Droit de rétractation : 2 juin 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 19/07934

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Droit de rétractation : 2 juin 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 19/07934
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Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 9 – A

ARRÊT DU 02 JUIN 2022

(n° , 9 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/07934 – N° Portalis 35L7-V-B7D-B7XCX

Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 mars 2019 – Tribunal d’Instance de PARIS – RG n° 11-18-213051

APPELANTE

La société LOCAM – LOCATION AUTOMOBILES MATERIELS, SAS agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège

N° SIRET : 310 880 315 00471

[Adresse 3]

[Adresse 3]

représentée et assistée de Me Guillaume MIGAUD de la SELARL ABM DROIT ET CONSEIL AVOCATS E.BOCCALINI & MIGAUD, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC129

INTIMÉS

Monsieur [T] [P]

né le [Date naissance 1] 1986 à [Localité 5] (94)

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représenté par Me Henry PICOT DE MORAS D’ALIGNY de l’AARPI Cabinet PdA, avocat au barreau de PARIS, toque : E1032

substitué à l’audience par Me Camille BRETEAU de l’AARPI Cabinet PdA, avocat au barreau de PARIS, toque : E1032

La société CITYCARE, société par actions simplifiée représentée par Monsieur [B] [X] en sa qualité de président

N° SIRET : 792 780 728 00020

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

représentée et assistée de Me Dominique PIGOT de la SCP PIGOT SEGOND – ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0172

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 12 avril 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère, chargée du rapport

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Christophe BACONNIER, Président de chambre

Mme Fabienne TROUILLER, Conseillère

Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère

Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par M. Christophe BACONNIER, Président et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans le cadre d’un démarchage à domicile par un commercial de la société Citycare et par acte sous seing privé en date du 12 octobre 2017, Mme [T] [P], infirmière libérale, a souscrit auprès de la société Location Automobile Matériels ci-après dénommée société Locam, un contrat de location d’une durée de 60 mois portant sur un défibrillateur automatique externe (DAE) et ses accessoires dont le loyer mensuel était fixé à la somme de 119 euros HT soit 142,80 euros TTC outre la somme de 6,43 euros au titre de l’assurance bris de machine soit la somme totale de 149,23 euros.

Un procès-verbal de livraison a été signé par Mme [P] le 20 octobre 2017 avec la société Citycare, fournisseur du matériel.

Par courrier recommandé du 5 novembre 2017 posté le 13 novembre 2017 Mme [P] a souhaité faire jouer sa possibilité de rétractation de 14 jours tout en invoquant un délai porté à 12 mois en l’absence de remise d’un bordereau de rétractation.

Par courrier du 15 novembre 2017, la société Citycare a contesté l’application de la loi Hamon aux contrats souscrits avec des établissements financiers tels la société Locam, et a proposé à Mme [P] de résilier le contrat selon les stipulations contractuelles.

Mme [P] a maintenu sa demande de rétractation par courrier du 23 novembre 2017 et le 26 mars 2018, la société Locam a mis l’intéressée en demeure de régulariser le contrat en payant la somme de 164,83 euros sous peine de déchéance du terme du contrat.

Le 15 mars 2018, Mme [P] a fait assigner les sociétés Locam et Citycare devant le tribunal d’instance de Paris aux fins de condamnation de la société Locam à lui rembourser les loyers versés et les frais, au regard de l’exercice de son droit de rétractation sur le fondement du code de la consommation.

Le tribunal d’instance de Paris, par jugement réputé contradictoire rendu le 18 mars 2019 auquel il convient de se reporter, a :

– dit que le contrat souscrit hors établissement ne relevait pas du champ d’activité principale de Mme [P] et qu’elle a valablement exercé son droit de rétractation,

– dit que Mme [P] n’était pas tenue au versement des mensualités et a donc rejeté la demande en résolution du contrat,

– condamné la société Locam à payer à Mme [P] la somme de 697,98 euros au titre des loyers outre la somme de 24,90 euros au titre des frais de restitution avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation,

– constaté que Mme [P] a restitué le matériel à la société Citycare le 13 novembre 2017,

– déclaré la société Locam irrecevable à agir en restitution du matériel,

– débouté la société Locam de sa demande en paiement avec anatocisme,

– condamné les sociétés Locam et Citycare in solidum à payer à Mme [P] la somme de 1 200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

Le tribunal a retenu que l’objet du contrat n’entrait pas dans le champ de l’activité principale de la défenderesse de sorte que le droit de la consommation était applicable et notamment les articles L. 221-3, L. 221-5 et L. 221-20, L. 221-23 et L. 221-27 dudit code. Il a considéré que Mme [P] avait légitimement fait jouer la faculté de rétractation.

