre intérêts au taux légal à compter du 20 décembre 2014 ainsi que celle de 200€ au titre de la clause pénale,

-condamné La Boulangerie à payer à la société Locam la somme de 300€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

-imputé les dépens à la charge de La Boulangerie,

-dit qu’il n’y a pas lieu à exécution provisoire du jugement,

-débouté la société Locam du surplus de ses demandes.

La Boulangerie a interjeté appel par acte du 5 juillet 2019.

Par conclusions du 2 mars 2020 fondées sur les articles .121-16-1 III, . 121-23 et L. 121-24, R. 212-1 et R. 212-2 code de la consommation et sur les articles1171, 1218 et 1222 du code civil, La Boulangerie demande que la cour, déclarant recevable et bien fondé son appel à l’encontre du jugement déféré, et ‘infirmant en toutes ses dispositions,

à titre principal,

-constate que le nom du démarcheur fait défaut dans le contrat conclu le 27 mai 2014,

-constate que les dispositions du code de la consommation ne sont pas reproduites dans le contrat de location,

-constate qu’aucun formulaire détachable pour la renonciation n’est prévu dans le contrat de location,

-constate que le prix global de l’opération n’est pas mentionné,

-prononce la nullité du contrat de location du 27 mai 2014 en application des articles L.121-16 et suivants du code de la consommation et 1171 du code civil,

-condamne la société Locamà lui rembourser la somme de 356,40€ correspondant à mois de loyers payés,

-rejette les demandes, fins et prétentions de la société Locam,

à titre subsidiaire, si par impossible la nullité du contrat n’était pas prononcée,

-juge que l’obligation de réparation et de maintenance contractée par la société Alef lie la société Locamenvers elle,

-juge que les contrats conclus sont indivisibles,

-juge que la société Locam a manqué à ses obligations en termes ‘entretien et de maintenance,

-juge que les conditions pour prononcer la résiliation de plein droit n’étaient pas remplies,

-juge que les articles 3 et 12 des conditions générales de location doivent être regardées comme des clauses abusives,

-déclare non écrites les clauses 3 et 12 du contrat en application des articles L.121-16 et suivants du code de la consommation et 1171 du code civil,

-annule la résiliation prononcée par la société Locam,

-juge qu’elle est bien fondée à demander la résiliation du contrat de location avec effet au 31 juillet 2014, date à compter de laquelle l’appareil n’a plus fonctionné,

-prononce la résiliation du contrat de location avec effet au 31 juillet 2014, date à compter de laquelle l’appareil n’a plus fonctionné,

-dise n’y avoir lieu à aucun règlement au titre de la location postérieurement au 31 juillet 2014,

-condamne la société Locamà lui verser la somme de 118,80€ correspondant au loyer du mois d’août indûment payé,

en conséquence et en tout état de cause,

-déboute la société Locamde l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions,

-condamne la société Locamà payer la somme de 4 000€ au titre des frais irrépétibles,

-et aux entiers dépens, avec droit de recouvrement direct au profit de Me Rose.

Par conclusions du 3 décembre 2019 fondées sur les articles 1134 et suivants et 1149 anciens du code civil, 14 du code de procédure civile et L. 121-21 et suivants du code de la consommation dans leur version en vigueur au 27 mai 2014, la société Locam demande à la cour de :

-rejeter l’appel de La Boulangerie comme non fondé,

-la débouter de toutes ses demandes,

-confirmer le jugement déféré sauf en ce qu’il a réduit à 200€ la clause pénale de 10%,

-lui allouer à ce titre la somme de 653,40€ avec intérêts au taux légal et autres accessoires de droit à compter de la mise en demeure du 20 décembre 2014,

-condamner La Boulangerie à lui régler une indemnité de 2 000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

-et aux entiers dépens.

MOTIFS

A titre liminaire, il est précisé que le litige n’est pas soumis au nouveau droit des contrats issu de l’ordonnance °2016-301 du 14 mars 2016 applicable au 1er octobre 2016 puisque le contrat de location financière litigieux a été signé le 27 mai 2014.

Il est rappelé que la cour n’est pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation ni de procéder à des recherches que ses constatations rendent inopérantes.

