Droit de rétractation : 21 juillet 2022 Cour d’appel de Lyon RG n° 19/02972

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Droit de rétractation : 21 juillet 2022 Cour d’appel de Lyon RG n° 19/02972
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N° RG 19/02972

N° Portalis DBVX-V-B7D-MKVJ

Décision du Tribunal de Commerce de SAINT ETIENNE

Au fond

du 12 avril 2019

RG : 2017j00247

SARL KDT

C/

SARL SERCO

SAS LOCAM

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE LYON

3ème chambre A

ARRÊT DU 21 Juillet 2022

APPELANTE :

SARL KDT

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Aurélien BARRIE de la SELARL POLDER AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : T 1470, substitué par Me Franck CANCIANI, avocat au barreau de LYON

INTIMEES :

SARL SERCO à l’enseigne ‘POINT WEB’

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représentée par Me Romain LAFFLY de la SELARL LAFFLY & ASSOCIES – LEXAVOUE LYON, avocat au barreau de LYON, toque : 938 et ayant pour avocat plaidant, Me Aurélie NALLET, avocat au barreau de LYON, substitué par Me Michaël MLADENOVIC, avocat au barreau de LYON

SAS LOCAM

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Michel TROMBETTA de la SELARL LEXI, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

******

Date de clôture de l’instruction : 29 Octobre 2020

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 08 Juin 2022

Date de mise à disposition : 21 Juillet 2022

Audience présidée par Anne-Marie ESPARBÈS, magistrat rapporteur, sans opposition des parties dûment avisées, qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de Jessica LICTEVOUT, greffier.

Composition de la Cour lors du délibéré :

– Anne-Marie ESPARBÈS, président

– Catherine CLERC, conseiller

– Raphaële FAIVRE, vice-présidente placée

Arrêt Contradictoire rendu par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties présentes ou représentées en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Anne-Marie ESPARBÈS, président, et par Jessica LICTEVOUT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

*****

EXPOSÉ DU LITIGE

La SARL KDT exerçant une activité de travaux de terrassement courants et travaux préparatoires a conclu avec la SARL Serco Point Web (Serco) un «’contrat de location et de prestation de services’» non daté portant sur un site web moyennant le règlement de 60 loyers mensuels de 210€ HT soit 288€ TTC.

Le 29 juin 2016, elle a notamment souscrit à un «’contrat de location de site web’» n°1283937 (n° d’ordre 150338) avec la SAS Location Automobiles Matériels (Locam) portant sur un «’site internet catalogue’» fourni par Serco portant les mêmes stipulations de loyers.

Le 31 août 2016, KDT a signé le procès-verbal de livraison et de conformité de la «’maquette site internet’» au côté de Serco.

Par courrier recommandé de son conseil du 17 octobre 2016 adressé respectivement à Serco et à Locam, KDT a dit exercer son droit de rétractation.

Par courrier recommandé du 7 février 2017, Locam a mis en demeure KDT de régler trois échéances impayées, sous peine de déchéance et de l’exigibilité de toutes sommes dues au titre du contrat.

Après divers échanges infructueux et par acte du 16 mars 2017, KDT a fait assigner Serco et Locam aux fins d’annulation des deux contrats.

Par jugement du 12 avril 2019, le tribunal de commerce de Saint-Étienne a :

constaté l’indivisibilité des contrats souscrits d’une part entre KDT et Serco et d’autre part entre KDT et Locam,

rejeté la demande d’application des dispositions du code de la consommation formulée par KDT,

rejeté la demande de nullité du contrat de location de prestation de site internet conclu entre KDT et Serco,

et celle en caducité du contrat de location financière conclu entre KDT et Locam,

débouté KDT de l’ensemble de ses demandes,

condamné KDT à verser à Locam la somme de 16.704€ TTC outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 7 février 2017 et 1€ au titre de la clause pénale,

outre les sommes de 500€ à verser au titre de l’article 700 du code de procédure civile’à chacune de Serco et à Locam,

avec charge des dépens,

dit n’y avoir lieu à ordonner l’exécution provisoire,

et débouté Serco et Locam du surplus de leurs demandes.