Par une déclaration remise le 12 avril 2019, la société Locam a relevé appel de cette décision.

Aux termes de conclusions remise par voie électronique le 5 octobre 2021, elle demande à la cour :

– de la dire recevable et bien fondée en ses demandes et de débouter Mme [P] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

– en conséquence, d’infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

– de condamner Mme [P] au paiement de la somme de 9 192,56 euros et ce avec intérêts à un taux égal au taux appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage (article L. 441-6 du code de commerce) et ce, à compter de la mise en demeure en date du 26 mars 2018,

– d’ordonner l’anatocisme des intérêts en application des dispositions de l’article 1343-2 du code civil,

– d’ordonner la restitution du matériel objet du contrat et ce, sous astreinte par 50 euros par jour de retard à compter de la date de la présente assignation,

– de condamner Mme [P] au paiement de la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile outre la prise en charge des dépens.

L’appelante conteste l’application des dispositions du droit de la consommation et soutient que le contrat de location est expressément soumis au code monétaire et financier en ce que la société Locam est une société de financement agréée auprès de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution et soumise en tant que telle au code monétaire et financier. Elle rappelle que l’article L. 311-2 dudit code autorise les établissements de crédit à effectuer des opérations de location simple de biens mobiliers.

Elle estime que le contrat a bien été souscrit pour les besoins d’une activité professionnelle puisqu’il a pour objet un défibrillateur permettant à Mme [P], infirmière, d’exercer son activité visant à maintenir ou restaurer la santé de ses patients, le matériel étant installé dans ses locaux professionnels. Elle estime que dans ces conditions, il n’est pas prévu de possibilité de rétractation.

Elle affirme que Mme [P] a remis le matériel à un tiers au contrat de location et qu’en sa qualité de détenteur au titre du contrat de location, elle ne pouvait que le restituer à la société Locam seule propriétaire. Elle ajoute que Mme [P] ne peut prétendre ne pas savoir qui est le propriétaire du matériel et que le tribunal ne pouvait reprocher à la bailleresse de ne pas avoir actionné la société Citycare tant il est constant qu’il appartenait à Mme [P] de récupérer le matériel entre les mains du tiers à qui elle l’avait remis.

Elle sollicite le paiement des sommes dues sur le fondement de l’article 12 du contrat de location qui prévoit que le contrat de location peut être résilié de plein droit par le loueur, sans aucune formalité judiciaire, huit jours après une mise en demeure restée sans effet en cas de non-paiement d’un loyer. Elle indique que Mme [P] a cessé de régler les loyers le 10 mars 2018. Elle s’estime bien fondée en sa demande de restitution du matériel au titre de l’article 15 des conditions générales du contrat de location.

Par des conclusions remises par voie électronique en date du 17 novembre 2021, la société Citycare demande à la cour de :

– d’infirmer le jugement en ce qu’il l’a condamnée in solidum avec la société Locam aux dépens et à la somme de 1 200 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile,

– de déclarer irrecevable comme nouvelle en appel la demande de Mme [P] tendant à voir la société Citycare condamnée à la relever et garantir de la condamnation en restitution du DAE qui serait éventuellement prononcée à son encontre,

– de déclarer irrecevable comme nouvelle en appel la demande de Mme [P] tendant à voir le contrat de location jugé nul au motif que son consentement aurait été vicié par le dol,

– statuant à nouveau, de débouter Mme [P] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions à son encontre,

– de condamner Mme [P] à lui payer la somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

Elle fait observer que la société Citycare est étrangère au litige et n’était pas visée par les demandes de Mme [P] de sorte que c’est de manière injustifiée que cette dernière a sollicité et obtenu la condamnation in solidum des deux sociétés au dépens et à lui rembourser ses frais d’avocat.