Sur la demande de nullité du contrat de location financière fondée sur le non-respect des dispositions du code de la consommation

Il est rappelé que sont entrées en vigueur qu’à partir du 13 juin 2014, les dispositions issues de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 dite “Loi Hamon” constituant initialement l’article L. 121-16-1 du code de la consommation et codifiées sous l’article L. 221-3 du même code par l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, selon lequel les dispositions applicables aux contrats conclus hors établissement entre consommateurs et professionnels sont étendues aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l’objet de ces contrats n’entre pas dans le champ de l’activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq.

Dès lors le contrat litigieux ayant été signé le 27 mai 2014, l’article L. 221-3 du code de la consommation (ancien article L. 121-16-1 III) est inapplicable au litige.

Ne lui est pas davantage applicable l’ancien article L. 121-16-1 III issu de la loi 2014-344 du 17 mars 2014, celle-ci étant entrée en vigueur le 16 juin 2014, soit postérieurement à la signature de ce contrat.

Enfin, si les dispositions des anciens articles L.121-1 et suivants du code de la consommation dans leur version issue de la loi 93-949 du 26 juillet 1993, sont temporellement applicables au contrat en cause, elles ne le sont pas au fond en tant que ne s’appliquant qu’au démarchage à domicile d’une personne physique et non pas au démarchage accompli auprès d’une personne morale comme en l’espèce La Boulangerie.

Il s’en déduit que le droit de la consommation n’est pas applicable au litige et que La boulangerie doit être déboutée de sa demande de nullité du contrat de location fondée sur le non-respect des dispositions des articles L.121-16 et suivants du code de la consommation et ne peut pas davantage utilement se prévaloir des dispositions de l’article R.212-1 du code de la consommation relatives aux clauses abusives.

Le jugement est en conséquence confirmé par motifs ajoutés sur ce point.

Sur la résiliation du contrat de location financière

Les contrats conclus par La Boulangerie avec la société Alef d’une part, et la société Locam d’autre part, s’inscrivant dans une même opération économique incluant une location financière, sont interdépendants, interdépendance que La Boulangerie revendique et que la société Locam qui conclut à la confirmation du jugement, ne discute pas ; en conséquence, cette dernière ne peut pas se prévaloir de la clause de non-responsabilité et de non-recours à l’encontre du bailleur prévue au contrat de location, celle-ci étant inconciliable avec cette interdépendance, et donc réputée non-écrite.

La cour relève que La Boulangerie ne tire pas les conséquences de cette interdépendance pour solliciter la résiliation du contrat principal du chef du dysfonctionnement du matériel électrique fourni par la société Alef et voir prononcée, par voie de conséquence, la caducité du contrat de location financière.

En effet, La Boulangerie soutient en défense à l’action en paiement de la société Locam que le matériel n’a fonctionné que deux mois et qu’elle est donc fondée à opposer au loueur l’exception d’inexécution de la société Alef qui n’est jamais venue réparer ce matériel défectueux, pour demander la résiliation du contrat de location financière.

Ce faisant, La Boulangerie occulte la véritable nature du contrat signé avec la société Locam qui est uniquement un contrat de location financière ; les dysfonctionnements du matériel financé ne concernent que la société Alef en sa qualité de fournisseur, qui s’était au surplus engagée à assurer une maintenance annuelle et une garantie de cinq ans, ces engagements n’étant pas opposables à la société Locam  conformément à l’article 1 du contrat de location financière.

La Boulangère ne peut donc pas utilement reprocher à la société Locam un manquement à ses obligations en terme d’entretien et de maintenance, et de fait, n’invoque d’ailleurs aucune faute personnelle à son encontre en qualité de bailleur réceptionnaire des loyers à payer par la locataire.

De plus fort, l’appelante n’a pas appelé à la cause la société Alef ou son liquidateur judiciaire depuis sa désignation, de sorte qu’elle est infondée à se prévaloir de manquements du fournisseur, nul ne pouvant être jugé sans être entendu ou appelé conformément à l’article 14 du code de procédure civile.

Sans plus ample discussion, la demande de « résiliation du contrat de location avec effet au 31 juillet 2014, date à compter de laquelle l’appareil n’a plus fonctionné » de La Boulangerie est en conséquence rejetée, celle-ci étant corrélativement déboutée de sa demande en remboursement de loyer, et le jugement dont appel confirmé en ce sens.

Sur la demande « d’annulation » de la résiliation prononcée par la société Locam

La Boulangerie soutient que les articles 3 et 12 des conditions générales de location régissant la durée du contrat et les cas de résiliation de plein droit de celui-ci constituent des clauses abusives au regard des dispositions de l’article 1171 du code civil.