KDT a interjeté appel par acte du 29 avril 2019.

Par conclusions du 4 septembre 2020 fondées sur les articles L.121-16, L.121-16-1, L.121-17, L.121-18-1, L.121-21, L.121-21-1, L.121-21-5 et L.121-21-7 du code

de la consommation, KDT demande à la cour de :

réformer le jugement déféré sauf en ce qu’il a constaté l’indivisibilité des contrats et, statuant à nouveau,

I. sur l’application de l’obligation d’information contractuelle et du droit de rétractation aux contrats conclus entre elle et Serco d’une part et d’autre part entre elle et Locam,

juger que les articles L.121-16-1 du code de la consommation et ceux qu’ils visent créés par la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 (loi Hamon) et modifiés par la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 sont applicables à la présente instance dès lors que les contrats litigieux ont été conclus le 29 juin 2016, soit antérieurement à la date à laquelle ils ont été abrogés, le 1er juillet 2016 (article 36 de l’ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016),

juger qu’elle bénéfice de l’extension au droit de la consommation dès lors qu’elle répond aux trois conditions suivantes, à savoir que les contrats litigieux ont été conclus hors établissement, que l’objet des contrats litigieux n’entre pas dans le champ de son activité principale et que le nombre de ses salariés est inférieur à 5,

en conséquence, juger que Serco et Locam devaient respecter les obligations d’information pré-contractuelle à son égard et qu’elle bénéficie d’un droit de rétractation,

II. en conséquence, sur la nullité des contrats Locam et Serco relatifs au non-respect des obligations d’information pré-contractuelle dont elle bénéficie,

juger que les contrats litigieux conclus par KDT avec Serco et Locam font références à des dispositions abrogées au jour de la conclusion de ces contrats à savoir un délai de rétraction de 7 jours que la loi Hamon applicable a porté à 14 jours,

en conséquence, juger que les contrats litigieux ne respectent pas les obligations d’information pré-contractuelle qu’impose l’article L.121-17 du code de la consommation,

prononcer conformément à l’article L.121-18-1 du code de la consommation la nullité des contrats en l’absence d’information conforme à l’article L.121-17-I du code de la consommation,

condamner Locam à lui restituer les sommes qu’elle lui a versées, à savoir 1.079,79€,

à titre subsidiaire, sur l’exercice de son droit de rétractation à l’égard des contrats conclus avec Serco et Locam,

juger que les informations relatives à son droit de rétractation sont erronées,

juger qu’à compter de la signature des contrats litigieux le 29 juin 2016, en l’absence d’information conforme sur ce droit de rétractation, le délai a été prorogé conformément à l’article L.121-21-1 du code de la consommation pour une période de 12 mois, soit jusqu’au 29 juin 2017,

juger qu’elle a exercé son droit de rétractation à l’encontre des deux contrats litigieux dans ce délai de 12 mois, le 17 octobre 2016 par l’intermédiaire de son conseil,

en conséquence, juger qu’elle a exercé son droit de rétractation à l’encontre des deux contrats,

subsidiairement,

déclarer irrecevable, à tout le moins infondée, la contestation de Locam en ce qu’elle prétend que les litiges et/ou contestations opposées par elle à son fournisseur Serco, lui sont inopposables dès lors que l’article L.121-21-7 du code de la consommation prévoit que l’exercice du droit de rétractation d’un contrat principal à distance ou hors établissement met automatiquement fin à tout contrat accessoire et qu’en l’espèce, le contrat conclu entre elle et Locam est accessoire en ce qu’il finance le contrat conclu entre elle et Serco,

déclarer également irrecevable, à tout le moins infondée, la contestation de Serco en ce qu’elle prétend qu’elle ne pourrait pas se prévaloir d’un droit de rétractation sur le fondement de l’article L.121-21, 3°/, qui est inapplicable, l’article L 121-21-8, 13°/ précisant que le droit de rétractation ne peut être exercé pour les contrats de fourniture d’un contenu numérique non fourni sur un support matériel dont l’exécution a commencé après accord préalable exprès du consommateur et renoncement exprès à son droit de rétractation, elle-même n’ayant jamais renoncé à son droit de rétractation,

juger que les deux contrats ont été anéantis ensuite de l’exercice de son droit de rétractation par KDT,

condamner Locam à lui restituer les sommes qu’elle lui a versées, à savoir 1.079,79€,

dans tous les cas,

débouter Locam et Serco de l’intégralité de leurs demandes,

condamner in solidum Locam et Serco à lui verser la somme de 5.000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

débouter en conséquence les intimées de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

et condamner les mêmes in solidum aux entiers dépens.