Elle invoque l’article 564 du code de procédure civile pour solliciter l’irrecevabilité de la demande de garantie, nouvelle en appel et de la demande en nullité du contrat pour dol.

Elle estime que le code de la consommation est inapplicable en l’espèce et que l’utilisation d’un défibrillateur cardiaque entre manifestement dans le champ d’activité d’une infirmière. Elle note que l’article L. 221-2 4° du code de la consommation exclut l’existence d’un droit de rétractation pour les contrats portant sur des services financiers.

Par des conclusions remises par voie électronique en date du 18 octobre 2021, Mme [P] demande à la cour de :

– confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

– de dire et juger que le contrat de location n’entre pas dans le champ de son activité principale d’infirmière et est donc soumis aux dispositions du code de la consommation,

– de dire et juger valable le droit de rétractation exercé par elle,

– à titre subsidiaire, de dire et juger que son consentement a été vicié par dol et en conséquence, juger le contrat de location nul,

– en tout état de cause, condamner la société Locam à lui rembourser l’intégralité des loyers versés au jour du jugement, soit la somme mensuelle de 149,23 euros à compter du 10 novembre 2017 outre la somme de 101,06 euros pour la période antérieure, soit la somme totale de 697,98 euros, outre la somme de 24,90 euros au titre des frais engendrés par la restitution du matériel,

– de débouter la société Locam de sa demande de restitution sous astreinte devenue sans objet,

– subsidiairement au titre de la restitution, de condamner la société Citycare à la relever et garantir de la condamnation de restitution du DAE qui serait éventuellement prononcée à son encontre,

– de débouter la société Locam de l’intégralité de ses demandes ou à tous le moins réduire à de plus justes proportions les sommes allouées à la société Locam dont le préjudice est très limité,

– de condamner les deux sociétés aux entiers dépens et au paiement de la somme de 2 520 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient que la demande en garantie formée contre la société Citycare est recevable car elle tend aux mêmes fins que de voir la société Locam déboutée de sa demande de restitution du défibrillateur.

Elle estime que sa demande d’annulation du contrat pour dol est recevable en ce qu’une action en nullité n’est pas contraire à une action visant à voir juger recevable une rétractation et qu’il n’existe aucune contradiction.

Visant l’article L. 221-3 du code de la consommation, l’intimée soutient que la location d’un défibrillateur automatique n’entre pas dans le champ de son activité principale d’infirmière. Elle estime qu’il s’agit d’un contrat de louage ne relevant ni d’une opération de banque, ni de crédit, ni d’assurance et n’entre pas dans la définition du service financier. Elle ajoute que la jurisprudence de 2015 citée par la société Locam n’est pas pertinente en ce qu’elle se référait alors au rapport direct entre le contrat et l’activité, notion qui a disparu avec la nouvelle formulation de l’article L. 221-3.

Elle invoque l’article L. 221-5 du code de la consommation pour relever qu’aucune information sur le droit à rétractation n’a été portée à sa connaissance et qu’elle disposait donc d’un délai d’un an pour se rétracter. Elle maintient avoir restitué le matériel à Citycare.

Elle dénonce à titre subsidiaire les man’uvres dolosives du commercial de la société Citycare qui a fait croire à une jeune infirmière nouvellement installée qu’elle était légalement tenue de se faire doter d’un défibrillateur.

Elle fait valoir que la somme réclamée est manifestement excessive, que le taux d’intérêt demandé n’est pas celui prévu au titre des pénalités de retard au regard des stipulations contractuelles. Elle indique que l’indemnisation du créancier est fixée en fonction de son préjudice réel, lequel est très limité puisque le matériel a été restitué un mois après la conclusion du contrat de location, qu’il n’a jamais été utilisé et est en parfait état.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 7 décembre 2021 et l’affaire a été appelée à l’audience du 12 avril 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur les fins de non-recevoir

En application de l’article 564 du code de procédure civile, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.

L’article 565 du même code précise que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.

Mme [P] soutenait déjà en première instance que le défibrillateur était en la possession de la société Citycare, que la demande en restitution était sans objet et que la société Locam devait diriger sa demande à l’encontre de la société Citycare.