Or ce texte issu en vigueur depuis le 01 octobre 2018 tel que modifié par la loi n°2018-287 du 20 avril 2018 (et même dans sa version antérieure en vigueur du 01 octobre 2016 au 01 octobre 2018 modifiée par l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016) est inapplicable au litige eu égard à la date du contrat de location financière.

Ensuite, les recommandations de la Commission des clauses abusives dont excipe La Boulangerie concernent les relations entre professionnels et consommateurs, alors qu’elle n’a pas la qualité de consommateur.

La résiliation du contrat par la société Locam qui respecte les conditions de mise en ‘uvre définies à l’article 12 précité n’encourt aucun grief.

En définitive, le jugement querellé est confirmé, par motifs ajoutés, en ce qu’il a débouté La Boulangerie de ses contestations sur la régularité de la résiliation du contrat de location financière.

Sur la créance de la société Locam

Si La Boulangerie n’expose aucun moyen en droit ou en fait pour discuter le montant des sommes mises à sa charge, la société Locam, formant appel incident, conteste la réduction de la clause pénale de 10% à 200€ appliquée par les premiers juges, réclamant à ce titre une somme de 653,40€ au motif que l’indemnité de résiliation ne correspond jamais qu’à la seule exécution par équivalent du contrat et qu’elle ne prend pas en compte les coûts administratifs et de gestion engendrés par la défaillance du locataire.

Aux termes de l’article 1226 du code civil, la clause pénale est celle par laquelle une personne, pour assurer l’exécution d’une convention, s’engage à quelque chose en cas d’inexécution. La peine convenue peut être, en application de l’article 1152 du code civil, modérée ou augmentée par le juge si elle est manifestement excessive ou dérisoire.

En l’espèce, l’article 12 du contrat de location stipule qu’en cas de résiliation par le bailleur pour non-paiement des loyers, le locataire devra verser à celui-ci une somme égale au montant des loyers impayés au jour de la résiliation, majoré d’une clause pénale de 10% ainsi qu’une somme égale à la totalité des loyers restant à courir jusqu’à la fin du contrat telle que prévue à l’origine majorée d’une clause pénale de 10%.

Cette disposition, qui majore les charges financières qui pèsent sur le débiteur, ne vise pas seulement à compenser les risques financiers pour le bailleur. Elle a pour objectif, d’une part, de contraindre le débiteur à exécuter ses obligations et, d’autre part, d’évaluer forfaitairement le préjudice subi par le bailleur du fait de l’inexécution. Elle constitue donc une clause pénale au sens des dispositions précitées.

En considération du coût facturé par le fournisseur, à savoir 5 587,96€ TTC, du nombre de loyers encaissés (4) se déduisant des loyers réclamés dans la mise en demeure du 19 décembre 2014 (3) et du nombre de loyers restant à échoir (56), les clauses pénales prévues au contrat n’apparaissent pas manifestement excessives et la réparation de ce préjudice est justement indemnisée par leur fixation à la somme globale réclamée de 653,40€.

Le jugement déféré est en conséquence infirmé en ce sens et La Boulangerie condamnée à payer à la société Locam la somme non discutée de 6 534€ en principal, outre celle de 653,40€ au titre de la clause pénale.

Les intérêts au taux légal applicables à cette condamnation doivent courir à compter du 20 décembre 2014, date de réception de la mise en demeure.

Sur les dépens et frais irrépétibles

Succombant dans son recours, La Boulangerie est condamnée aux dépens d’appel, ceux de première instance étant confirmés, et doit supporter ses frais de procédure. Elle est dispensée en équité de verser à la société Locam une indemnité de procédure complémentaire pour la cause d’appel, celle allouée par les premiers juges étant confirmée.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement déféré, sauf sur la créance de la SAS Locam,

Statuant à nouveau de ce chef et ajoutant,

Condamne la SARL Boulangerie Jean-Marc et Nelly à payer à la SAS Locam la somme de 6 534€ en principal et celle de 653,40€ au titre de la clause pénale, avec intérêts au taux légal à compter du 20 décembre 2014,

Déboute la SARL Boulangerie Jean-Marc et Nelly et la SAS Locam de leurs de demandes de frais irrépétibles en cause d’appel,

Condamne la SARL Boulangerie Jean-Marc et Nelly aux dépens d’appel.

La Directrice des Services Judiciaire de GreffeLa Présidente

 


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