Par conclusions du 12 octobre 2020 fondées sur les articles L.121-16 et suivants et L. 221-3 du code de la consommation, Serco demande à la cour de’:

débouter KDT de son appel comme non fondé,

confirmer en conséquence le jugement déféré en toutes ses dispositions,

juger que KDT est irrecevable et non fondée à invoquer le bénéfice des dispositions du code de la consommation et n’a pas régulièrement exercé le droit de rétractation dont elle se prévaut,

débouter KDT de l’intégralité de ses demandes, qu’elles soient principales, accessoires ou subsidiaires, comme irrecevables et non fondées,

y ajoutant,

condamner KDT au paiement d’une somme de 5.000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,

et aux entiers dépens de première instance et d’appel, ces derniers distraits au profit de la SELARL Lexavoué.

Par conclusions du 10 février 2020 fondées sur les articles 1103 et 1231-2 du code civil, L.121-16-1 4°, L.121-16-1 III anciens (devenus L.222-1 4°et L.221-3) et L.121-21-8 ancien du code de la consommation, L.311-2 et L.511-21 du code monétaire et financier, Locam demande à la cour de :

dire non fondé l’appel de KDT,

débouter celle-ci de toutes ses demandes,

confirmer le jugement déféré sauf en ce qu’il a réduit à l’euro symbolique la clause pénale de 10 %,

lui allouer de ce chef la somme complémentaire de 1.670,40€ avec intérêts au taux légal et autres accessoires de droit à compter de la mise en demeure du 7 février 2017,

condamner KDT à lui régler une indemnité de 2.000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

et aux entiers dépens.

MOTIFS

A titre liminaire, sauf mention contraire, les articles visés sont issus du code de la consommation.

KDT sollicite au principal la nullité des deux contrats pour manquement à l’obligation d’information pré-contractuelle de la part des intimées.

S’appliquent aux contrats litigieux conclus le 29 juin 2016 les dispositions des articles L.121-16 et L.121-16-1 III du code de la consommation, et donc les sections 2, 3, 6, 7 et 8, pour l’extension des dispositions protectrices «’aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l’objet de ces contrats n’entre pas dans le champ de l’activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq’», dans leur version issue de la loi n°2014-344 du 17 mars 2014 dite loi Hamon plus tard modifiée par la loi n°2015-990 du 6 août 2015, puisque ces dispositions n’ont été abrogées par l’ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016 qu’à la date postérieure du 1er juillet 2016.

En l’espèce, les contrats ont été souscrits par KDT au siège de son entreprise à [Localité 4] donc à l’extérieur des sièges de Serco et Locam respectivement situés à [Localité 6] et [Localité 5].

KDT justifie par des documents pertinents (registre du personnel, récapitulatif DADS et journal de paie) qu’à l’époque de la conclusion des contrats, l’effectif des salariés de son entreprise était de 2, donc inférieur à 5.

Quant au critère applicable concernant la souscription ou non du contrat dans le champ de l’activité principale de KDT, qui n’est plus l’ancien critère de «’rapport direct’» sur lequel les intimées développent partie de leur argumentation, il s’avère également rempli eu égard à l’objet du contrat qui est un site web alors que l’activité principale de KDT est justifiée comme étant celle de terrassements courants et travaux préparatoires.

Sont sans emport les circonstances développées par Locam et Serco selon lesquelles le site était destiné à refléter l’activité de KDT, que celle-ci est une société commerciale rompue aux relations commerciales ou encore que le bien, personnalisé selon les spécifications de KDT, est aussi devenu sans valeur et exclut tout remploi.