La demande de Mme [P] formée à titre subsidiaire en cause d’appel, vise à condamner la société Citycare à la relever et garantir de la condamnation de restitution qui serait éventuellement prononcée à son encontre. Elle tend donc aux mêmes fins que celle soumise au premier juge au sens de l’article susvisé et doit donc être déclarée recevable.

Mme [P] forme pour la première fois en cause d’appel, à titre subsidiaire, une demande d’annulation du contrat de location sur le fondement du dol.

Devant le premier juge, Mme [P] a sollicité à titre principal de la dire bien fondée dans sa rétractation et en conséquence de voir ordonner la résolution du contrat de location avec restitution des sommes versées.

Les demandes en annulation ou en résolution du contrat ont toutes deux pour objet l’anéantissement du contrat de sorte qu’elles doivent être considérées comme tendant aux mêmes fins au sens de l’article 565 du code de procédure civile.

La fin de non-recevoir soulevée à ce titre doit être déclarée irrecevable.

Sur l’existence d’un droit de rétractation

A l’appui de sa demande, la société Locam produit le contrat de location signé le 12 octobre 2017, le procès-verbal de réception et de conformité du 20 octobre 2017, la facture Citycare du 24 octobre 2017, la facture unique de loyers du 25 octobre 2017, la lettre recommandée de mise en demeure du 26 mars 2018 réceptionnée par Mme [P] le 28 mars 2018 et un justificatif de paiement de la facture.

Pour s’opposer à cette demande, Mme [P] soutient qu’elle a valablement fait usage de son droit de rétractation, qu’elle a restitué le matériel par envoi colissimo daté du 13 novembre 2017 adressé à la société Citycare, qu’elle n’a pas été informée de son droit de rétractation, de ses modalités ou des frais engendrés, que son consentement n’a pas été valablement donné au regard des man’uvres dolosives du démarcheur.

Il n’est pas contesté par les parties que le contrat de location a été signé à la suite d’un démarchage à domicile de Mme [P], infirmière libérale, par un commercial de la société Citycare.

En application de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014, le droit de rétractation a été rallongé et étendu au professionnel dans certaines conditions.

Aux termes de l’article L. 221-18 du code de la consommation, le consommateur dispose d’un délai de quatorze jours pour exercer son droit de rétractation d’un contrat conclu hors établissement.

Ces dispositions sont destinées à faire respecter la loyauté en matière de démarchage à domicile, lieu où le consentement du consommateur privé de tout repère est facilement surpris.

Les articles L. 221-1 à L. 221-3 du code de la consommation prévoient que les dispositions relatives à l’obligation d’information précontractuelle, aux contrats conclus hors établissement et au droit de rétractation sont étendues aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l’objet de ces contrats n’entre pas dans le champ de l’activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq.

Le dispositif de protection est ainsi étendu au bénéfice de professionnels dont la vulnérabilité est assimilée à celle de consommateurs, sous certaines conditions.

Il convient de rappeler qu’aucun texte n’impose aux infirmiers exerçant à titre libéral de disposer d’un défibrillateur, lequel ne constitue donc pas un équipement nécessaire ou spécifique à l’exercice de cette profession.

Mme [P] exerce depuis le mois de septembre 2017 une activité d’infirmière libérale. Elle précise qu’au moment du démarchage en octobre 2017, elle venait donc de s’installer.

En l’espèce, contrairement à ce que soutient l’appelante, le contrat de location d’un DAE n’entre pas dans le champ de l’activité principale d’une infirmière libérale qui n’a aucun salarié et dont l’activité vise à effectuer des soins en cabinet ou au domicile de ses patients. En l’occurrence, l’utilisation d’un DAE relève plus d’un geste de secours, réalisable par un professionnel ou par un non-professionnel, que d’un soin, comme le prétend l’appelante. Il s’agit d’un dispositif médical de secours utilisable par toute personne au regard des dispositions du décret n° 2007-705 du 4 mai 2017 relatif à l’utilisation d’un DAE.

Il n’est pas possible de déduire de l’installation du matériel dans un local professionnel ou de l’apposition d’un cachet professionnel sur le contrat ou encore de la déductibilité fiscale du montant de la location que le contrat litigieux entre dans le champ de l’activité principale de Mme [P].

