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JP/CS
Numéro 23/2124
COUR D’APPEL DE PAU
2ème CH – Section 1
ARRET DU 20 juin 2023
Dossier : N° RG 22/00197 – N° Portalis DBVV-V-B7G-IDBQ
Nature affaire :
Prêt – Demande en remboursement du prêt
Affaire :
[C], [V] [L]
C/
S.A. FINANCO
Grosse délivrée le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R E T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 20 juin 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l’audience publique tenue le 9 mai 2023, devant :
Jeanne PELLEFIGUES, magistrat chargé du rapport,
assisté de Mme DENIS, Greffière présente à l’appel des causes,
Jeanne PELLEFIGUES, en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d’opposition a tenu l’audience pour entendre les plaidoiries, en présence de Marc MAGNON et en a rendu compte à la Cour composée de :
Madame Jeanne PELLEFIGUES, Présidente
Monsieur Marc MAGNON, Conseiller
Monsieur Philippe DARRACQ, Conseiller
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l’affaire opposant :
APPELANT :
Monsieur [C], [V] [L]
né le [Date naissance 1] 1974 à [Localité 6]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représenté par Me Julien CLAUDEL de la SCP LUZ AVOCATS, avocat au barreau de BAYONNE
Assisté de Me Christian HANUS, avocat au barreau de Lille
INTIMEE :
S.A. FINANCO
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée par Me Jean BAGET de la SCP CLAVERIE-BAGET ASSOCIES, avocat au barreau de PAU
Assistée de Me Mathieu SPINAZZÉ, avocat au barreau de Toulouse
sur appel de la décision
en date du 07 DECEMBRE 2021
rendue par le JUGE DES CONTENTIEUX DE LA PROTECTION DE BAYONNE
Par jugement contradictoire du 7 décembre 2021, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Bayonne a :
Prononcé la déchéance du droit aux intérêts,
Condamné [C] [L] à payer à la SA FINANCO la somme de 7433,33 € avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 24 janvier 2020,
Débouté [C] [L] de sa demande de dommages et intérêts,
Débouté [C] [L] de sa demande tendant à l’octroi d’un délai de grâce,
Condamné [C] [L] au paiement de la somme de 200 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
L’a condamné aux dépens.
Par déclaration du 21 janvier 2022 [C] [L] a interjeté appel de la décision.
[C] [L] conclut à :
Vu les articles L311-8 à L311-13 du Code de la Consommation,
Vu l’article L311-33 du Code de la Consommation,
Vu l’article 1231-1 du Code Civil,
Vu les pièces versées aux débats,
– Déclarer recevable et bien fondé l’appel de Monsieur [C] [L],
– Confirmer le jugement en ce qu’il a prononcé la déchéance du droit aux intérêts et fixé
la créance de FINANCO au titre du prêt litigieux à hauteur de 7433.33 €, outre intérêt
légal à compter du 24 janvier 2020,
– Débouter la société FINANCO de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
– Juger que la société FINANCO a commis une faute dans l’octroi du crédit litigieux,
– Infirmer le jugement en ce qu’il a débouté Monsieur [L] de sa demande de dommages et intérêts, de sa demande tendant à l’octroi d’un délai de grâce et l’a condamné à 200 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile et aux dépens,
– Condamner la société FINANCO à payer à Monsieur [C] [L] la somme de
7433.33 € à titre de dommages et intérêts, montant équivalent à celui que le Tribunal a fixé après déchéance du droit aux intérêts,
– Ordonner la compensation,
Si après compensation il restait à charge de Monsieur [C] [L] quelconque
somme d’argent,
Vu l’article 1343-5 du Code Civil,
– Accorder à Monsieur [C] [L] un délai de grâce de 2 ans
– Dire n’y avoir lieu à article 700 du Code de Procédure Civile
– Laisser les dépens à la charge de FINANCO
La SA FINANCO conclut à :
Rejetant toutes conclusions contraires comme injustes et mal fondées,
Vu l’article 1134 du Code civil,
Vu l’article 1343-5 du Code civil,
Vu les articles L.311-9 et L311-11 et suivants du Code de la
Consommation,
Vu l’article 700 et 909 du Code de procédure civile,
Vu la jurisprudence susvisée,
Vu les pièces versées aux débats,
Il est demandé à la Cour d’appel de Pau de :
– CONFIRMER le jugement du Juge des contentieux de la protection du Tribunal Judiciaire de Bayonne en date du 7 décembre 2021 (RG 11-20-000329) en ce qu’il a :
– DEBOUTÉ Monsieur [C] [L] de sa demande de dommages et intérêts ;
– DEBOUTÉ Monsieur [C] [L] de sa demande tendant à l’octroi d’un délai de grâce ;
– CONDAMNÉ Monsieur [L] au paiement de la somme de 200€ sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
– INFIRMER le jugement du Juge des contentieux de la protection du Tribunal Judiciaire de Bayonne en date du 7 décembre 2021 (RG 11-20-000329) en ce qu’il a :
– PRONONCÉ la déchéance du droit aux intérêts ;
– REFORMER le jugement du Juge des contentieux de la protection du Tribunal Judiciaire de Bayonne en date du 7 décembre 2021 (RG 11-20-000329) en ce qu’il a :
– CONDAMNÉ Monsieur [C] [L] à payer à la SA FINANCO la somme de 7 433,33 euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 24 janvier 2020.