L’exclusion portant sur les services financiers prévue à l’article L.121-16-1 4° et à la directive communautaire du 25 octobre 2011 invoquée par Locam est par ailleurs inapplicable à l’espèce.

En effet, Locam se qualifie de société de financement et dit exercer un service ayant trait à la banque et au crédit, ce qu’elle affirme sans justifier qu’elle est «’filiale à 100’% de la Caisse régionale Loire Haute Loire du Crédit agricole’», ni qu’elle est régie par le code monétaire et financier, ni qu’elle est «’agréée en tant que telle auprès de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) pour exercer à titre habituel l’activité de location avec option d’achat (crédit-bail)’», cette dernière circonstance étant en tous cas indifférente en l’espèce qui ne concerne pas un crédit-bail mais une location sans aucune option d’achat. Le contrat litigieux est un simple «’contrat de location de site web’» comme son libellé l’indique et comme le montrent ses stipulations moyennant paiement de loyers mensuels au propriétaire du bien qu’est en l’espèce Locam. Il ne correspond pas à une opération connexe à une opération de banque qui relèverait de la catégorie des services financiers.

Elle n’est pas plus concernée par l’autorisation des «’opérations de location simple de biens mobiliers’» visée à l’article L.311-2 du code monétaire et financier section II I 6. ou section II II, dès lors qu’elle ne démontre pas être un établissement de crédit ni une société de financement.

Elle n’établit pas plus que l’activité de location simple est assimilable à une opération connexe aux opérations de banque définie par l’article L.311-2 du code monétaire et financier.

Serco et Locam étaient en conséquence obligées de fournir préalablement à la souscription des contrats de manière lisible et compréhensible les informations visées à l’article L.121-17 relatif au droit de rétractation et notamment «’les conditions, le délai et les modalités d’exercice de ce droit ainsi que le formulaire type de rétractation…’», précision faite que le délai applicable est bien celui de 14 jours visé à l’article L.121-1.

Le contrat souscrit entre KDT et Serco comporte au pied du contrat de vagues mentions relatives à l’annulation de la commande, qui ne constituent pas l’information légale, mentions erronées de surcroît lorsqu’elles indiquent que l’annulation de commande est interdite à toute personne morale. Il reprend en conditions générales un extrait du code de la consommation visant les articles L.121-23 à L.123-26, inapplicables à la situation contractuelle de l’époque.

De la même façon, le contrat souscrit entre KDT et Locam ne stipule aucune mention d’information pré-contractuelle suivant les modalités requises.

Les deux contrats encourent donc l’annulation expressément ordonnée par l’article L.121-18-1.

La nullité entraînant l’effacement rétroactif du contrat, les parties doivent être remises dans leur situation initiale, y compris lorsque le contrat annulé a reçu un commencement d’exécution.

Sans plus ample discussion, notamment sur l’effet juridique du courrier de rétractation adressé par le conseil de KDT le 17 octobre 2016, les intimées sont déboutées de toutes leurs demandes et spécialement, Locam est déboutée de ses demandes en paiement à l’encontre de KDT et condamnée à lui restituer la somme de 1.079,79€, montant que Locam ne conteste pas avoir perçu et dont KDT justifie par des documents comptables.

Les entiers dépens sont imputés in solidum à Serco et Locam, qui doivent verser à KDT une indemnité de procédure sous la même modalité.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement déféré, statuant à nouveau et ajoutant,

Annule les contrats du 29 juin 2016 conclus entre les sociétés KDT et Serco d’une part, et entre les sociétés KDT et Locam d’autre part,

Condamne la société Locam à rembourser à la société KDT la somme de 1.079,79€,

Déboute en conséquence les sociétés Serco et Locam de toutes leurs demandes,

Condamne in solidum les sociétés Serco et Locam à verser à la société KDT une indemnité de procédure de 5.000€,

Condamne in solidum les sociétés Serco et Locam aux dépens de première instance et d’appel.

Le Greffier, Le Président,

 


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