La mention prévue au contrat selon laquelle le locataire « atteste que le contrat est en rapport direct avec son activité professionnelle et souscrit pour les besoins de cette dernière » est non seulement démentie par les faits mais ne saurait faire obstacle aux dispositions protectrices du code susvisé qui ne visent que « l’activité principale ».

Il convient de rappeler que toute clause qui aurait pour effet de faire échec au droit de rétractation est réputée non écrite.

Enfin, il n’est pas démontré en quoi le contrat litigieux relèverait entrerait dans la définition du service financier au sens du code monétaire et financier.

Dès lors, c’est à juste titre que le premier juge a considéré que Mme [P] devait bénéficier d’un droit de rétractation tel que prévu à l’article L. 221-3 du code de la consommation.

Les dispositions de l’article L. 221-5 du même code prévoient que le professionnel communique au consommateur de manière lisible et compréhensible les conditions, le délai et les modalités d’exercice du droit de rétractation lorsqu’il existe, ainsi que le formulaire de rétractation dont les conditions de présentation et les mentions qu’il contient sont fixées par décret en Conseil d’Etat.

En cas de non-respect de ces dispositions, l’article L. 221-20 du même code prévoit la prolongation du délai de rétractation de 12 mois à compter de l’expiration du délai de rétractation initial.

Il résulte de ce qui précède que Mme [P] n’a reçu aucune information sur l’existence et les modalités d’un droit de rétractation de sorte qu’elle pouvait exercer ce droit jusqu’au 26 octobre 2018, soit dans le délai d’un an et 14 jours à compter du contrat.

La cour ne peut que constater qu’en adressant le 5 novembre 2017, soit dans le délai susvisé, un courrier recommandé à la société Locam pour faire valoir son droit de rétractation et en restituant le matériel par colissimo, Mme [P] a exercé discrétionnairement et valablement son droit de rétractation.

Il ressort des pièces produites que le colis adressé le 13 novembre 2017 a été réceptionné par la société Citycare comme en atteste le courrier qu’elle a adressé à la locataire le 15 novembre 2017.

Ni la société Citycare, ni la société Locam ne justifient avoir informé Mme [P] sur les modalités de restitution du matériel ou sur les coûts en résultant, ces deux sociétés se contentant par courriers des 15 novembre 2017, 1er décembre 2017 et 18 décembre 2017 de contester à la locataire tout droit de rétractation.

C’est donc de parfaite bonne foi et dans le cadre de l’exercice de son droit de rétractation que Mme [P] a procédé à la restitution du matériel objet du contrat à la société Citycare qui lui avait délivré le matériel le 20 octobre 2017.

L’exercice par la locataire de son droit de rétractation entraînant l’anéantissement du contrat, il convient donc de confirmer le jugement en ce qu’il a débouté Mme [P] de sa demande de résolution, et condamné la société Locam au paiement des sommes de 697,98 euros au titre des loyers payés avec intérêts au taux légal et de 24,90 euros au titre des frais de restitution exposés par Mme [P].

Les autres dispositions du jugement sont également confirmées en ce qu’elles constatent la restitution du matériel, et déboute la société Locam de l’intégralité de ses demandes.

La société Citycare a été condamnée en première instance in solidum avec la société Locam aux dépens de l’instance ainsi qu’au paiement des frais irrépétibles de Mme [P] à hauteur de 1 200 euros. Il convient d’infirmer cette condamnation puisque Mme [P] ne formulait aucune prétention à l’encontre de la société Citycare et de dire que seule la société Locam est tenue aux dépens de première instance et à la condamnation au titre des frais irrépétibles y compris en cause d’appel. La demande de condamnation in solidum des deux sociétés formées à ce titre par Mme [P] doit par conséquent être rejetée.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement sauf en ce qui concerne la condamnation aux dépens et sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau,

Y ajoutant,

Condamne la société Locam aux dépens de première instance ;

Condamne la société Locam à payer à Mme [T] [P] la somme de 1 200 euros au titre des frais irrépétibles de première instance sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Rejette le surplus des demandes ;

Condamne la société Locam aux dépens d’appel ;

Condamne la société Locam à payer à Mme [T] [P] la somme de 1 200 euros au titre des frais irrépétibles d’appel sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La greffièreLe président

 


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