Et statuant à nouveau :
– CONDAMNER Monsieur [C] [L] à payer à la Société FINANCO la somme de 8 292.30€, majorée des intérêts au taux contractuel de 3.83% depuis le 30 septembre 2020
– DEBOUTER Monsieur [C] [L] de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions
– CONDAMNER Monsieur [C] [L] à payer à la SA FINANCO la somme de 1 500€ sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile
– CONDAMNER Monsieur [C] [L] aux entiers dépens d’appel
L’ordonnance de clôture est intervenue le 5 avril 2023.
SUR CE
La SA FINANCO a accordé à [C] [L] par contrat du 25 février 2019, un prêt d’un montant de 8000 €, remboursable en 48 mensualités moyennant un TEG de 3,9 %.
[C] [L] ayant cessé d’honorer ses remboursements, et toutes les demandes amiables de règlement étant demeurées vaines, notamment les courriers recommandés des 21 novembre 2019 et 24 janvier 2020, la SA FINANCO a obtenu une ordonnance d’injonction de payer rendue le 12 juin 2020 enjoignant à [C] [L] de payer à la SA FINANCO la somme de 8196 €.
Par déclaration du 3 août 2020, [C] [L] a formé opposition à cette ordonnance.
Par jugement dont [C] [L] a interjeté appel , la banque a été déchue du droit aux intérêts et [C] [L] condamné à lui payer la somme de 7433,33 € avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 24 janvier 2020.
La SA FINANCO a formé appel incident au jugement.
Sur la déchéance du droit aux intérêts:
Aux termes de l’ancien article L311-12 du code de la consommation, actuellement L 312-19, le consommateur dispose d’un droit de rétractation de 14 jours calendaires à compter de l’acceptation de l’offre de crédit.
Afin de permettre l’exercice du droit de rétractation, le professionnel doit joindre au contrat : « un formulaire détachable» permettant au consommateur de se rétracter suivant les dispositions de l’article L312-21 nouveau, anciennement article L311-12 applicable à l’espèce.
La SA SOFINCO considère que la signature de l’emprunteur, apposée sous une formule par laquelle l’intéressé déclare rester en possession d’un exemplaire de l’offre dotée d’un formulaire détachable de rétractation suffit à démontrer la remise de ce formulaire par le prêteur. Elle cite plusieurs décisions émanant de cours d’appel et en déduit que la charge de la preuve ayant été inversée, il appartient à [C] [L] de verser au débat un exemplaire de l’offre resté en sa possession. Devant sa carence probatoire il ne saurait être prononcé la déchéance du droit aux intérêts.
[C] [L] sollicite la confirmation du jugement sur la déchéance du droit aux intérêts.
L’ancien article L311-48 du code de la consommation applicable avant l’ entrée en vigueur de la loi du 17 juillet 2019,(Actuellement article L341-4 du code de la consommation) sanctionne, par la déchéance du droit aux intérêts, le prêteur qui accorde un crédit sans remettre à l’emprunteur un contrat auquel est joint un formulaire détachable permettant l’exercice du droit de rétractation.
La Cour de cassation admettait que le prêteur apportait la preuve de la remise du formulaire de rétractation à l’emprunteur dès lors que ce dernier avait signé le contrat dont une clause indiquait qu’il reconnaissait que le bordereau lui avait été transmis.
Dans un arrêt du 21 octobre 2020, la Cour de cassation a opéré un revirement de jurisprudence par cet attendu suivant lequel : « Il incombe au prêteur de rapporter la preuve de ce qu’il a satisfait à ses obligations pré-contractuelles ,’ la signature par l’emprunteur de l’offre préalable comportant une clause selon laquelle il reconnaît que le prêteur lui a remis le bordereau de rétractation constitue seulement un indice qu’il incombe à celui-ci de corroborer par un ou plusieurs éléments complémentaires. »
En l’espèce,la SA SOFINCO se borne à présenter l’offre de contrat signée par l’emprunteur au-dessus de laquelle figure une mention type suivant laquelle il reconnaît avoir eu accès à un exemplaire de cette offre formulaire détachable de rétractation. Le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a décidé que la SA SOFINCO ne justifiait pas avoir ainsi accompli l’obligation de remise à l’emprunteur des documents obligatoires lors de la phase pré-contractuelle et en ce qu’il a prononcé la déchéance du droit aux intérêts de la SA SOFINCO.
[C] [L] sera donc condamné à payer à la SA SOFINCO la somme de 7433,33 € avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 24 janvier 2020.
Sur la faute commise par la SA SOFINCO pour manquement à son devoir de mise en garde :
L’article L312-16 du code de la consommation prévoit qu’avant de conclure le contrat de crédit, le prêteur vérifie la solvabilité de l’emprunteur à partir d’un nombre suffisant d’informations y compris des informations fournies par ce dernier à la demande du prêteur.
La banque n’ est tenue à un devoir de mise en garde qu’à l’égard d’un emprunteur non averti lorsque au jour de son engagement, il existe un risque d’endettement excessif du fait de l’inadaptation de l’engagement aux capacités financières de l’emprunteur. S’agissant de l’appréciation de la situation financière, c’est au moment où le prêt est envisagé que la banque doit vérifier, au moyen des informations qui lui ont été déclarées par l’emprunteur ou qu’ elles a recueillies que ses capacités financières sont adaptées au crédit qu’elle propose.
[C] [L] considère que la banque a commis une faute lors de l’octroi de ce crédit qui a été consenti avec légèreté blâmable sans aucune vérification alors que la banque aurait dû approfondir les raisons pour lesquelles il sollicitait cet emprunt de 8000 € alors qu’il avait déjà obtenus plus de 16 000 €. Selon lui l’établissement financier ne peut accorder un emprunt sans se renseigner sur la nature du projet pour conseiller au mieux et ainsi procéder à la vérification de l’absence de risque anormal.
L’ établissement bancaire fait valoir que les revenus et la situation de l’intéressé tels qu’ils ressortaient de ses propres déclarations lui permettaient de faire face aux échéances du crédit octroyé et que la consultation du FICP n’indiquait aucune anomalie particulière. D’autre part sur sa fiche de dialogue, [C] [L] déclarait un revenu total de 3200 € nets mensuels et indiquait que le total de ses charges s’élevait à 200 € par mois. Ces déclarations ont été vérifiées par des éléments de solvabilité. Dès lors il n’existait aucun risque d’endettement excessif pour des échéances de remboursement d’un montant de seulement 180 € par mois.
L’obligation de mise en garde de la banque s’applique vis-à-vis d'[C] [L], emprunteur non averti. Cette obligation consiste à prévenir l’emprunteur s’il y a risque d’endettement excessif mais ne porte pas sur les risques de l’opération financée par le prêt. La banque est en effet tenue d’un devoir de mise en garde de l’emprunteur sur le risque d’endettement lié à l’octroi du prêt mais pas sur l’opportunité ou les risques de l’opération financée par le prêt.
En l’espèce la SA FINANCO justifie, par la production de la fiche de dialogue, avoir sollicité tous les renseignements utiles de la part d'[C] [L] sur sa situation pécuniaire. Il a ainsi déclaré être cadre de la fonction publique avec un salaire net mensuel de 3200 € et des charges mensuelles de 200 € lui permettant d’assumer le remboursement d’une mensualité de 180,02 €. La SA FINANCO a également consulté le fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers.
Il n’appartenait pas à la banque de vérifier l’exactitude des renseignements qui ont été communiqués et ,selon ces renseignements, les revenus et la situation d'[C] [L] lui permettaient de faire face au remboursement de ce crédit.
La demande de dommages et intérêts d'[C] [L] consistant à demander une somme équivalente au montant de la condamnation de 7433,33 € sera donc rejetée en l’absence de démonstration d’une faute commise par l’établissement de crédit pour manquement à son devoir de mise en garde dont l’indemnisation porte sur la perte de chance éventuelle et n’est de toute façon pas équivalente au total des sommes dues.
Le jugement déféré sera donc également confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de dommages-intérêts d'[C] [L].
Sur la demande de délais :
[C] [L] expose les difficultés financières qui sont les siennes et sollicite un délai de deux ans dans l’attente des jugements ou arrêts relatifs aux crédits impayés litigieux afin de fixer le montant total dû lui permettant de recourir à un prêt global de rachat de toutes les condamnations qui en résulteraient.
Ces éléments ne suffisent pas à pouvoir lui octroyer un délai de grâce au sens de l’article 1343-5 du Code civil, faute pour [C] [L] de formuler un engagement précis de règlement de nature à permettre un report ou un échelonnement de sa dette.
Le jugement déféré sera donc confirmé également en ce qu’il a rejeté ce chef de demande et dans son intégralité.
La somme de 500 € sera accordée à la SA FINANCO sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
y ajoutant
Condamne [C] [L] à payer à la SA FINANCO la somme de 500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Dit [C] [L] tenu aux dépens.
Le présent arrêt a été signé par Madame PELLEFIGUES, Présidente, et par Madame Catherine SAYOUS, greffier suivant les dispositions de l’article 456 du Code de Procédure Civile.
LA GREFFIÈRE, LE PRÉSIDENT,